Examen de la politique agricole du Japon

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Examen de la politique agricole du Japon
Examen de la politique agricole du Japon
Série : Note d’information sur les pays d’intérêt pour le Canada. La présente note s’inspire
d’analyses effectuées par plusieurs organismes énumérés à la page 6.
Aperçu
Riche de quelque 125 millions d’habitants, le
Japon est un grand importateur de produits
agricoles. Son relief montagneux limite les
superficies cultivables et la surface cultivée
est d’environ 4,8 millions d’hectares. Les
exploitations agricoles sont de petite taille (à
peine plus de 1,5 hectare en moyenne).
Japon a traditionnellement mises en œuvre
pour soutenir son secteur agricole. Elle
décrit ensuite les dernières initiatives
politiques qui semblent marquer une
évolution vers un cadre plus souple. Pour
finir, elle présente quelques changements
susceptibles de se produire dans la
structure de l’agriculture japonaise en raison
des mouvements démographiques.
Figure 1 : Estimation de l’aide aux producteurs
par pays, 2003 - 2005
70
%
de
la
val
eu
r
aju
sté
e
60
de
la
pr
od
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ion
50
40
30
20
10
0
Japon
UE
OCDE
Canada
États-Unis
Australie
NouvelleZélande
Source : OCDE (2006).
(2006)
Le Japon offre aux producteurs agricoles un
niveau d’aide qui compte parmi les plus
élevés de l’OCDE (figure 1). Cette situation
s’explique en partie par des préoccupations
de sécurité alimentaire et le souvenir des
années de disette qu’a connu le pays
pendant et après la Deuxième Guerre
mondiale. Le ministère japonais de
l’Agriculture, des Forêts et des Pêches a eu
recours à un ensemble de mesures
frontalières et de politiques intérieures, dont
les paiements budgétaires directs, la
réglementation et les processus
administratifs obligatoires, afin de soutenir la
production nationale.
La présente note d’information donne en
premier lieu un aperçu des politiques que le
Politiques agroalimentaires
intérieures
Les politiques japonaises visant les produits
de base se répartissent en plusieurs
catégories : contingentement de la
production, stabilisation du revenu,
paiements compensatoires, détournement
du riz, subventions aux assurances contre
les risques et constitution de réserves. Ces
politiques sont décrites brièvement dans les
paragraphes qui suivent.
La production de lait de consommation et de
transformation est contingentée. Le
« Conseil de l’industrie laitière du Japon »
administre les contingents applicables au lait
de consommation, qui ont pour objet le
2
contrôle de la production laitière afin de
stabiliser les prix du marché. Une entreprise
commerciale d’État, l’Agriculture and
Livestock Industries Corporation (Société
des industries de l’agriculture et de
l’élevage), administre le contingentement du
lait de transformation destiné à la production
de beurre et de poudre de lait. Les
agriculteurs participants reçoivent un
paiement direct pour chaque litre de lait
relevant de leur contingent. Des
contingentements distincts visent le lait de
transformation utilisé pour la production de
fromage et de crème.
Le Japon a adopté des politiques de
stabilisation qui s’appliquent aux produits de
base vers la fin des années 1990 en
s’appuyant sur des programmes déjà en
place pour les légumes et les fruits. Ces
politiques indemnisent les agriculteurs d’une
partie des pertes qu’ils subissent lorsque les
prix du marché de l’exercice courant sont
inférieurs à une moyenne mobile des prix
passés. De telles politiques existent pour les
fruits, les légumes, le riz, le soja, le lait et
d’autres produits. Comme les cours
agricoles sont en décroissance depuis
quelque temps déjà, les moyennes mobiles
évoluent aussi à la baisse.
Par des paiements compensatoires, on
prend en charge la totalité ou une partie de
la différence entre un prix cible et le prix réel
du marché de l’exercice courant. Un tel
régime existe pour les veaux de boucherie,
le soja et le porc.
Comme la demande de riz est statique et
que le rendement de la riziculture est élevé
et soutenu par les pouvoirs publics, la
production menace de dépasser la
consommation presque chaque année. Pour
remédier à cette situation et éviter les
problèmes d’élimination d’excédents de riz,
le Japon a créé un programme de
« détournement du riz » où on paie les
agriculteurs pour qu’ils cultivent dans leur
rizière autre chose que le riz destiné à
l’alimentation humaine. Les paiements
accordés en vertu de ce programme varient
selon les cultures ou l’utilisation des terres
que choisit l’agriculteur. Ils peuvent se
révéler appréciables et le maximum par
hectare s’élève à 6 933 $ pour les
exploitations dont la taille dépasse un
certain minimum. Ce sont des paiements
annuels qui s’ajoutent aux subventions
visant les cultures autres que la riziculture.
