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Revue de Presse du Liban et du Moyen-Orient
Médiarama
Mardi 2 juillet 2013
Numéro 370
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L’événement
Titres des journaux
As Safir (nationaliste arabe)
L’Egypte retrouve son âme et écrit
l’Histoire de nouveau: l’armée
«abandonne» le pouvoir, et le
terrain tranche aujourd’hui
An Nahar (proche du 14-Mars)
Egypte: accord sous 48h ou un
coup d’état. L’armée avec «les
demandes du peuple» contre Morsi
Al Akhbar (quotidien libanais de gauche)
Tripoli: rébellion contre l’armée
Al Joumhouria (propriété d’Elias Murr)
Hezbollah: pas de gouvernement
avant septembre
Al Moustaqbal (propriété de Saad Hariri)
L’armée égyptienne lance un
ultimatum à Morsi.
48h pour répondre aux
revendications du peuple
L’Orient-Le Jour (proche du 14-Mars)
L’armée égyptienne arbitre
de la crise
Al Watan (quotidien syrien non étatique)
La vieille ville de Homs nettoyée
Al Hayat (quotidien à capitauix saoudiens)
L’armée resserre l’étau autour
de Morsi et se prépare à trancher
Egypte: l’armée avec le peuple, Morsi s’accroche
Les Egyptiens sont appelés par l’opposition à redescendre dans la rue, ce mardi,
pour réclamer la démission du président Mohammad Morsi et la chute du pouvoir
des Frères musulmans, alors que la crise dans le pays se complique et les
événements s’accélèrent.
Après les manifestations historiques de dimanche, ponctuées par des violences
qui ont fait 16 morts et des centaines de blessés, l’armée a fait irruption sur la
scène politique, en apportant un soutien à peine voilé aux revendications du
peuple. Dans un message lu à la télévision, le commandement militaire a «réitéré
sa demande pour que les revendications du peuple soient satisfaites» et a «donné
à toutes les parties 48 heures, comme dernière chance de prendre leurs
responsabilités face aux circonstances historiques auxquelles le pays fait face».
«Si les revendications du peuple ne sont pas satisfaites durant cette période, les
forces armées annonceront une feuille de route et des mesures pour superviser
leur mise en œuvre», selon cette déclaration.
La réponse de Mohammad Morsi est venue quelques heures plus tard, rejetant
implicitement l'ultimatum lancé par l'armée. Dans un communiqué publié dans la
nuit de lundi à mardi, la présidence affirme que «la déclaration des forces
armées n'a pas été soumise au président» avant sa diffusion et contient «des
signes pouvant causer la confusion», se disant déterminée «à poursuivre dans la
voie qu'elle a choisi pour mener une réconciliation nationale globale».
A son tour, l'opposition égyptienne a affirmé mardi qu'elle ne soutiendrait aucun
«coup d'Etat militaire», soulignant que l'ultimatum lancé par l'armée au président
islamiste Mohammad Morsi pour «satisfaire les revendications du peuple» ne
signifiait pas que les militaires voulaient jouer un rôle politique. «Nous ne
soutenons aucun coup d'Etat militaire», affirme dans un communiqué le Front du
salut national (FSN, principale coalition de l'opposition), ajoutant «faire
confiance à la déclaration de l'armée (affirmant que les militaires) ne veulent pas
s'investir en politique».
Les Américains aussi ont fait irruption sur la scène égyptienne. Le président
Barack Obama a invité «toutes les parties à faire preuve de retenue». L’issue des
troubles en Égypte aura un «impact important» sur l’évolution des autres pays de
la région, a estimé de son côté le porte-parole l’Onu, Eduardo del Buey.
Le ministre syrien de l’Information, Omrane al-Zohbi, a quant à lui affirmé lundi
que les Frères musulmans ont échoué à diriger l’Égypte. En un an de pouvoir, les
Frères musulmans «ont réussi à démolir la réputation de l’État. Ils ont présenté
un des plus mauvais exemples en démolissant ce qui avait été bâti» depuis la
révolution égyptienne de 1952, a affirmé M. Zohbi, qui a dénoncé aussi les Frères
musulmans de Syrie qui ont, selon lui, donné l’exemple dans les années 80 et
encore aujourd’hui de «leur capacité à détruire l’unité nationale».
