SEANCE 6 : Le lien de causalité

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SEANCE 6 : Le lien de causalité
UNIVERSITE PARIS 8 Vincennes – Saint-Denis
Année universitaire 2014-2015
TRAVAUX DIRIGES – 2ème année de Licence Droit
DROIT DE LA RESPONSABILITE
Cours de Monsieur le Professeur Christophe VERNIERES
SEANCE 6 : Le lien de causalité
I-
Les contours du lien de causalité
Il ne peut pas y avoir de responsabilité civile sans un lien de cause à effet – un lien de causalité –
entre le fait générateur imputé au responsable et le dommage causé à la victime. Sans lien de
causalité, donc, pas de responsabilité.
La difficulté est ici de déterminer dans quels cas on peut dire d’un événement qu’il a eu pour effet
un dommage. Sans doute les choses sont parfois simples : le véhicule qui renverse un piéton est
assurément la cause du préjudice subi par celui-ci. Mais la réalité est bien souvent moins simple :
maints événements surviennent en amont du dommage, et la difficulté se pose de savoir lesquelles
retenir.
Sur cette difficulté, deux conceptions doctrinales s’opposent :
- La théorie de l’équivalence des conditions, selon laquelle tout fait intervenu dans la
réalisation du dommage, et sans lequel celui-ci ne se serait pas produit, en est
nécessairement la cause.
- La théorie de la causalité adéquate, selon laquelle seuls les faits qui étaient de nature à
provoquer le dommage, selon le cours normal des choses, peuvent être qualifiés de cause.
Quelle position les juges adoptent-ils ?
Document n°1 : Civ. 2e, 7 avril 2005, RCA, 2005 comm. 173, note H. Groutel
Document n°2 : Civ. 2e, 4 novembre 2010, Bull. civ. II, n° 177, JCP 2011.435, obs. Ph. StoffelMunck, D. 2011, chron. C. cass., p. 632, obs. Adida-Canac.
-1-
II-
La preuve du lien de causalité
Au delà de ces questions relatives aux contours de la causalité, il en est une au cœur de l’actualité,
touchant à la preuve du lien de causalité.
1- Le principe
En matière de preuve, il appartient au demandeur d’apporter la preuve de l’existence des conditions
de la responsabilité et donc, parmi elles, du lien de causalité. Ainsi, en principe, la responsabilité
d’une personne ne peut pas être mise en jeu s’il existe la moindre incertitude sur la causalité.
Aussi, en toute logique, l’incertitude doit bénéficier au défendeur ; idem est non esse aut non probari,
nous enseigne l’adage : c’est la même chose que de ne pas avoir de droit que de ne pas réussir à le
prouver. Autrement dit, pas de preuve, pas de droit…
Une illustration :
Document n°3 : Civ. 1re, 20 juin 1985, Bull. civ. II, n°125.
2- Les tempéraments
Pour autant, dans un souci de protéger la victime, le législateur a dans certaines hypothèses allégé
la charge de la preuve. Tel est le cas, en matière médicale, de la loi du 4 mars 2002 relative aux
droits des malades et à la qualité du système de santé.
Document n°4 : Article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé.
Pareillement, la Cour de cassation a admis, dans certaines hypothèses, des atténuations en matière
de preuve :
- La possibilité de renverser la charge de la preuve avec la causalité alternative :
Document n°5 : Civ. 1re, 24 septembre 2009, Bull. civ. I, n°187 ; D. 2009. AJ 2342, obs. Gallmeister,
JCP 2009. 381, note Hocquet-Berg ; RTDciv. 2010. 111, obs. Jourdain.
Document n°6 : Civ. 1re, 28 janv. 2010, n°08-18.837 ; D. 2011. Pan. 39, obs. Ph. Brun.
Document n°7 : Civ. 1re, 17 juin 2010, Bull. civ. I, n°137, RTD Civ., 2010. 567, obs. P. Jourdain,
RDC 2010. 1247, note G. Viney.
-2-
- La possibilité de recourir à des présomptions graves, précises et concordantes pour
démontrer l’existence d’un lien de causalité
Document 8 : Civ. 1re, 22 mai 2008, JCP 2008. II. 10131, note Grunbaum, et I. 186, n° 6, obs. Ph.
Stoffel-Munck, RDC 2008.1186, obs. J.-S. Borghetti, RTD Civ. 2008.492, note Ph. Jourdain.