Bien des agriculteurs ensemencent leur
rizière de riz, mais ont néanmoins droit à
des paiements de détournement parce qu’ils
récoltent non pas pour l’alimentation
humaine, mais plutôt pour la production
d’engrais vert et d’aliments pour animaux, et
qu’ils cultivent des riz particuliers à des fins
industrielles ou autres.
Bien des activités de culture et d’élevage
profitent de régimes d’assurance
subventionnés par l’État qui indemnisent en
cas de mauvaise récolte ou de maladie du
bétail. La participation est volontaire et les
garanties varient selon les activités de
production végétale ou animale. D’ordinaire,
l’État acquitte en partie les primes et fait de
la réassurance si les demandes
d’indemnisation viennent obérer les caisses
d’assurance locales.
Il n’y a plus de prix fixés par l’État dans la
plupart des cas, sauf pour la canne à sucre,
la betterave à sucre, la pomme de terre et la
patate douce pour la production d’amidon.
La production d’édulcorants à base
d’amidon de maïs ou de pomme de terre est
toujours contingentée.
Les entreprises commerciales d’État
tiennent des réserves de certains produits
d’alimentation humaine et animale,
notamment de riz, mais aussi de beurre, de
lait écrémé en poudre, de blé, de soja et de
maïs fourrager. Ces stocks sont censés être
écoulés et reconstitués d’une manière
ordonnée à des fins de sécurité alimentaire.
En outre, des interventions sont parfois
effectuées sur les marchés laitiers pour
stimuler les prix.
Mesures commerciales et
frontalières
Le Japon est le premier importateur net de
produits agroalimentaires dans le monde.
En 2005, 5,6 % de ses importations
agroalimentaires, qui s’élevaient à
68 milliards de dollars, provenaient du
Canada (figure 2).
3
Figure 2 : Parts nationales des importations
agroalimentaires du Japon (68 milliards CAD en 2005)
États-Unis
25,9 %
Autres
45,2 %
Chine
15,3 %
Canada
5,6 %
Australie
8,0 %
Source : World Trade Atlas.
Le Japon se sert de contingents tarifaires
(CT) pour protéger ses produits les plus
vulnérables : grain et farine de riz et de blé,
beurre, lait en poudre et sucre. Le
contingent correspond à une quantité fixe
d’un produit. Les importations qui se font
dans les limites du contingent commandent
un tarif plus bas et les importations hors
contingent sont frappées de tarifs beaucoup
plus élevés, presque tous si élevés qu’ils
deviennent prohibitifs pour le commerce. Le
gouvernement japonais assure un contrôle
encore plus ferme en confiant un certain
nombre de contingents importants à l’une de
deux entreprises commerciales d’État.
Au sein du ministère de l’Agriculture, des
Forêts et des Pêches, la division des
aliments jouit du droit exclusif d’importer du
riz, du blé et de l’orge dans les limites de
tels contingents. L’Agriculture and Livestock
Industries Corporation exerce aussi un droit
exclusif d’importer pour deux des plus
importants CT laitiers. Par l’intermédiaire
des entreprises commerciales d’État, le
gouvernement décide quelle quantité
importer, quand le faire et à quel prix pour la
revente sur le marché national. Les sociétés
d’État sont seules habilitées à importer dans
les limites de certains des contingents
attribués et les produits ainsi acquis sont
revendus sur le marché intérieur à des prix
nettement majorés.
Ces dernières années, le Japon a converti
une partie de ses contingents tarifaires en
fonction des « opérations achat-vente
simultanées » (AVS). Dans un régime AVS,
les sociétés respectivement soucieuses de
vendre et d’importer au Japon peuvent
présenter conjointement une soumission
pour importer une quantité déterminée de
marchandises. Elles proposent
conjointement un prix d’achat (à
l’exportateur) et un prix de vente (sur le
marché intérieur). L’entreprise commerciale
d’État (ECE) choisit les soumissions où
l’écart est le plus grand entre le prix d’achat
et le prix de vente et attribue les « quantités
déterminées » qui sont demandées à
condition que d’autres critères soient
respectés. L’ECE retient ensuite la
différence entre les prix en tant que marge.
Les régimes AVS n’évitent pas les
majorations de prix, mais ils permettent des
rapports plus directs entre les vendeurs et
les acheteurs. De tels régimes sont en place
pour le riz et pour le blé et l’orge fourragers.
