Des coachs comme s`il en pleuvait mais bien trop peu de coachés

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Des coachs comme s`il en pleuvait mais bien trop peu de coachés
Des coachs comme s’il en pleuvait mais bien trop peu de coachés – 1/2
Une vision du métier très polluée
Qu’il
semble y avoir trop de coachs vous en
conviendrez d’autant plus que, depuis 4 à 5 ans,
dans tous les médias (TV, magazines, web,
journaux) on découvre des propositions de
coaching dans à peu près tous les domaines
imaginables et inimaginables de la vie
personnelle et professionnelle. C’est un vaste
amalgame de conseils, de programmes, de
recettes, de modèles et que sais-je d’autre pour
déguiser ce qui n’est la plupart du temps qu’une
forme à la mode de manipulation marketing.
Ca pourrait être amusant à observer de
l’extérieur (et ça l’est quand on est d’humeur)
mais il en restera toujours un arrière goût un peu
amer ;
C’est assez navrant de voir que nous sommes, à l’évidence, tous considérés comme des gogos toujours
aussi bernables par les salades des professionnels du marketing*. Bref, vous l’avez compris, rien de
tout cela n’est du coaching.
La mauvaise utilisation du terme est d’ailleurs à son comble quand on entend les journalistes et
commentateurs sportifs parler du « coaching » d’un entraineur quand il effectue un changement au
cours d’un match. Mais si, sans être accro au sujet, vous savez bien « excellent coaching de
l’entraineur Machin qui fait remplace Bidule par Truc qui score 2 minutes plus tard et fait gagner son
équipe ». Ainsi, l’entraineur d’une équipe est responsable de l’entrainement et de la sélection des
joueurs, de la stratégie et de la tactique de l’équipe et il « coache » 2 à 3 fois pendant le match (alors
que ceci n’est qu’une décision tactique), à se demander pourquoi on les appelle des coachs. Quand on
sait que l’origine du métier de coach dans la sphère professionnelle, fort utile et efficace quand il est
pratiqué par des professionnels aguerris, a ses racines dans le monde du sport outre-Atlantique, toutes
ces dérives sont probablement dues aux courants marins pendant la traversée de l’océan qui nous
sépare, comme souvent avec la « francisation » à la française (nos cousins du Québec francisent
beaucoup plus intelligemment que nous, question de culture et surtout de pragmatisme).
Donc, dans un monde où fleurissent tous ces conseillers, gourous, vendeurs déguisés en coach pour
vendre quelque chose, il est difficile de faire le tri, sans parler de l’impact négatif sur l’image du
véritable métier de coach. Il y a 10 ans, lorsque je mentionnais être coaché en tant que cadre
dirigeant cela générait plutôt de l’intérêt teinté de respect chez mon interlocuteur. Aujourd’hui, cela
prêterait plutôt à sourire tant le champ des domaines dans lequel on peut être soi-disant coaché est
vaste et cela encourage rarement un interlocuteur à creuser au risque de commettre un impair.
Plus sérieusement, il reste que, dans la sphère professionnelle et dans ce pays, le nombre de
dirigeants et managers candidats à un accompagnement de type coaching semble étonnamment bien
moins élevé que le nombre de coachs sur le marché**. Plusieurs facteurs liés à la culture et à l’image
me semblent en être la cause.
Un frein culturel
Dans la culture française, le manager est celui qui sait. Il doit posséder des compétences et des savoir
faire techniques qu’il a acquis à l’école lorsqu’il débute puis développé dans ses diverses expériences
professionnelles par la suite. Dans certains cas il aura suivi une formation au management et s’il n’est
pas issu d’une grande école, il aura souvent suivi une formation technique qualifiante type CNAM.
Etant celui qui sait, le bon sens populaire nous dit qu’il pourra ainsi résoudre les problèmes rencontrés
par ses équipes ou arbitrer intelligemment entre les solutions.
Certains vont me dire qu’il n’y a pas de management là dedans. Ils ont tout à fait raison mais je vous
propose de parcourir au hasard quelques offres d’emploi à des postes de management sur n’importe
quel moteur de recherche. Au moins 80% du contenu est un énoncé de compétences et de savoir faire
techniques. Le reste parle d’expérience du management et de gestion mais pratiquement jamais de
compétences managériales et encore moins de savoir être. C’est comme ci ce volet était inné « tu as
la tête bien faite, tu seras un leader mon fils ».
Or, comme dans les arts martiaux, être un manager efficace s’apprend par la pratique au quotidien
sur le terrain et toute sa vie. Mais comme c’est sensé être inné, un manager se sent souvent peu
légitime à solliciter un accompagnement de type coaching. Après tout on l’a recruté/promu et on le
paye pour être un manager, demander un accompagnement c’est avouer une certaine incompétence
(il arrive quand même qu’on puisse justifier un tel accompagnement pour un changement de poste).
Un problème d’image
Sans insister sur les utilisations abusives et erronées des termes coach et coaching il y a tout de même
un problème d’image lié au développement personnel, boite à Pandore dans laquelle on trouve
chaque jour de nouveaux modèles et de nouvelles recettes pour vivre mieux sa vie. Le problème n’est
pas le développement personnel en soi, mais son association rapportée au monde de l’entreprise
entache le sérieux de la démarche. C’est d’ailleurs assez amusant puisqu’un nombre certain de
techniques issues du développement personnel et adaptées pour « plaire » aux services de ressources
humaines sont déjà solidement en place dans le monde de l’entreprise (tests psychologiques,
programmes de développement des salariés, bilans de carrière et de compétences, auto-évaluations,
feedbacks). Mais bon, l’image est tout de même réelle et traiter du développement personnel dans
l’entreprise c’est traiter les problèmes existentiels de l’individu et c’est encore aujourd’hui considéré
hors jeu.
* qui sont tous des menteurs comme le dit lui-même Seth Godin, l’un des plus grands d’entre eux …
** Pour ce qui est de la cause du nombre élevé de coach sur le marché je ne me prononcerai certainement pas
sauf à constater que lorsque le nombre de formations au coaching est en augmentation constante, le nombre de
personnes formées tend à suivre une courbe assez exponentielle. Et comme quantité n’est pas souvent
synonyme de qualité … formulons le vœu que le marché fera assez vite son œuvre avant que le métier ne soit
décrédibilisé.