Document n°9 : Civ. 1re 9 juill. 2009, n°08-11073, D. 2010. 49, obs. Ph. Brun et O. Gout; RDC
2010. 79, obs. J.-S. Borghetti.
Document n°10 : Civ. 1re, 25 nov. 2010, n°09-16556, D. 2011. 316, chron. Ph. Brun ; JCP 2011.
79, note J.-S. Borghetti.
Document n°11 : Civ. 1re, 26 sept. 2012, n°11-17738, JCP 2012. 1199, note Ch. Quézel-Ambrunaz.
Document n°12 : Civ. 1re, 10 juill. 2013, n°12-21314, D. 2013. 2306. Concl. Melottee ; 2312, note
Ph. Brun ; 2315, note J.-S. Borghetti.
Exercices :
Commentaire d’arrêt : Civ. 2ème, 24 septembre 2009 (document n°5)
Bibliographie spéciale
Ph. Brun et Ch. Quézel-Ambrunaz, « Vaccination contre l’hépatite B et sclérose en plaques :
ombres et lumières sur une jurisprudence instable », RLDC sept. 2008, n°3102, p. 15 et s.
Ph. Brun, « Raffinements ou faux fuyants ? Pour sortir de l’impasse dans le contentieux du vaccin
contre l’hépatite B », D. 2011. Chron. 316.
G. Canselier, « De l’explication causale en droit de la responsabilité délictuelle », RTD 2010. 41
O. Gout, « De la preuve du lien de causalité à celle de la défectuosité : nouvel épisode dans le
contentieux de la vaccination contre l’hépatite B », RLDC 2012/99, n°4888.
Ph. Pierre, « Les présomptions relatives à la causalité », in Les distorsions du lien de causalité en
droit de la responsabilité, Actes du colloque de l’Université de Rennes, 15 et 16 déc. 2006, RLDC
juill-août 2007, suppl. n°40, p. 39 et s.
Ch. Quézel-Ambrunaz, « La fiction de la causalité alternative, fondement et perspective de la
jurisprudence Distilbène », D. 2010. chron. 1162.
G. Viney, « La responsabilité des fabricants de médicaments et des vaccins : les affres de la preuve »,
D. 2010. chron. 391.
-3-
Document n°1 : Civ. 2e, 7 avril 2005
Vu l’article 1384, alinéa 1er du Code civil ;
entraînent l’un et l’autre une défaillance
respiratoire et une insuffisance circulatoire ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Michel X...,
alors qu’il effectuait des courses dans un magasin,
a été renversé par la chute d’une tête de gondole ;
qu’hospitalisé le lendemain après constatation de
la fracture d’une vertèbre, il est décédé quelques
jours plus tard ; que sa veuve, et ses deux filles,
ont fait assigner devant le tribunal de grande
instance la société Lattes discount, exploitante du
magasin, et son assureur la société Assurances
générales de France (AGF) en responsabilité et
indemnisation de leurs préjudices ;
que le problème hépatique de Michel X... avait
provoqué une surcharge médicamenteuse, ellemême entraînant une dépression respiratoire
provoquant l’asphyxie du patient ; que l’expert a
relevé qu’aucun bilan biologique n’avait été fait
sur Michel X... pendant son séjour à l’hôpital ; que
par voie de conséquence, la cour d’appel dira que
le décès de Michel X... est dû à une surcharge
médicamenteuse qui n’a aucun lien causal direct
avec la fracture de la deuxième vertèbre lombaire
causée par la chute d’une gondole dans le magasin
Leader Price de la société Lattes Discount ;
Attendu que pour rejeter les demandes, l’arrêt
énonce qu’il résulte d’un rapport d’expertise
judiciaire que Michel X... était atteint de séquelles
d’un cancer chronique d’origine tabagique et d’un
alcoolisme chronique ; que le décès de Michel X...
