La maladie de Hodgkin (164b)

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La maladie de Hodgkin (164b)
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
La maladie de Hodgkin (164b)
Docteur Remy GRESSIN
Février 2005
Pré-requis :
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Séméiologie adénopathie, imagerie
Anatomie du système lymphatique
Mode d'action et toxicité de la chimiothérapie et de la radiothérapie
Résumé :
La maladie de Hodgkin est un lymphome malin particulier qui se différencie des L.M. non
Hodgkiniens par :
• une présentation clinique plus souvent localisée, une diffusion avant tout
lymphatique et une évolution lente.
• Une cellule tumorale originale tant sur le plan morphologique qu'immunologique
(la cellule de Sternberg).
• Un pronostic le plus souvent favorable. Les orientations actuelles visent à
améliorer encore ce pronostic tout en minimisant les effets secondaires des
traitements.
Mots-clés :
Lymphome, Hodgkin, Sternberg, adénopathie, cancer, chimiothérapie.
Références :
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Lymphomes. Ph Solal-Celigny, N Brousse. Ed. Frion-Roche, Ed. 3, 1997.
Chaines lymphatiques et loges ganglionnaires du médiastin. Feuilles de radiologie,
25 : 167-184, 1985.
Exercices :
1. Introduction
C'est une tumeur maligne du tissu lymphoïde.
Exemplaire par :
• Son évolutivité clinique lente, qui semble "contrôlée" et limitée longtemps aux grands
axes ganglionnaires et à la rate (diffusion lymphatique et hématogène).
• Sa survenue, le plus souvent chez l'adulte jeune de 20 à 40 ans. Il existe un autre pic
de fréquence autour de 60 ans. Elle peut se voir chez l'enfant mais elle est
exceptionnelle avant 5 ans ;
• Sa sensibilité remarquable aux traitements éradicateurs chimioradiothérapiques
permettant le plus souvent la guérison avec des agressions thérapeutiques modérées.
Originale par :
• Les cellules malignes lymphoïdes : cellules de Sternberg d'aspect caractéristique dont
l'origine est située au niveau du centre germinatif des follicules secondaires.
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L'environnement autour de ces cellules malignes : Lymphocytes T activés et réactifs,
granulome (polynucléaires neutrophiles, éosinophiles, histiocytes, plasmocytes...) et
fibrose.
Cette réaction pourrait expliquer le paradoxe entre les caractères dsytrophiques et activés des
cellules de Sternberg et le pronostic favorable de la maladie.
2. Comment faire le diagnostic : circonstances de découverte et
principaux tableaux cliniques
2.1. Adénopathies superficielles : 80 % au moment du
diagnostic
Adénopathie isolée ou paquet ganglionnaire unique, généralement cervical médian ou susclaviculaire (une seule localisation sur tout autre territoire est possible). L'apparition est
rapide. Le volume est d'emblée important (> à 2 cm de diamètre). L'adénopathie est ferme,
élastique, indolore, non adhérente. S'il y a plusieurs ganglions leur volume est différent.
Toute adénopathie isolée, non expliquée, doit être prélevée.
2.2. Adénopathies médiastinales isolées (10-15% des cas)
Souvent découverte radiologique systématique. Parfois, le cliché thoracique est motivé par
une gêne rétrosternale, des signes d'irritation trachéo-bronchique, exceptionnellement par des
signes de compression médiastinale. Les adénopathies sont situées dans le médiastin antérieur
et supérieur : images arrondies, asymétriques ou élargissement global. Parfois, la loge
thymique est comblée. Cet aspect implique un prélèvement par médiastinoscopie, beaucoup
plus rarement par thoracotomie. La fibroscopie trachéobronchique n'est d'aucun secours
diagnostique si ce n'est par sa négativité.
2.3. Des signes généraux
Il s'agit :
• d'une fièvre isolée, prolongée, non expliquée par une cause infectieuse
• de sueurs profuses souvent nocturnes
• d'un amaigrissement important significatif si > 10% du poids du corps.
Ceux-ci sont intégrés dans la classification anatomo-clinique d’Ann Arbor (cf 4.2).
Il s’agit aussi :
• d'un prurit sans lésion dermatologique
• Au plan biologique, il existe souvent un syndrome inflammatoire marqué, une
hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et éosinophile
Quand ces signes sont associés à des adénopathies superficielles ou médiastinales, ils sont un
argument d'orientation diagnostique.