Pendant ce temps, la cascade de démissions de ministres et de hauts
responsables égyptiens se poursuit. Le ministre des Affaires étrangères,
Mohammad Kamel Amr, a ainsi remis sa démission au Premier ministre Hicham
Kandil. M. Amr est le plus important membre du cabinet à quitter le
gouvernement, après la démission lundi de quatre ministres, (Tourisme,
Environnement, Communications, et des Affaires juridiques et parlementaires).
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Médiarama Page 2
As Safir
Kassem Kassir, spécialiste des mouvements islamistes
Le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a assuré que «toutes les
campagnes qui visent le parti ou le ciblent personnellement n’auront aucun impact
sur les orientations actuelles». Il s’est dit satisfait des développements de la
situation au Liban et dans la région, affirmant que «malgré le climat d’escalade, les
résultats des événements seront dans l’intérêt des forces de la Résistance».
Lors d’une rencontre fermée avec des responsables et des cadres du parti, sayyed
Nasrallah les a rassurés et leur a expliqué les derniers développements au Liban, en
Syrie et en Iran. «Les jours qui viennent prouveront la justesse des choix que nous
avons pris ces deux dernières années, aussi bien au Liban qu’en Syrie», a-t-il dit.
Le leader du Hezbollah a souligné l’étroitesse des relations entre le Mouvement
Hamas et le Hezbollah, démentant les informations sur la participation de
combattants du mouvement islamiste palestinien dans les batailles aux côtés des
rebelles syriens. Il a assuré que les contacts sont permanents entre les deux partis,
ainsi que la coopération et la coordination pour faire face au climat sectaire et à la
fitna dans la région. «Tous les développements sur le terrain et sur le plan politique
se dirigent vers le mieux, a ajouté sayyed Nasrallah.
Les propos de sayyed Nasrallah interviennent dans le cadre de préparatifs entrepris
par le Hezbollah pour adopter une nouvelle orientation sur les plans politique et
médiatique afin de faire face à la campagne de dénigrement dont il est la cible
depuis les combats de Abra et les attaques intensives lancées contre lui par le
Courant du futur et certains groupes islamistes. Le parti a pris la décision d’autoriser
certains de ses responsables à apparaitre sur les médias pour répondre aux questions
soulevées au sujet du rôle du Hezbollah au Liban et en Syrie. Cette décision s’est
traduite par la participation du député Hassan Fadlallah, mardi dernier, à un
talkshow sur la OTV. Les dirigeants et responsables du Hezbollah devraient être plus
présents prochainement aux niveaux médiatiques et populaires pour expliciter la
vision du parti et pour exprimer son attachement à l’unité islamique et nationale.
Son message est de dire que ce qui se passe actuellement n’est pas dirigé contre une
communauté en particulier mais constitue une réponse à l’apparition de groupes
takfiristes, et que le parti est disposé à rétablir les ponts avec tous les mouvements
islamistes pour discuter de tous les dossiers.
As Safir
Le cheikh Ahmad el-Assir planifiait de commettre des attentats dans plusieurs régions
du Liban dans le but de provoquer des dissensions confessionnelles sous les ordres
d’un service de sécurité et financé par des hommes d’affaires connus.
Une source de sécurité a affirmé que des hommes d’affaires connus ont octroyé au
cheikh Assir des sommes d’argent conséquentes et des appartements qui lui ont
permis d’acheter des armes et des explosifs dans le but de commettre des attentats
dans plusieurs régions libanaises. Cette même source a indiqué qu’un camion rempli
d’armes avait traversé un barrage militaire sous le couvert d’un important service de
sécurité, deux jours avant l’offensive militaire contre le bastion d’al-Assir à Abra, au
Liban-Sud.
Al Akhbar
Les milieux du président de la Chambre, Nabih Berry, ont exprimé son
«mécontentement manifeste à l’égard du retournement du Premier ministre
démissionnaire, Najib Mikati, qui lui avait déclaré qu’il n’y avait nul besoin de signer
un décret pour l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire du
Parlement».