était intervenu au cours d’une crise de delirium
tremens, complication de l’alcoolisme chronique
qui était connu dès l’entrée de la victime à
l’hôpital, de même que son insuffisance
respiratoire en raison de son atteinte par un
cancer du poumon ; que l’expert a constaté que
l’extrême agitation de Michel X... avait nécessité
un traitement associant Equanil et Tranxene ; que
ces deux médicaments en cas de surdosage
Qu’en statuant ainsi, alors que Michel X... était
décédé durant son hospitalisation rendue
nécessaire par la fracture d’une vertèbre
provoquée par la chute d’une gondole dans un
magasin, de telle sorte que le décès ne se serait pas
produit en l’absence de cet accident qui en était la
cause certaine, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, (…)
Document n°2 : Civ. 2e, 4 novembre 2010
Vu l’article L. 452-3 du code de la sécurité
sociale, ensemble l’article 1382 du code civil ;
condamner le ministère de la défense à
indemniser le préjudice moral subi par l’enfant
Maeve, le jugement retient que le préjudice tenant
au fait que l’enfant est privée de son grand-père et
des liens affectifs qu’elle aurait pu tisser avec lui
est nécessairement relié par un lien de causalité au
décès, lui-même conséquence de la faute
inexcusable de l’employeur ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en
dernier ressort, que Marcel X..., ouvrier d’Etat à
la direction des constructions navales de Lorient,
a été reconnu atteint d’une affection
professionnelle liée à l’inhalation des poussières
d’amiante due à la faute inexcusable de
l’employeur ; qu’il est décédé le 12 juillet 2008 ;
que le service d’accompagnement professionnel
et des pensions civiles du ministère de la défense
a alloué à Mme Y..., fille de la victime, certaines
sommes en réparation de son préjudice moral
personnel et de celui de son fils mineur, Tanguy,
mais a rejeté sa demande d’indemnisation au titre
du préjudice de sa fille, Maeve, née le 31 octobre
2008 ; que Mme Y...a formé un recours contre
cette décision auprès d’une juridiction de sécurité
sociale ; Attendu que pour accueillir ce recours et
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’existait pas de
lien de causalité entre le décès de Marcel X...,
survenu avant la naissance de l’enfant Maeve, et
le préjudice allégué, le tribunal a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, (…)
-4-
Document n°3 : Civ. 1re, 20 juin 1985
SUR LE MOYEN UNIQUE : VU L'ARTICLE
1382 DU CODE CIVIL, ATTENDU, SELON
L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE, QUE LA
MINEURE JACQUELINE Y... AYANT
COMMIS UN LARCIN DANS LE MAGASIN
DE M. X... , CELUI-CI LA CONTRAIGNIT A
RENTRER
CHEZ
ELLE
SANS
CHAUSSURES ;
RESPONSABILITE DE M. X... PAR
APPLICATION DE L'ARTICLE 1382 DU
CODE CIVIL, APRES AVOIR RELEVE
QU'IL AVAIT COMMIS UNE FAUTE EN
EMPLOYANT, POUR PORTER LE LARCIN
A LA CONNAISSANCE DES PARENTS, UN
PROCEDE VEXATOIRE, INADAPTE AUX
CIRCONSTANCES, L'ARRET RETIENT
QUE CETTE FAUTE DE M. X... AVAIT
CONTRIBUE,
AVEC
L'AGE
DE
L'ADOLESCENTE
ET
SON
ENVIRONNEMENT
FAMILIAL
RIGORISTE,
A
LA
PERTURBER
PSYCHIQUEMENT
DE
FACON
SUFFISAMMENT
GRAVE
POUR
ENTRAINER SON GESTE ;
QU'UN MOMENT APRES SON ARRIVEE A
SON DOMICILE, LA MINEURE SE JETA
PAR UNE FENETRE, SE FAISANT DES
BLESSURES QUI ONT ENTRAINE UNE
INFIRMITE ;
QU'AGISSANT POUR EUX MEMES ET AU
NOM DE LEUR FILLE, LES EPOUX Y...
ONT DEMANDE A M. X... LA
REPARATION
DU
PREJUDICE
RESULTANT DESDITES BLESSURES ;
QU'EN SE DETERMINANT PAR UN TEL
MOTIF D'OU NE RESULTE PAS QUE LA
FAUTE DE M. X... AVAIT CONCOURU DE
FACON CERTAINE A LA PRODUCTION
DU DOMMAGE DONT IL ETAIT
DEMANDE REPARATION, LA COUR
D'APPEL N'A PAS DONNE A SA DECISION
UNE BASE LEGALE ;
QUE
DEVENUE
MAJEURE
MLLE
JACQUELINE
Y...
A
POURSUIVI
L'INSTANCE EN SON NOM ;
ATTENDU QUE, POUR RETENIR, AU
MOINS
POUR
PARTIE,
LA
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
Document n°4 : Article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé.
