Contrefaçon sur le Net : quelles solutions ?
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Contrefaçon sur le Net : quelles solutions ?
Contrefaçon sur le Net : quelles solutions ? La contrefaçon touche de nombreux produits (bijoux, maroquinerie, médicaments, vêtements…) et profite du Net pour se développer. Pour les entreprises, la gestion de ce risque nécessite la combinaison de réponses à la fois juridiques et non juridiques. La législation française, bien que renforcée en la matière demeure peu utilisée. Au niveau européen, plusieurs évolutions participent à mieux encadrer la contrefaçon, notamment grâce à une harmonisation du droit des États membres. En Italie, une démarche d’enquête spécifique a été mise en place par la Guardia di Finanza pour remonter des réseaux de contrefaçon. Enfin, d’autres solutions demeurent encore à exploiter. Modérateur : Maurice DHOOGE Vice-président santé, sûreté et sécurité, Schneider Electric Industries SAS - Rueil Malmaison (France). Si la contrefaçon est surtout connue pour les produits de luxe, elle couvre en réalité un large spectre de marchandises (jouets, vêtements, médicaments, jeux vidéos…). On évalue la valeur de la contrefaçon à 5 % du PNB mondial. Quelles sont les solutions pour freiner la progression de ce fléau sur le Net ? Modélisation de la gestion des risques Christophe ROQUILLY Professeur, Directeur du centre de recherche Legaledhec, Ecole des hautes études commerciales du Nord (EDHEC) - Lille (France) La contrefaçon constitue un risque pour l’entreprise qui a donc tout intérêt à réduire les incertitudes qui l’entourent pour mieux le maîtriser. Face à la contrefaçon, les entreprises peuvent se trouver dans différentes positions : certaines sont responsables d’un comportement de contrefaçon, d’autres en sont victimes et d’autres encore sont à la fois victimes et responsables (Ebay, par exemple, véhicule à son insu des produits contrefaits). Le risque de contrefaçon peut être de nature juridique ou non juridique (financier, économique, de réputation…). Pour gérer ce risque de façon optimale, l’entreprise doit, en conséquence, articuler des réponses à la fois d’ordre juridique et non juridique. Par exemple, pour lutter contre le risque de perte de confiance (risque non juridique) des utilisateurs, Ebay peut développer une politique contractuelle stricte à l’égard des utilisateurs (gestion juridique) et l’associer à un système de surveillance étroit de son site (gestion non juridique). Les solutions apportées par la loi Myriam QUEMENER Magistrat au Parquet général, Cour d'appel - Versailles (France) Les comportements de contrefaçon sont de plus en plus nombreux s’inscrivent de plus en plus dans une logique de réseaux. Pour tenter d’enrayer ces développements la législation française s’est renforcée. Ainsi, la loi du 9 mars 2004 a accru les sanctions pour contrefaçon et l’infraction est de nature aggravée lorsqu’elle est commise en ligne. Bien que complet, l’arsenal législatif français n’en demeure pas moins sous-utilisé. Une spécialisation des parquets, une meilleure coordination des actions pénales et douanières ou encore une mutualisation des informations sont autant de moyens qui pourraient renforcer l’optimisation de l’activité pénale en matière de contrefaçon. La démarche d’enquête en Italie Massimo GRILLO Colonel, chef du service des relations internationales, quartier général de la Guardia di finanza - Rome (Italie) La Guardia di Finanza est une police financière qui dépend du ministère de l’Economie et des Finances italien, et l’une de ses missions est la lutte contre la contrefaçon. Lors d’une affaire récente, l’enquête s’est déroulée en deux phases successives. L’enquête a commencé tout d’abord par l’analyse et la surveillance des enchères de certains produits d’une grande marque italienne sur le site Ebay. Ensuite, la détection du premier fournisseur a permis de retrouver le fournisseur italien ainsi que les entrepôts de stockage des produits contrefaits. Cette affaire a mobilisé 500 agents et officiers ; elle a permis de retrouver 600 000 biens de contrefaçon. Par ailleurs, 148 personnes ont été déférées à l’autorité judiciaire. Les solutions apportées par l’Union Européenne Christian TOURNIE Chef d’escadron, expert national détaché, Direction générale justice, libertés et sécurité (DG/JLS) Bruxelles (Belgique) La lutte contre la contrefaçon est un enjeu européen majeur, car elle permet de protéger l’innovation et le marché intérieur. Dans ce cadre, l’Union Européenne a tout d’abord procédé à l’harmonisation du droit de la propriété intellectuelle. Ensuite, le règlement douanier, en date de 2003, permet d’améliorer le contrôle des biens et en favorise la rétention en cas de soupçon de contrefaçon. Une directive de 2003 contraint aussi les États membres à mettre en place des sanctions et des mesures suffisamment dissuasives en matière de contrefaçon. En outre, dans le champ pénal, une proposition d’harmonisation est en cours d’élaboration. Enfin, un plan européen global de lutte contre la contrefaçon et le piratage a été mis en place. Il a notamment permis la création de l’Observatoire européen pour la contrefaçon et le piratage. Solutions pratiques et perspectives Martin GRASSET Avocat spécialiste en droit des marques, dessins et modèles - Lille (France) La contrefaçon est une activité très lucrative. Les gains sont importants et les risques, tout du moins en France, sont en comparaison dérisoires (5 ans de prison ou 500 000 € d’amende). Plusieurs arrêts récents de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) tendent à alléger de plus en plus la responsabilité de l’annonceur (par exemple Ebay ou Price Minister…). En dépit de cette évolution, les plateformes de vente aux enchères en ligne et les grandes marques ont signé, en France, une charte pour lutter contre la contrefaçon. Si elle a le mérite d’exister, cette charte n’en est pas pour autant contraignante. La création de la cyberdouane, en 2009, constitue une autre avancée. Malheureusement, ses effectifs demeurent restreints (15 personnes seulement). Plusieurs perspectives restent à exploiter comme la signature d’un accord entre l’Union des fabricants (UNIFAB) et Google ou l’obligation d’afficher un jugement pour contrefaçon sur le site poursuivi.