Selon ces milieux, «le mécontentement» de M. Berry ne signifie pas qu’il a été
«surpris», car il est habitué «au sunnisme» du président Mikati dans lequel il se
réfugie pour surenchérir sur le Courant du futur, notamment à Tripoli, «la ville du
général Achraf Rifi».
ILS ONT DIT…
Sleiman Frangié, leader du
Courant Marada (8-Mars)
“Les chrétiens sont-ils
capables, à la fin du mandat du
commandant en chef de l’armée,
de se mettre d’accord sur son
successeur? Chacun parmi nous
a ses préférences, ce qui fait que
nous ne parviendrons pas à un
accord à ce sujet et le
commandement de l’armée
risque de plonger dans le vide.
C’est pour cette raison qu’il a été
question de reculer l’âge de la
retraite et non pas de proroger le
mandat du commandant en chef.
Les leaderships musulmans
parviennent facilement à
s’entendre sur les candidats à
des postes déterminés, ce qui
n’est pas le cas chez les
chrétiens. L’étape à venir sera
pénible. Il est nécessaire de
déployer tous les efforts pour la
traverser en paix. Les décideurs
internationaux essayent de
provoquer une tension sunnitechiite qui atteindra l’Asie, l’Iran, le
Pakistan et l’Afghanistan, au
service d’Israël, des États-Unis et
de l’Occident. Nous soutenons le
maintien des armes de la
Résistance dans la mesure où
celles-ci sont dirigées contre
Israël et où elles protègent la
souveraineté libanaise. Ces
armes nous confèrent une
position de force indispensable
en cas de négociations de paix et
peuvent être confiées aux
autorités légales, une fois la paix
réalisée. Si tous les Libanais font
front aux armes du Hezbollah,
pensent-ils vraiment pouvoir les
lui confisquer? Il faut éviter les
problèmes internes et de les
confiner au sein des institutions
constitutionnelles.
Nicolas Fattouche, député
de Zalhé
“Nous sommes en présence
d’une violation de la
Constitution. Si le gouvernement
décide de ne pas venir au
Parlement, cela signifie-t-il pour
autant que les députés doivent
s’abstenir de légiférer? Si le
Premier ministre décide de ne
pas être présent à l’Assemblée,
a-t-il le droit de paralyser le
travail de législation?
Médiarama Page 3
ILS ONT DIT…
Al Liwa’ (Quotidien proche du 14-Mars)
Les divergences entre le Courant patriotique libre et le Hezbollah, au sujet de
certains dossiers internes, comme la prorogation du mandat du Parlement et la
polémique autour de la séance parlementaire à laquelle a appelé le président
Nabih Berry, n’ont pas eu et n’auront pas d’effets sur leur alliance. Car ce qui
se passe actuellement s’inscrit dans le cadre d’un scénario convenu entre les
deux partis conformément auquel le CPL dispose d’une large marge de
manœuvre qui l’aiderait à réaliser des gains politiques sur la scène chrétienne.
Selon des informations sûres, tout en se démarquant du CPL qui refuse la
prorogation du mandat du commandant en chef de l’Armée, le secrétaire
général du Hezbollah a informé le général Michel Aoun qu’il comprenait les
raisons de son opposition à cette prorogation. Mais pour sayyed Hassan
Nasrallah, les circonstances actuelles imposent au Hezbollah d’accepter le
maintien du général Kahwaji à son poste, car après la prorogation du mandat
du Parlement, le parti doit concentrer ses efforts au front syrien.
Des sources informées ajoutent que le général Aoun et son équipe politique
appuient sans réserve la participation du Hezbollah aux combats en Syrie, et
Aoun a exprimé ce soutien à sayyed Nasrallah après la fin de l’opération
militaire de l’armée à Abra, soulignant la «justesse» de cette décision pour
éloigner les dangers qui menacent le Liban.