« En cas de contestation relative à l’imputabilité d’une contamination par le virus de l’hépatite C antérieure
à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de
présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une
injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de
prouver que cette transfusion ou cette injection n’est pas à l’origine de la contamination. Le juge forme sa
conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Le
doute profite au demandeur ».
5
Document n°5 : Civ. 1re, 24 septembre 2009
Vu l’article 1382 du code civil, ensemble l’article
1315 du même code ;
collective, ce fait n’étant pas en relation directe
avec le dommage subi par Mme Y..., et qu’aucun
élément de preuve n’établissait l’administration à
celle-ci du distilbène (R) fabriqué par la société
UCB pharma ni du Stilboestrol Borne fabriqué
par la société Novartis santé familiale ;
Attendu que Mme X..., épouse Y..., atteinte d’un
adénocarcinome à cellulaires claires du col utérin
qu’elle imputait à la prise, par sa propre mère,
durant sa grossesse, de l’hormone de synthèse
dénommée diéthylstilbestrol (DES), a assigné la
société UCB pharma et la société Novartis santé
familiale, toutes deux fabricantes de la même
molécule distribuée sous deux appellations
différentes ;
Qu’en se déterminant ainsi, après avoir constaté
que le DES avait bien été la cause directe de la
pathologie tumorale, partant que Mme Y... avait
été exposée in utero à la molécule litigieuse, de
sorte qu’il appartenait alors à chacun des
laboratoires de prouver que son produit n’était
pas à l’origine du dommage, la cour d’appel a violé
les textes susvisés ;
Attendu que pour débouter les consorts X... Y...
de leur demande en réparation de leurs préjudices
dirigée contre les deux laboratoires, l’arrêt retient
que le fait que ceux ci aient tous deux mis sur le
marché la molécule à l’origine du dommage, fait
non contesté, ne peut fonder une action
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…)
Document n°6 : Civ. 1re, 28 janv. 2010
Vu les articles 1315 et 1147 du code civil ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, lorsque la preuve
d’une infection nosocomiale est apportée mais
que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée
dans plusieurs établissements de santé, il
appartient à chacun de ceux dont la responsabilité
est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine
de cette infection ; qu’en déboutant les consorts
X... de leurs demandes, aux motifs qu’ils ne
rapportaient pas la preuve du lieu de
contamination, la cour d’appel a violé les textes
susvisés ;
Attendu que pour débouter les ayants cause de
Pascal X..., décédé le 4 juillet 2000 d’une infection
nosocomiale après avoir reçu des soins ou subi
des examens dans six établissements pendant cent
neuf jours, de leurs demandes contre la Clinique
Saint-Martin et le Centre hospitalier privé Clairval
(la Clinique Clairval), la cour d’appel a relevé, en
se fondant sur le rapport d’expertise, que si
l’infection dont Pascal X... était décédé avait un
caractère nosocomial, il était impossible de
déterminer lequel des deux établissements était à
l’origine de cette infection ;
PAR CES MOTIFS, (…) CASSE ET ANNULE,
(…)
6
Document n°7 : Civ. 1re, 17 juin 2010
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
:
Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsque la preuve
d'une infection nosocomiale est apportée mais
que celle-ci est susceptible d'avoir été contractée
dans plusieurs établissements de santé, il
appartient à chacun de ceux dont la responsabilité
est recherchée d'établir qu'il n'est pas à l'origine de
cette infection ; qu'en déboutant les consorts X...