Les politiques frontalières japonaises
protègent aussi certaines industries de
transformation. Le strict contrôle qu’exerce
l’État sur le blé, le riz et les produits du lait et
du sucre encourage la transformation de ces
produits de base. Les tarifs pratiqués sur les
huiles végétales créent des marges assez
élevées pour soutenir l’industrie nationale de
la trituration des graines de soja et de
canola. Malgré des mesures frontalières qui
protègent la mouture, le raffinage du sucre
et la production de beurre et de lait en
poudre, les importations japonaises
d’aliments de transformation et de boissons
ont augmenté.
Dernières initiatives politiques
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les
subventions japonaises à l’agriculture
présentent deux traits distinctifs : 1) les
montants versés varient selon les produits;
2) tous les agriculteurs y sont admissibles
indépendamment de la taille de leurs
exploitations. Les politiques antérieures
étaient source de sécurité sociale pour les
collectivités rurales parce qu’elles visaient à
combler l’écart de revenu entre les ménages
agricoles et les ménages urbains.
Cette orientation des politiques est
aujourd’hui contestée. La justification
historique de tels transferts s’atténue : en
moyenne annuelle, le revenu des ménages
agricoles dépasse quelque peu la moyenne
nationale (dans une proportion de 25 % à
30 %); de nos jours, on cultive à temps
partiel dans presque 80 % des cas et le
revenu provient aux deux tiers environ
d’activités menées en dehors de
4
l’exploitation. Comme les électeurs sont de
plus en plus conscients de cette situation, ils
ont fait pression pour que l’on modifie ces
politiques, financées à même leurs impôts,
par lesquelles on transfert des sommes
d’argent aux ménages agricoles, qui sont
relativement aisés.
produits de base au Japon. En 2004, le
coefficient d’aide nominale aux producteurs
de riz atteignait presque six, ce qui veut dire
que les producteurs japonais obtiennent des
prix six fois supérieurs aux cours mondiaux,
une fois pris en compte tous les moyens de
soutien et de protection.
En mars 2005, on a annoncé un nouveau
plan directeur pour l’alimentation,
l’agriculture et les régions rurales. Un de ses
éléments importants est l’adoption d’une
politique plus souple à l’égard des produits
de base. Le gouvernement réduit la part qu’il
prend à l’établissement des prix des produits
agricoles. Les prix administrés ont été abolis
en 2004 dans le cas du riz et en 2007 dans
le cas du blé et de l’orge. Il existe toujours
cependant un certain nombre de produits
aux prix administrés. L’Agriculture and
Livestock Industries Corporation continue
d’appliquer des régimes de stabilisation des
prix pour le bœuf et le porc.
L’évolution démographique sera
le moteur du changement
Le 1er avril 2007, on a mis en application un
nouveau programme de stabilisation de la
gestion agricole qui prévoit de nouveaux
paiements directs destinés soit à compenser
une partie du recul du revenu par rapport à
la moyenne des années précédentes, soit à
combattre l’instabilité du revenu causée par
la variation des prix. Ce passage progressif
d’une participation gouvernementale à
l’établissement des prix à des paiements
directs plus découplés pourrait vouloir dire
que, à terme, le Japon suivra des politiques
semblables à celles de l’Union européenne.
Indépendamment des politiques récemment
annoncées, le Japon continue d’aider
considérablement ses agriculteurs par ses
politiques intérieures et ses mesures
frontalières. Les chiffres de la figure 3
indiquent le soutien relatif qui va à certains
Figure 3 : Coefficient d’aide nominale aux producteurs
(CANP) pour certains produits agricoles au Japon, 2004
Total, agriculture
Blé
Riz
Lait
Viande de porc
Viande de bœuf
0
Source : OCDE.
1
2
3
4
5
6
7
Figure 4 : Japon : agriculteurs à titre principal
(milliers d'agriculteurs à titre principal)
(m
illi
er
s
d'a
gri
cul
te
ur
sà
titr
e
pri
nci
pal
)
15 à 29 ans
30 à 49 ans
1,600
1
600
50 à 59 ans
60 à 64 ans
1,400
1
400
65 ans et plus
1,200
1
200
1,000
1
000
800
600
400
200
0
1985
1990
1995
2000
2005
Source : Calculs personnels faits à partir de renseignements provenant
pro
venant
des sources
des sources
suivantes
suivantes:
:
Ministère des Communications et des Affaires intérieures, recensement
recens
de
la population
de
ement
de la population
de
2006, Bureau de la statistique, Tokyo, et ministère de la Statis
Statistique, Secrétariat
ministériel,
tique, Secrétariat
ministériel,
ministère de l’Agriculture, des Forêts et des Pêches.