Dans ce contexte, le député Hekmat Dib, membre du Bloc parlementaire du
CPL, a assuré qu’en dépit des divergences entre le CPL et le Hezbollah sur
certaines questions, «cela n’aura pas d’influence sur le fondement de leur
alliance, car ils sont sur un même navire». Et M. Dib de conclure: «Il n’est pas
demandé que chaque les deux partis fondent l’un dans l’autre. Personne ne
doit miser sur la fin de notre alliance avec le Hezbollah ou sur l’abrogation du
document d’entente que nous avons signé, car face au danger
(fondamentaliste) qui vient vers nous d’au-delà des frontières, la neutralité n’a
plus de sens».
Al Raï (Quotidien koweitien)
Des sources de sécurité ont indiqué que le cheikh Ahmad al-Assir et l’ancien
chanteur Fadel Chaker n’ont pas été tués lors des combats de Abra, précisant
que cinq corps, dont quatre sont mutilés et le cinquième carbonisé, se trouvent
dans les hôpitaux de Saïda et de Beyrouth. Quatre ont pu être identifiés, alors
que des tests d’ADN sont effectués sur le dernier, y compris avec des membres
de la famille d’al-Assir. Les sources ont démenti la découverte de deux nouveaux
cadavres à Abra.
L’épouse de cheikh al-Assir a affirmé que Fadel Chaker avait été blessé au ventre
et qu’elle l’avait elle-même soigné après les combats, avant qu’il ne s’enfuie. Un
des deux fils d’al-Assir aurait également été gravement blessé.
Des sources bien informées ajoutent que Chaker et al-Assir sont entourés d’un
grand nombre de proches et ont tous réussi à s’enfuir vers une destination
inconnue, bien que les pronostics indiquent qu’ils se trouveraient dans les
environs de Saïda ou au Liban-Nord.
Les deux épouses d’al-Assir n’ont pas été arrêtées et elles vivent actuellement
dans le domicile du père du dignitaire religieux, Hilal al-Assir. Le commissaire du
gouvernement près le tribunal militaire, le juge Sakr Sakr, a recueilli leurs
dépositions avant de les relâcher.
Mohammad Raad, chef du bloc
parlementaire du Hezbollah
“Ce qui s’est passé à Abra est
bien plus dangereux que l’épisode
du camp de Nahr el-Bared,
lorsque l’armée a été visée en
temps qu’institution nationale
garante de la sécurité, de la paix
civile et de la stabilité. L’autre
camp doit reconsidérer son
comportement et cesser de
tromper l’opinion publique et se
lamenter après avoir fait de
mauvais paris. Nous leur donnons
l’occasion de revoir leur position
parce que nous voulons construire
ensemble un pays fort et blindé
contre les défis et les dangers.
Celui qui désire édifier un État ne
bloque pas l’action de ses
institutions, ni celle du
gouvernement ou du Parlement,
encore moins celle de l’armée.
Nous sommes à la veille d’une
période dangereuse à cause du
vide sécuritaire. Si le mandat du
commandant en chef de l’armée
n’est pas prorogé ou si l’on ne
parvient pas à désigner un
nouveau commandant en chef,
l’armée deviendra une institution
sans gouvernail. Personne ne
peut prendre le relais de l’actuel
commandant s’il n’a pas été
désigné par le Conseil des
ministres. Or le gouvernement est
démissionnaire et ne peut nommer
un nouveau commandant en chef.
Que personne ne se fasse
d’illusions. Il est impossible de
parvenir d’ici à septembre
prochain à former un
gouvernement, à achever la
déclaration ministérielle et à
accorder la confiance à l’exécutif.
Amine Gemayel, chef du Parti
Kataëb
“L’intervention du Hezbollah en
Syrie a conduit un camp politique
à refuser de faire partie d’un
gouvernement incluant le
Hezbollah. Cela sans compter que
le combat du parti met en danger
la situation de Libanais dans le
Golfe. Il faut reprendre le travail
pour la formation d’un nouveau
gouvernement au plus vite, afin de
réunifier la famille libanaise. Tous
les États ont le regard tourné vers
le rôle du Hezbollah en Syrie. Le
Hezbollah a peut-être payé les
pots cassés du régime syrien,
mais ça suffit.