de leurs demandes, aux motifs qu'ils ne
rapportaient pas la preuve du lieu de
contamination, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;
Vu les articles 1315 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter les ayants cause de
Pascal X..., décédé le 4 juillet 2000 d'une infection
nosocomiale après avoir reçu des soins ou subi
des examens dans six établissements pendant cent
neuf jours, de leurs demandes contre la Clinique
Saint-Martin et le Centre hospitalier privé Clairval
(la Clinique Clairval), la cour d'appel a relevé, en
se fondant sur le rapport d'expertise, que si
l'infection dont Pascal X... était décédé avait un
caractère nosocomial, il était impossible de
déterminer lequel des deux établissements était à
l'origine
de
cette
infection
;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de
statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE
Document 8 : Civ. 1re, 22 mai 2008
Vu l’article 1353 du code civil, et l’article 1147 du
même code interprété à la lumière de la directive
n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
Attendu que M. X..., qui avait été vacciné, le 27
novembre 1997, contre l’hépatite B par M. Y...,
médecin, au moyen d’une injection du vaccin
Engerix B 20, a ressenti, peu après, d’importants
troubles qui ont conduit, en juin 1998, au
diagnostic
d’une
maladie
inflammatoire
démyélinisante du système nerveux central de
type sclérose en plaques ; qu’imputant l’apparition
de cette maladie à la vaccination, M. X... a assigné
en indemnisation M. Y... et la société Smithkline
Beecham aux droits de laquelle est venue la
société Laboratoire Glaxosmithkline ; que la
CPAM de la Haute-Garonne a été appelée en
cause ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses
demandes, après avoir relevé qu’âgé de vingt ans
et en bonne santé au moment de la vaccination,
M. X... n’était pas porteur de facteurs favorisants
connus, et que la sclérose en plaques avait été
diagnostiquée, en juin 1998, quelques mois après
sa vaccination, l’arrêt retient que le collège
d’experts qui l’avait examiné indiquait que l’étude
des
cas
notifiés,
les
données
de
pharmacovigilance et les études de cas témoins à
disposition ne permettaient pas d’affirmer de
façon certaine l’existence d’une relation entre la
vaccination contre l’hépatite B et la survenue
d’une sclérose en plaques ; que s’il existe un
risque, il est minime et peut être lié à des facteurs
personnels ; que, par ailleurs, la sclérose en
plaques est d’étiologie inconnue, et reste une
maladie mystérieuse à forte composante autoimmune ; qu’enfin, la seule éventualité d’un risque
d’apparition de la maladie en relation avec la
vaccination litigieuse ne pouvait suffire à
démontrer le lien de causalité direct, de nature à
engager la responsabilité du producteur du vaccin
;
Attendu, cependant, que si l’action en
responsabilité du fait d’un produit défectueux
exige la preuve du dommage, du défaut et du lien
de causalité entre le défaut et le dommage, une
telle preuve peut résulter de présomptions,
pourvu qu’elles soient graves, précises et
concordantes ;
D’où il suit qu’en se déterminant comme elle l’a
fait, sans rechercher si les éléments de preuve, qui
lui étaient soumis par M. X..., constituaient, ou
non, des présomptions graves, précises et
concordantes du caractère défectueux du vaccin
litigieux, comme du lien de causalité entre un
éventuel défaut et le dommage subi, la cour
d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, (…)
7
Document n°9 : Civ. 1re 9 juill. 2009
Attendu qu'ayant reçu, en juillet et août 1997, une
vaccination anti-hépatite B (Genhevac),
commercialisée par la société Pasteur Aventis
MSD, Mme X..., qui a commencé à subir des
troubles neurologiques, courant octobre 1997,
avant qu'une sclérose en plaque ne soit
diagnostiquée, en avril 2001, a recherché la
responsabilité de la société Sanofi Pasteur MSD ;
[…]
outre le dommage, le défaut du produit et le lien
de causalité entre le défaut et le dommage ; qu'en
retenant, pour estimer que la preuve du lien de
causalité entre la sclérose en plaques développée
par Mme X... et la vaccination contre l'hépatite B
était rapportée, que la société Sanofi Pasteur MSD
ne soutenait pas que la pathologie était imputable
à une autre cause que celle invoquée par Mme
X..., la cour d'appel, qui a renversé la charge de la
preuve, a violé l'article 1315 du code civil,
interprété à la lumière de la directive n° 85-374 du
25 juillet 1985 ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Sanofi Pasteur MSD fait
grief à l'arrêt de l'avoir déclarée responsable de
l'apparition de la sclérose en plaques développée
par Mme X... et de l'avoir condamnée à réparer
ses préjudices, alors, selon le moyen :
Mais attendu qu'ayant relevé, d'abord, que si les
études scientifiques versées aux débats par la
société Sanofi Pasteur MSD n'ont pas permis de
