Les professeurs de Oaxaca de nouveau en lutte

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Les professeurs de Oaxaca de nouveau en lutte
Les professeurs de Oaxaca de nouveau en lutte
Les faits. Les barricades et les actions
contre l’Etat néolibéral d’Ulises Ruiz Ortiz
refont surface depuis quelques jours dans
la région de Oaxaca au Mexique après
l’assassinat, vendredi 28 août, d’un
professeur membre du très combatif
syndicat démocratique des enseignants de
Oaxaca (dénommée « section XXII »), à
l’origine de la révolte populaire de 2006.
Dans un contexte de rentrée scolaire,
l’assemblée des professeurs de cette
section XXII a annoncé trois jours de
grève pour protester contre cet assassinat
qui a eu lieu lors d’une tentative de « prise
d’école » par les enseignants organisés. En
effet, depuis le début des années 1980, et Mercredi 2 août 2009. Assemblée des professeurs à Huautla, Oaxaca.
surtout depuis la grande grève de 2006, les professeurs organisés sont l’objet d’agressions,
d’assassinats (100 depuis le début des années 1980) et de disparitions. Une des formes de
répression également très en vogue, surtout depuis 2006, consiste pour l’Etat à attribuer les
postes laissés vacants temporairement par les grévistes à des personnes conformes aux intérêts
du gouverneur, personnes qui pour la plupart n’ont aucun lien avec l’éducation ou
l’enseignement. Un professeur de la section XXII de Huautla, dans le nord de Oaxaca, évoque
le terme de « crime professionnel » dont l’objectif est de démanteler l’organisation des
professeurs à Oaxaca. Ces derniers se mobilisent sans cesse depuis 2006 pour, en autres,
retrouver leur poste. En théorie, un accord a été signé en janvier 2009 entre les gouvernements
fédéral, régional et local pour que chaque professeur gréviste puisse retrouver son poste mais
l’accord n’a pas été respecté, d’où la nécessité pour ces
professeurs de « reprendre » leur école lors d’actions
concertées en assemblées avec les parents et parfois les
autorités locales.
Les trois jours de grève décrétés il y a un peu moins d’une
semaine par la section XXII se sont traduits dans toute la
région de Oaxaca par des assemblées, bloquages de rues et
manifestations. A l’heure où nous écrivons cet article, les
principales artères de la ville de Oaxaca sont bloquées, ainsi
que celles des autres villes de l’état. Les enseignants sont
fermement décidés à se faire entendre, à ne pas accepter les réformes libérales éducatives qui
voient le jour dans les hautes sphères de l’Etat et qui ont pour propos, comme partout dans les
pays capitalistes, d’adapter les programmes éducatifs aux besoins du marché.
Une nouvelle éducation. La section XXII refuse catégoriquement toutes ces réformes et ne
reste pas dans la contestation mais dicte et met en place de réelles propositions pour donner
une alternative concrète à l’ACE (Accord pour la Qualité de l’Enseignement, qui a été signé
entre le gouvernement et Elba Esther Gordillo, présidente du syndicat national des travailleurs
de l’éducation, connue pour ses pratiques de clientélisme et de répression envers les
enseignants organisés). La section XXII a redigé un programme éducatif qui se développe
ainsi :
- Sur l’évaluation des enseignants. La section XXII propose d’a utres formes
d’évaluation du travail de l’enseignant pour contrer celle du gouvernement qui tend a créer
une hiérarchie salariale entre les « bons » et « mauvais » professeurs, ceci pour mieux les
diviser. De plus cette évaluation est faite par des entreprises privées et n’est donc pas toujours
partiale. Pour la section XXII, l’évaluation doit permettre à chaque professeur de progresser
dans son métier, de le faire réfléchir sur sa façon d’enseigner et de pouvoir l’améliorer ; ainsi
les élèves seront, comme il se doit, les premiers bénéficiaires de ce système.
- Sur la formation des professeurs. Dans cette même voie, la section XXII invite aussi
à revoir la formation des maîtres. Celle-ci reste trés inégalitaire selon les différentes écoles de
formation. Cela fait que certains n’arrivent pas à obtenir le diplôme final ou s’ils l’obtiennent,
ont dû mal à répondre aux exigences de l’évaluation en cours de carrière. La section XXII
demande donc une formation de qualité pour tou-te-s et propose de compléter celle-ci par des
ateliers comme formation continue. Le mouvement de 2006 à Oaxaca a créé de nouvelles
approches pédagogiques inspirées du pédagogue brésilien Paolo Freire. Le syndicat
souhaiterait que ces écoles soient reconnues et respectées et non pas, comme nous le disions
plus haut, attribuées aux professeurs « du gouvernement » dès qu’une grève éclate.
- Une éducation respectueuse de la diversité culturelle. Dans leur programme est prise
aussi en compte la grande diversité culturelle de la région de Oaxaca où sont parlées plus de
seize langues. La section XXII est contre une éducation homogène qui ne correspond pas à la
réalité du Mexique. Elle pense que chaque école et chaque maître devraient pouvoir adapter
son enseignement aux besoins de son public. Elle veut revaloriser et développer la richesse
culturelle que possède son pays. Elle soutient par exemple des événements culturels comme la
Guelaguetza populaire et en défend sa gratuité.
- Sur la question des infrastructures. Enfin,
la section XXII insiste aussi dans son programme
sur la nécessité d’un budget réservé à la
maintenance des infrastructures et à l’achat de
matériel avec lequel les enseignants et les élèves
travaillent. Certaines écoles se détériorent et n’ont
pas été restaurées depuis de nombreuses années. De
plus dans de nombreuses écoles, les enseignants
écrivent encore à la main sur chaque cahier d’élèves
les exercices à réaliser.
Ce programme de la section XXII n’en reste
pas au stade de propositions mais est mis en place directement dans les écoles. En ce la les
enseignants gardent encore une certaine autonomie mais celle-ci reste à défendre car elle est
en danger si les moyens viennent à manquer et surtout si les maîtres de la section XXII sont
remplacés par les pions du gouvernement, plus dociles et qui n’ont pas la même vocation. En
effet, on reste émerveillé devant la dévotion des maîtres de Oaxaca qui ont compris
l’importance de former les futures générations et qui veulent le faire du mieux possible car ils
ont conscience que c’est elles qui portent l’espoir des futurs changements.
M&M

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