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Médiarama Page 4
Washington espionne
ses propres alliés
L'ambassade de France à
Washington et sa
représentation diplomatique à
l’Onu ont été placées sur
écoutes, parmi d'autres
missions étrangères, par les
services américains du
renseignement, affirme le
quotidien britannique The
Guardian. Le journal s'appuie
sur un document daté de
septembre 2010 obtenu auprès
d'Edward Snowden, l'ancien
consultant informatique de la
National Security Agence
(NSA) à l'origine des fuites sur
le programme de
cybersurveillance Prism. Listant
38 ambassades et missions
diplomatiques décrites comme
des «cibles», ce document
«détaille une gamme
extraordinaire de méthodes
d'espionnage utilisées contre
chacune de ces cibles, allant
de micros dissimulés dans des
équipements électroniques de
communication à des
branchements sur des câbles
ou à la collecte de
transmissions au moyen
d'antennes spéciales». «En
plus des adversaires
idéologiques traditionnels et
des pays sensibles du M-O, la
liste de cibles inclut les
missions de l'UE et les
ambassades de France, d'Italie
et de Grèce, ainsi qu'un certain
nombre d'alliés de l'Amérique,
dont le Japon, le Mexique, la
Corée du Sud, l'Inde et la
Turquie», ajoute le Guardian.
L'opération de surveillance de
la mission française à l'Onu
avait pour nom de code
«Blackfoot», l'opération visant
l'ambassade de France à
Washington était mentionnée
sous le nom de «Wabash». La
liste ne fait pas mention en
revanche du Royaume-Uni, de
l'Allemagne ou d'autres Etats
européens. Le scandale des
programmes américains de
cybersurveillance a pris un tour
nouveau avec les révélations
de l'hebdomadaire allemand
Der Spiegel, selon lequel les
services secrets américains ont
piégé les locaux de l'UE à
Washington, à Bruxelles et à
l'Onu pour avoir accès à ses
réseaux informatiques internes.
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L’Orient-Le
Jour Page 3
Médiarama
Scarlett Haddad, journaliste libanaise proche du 14-Mars
Deux lectures contradictoires sont faites après la bataille de Abra et la disparition –jusqu’à nouvel
ordre– de cheikh Ahmad el-Assir. La première prévoit une recrudescence des actes de violence et
peut-être même un embrasement généralisé au Liban, l’opération militaire qui a mis fin au
mouvement de cheikh Assir ayant exacerbé les tensions confessionnelles, et la seconde, au
contraire, estime que l’opération militaire de Abra a porté un coup au projet de discorde
confessionnelle, l’armée libanaise ayant réussi à s’interposer entre le cheikh et ses hommes, d’un
côté, et le Hezbollah et les Brigades de la résistance, de l’autre.
Ce qui ressort toutefois des deux lectures, c’est que les événements de Abra sont suffisamment
importants pour marquer la suite des développements au Liban.
Le «phénomène Assir» n’est donc pas un accident de parcours, ni la réaction de la rue sunnite à
Saïda aux armes du Hezbollah. La bataille menée contre l’armée libanaise pendant près de 48
heures et le nombre relativement élevé de martyrs, les armes utilisées et les combattants, dont
une grande partie sont syriens et palestiniens, engagés dans les affrontements, ainsi surtout que
les dépôts trouvés et les tunnels souterrains découverts dans le complexe occupé par le cheikh
salafiste et ses hommes, montrent qu’il s’agissait bien d’un projet global de discorde
confessionnelle entre les sunnites et les chiites à partir de Saïda, portière du Sud et voie de
passage obligée pour les combattants du Hezbollah, mais aussi pour son assise populaire.
Ce projet qui, selon des sources militaires, se préparait depuis plus d’un an, les préparatifs et les
installations, ainsi que la nature des armes trouvées, les charges explosives, étant des indices
concluants à ce sujet. Il bénéficierait aussi de l’appui plus ou moins déclaré de nombreuses parties
locales, arabes et régionales, notamment l’opposition syrienne et ses soutiens. Les deux lectures
sont d’accord sur ces éléments. Mais c’est sur la suite qu’elles divergent.