mettre en évidence une augmentation
statistiquement significative du risque relatif de
sclérose en plaque ou de démyélinisation après
vaccination contre l'hépatite B, elles n'excluent
pas, pour autant, un lien possible entre cette
vaccination
et
la
survenance
d'une
démyélinisation de type sclérose en plaque ;
qu'ayant, ensuite, relevé que les premières
manifestations de la sclérose en plaque avaient eu
lieu moins de deux mois après la dernière
injection du produit ; que ni Mme X... ni aucun
membre de sa famille n'avaient souffert
d'antécédents neurologiques, et que dès lors
aucune autre cause ne pouvait expliquer cette
maladie, dont le lien avec la vaccination relevait
de l'évidence selon le médecin traitant de Mme
X..., la cour d'appel, qui a souverainement estimé
que ces faits constituaient des présomptions
graves, précises et concordantes, a pu en déduire
un lien causal entre la vaccination de Mme X..., et
le préjudice subi par elle ;
1°/ que l'action en responsabilité du fait d'un
produit défectueux exige la preuve du dommage,
du défaut et du lien de causalité entre le défaut et
le dommage ; qu'une telle preuve peut résulter de
présomptions, pourvu qu'elles soient graves,
précises et concordantes ; que la cour d'appel, qui
a retenu, pour affirmer que la sclérose en plaques
présentée par Mme X... était imputable au vaccin
Genhevac B, qu'elle n'avait pas d'antécédents
neurologiques et que sa maladie s'était déclarée
moins de deux mois après l'injection du vaccin,
s'est prononcée par des motifs essentiellement
tirés de la coïncidence chronologique, impropres
à caractériser des présomptions graves, précises et
concordantes de l'existence d'un lien causal entre
la vaccination de Mme X... contre l'hépatite B et
sa pathologie, privant ainsi sa décision de base
légale au regard des articles 1147 et 1353 du code
civil, interprétés à la lumière de la directive CEE
n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
2°/ que la responsabilité du producteur est
soumise à la condition que le demandeur prouve,
8
Document n°10 : Civ. 1re, 25 nov. 2010
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
2°/ que la cour d'appel a constaté que les
nombreuses études scientifiques nationales et
internationales versées aux débats ne
permettaient pas de dégager un consensus
scientifique en faveur d'un lien de causalité entre
la vaccination contre l'hépatite B et les affections
démyélinisantes et qu'il n'existait pas d'association
statistique significative permettant de déduire un
tel lien, mais que celui-ci ne pouvait être exclu,
l'existence d'une augmentation du risque de
sclérose en plaques associée à la vaccination étant
envisagée par quelques études et experts ; que la
cour d'appel a relevé que les premières
manifestations de la sclérose en plaques avaient
eu lieu peu de temps (15 jours) après la dernière
injection à Mme X... et que celle-ci ne présentait
au plan individuel et familial aucun antécédent
pouvant expliquer la survenue d'une sclérose en
plaques ; qu'en affirmant néanmoins que ces faits
ne constituaient pas des présomptions graves,
précises et concordantes dont elle devait déduire
un lien causal entre la vaccination de Mme X... et
le préjudice subi par celle-ci, la cour d'appel n'a
pas tiré les conséquences légales de ses
constatations, violant ainsi l'article 1147 du code
civil interprété à la lumière de la directive CEE n°
85-374 du 25 juillet 1985, ensemble l'article 1353
du même code ;
Attendu que Mme X..., qui avait été vaccinée
contre l'hépatite B, les 29 juin 1994, 13 janvier et
12 juin 1995, avec le vaccin Genhévac B fabriqué
par la société Pasteur vaccins, devenue Sanofi
Pasteur MSD, a présenté, quinze jours après la
dernière injection, des symptômes qui ont
ultérieurement abouti, en juillet 1996, au
diagnostic de la sclérose en plaques ; qu'elle a
assigné, après expertise judiciaire, la société Sanofi
Pasteur MSD pour obtenir réparation de son
préjudice ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué
(Paris, 19 juin 2009) de l'avoir déboutée de ses
demandes tendant à voir la société Sanofi Pasteur
MSD déclarée entièrement responsable de la
survenue de la sclérose en plaques dont elle est
atteinte et condamnée à l'indemniser de ses
préjudices, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre
pas la sécurité à laquelle on peut légitimement
s'attendre ; que dans l'appréciation de cette
exigence, il doit être tenu compte, notamment, de
la présentation du produit, de l'usage qui peut en
être raisonnablement attendu, et du moment de
sa mise en circulation ; qu'en affirmant que le
vaccin Génhévac B fabriqué par la société Pasteur
vaccins et injecté à Mme X... en 1994 et 1995 ne
présentait pas le caractère d'un produit
défectueux, après avoir constaté que le
dictionnaire médical Vidal 1996 indiquait comme
effet indésirable possible la poussée de sclérose en