Quand ils sont isolés ou associés à des symptomes abdominaux : splénomégalie,
hépatomégalie voire une masse abdominale palpable, ils conduisent à pratiquer une
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échographie et un scanner qui mettront en évidence des masses ganglionnaires profondes (5%
des cas), le plus souvent lomboaortiques et iliaques, parfois au niveau des pédicules
hépatique, splénique et de la région caeliaque, exceptionnellement mésentériques. L'abord
chirurgical à visée diagnostique sera une laparotomie exploratrice ou une
rétropéritonéoscopie. La ponction dirigée sous échographie est à proscrire car très peu
rentable.
2.4. Les autres tableaux cliniques
Les autres tableaux cliniques qui conduisent à la découverte d'une tumeur viscérale primitive :
tube digestif, poumon, os, etc... sont tout à fait exceptionnels et doivent faire reconsidérer tout
diagnostic anatomo-pathologique qui ne s'appuierait pas sur une argumentation de certitude
(cf. diagnostic). Par contre, les atteintes viscérales associées aux adénopathies sont
découvertes dans 15 à 20% des cas (définissent les stades IV) : foie, moelle, plus rarement
poumon, plèvre, os, etc...
3. Le diagnostic de certitude
3.1. Conduite
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La cytoponction peut être utile : aspect évocateur = orientation pour organiser le
prélèvement chirurgical dans les meilleures conditions.
Le prélèvement chirurgical est obligatoire pour le diagnostic.
o Etude histologique : granulome, fibrose réticulinique
o Appositions cytologiques
o Bloc congelé : étude immunologique
3.2. Les critères du diagnostic sont toujours histocytologiques
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Histologique : l'architecture ganglionnaire est totalement remaniée, diffuse ou
scléronodulaire -> Ce n'est pas une hyperplasie bénigne
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Cytologique :
o Identification morphologique des cellules de Sternberg : grandes celluleà
noyau polylobé ou multinucléé avec gros nucléole basophile associées : à une
fibrose, à un granulome (PNN, PNEO …)
o Identification en immunohistochimie (utilisation d’anticorps monoclonaux :
AC sur coupes tissulaires) du profil d’expression protéique membranaire
caractéristique.
ƒ AC anti-kératine négatif (ce n’est pas un carcinome)
ƒ CD45 AC panleucocytaire négatif (paradoxalement)
ƒ CD30 (Ki 1) : positif
ƒ CD15 (Leu M1) : positif
ƒ AC Pan B (IgS, CD19, CD20) et AC Pan T : négatifs
C'est une maladie de Hodgkin
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3.3. Classification anatomopathologique de RYE
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Type 1 : Forme diffuse à prédominance lymphocytaire, peu de cellules de Sternberg
Type 2 : Sclérose nodulaire, fibrose collagène, composition cellulaire variable
Type 3 : Cellularité mixte : granulome, Lymphocyte, cellules de Sternberg
nombreuses
Type 4 : Déplétion lymphocytaire, nombreuses cellules de Sternberg, fibrose
disséquante.
4. Que faire après le diagnostic
La démarche préthérapeutique a pour but de déterminer :
• Les facteurs pronostiques
• Les tares viscérales essentiellement cardiaque et rénale.
4.1. Bilan d’extension
4.1.1. Objectif : recherche des sites tumoraux.
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Clinique : Mensuration et calque des adénopathies superficielles, anneau de Waldeyer
(ORL), hépatomégalie, splénomégalie.
Imagerie : recherche de localisations profondes ganglionnaires (médiastinales et/ou
sous-diaphragmatiques) ou extra-ganglionnaire (foie).
o adiographie thoracique standard
o Tomodensitométrie
o Tomographie par émission de positrons (TEP).
Prélèvement :
o Biopsie médullaire obligatoire (et non myélogramme) recherche de localisation
médullaire
o PHB exceptionnelle uniquement pour confirmation d’une suspicion d’atteinte
hépatique en imagerie.
Remarque : la laparotomie exploratrice avec splénectomie a été abandonné compte tenu de
l’augmentation de la sensibilité des techniques d’imagerie (notamment TEP) et de l’utilisation
systématique de chimiothérapie même pour les stades localisés.