Pour la première, soutenue par certains milieux diplomatiques européens qui confient leur
inquiétude sur la possibilité d’un embrassement généralisé au Liban surtout à cause de
l’intervention du Hezbollah en Syrie, l’opération de l’armée contre le fief de cheikh Assir a
radicalisé encore plus la rue sunnite et va pousser celle-ci à réagir encore plus violemment. Même
au sein du courant du Futur, considéré comme la formation modérée des sunnites, certaines
figures adoptent un ton désormais bien plus agressif, notamment à l’égard de l’armée, et poussent
vers des protestations populaires plus musclées pour exiger des concessions de la part du
Hezbollah et le retrait de ses hommes de Syrie. Même la remise par ce dernier des appartements
qu’il occupait à Abra face au fief de cheikh Assir à l’armée libanaise (le dignitaire salafiste avait
exigé l’évacuation de ces appartements et le courant du Futur a repris à son compte cette
revendication) n’a pas été jugée suffisante par le courant du Futur qui veut désormais la
dissolution des « Brigades de la résistance » – ces unités formées de volontaires non chiites enrôlés
dans la résistance et qui comptent beaucoup de partisans sunnites à Saïda –, le retrait des
combattants de Syrie et la remise à la justice de ceux qui auraient tiré contre la villa de Bahia
Hariri à Majdelyoun. Selon cette lecture, le coup de force contre Ahmad el-Assir a donc aiguisé les
haines confessionnelles et cette tension qui est en train d’atteindre son apogée ne peut que se
traduire par des actes de violence sur le terrain, face à un affaiblissement de toutes les
institutions de l’État – dont l’armée libanaise – et à la présence massive de déplacés syriens au
Liban, qui constitue une bombe à retardement.
La seconde lecture, quant à elle, estime au contraire que le coup de force de l’armée contre le
fief du cheikh salafiste a porté un coup dur au projet de déstabilisation du Liban, voulu par
certaines parties locales et arabes pour frapper le Hezbollah et l’entraîner dans un conflit interne.
Même si le projet n’est pas totalement neutralisé, selon cette lecture, il lui faudra du temps pour
se reconstituer, trouver une autre figure de proue et un autre lieu de confrontation. Tripoli,
malgré son bouillonnement permanent et la colère des islamistes après l’opération militaire à
Abra, ne constitue pas vraiment une menace pour le Hezbollah et a peu de chances de l’entraîner
dans un conflit interne, les chiites étant pratiquement absents du Nord, alors que Ersal ne peut
bouger que si, de l’autre côté de la frontière, l’opposition syrienne contrôle la région. Certes, les
incidents se multiplient à Beyrouth, entre Tarik Jdidé, Sabra et Chatila, d’un côté, et la banlieue
sud, de l’autre, mais on ne peut pas encore envisager un embrasement généralisé à partir de ce
secteur. De plus, selon cette lecture, le Hezbollah est parfaitement conscient du piège qu’on
voudrait lui tendre et il évite de répondre aux provocations. Or, sans sa participation, il ne peut y
avoir de grande confrontation.
Toutefois, ce qui attire l’attention des observateurs, c’est l’inconnue chrétienne. Les deux
lectures se posent ainsi des questions sur l’existence d’une volonté d’entraîner les chrétiens dans
la confrontation entre les sunnites et les chiites. Il y a eu d’abord une tentative dans la Montagne
druze, avec l’envoi de deux roquettes sur la banlieue sud. Mais les leaders druzes, Walid
Joumblatt en tête, ont rapidement réagi pour fermer la voie à toute tentative de déstabilisation
dans cette région. Il y a eu alors la découverte de deux rampes de missiles à Ballouné, puis deux
charges explosives posées à l’entrée de Zahlé et enfin les propos de l’ancien directeur général des
FSI Achraf Rifi accusant Zghorta de fournir des armes à Jabal Mohsen. Les régions chrétiennes
pourraient-elles servir de détonateur ? La probabilité reste faible, mais la vigilance est de mise.