plaques dans les semaines suivant la vaccination,
quand la notice de présentation du produit
litigieux injecté à Mme X... ne contenait pas cette
information, de sorte que le vaccin présentait le
caractère d'un produit défectueux, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations, violant ainsi l'article 1147 du code
civil, interprété à la lumière de la directive CEE n°
85-374 du 25 juillet 1985 ;
Mais attendu qu'ayant apprécié la valeur et la
portée des éléments de preuve qui lui étaient
soumis, la cour d'appel a estimé souverainement
qu'en l'absence de consensus scientifique en
faveur d'un lien de causalité entre la vaccination
et les affections démyélinisantes, le fait que Mme
X... ne présentait aucun antécédent personnel ou
familial et le fait que les premiers symptômes
étaient apparus quinze jours après la dernière
injection ne constituaient pas des présomptions
graves, précises et concordantes en sorte que
n'était pas établie une corrélation entre l'affection
de Mme X... et la vaccination ; que, mal fondé en
sa seconde branche, le moyen est inopérant en sa
première branche ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
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Document n°11 : Civ. 1re, 26 sept. 2012
Sur le moyen unique :
le rapport bénéfice/risque n'a jamais été remis en
question, retient que le défaut de sécurité
objective du produit n'est pas établi et que sa seule
implication dans la réalisation du dommage ne
suffit pas à mettre en jeu la responsabilité du
producteur ;
Vu l'article 1386-4 du code civil, ensemble l'article
1353 du même code ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes,
"un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la
sécurité à laquelle on peut légitimement
s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à
laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit
être tenu compte de toutes les circonstances et
notamment de la présentation du produit, de
l'usage qui peut en être raisonnablement attendu
et du moment de sa mise en circulation" ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par une
considération générale sur le rapport
bénéfice/risque de la vaccination, après avoir
admis, en raison de l'excellent état de santé
antérieur de Jack X..., de l'absence d'antécédents
familiaux et du lien temporel entre la vaccination
et l'apparition de la maladie, qu'il existait des
présomptions graves, précises et concordantes
permettant de dire que le lien causal entre la
maladie et la prise du produit était suffisamment
établi, sans examiner si les circonstances
particulières qu'elle avait ainsi retenues ne
constituaient pas des présomptions graves,
précises et concordantes de nature à établir le
caractère défectueux des trois doses administrées
à l'intéressé, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jack X...,
aujourd'hui décédé et aux droits de qui viennent
Mmes Nelly, Lauriane et Christelle X... (consorts
X...), qui avait présenté, dès août 1999, des
tremblements et des troubles après avoir été
vacciné contre l'hépatite B, en décembre 1998,
janvier et juillet 1999, conduisant, en novembre
2000, au diagnostic de la sclérose en plaques, a
assigné en responsabilité la société Sanofi Pasteur
MSD, fabricant du vaccin ;
PAR CES MOTIFS :
Attendu que pour débouter les consorts X... de
leurs demandes, l'arrêt, se fondant sur le fait que
CASSE ET ANNULE ;
Document n°12 : Civ. 1re, 10 juill. 2013
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a
reçu, entre 1986 et 1993, plusieurs injections de
vaccins, Hevac B et Genhevac B, contre l'hépatite
B, renouvelées du fait qu'elle ne développait pas
d'anti-corps, qu'à partir de la fin de l'année 1992,
elle s'est plainte d'épisodes de paresthésie des
mains puis, en 1995, d'un état de fatigue et de
troubles sensitifs, qu'elle a dû cesser de travailler
en juillet 1998, que le diagnostic de sclérose en
plaques a été posé en décembre 1998 ; que Mme
X... a recherché la responsabilité de la société
Sanofi Pasteur, fabricant des produits ;
de la sclérose en plaques et la vaccination de Mme
X... était établi, alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité d'un fabricant du fait
d'un produit défectueux est subordonnée à la
preuve préalable du lien de causalité entre le
dommage et le produit ; que l'incertitude
scientifique sur un tel lien au stade de l'état actuel
des connaissances scientifiques et techniques fait
obstacle à la preuve du lien de causalité par
présomptions au cas particulier ; qu'en l'espèce, la
société Sanofi Pasteur MSD faisait valoir que
l'existence d'un lien entre le vaccin contre
l'hépatite B et l'apparition d'une sclérose en
plaques avait été écarté par la communauté
scientifique et qu'aucun élément de nature
scientifique ne permettait d'envisager l'existence
d'un tel lien ; qu'en considérant que l'absence de