4.1.2. Classement anatomoclinique d’ Ann Arbor
Stade I
Atteinte d'une seule aire ganglionnaire sus ou sous diaphragmatique
Stade II
Atteinte de plusieurs aires ganglionnaires contiguës d'un même côté du
diaphragme
Stade III
Atteinte de plusieurs aires ganglionnaires de part et d'autre du diaphragme
Stade IV
Atteinte d'un ou plusieurs organes extra-lymphatiques avec ou sans atteinte
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ganglionnaire
Remarque :
• Une atteinte viscérale unique contiguë avec un territoire ganglionnaire ne fait pas
classer en stade IV, mais il faut ajouter la lettre E au stade d’extension ganglionnaire
(exemple : II E).
• Si atteinte splénique : « s »
• A : absence de signes généraux d’évolutivité
• B : présence d’au moins un des signes généraux (sauf prurit non significatif pour le
pronostic)
Exemple de nomenclature : III B E s
4.2. Inventaire des facteurs pronostiques défavorables
réellement significatifs pour influencer le choix thérapeutique
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Age > 60 ans (ou tare viscérale importante)
Stade IV de Ann Arbor
Signes généraux B
Type 4 histologique
Marqueur EMA retrouvé en immunohistochimie dans 25 % des cas
5. Traitements
5.1. Les moyens
5.1.1. La chimiothérapie
La polychimiothérapie la plus souvent utilisée est l’ABVD. Elle est de moins en moins
associée au schéma historique MOPP, compte tenu de son risque leucémogène plus élevé.
Parfois des contingents différents sont utilisés pour des maladies d’emblée de mauvais
pronostic, de type VIP ou BEACOPP.
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ABVD : Adriamycine (Adriblatine®), Bléomycine, Vinblastine (Velbe®), Déticène®.
MOPP : Méthylchloréthamine (Caryolysine®), Vincristine (Oncovin®), Procarbazine
(Natulan®), Prednisone.
VIP : Vépéside® (Etoposide), Ifosfamide, Platine.
BEACOPP : Bléomycine, Etoposide, Adriamycine, Cyclosphophamide, Vincristine,
Procarbazine, Prednisone.
5.1.2. La radiothérapie
La radiothérapie dite en « grands champs » (irradiation en mantelet ou en Y inversé sous
diaphragmatique) est abandonnée de plus en plus, compte tenu de ces effets toxiques à long
terme. Elle est remplacée par une chimiothérapie suivie d’une radiothérapie sur le lit tumoral
initial (« involved field irradiation » : IFI). Les doses utilisées sont de 36 grays.
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5.2. Les indications
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Pour les stades locorégionaux : IA, IB et IIA : 4 cures d’ABVD puis IFI.
Pour les stades avancés (IIB, IIIA, et IV) : 6 à 8 cures de chimiothérapie (ABVD,
alternance VIP et ABVD ou BEACOPP) suivi de IFI.
6. Résultats
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Globalement : 95% de rémission complète - 85% de guérison
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Si aucun facteur de mauvais pronostic (2/3 des malades au diagnostic) > 95 % de
guérison
7. Toxicité et séquelles
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Hématologique : pancytopénie, intensité et durée variable ; anémie, agranulocytose,
thrombopénie : traitement adapté.
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Toxicité spécifique de chaque drogue (cardiaque, digestive, neurologique, rénale,
etc...).
•
Autres infections (sans agranulocytose)
o Virale (zona, varicelle)
o Post-splénectomie : septicémie ou méningite à pneumocoques, rares mais
sévères : Vaccination anti-pneumococcique post-splénectomie
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Problèmes sexuels et obstétricaux
o Femmes : aménorrhée, stérilité surtout par radiothérapie : réduction des
champs ou transposition chirurgicale des ovaires avant que ne soient mises en
pratique les congélations d’ovocytes. Hodgkin guéri : risques tératogènes nuls :
grossesses de plus en plus fréquentes aujourd'hui
o Hommes : stérilité par chimiothérapie (M.O.P.P.) : spermogramme et
cryoconservation de sperme avant le traitement.
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Problèmes socioprofessionnels : potentiellement importants chez le sujet jeune :
dépendance médicale, divorce, retard scolaire, perte du travail, difficultés d'embauche,
assurances (législation encore inadaptée). Problèmes limités par traitements courts,
prise en charge psychologique.
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Cancérogénèse - Leucémogénèse : surtout après M.O.P.P., chimiothérapie prolongée
ou associée à radiothérapie étendue.
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