En 2005, le Japon comptait
approximativement 2,2 millions
d’exploitations agricoles commerciales, où
vivent plus de 8 millions de personnes. Bien
que le niveau de soutien à l’agriculture y soit
parmi les plus élevés au monde, 5,6 millions
d’agriculteurs dépendent davantage
d’activités économiques non agricoles
qu’agricoles. En fait, à peine 30 % environ
des agriculteurs japonais le sont à temps
plein.
La principale menace qui pèse actuellement
sur le secteur agricole traditionnel du Japon
est l’insuffisance de la relève des jeunes
générations. Environ deux millions
d’agriculteurs sur les huit millions que
compte le pays sont considérés comme des
« agriculteurs à titre principal », parce qu’ils
participent activement à la gestion de
l’exploitation. Près de 1,4 million d’entre eux
ont plus de 65 ans, et presque 300 000, de
60 à 64 ans. Dans les 10 à 15 prochaines
années, la plupart de ces personnes
quitteront l’agriculture en raison de leur âge
ou pour cause de maladie. On dénombre
quelque 700 000 agriculteurs « à titre
principal » de moins de 60 ans et environ
400 000 qui tirent en majeure partie leur
revenu de l’activité agricole.
5
Vu la répartition par âge de la population, il
faut s’attendre, dans un proche avenir, à de
grands changements qui consisteront à
rationaliser de petites exploitations et à les
fusionner pour en créer de plus grandes. La
taille moyenne de l’exploitation devrait
croître progressivement, pour passer de
1,5 à entre 8 et 13 hectares, à mesure que
le processus de transfert intergénérationnel
se déroule. La rapidité de cette évolution
sera fonction des décisions que prendront
les agriculteurs âgés, à temps partiel ou
amateurs de quitter le secteur.
Les politiques du passé sont venues en aide
à une génération d’agriculteurs (celle des
décennies 1960 et 1970), mais elles
peuvent aussi avoir nui à l’adaptation du
secteur et influé sur l’actuelle répartition par
âge des agriculteurs japonais.
Résumé
Les grands sous-secteurs agroalimentaires
du Japon sont protégés par des tarifs élevés
qui ont concouru au renchérissement de
l’alimentation. Les produits les plus protégés
sont le riz, le blé et le lait. Les prix japonais
à la production dépassent environ six fois
les cours mondiaux du blé et du riz. Malgré
cette protection et ce soutien de taille, le
taux d’autosuffisance du Japon ne cesse de
diminuer, et il se situe aujourd’hui à moins
de 40 % en valeur calorique. Les
importations agroalimentaires se sont
chiffrées à 68 milliards de dollars canadiens
en 2005.
Les récents débats de politique publique ont
porté sur certaines des difficultés auxquelles
se heurte actuellement le secteur
agroalimentaire japonais. La plupart des
exploitations agricoles sont petites et de
nombreux agriculteurs complètent leur
revenu au moyen d’activités non agricoles.
Les mesures d’aide à une génération
d’agriculteurs ont ralenti l’adaptation et créé
involontairement une discrimination contre
les générations futures d’agriculteurs
potentiels.
L’État réduit progressivement sa
participation à l’établissement des prix des
produits agricoles. La protection frontalière
demeure importante pour de nombreux
produits, mais les prix administrés ont été
abolis pour le riz en 2004 et pour le blé et
l’orge en 2007. On a aussi institué en 2007
de nouveaux paiements directs pour
compenser un assouplissement de la
politique visant les produits de base et pour
concentrer l’aide au profit des exploitations
plus stables et plus efficaces.
Sources
Asian Productivity Organization (1998).
Agricultural Price Policy in Asia and the
Pacific, APO, Tokyo.
Ministère de l’Agriculture, des Forêts et des
Pêches (2005). Key Points in the Basic Plan
for Food, Agriculture and Rural Areas,
Tokyo, Japon.
Ministère des Communications et des
Affaires intérieures (2006). Population
Census, Statistics Bureau, Japon.
http://www.maff.go.jp/english_p/basicplan.pdf
OCDE, Politiques agricoles des pays de
l’OCDE : Panorama – Édition 2006, Paris.
PECC (2003). Where demographics will
take the food system, Pacific Food System
Outlook, Singapour.
Roberts, I., S. Warr et G. Rodriguez. (2006).
Japanese agriculture – forces driving
change. ABARE Research Report 06.24,
Canberra, Australie.
World Trade Atlas (2006).
6
Pour de plus amples renseignements sur cette note d’information, prière de communiquer
avec :
Brad Gilmour
Rajendra Gurung
([email protected], 613-759-7404)
([email protected], 613-694-2451)
Pour de plus amples renseignements sur cette série de notes d’information, prière de
communiquer avec :
Cameron Short, directeur, Analyse des politiques ([email protected], 613-759-7426)
Mai 2007
Projet 07-041-b

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