lien scientifiquement établi entre la vaccination et
le déclenchement d'une sclérose en plaques ne
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en
ses trois branches :
Attendu que la société Sanofi Pasteur fait grief à
l'arrêt de dire que le lien entre le déclenchement
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constituait pas un obstacle dirimant aux
prétentions des demandeurs à l'indemnisation et
ne leur interdisait pas de tenter d'établir, par des
présomptions graves, précises et concordantes,
cas par cas, l'imputabilité de la maladie à la
vaccination, tout en ayant retenu qu'il existait une
impossibilité de prouver scientifiquement le lien
de causalité, la cour d'appel a violé l'article 1382
du code civil ;
de son origine ethnique, du temps écoulé entre les
injections et le déclenchement de la maladie, et du
nombre anormalement important des injections
pratiquées, il existait des présomptions graves,
précises et concordantes permettant d'établir le
lien entre les vaccinations litigieuses et le
déclenchement de la sclérose en plaques dont elle
était atteinte ; que le moyen n'est fondé en aucune
de ses branches ;
2°/ que l'imputabilité de l'apparition d'une
sclérose en plaques à l'administration du vaccin
contre l'hépatite B ne peut être admise qu'à la
condition d'être apparue dans un délai bref à
compter de cette administration ; qu'en l'espèce,
la cour d'appel a relevé que Mme X... avait
présenté les premiers symptômes d'une sclérose
en plaques « fin 1992 », après avoir constaté
qu'elle avait reçu une première série d'injections
du vaccin en 1986 ; qu'il en résultait qu'un délai de
plusieurs années s'était écoulé entre la première
administration du vaccin et l'apparition chez Mme
X... d'une sclérose en plaques, ce qui devait
conduire à exclure tout lien entre le vaccin et cette
pathologie ; qu'en décidant le contraire, la cour
d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal,
pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1386-4 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme
X..., l'arrêt, après avoir exactement retenu que la
seule implication du produit dans la maladie ne
suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité
entre ce défaut et la sclérose en plaques, relève
qu'un produit ne peut être retiré du marché du
seul fait qu'il ne répond pas à l'attente particulière
d'une personne, que le bénéfice attendu du vaccin
contre l'hépatite B, par le public utilisateur, est
avant tout une protection efficace contre ce virus,
ce qui est le cas, ce pourquoi le vaccin contre
l'hépatite B, qui a probablement sauvé des milliers
de vie pour lesquelles le risque "hépatite B" était
infiniment plus grand que le risque " sclérose en
plaques", n'a pas été retiré du marché et a reçu
jusqu'à aujourd'hui les autorisations requises, que
si le ministère de la santé a mis un terme aux
campagnes de vaccination systématiques, cette
réserve ne peut contribuer à établir le caractère
défectueux du produit ;
3°/ que l'imputabilité de l'apparition d'une
sclérose en plaques à l'administration du vaccin
contre l'hépatite B ne peut être admise qu'à la
condition d'être apparue dans un délai bref à
compter de cette administration ; qu'en l'espèce,
la cour d'appel a relevé que Mme X... avait
présenté les premiers symptômes d'une sclérose
en plaques « fin 1992 », après avoir relevé que la
dernière vaccination datait de février 1992, soit un
délai d'environ dix mois ; qu'à supposer que le
délai à prendre en considération ait débuté à la
date de la dernière injection de vaccin, sa durée
devait conduire à exclure toute proximité
temporelle entre le vaccin et l'apparition de la
sclérose en plaques ; qu'en décidant le contraire,
la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par une
considération générale sur le rapport
bénéfice/risques de la vaccination, après avoir
admis qu'il existait en l'espèce des présomptions
graves, précises et concordantes tant au regard de
la situation personnelle de Mme X... que des
circonstances particulières résultant notamment
du nombre des injections pratiquées, de
l'imputabilité de la sclérose en plaques à ces
injections, sans examiner si ces mêmes faits ne
constituaient pas des présomptions graves
précises et concordantes du caractère défectueux
des doses qui lui avaient été administrées, la cour
d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, […] CASSE ET ANNULE
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir
exactement énoncé que l'impossibilité de prouver
scientifiquement tant le lien de causalité que
l'absence de lien entre la sclérose en plaques et la
vaccination contre l'hépatite B, laisse place à une
appréciation au cas par cas, par présomptions, de
ce lien de causalité, a estimé qu'au regard de l'état
antérieur de Mme X..., de son histoire familiale,
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