Is Canada`s Elite at War with Citizens

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Is Canada`s Elite at War with Citizens
L’élite canadienne est-elle en guerre contre les citoyens et citoyennes?
Alors que les « réalistes » experts nous disent de nous montrer favorables aux objectifs
mondiaux des États-Unis, les Canadiennes et Canadiens voient en leur voisin un « hors-la-loi ».
Le vendredi 19 novembre 2004
par Murray Dobbin
TheTyee.ca
C’est une situation sans précédent dans l’histoire non seulement de notre pays, mais
probablement de tout autre pays développé. Je parle du fait qu’une bonne partie de l’élite
économique et politique du Canada fonce tête baissée vers l’abandon total de sa nation en
faveur de l’assimilation par les États-Unis, tandis que le reste du pays s’éloigne à toute vitesse
des États-Unis et de son président à visées impérialistes.
Jamais auparavant, au moins dans les 50 dernières années, l’élite canadienne n’a méprisé
aussi ouvertement son propre pays ni ne s’est montrée aussi empressée à renoncer au rôle
qu’elle s’est elle-même donnée, soit de protéger la place unique du Canada dans le monde. Par
ailleurs, pendant la même période, les Canadiennes et Canadiens « ordinaires » n’ont jamais
été aussi fiers de leurs valeurs et traditions et aussi persuadés du bien-fondé de celles-ci.
La dichotomie est renversante. Les implications de ce conflit profond de valeurs et d’objectifs se
font sentir de nombreuses façons, mais elles touchent peut-être davantage la notion de
démocratie. Une élite aussi fondamentalement déconnectée de la population et aussi
déterminée à poursuivre sa vision annexionniste n’a d’autre choix que de contrecarrer la volonté
démocratique de la vaste majorité des Canadiennes et Canadiens. Affirmer que cette
dichotomie constitue une crise de notre démocratie moderne n’est guère exagéré.
Apprendre à aimer l’« hyperpuissance »
Dans cet appel de l’élite à l’abdication interviennent des « bons policiers » et des « mauvais
policiers ». La soi-disant École de Calgary — où se trouve Thomas Flanagan, l’éminence grise
de Stephen Harper — est tellement hostile à tout ce qui est canadien que ses membres
semblent à peine vouloir quitter leur bunker de la University of Calgary. Même les bons
policiers, comme Allan Gotlieb, qualifient toute politique étrangère indépendante fondée sur les
valeurs canadiennes de « romantisme ».
Apôtre de la realpolitik, Gotlieb rejette toute critique à l’égard de la nouvelle « hyperpuissance »
américaine — comme celle voulant qu’on se distance du peuple américain par rapport à
l’invasion de l’Iraq. Dans un discours prononcé devant l’Institut C.D. Howe, il demande si le
gouvernement Martin peut concevoir une politique étrangère moins vaste, moins narcissique et
moins moralisatrice. C’est ainsi que l’ancien ambassadeur aux États-Unis voit une politique
étrangère indépendante fondée sur des principes. À son avis, les Canadiennes et Canadiens
qui soutiennent que la façon d’influencer le comportement des États-Unis est d’essayer de
contraindre Washington par de nouvelles règles de droit sont des romantiques, et non des
réalistes.
Cependant, si l’on demande à la population canadienne ce qu’elle pense de tout cela, on a
vraiment l’impression de s’adresser à deux différents pays. Près de 80 p. 100 de ses membres
croient que les États-Unis se comportent comme un pays hors-la-loi, d’après les résultats d’un
sondage rapportés par la chaîne CanWest. Les Canadiennes et Canadiens voient le sida et le
syndrome respiratoire aigu sévère ainsi que le réchauffement de la planète comme les deux
plus grandes menaces qui pèsent sur leurs intérêts — avant le terrorisme, ce qui contraste
nettement avec la culture de la peur qui règne aux États-Unis. Les trois quarts des personnes
interrogées croient que le Canada devrait jouer un rôle actif dans le monde plutôt que
d’approuver aveuglément chaque aventure échafaudée par George Bush.
Une illusion d’influence
La moitié des sujets sondés estiment qu’il ne faut pas se fier aux États-Unis pour traiter le
Canada avec justice. C’est là tout un contraste avec le point de vue exprimé par Gotlieb, selon
lequel le Canada, en gagnant la faveur des États-Unis, exercera une influence sur ce pays :
« Notre capacité d’influencer la nation la plus puissante du monde nous assure un avantage
comparatif dans le monde. Elle nous donne de la crédibilité aux yeux d’autres capitales. » Une
telle déclaration tient presque de l’illusion, comme Tony Blair de la Grande-Bretagne l’a appris.
Lorsqu’on a demandé à Gotlieb après son discours ce que la Grande-Bretagne avait gagné en
appuyant Bush, il a répondu que les bienfaits retirés par ce pays étaient « subtils ». En effet.
Comment se pourrait-il que flatter servilement les États-Unis renforcerait notre crédibilité dans
un monde presque universellement indigné par la vision de Bush? C’est une question qui reste
sans réponse.
Cet abîme entre les vues des Canadiennes et Canadiens et celles de l’élite politique et
économique qui prétend parler en leur nom n’a rien de nouveau. Depuis des années, la maison
de sondage Ekos suit de près le fossé entre les valeurs des uns et de l’autre. En examinant
22 rôles possibles du gouvernement, l’élite (les décisionnaires) place les plus grandes priorités
de la population canadienne — égalité, justice sociale, droits collectifs, plein emploi et même le
respect de la vie privée — au bas de sa liste.
Une élite effrayée
Jusqu’à maintenant, cette « nouvelle normale » dans les attitudes de l’élite est passée à peu
près inaperçue. Mais, comme le dit la chanson, la normale a toujours ce défaut d’empirer. Le
règne de George Bush a effrayé l’élite et précipité son plan d’une assimilation accrue de notre
pays par les États-Unis, tout en mettant au jour les valeurs des Canadiennes et Canadiens
comme jamais depuis des décennies. C’est comme si notre nation avait tenu ses valeurs pour
acquises jusqu’à ce que George Bush lui rappelle les idéaux qu’elle défend.
Pourtant, le peuple canadien ne comprend peut-être pas que pour les chefs de direction, les
équipes d’analystes commerciaux, les entreprises de presse écrite et électronique telle
CanWest ainsi que les partis aussi bien libéral que conservateur, cette résurgence des valeurs
progressistes canadiennes ne donne pas matière à célébration. Elle est vue comme une crise à
laquelle il faut s’attaquer. À moins que les Canadiennes et Canadiens insistent haut et fort pour
que leurs valeurs et priorités guident la politique gouvernementale, les « décisionnaires »
trouveront encore le moyen de contrer leur vision.
(Le présent article a été traduit par la FCE.)
La chronique « State of the Nation » de l’auteur et journaliste Murray Dobbin paraîtra deux fois
par mois dans The Tyee.

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