Attentat à Beyrouth: "Qui veut ébranler l`armée libanaise?"

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Attentat à Beyrouth: "Qui veut ébranler l`armée libanaise?"
mercredi 12 décembre 2007
Liban
Attentat à Beyrouth: "Qui veut ébranler
l’armée libanaise?"
Propos recueillis par Marie Simon
Le libanais Georges Corm, historien et ancien ministre des Finances,
apporte des éclaircissements sur l'attentat qui a touché, ce mercredi, un
Liban toujours privé de président.
Qui est François al Hadj, le militaire tué dans l’explosion de ce mercredi matin?
C’est un militaire de carrière qui a mené les opérations à Nahr el Bared, semble-t-il proche du
général Michel Aoun, et qui a toujours refusé toute collaboration avec Israël, à la différence
d’autres militaires issus comme lui de villages chrétiens du sud du Liban occupés par Israël. Il
aurait aussi de bonnes relations avec le Hezbollah.
L’attentat serait-il alors lié au rôle qu’il a joué à Nahr el Bared?
Oui, c’est une piste possible, mais sûrement pas la seule dans le contexte actuel.
L'attentat est-il aussi lié à la vacance actuelle du pouvoir au Liban, privé de président
depuis le 24 novembre dernier?
Si c’est une vengeance de Fatah al-Islam (après la bataille de Nahr el Bared, NDLR), non.
Dans le cas contraire, bien sûr. Une des grandes questions, ces derniers jours, était de savoir
qui succèderait à Michel Sleimane à la tête de l’armée et c’était probablement l’officier le plus
compétent pour cette succession.
Cela serait-il un message adressé, indirectement, à Michel Sleimane, dans ce cas?
Une des motivations possibles est d’ébranler la cohésion de l’armée et peut-être d’intimider le
général Michel Sleimane - qui n’est pas anti-syrien - ou, en tous cas, de priver l’armée d’un
successeur compétent au général Sleimane, si ce dernier venait à être élu président de la
République. Les Etats-Unis demandent avec insistance la fin des bonnes relations entre
l’armée et le Hezbollah pour que l’armée saisisse les caches d’armes du Hezbollah.
Qui ne veut pas de Sleimane à la tête du pays?
Je ne pense pas que l’on ne veut pas de lui. C’est la même crise ouverte depuis deux ans et
demi. Le Liban est instrumentalisé par les uns et les autres des acteurs locaux, régionaux,
mais surtout internationaux. C’est elle qui a abouti à la paralysie constitutionnelle actuelle, en
partie du fait de la « communauté internationale » prenant partie pour une partie des Libanais
contre l’autre.
L'armée libanaise est présentée comme relativement neutre, entre les pro et les antisyriens... Cet attentat serait-il un message selon lequel on ne peut rester neutre par
rapport à cette ligne qui partage la vie politique du pays?
C’est une caricature outrancière de diviser une situation aussi complexe entre "pro" et "anti-
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syrien", comme le font les médias occidentaux depuis 2004. En tous cas, tout cela est du
domaine des suppositions et des possibles. Comme les autres attentats, on ne saura
vraisemblablement jamais quels sont les commanditaires de ce crime, malgré la présence
musclée d’une Commission d’enquête internationale depuis deux ans et demi qui a mandat
pour aider la justice libanaise sur tous ces attentats qui déchirent le pays depuis plus de deux
ans. C’est ce qui est le plus troublant. L’armée a été ébranlée une première fois par
l’arrestation de quatre officiers supérieurs (toujours en prison sans charge contre eux) sur
demande du précédent président de la Commission d’enquête internationale, M. Mehlis, qui
s’était basé sur de faux témoins. Elle est ébranlée aujourd’hui, à nouveau, par cet assassinat.
Qui a intérêt à voir s’effondrer l’institution militaire, dernière garante de l’intégrité du pays
après la paralysie des pouvoirs constitutionnels? Les réponses dépendant des sensibilités
politiques de chacun.
Après cette attaque et alors que l'élection présidentielle ne cesse d'être repoussée,
craignez-vous une escalade de la violence?
Le pays est en état de siège depuis deux ans et demi et a subi une attaque israélienne
d’envergure durant trente jours au cours de l’été 2006. Faut-il encore plus que cela? Certes,
ceux qui instrumentalisent le Liban n’ont apparemment pas encore obtenu ce qu’ils voulaient,
mais on pouvait penser, après la Conférence d’Annapolis, qu’il y avait au moins une petite
trêve entre les Etats-Unis et la Syrie.
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