le limier - Damien Luce

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le limier - Damien Luce
LE LIMIER
ANDREA : Alors, si je comprends bien vous voulez épouser mon mari ? Pardonnez-moi d'aborder
ce sujet, mais comme Robert vient de partir pour quelques jours dans le nord voir ses parents, j'ai
pensé que ce serait peut-être un bon moment pour que nous bavardions un peu toutes les deux.
Alors ? Vous voulez l'épouser ?
MILA : Oui, Avec votre permission.
ANDREA : Pourquoi pas ? Vous n'êtes pas mal de votre personne, vous parlez assez agréablement,
tenue correcte, je suis certaine que vous ne m'en voudrez pas si je vous pose quelques questions à
propos de vos origines de vos parents etc.
MILA : Ma mère est venu au monde à Hereford d’une famille de paysan. Et Mon père est un italien
qui a émigré en Angleterre dans les années 30 de Gênes.
ANDREA : Dans les années 30... Il est Juif ?
MILA : Non, catholique, Très pratiquant. Bien sûr je ne pratique pas je ne suis pas comme lui.
ANDREA : Ma chère amie, vous n'avez pas à vous excuser auprès de moi. Nous sommes tous
libéraux ici et je n'ai aucun préjugé contre les catholiques, ni même contre les catholiques qui ont
renié leur religion... Mais parlez-moi de votre père, il se nommait Tindlle lui aussi ?
MILA : Non. Il s’appelait Tindolini. Oui avec un nom comme ça à cette époque il ne vous restait
plus qu’à être maçon. En fait c’était un bon horloger. Il souhaitait que sa famille devienne anglaise,
il a changé son nom.
ANDREA : “devienne” anglaise ? Mais euh..., est-ce qu'il gagnait correctement sa vie ?
MILA : Non, très mal, pratiquement rien. Il est absolument impossible de gagner sa vie en réparant
des montres. Il s’est retrouvé sans un sous. Je lui avait dit qu’il finirait comme ça.
ANDREA : Je suppose que ce doit être plutôt une charge pour vous ?
MILA : Oui, oui un peu. Il n’est jamais reparti en Italie. Il est toujours à Soho, il dit qu’il a été
heureux toutes ces années.
ANDREA : Et vous, qu'est-ce que vous faites ?
MILA : Vous ne le savez pas ? J’ai un salon de coiffure dans South Kensington : Casa Tindolini.
ANDREA : Vous pouvez utiliser votre nom de nos jours. Plus personne ne s’imaginera que vous
travaillez dans la maçonnerie.
MILA : Non, les mémères enfin je veux dire les dames semblent avoir un certain goût pour tout ce
qui est méditerranéen.
ANDREA : Ce qui est anglais est trop sain pour elle peut-être.
MILA : Oui apparemment, ce n'est pas chic vous comprenez. Nous nous sommes aperçu que ça
payait de créer une atmosphère un peu dolce vita, nous forçons un peu la dose pour le salon de
Brighton évidemment, elles sont moins sophistiquées là-bas. Je veux dire qu’à Londres la moitié
des femmes maintenant…
ANDREA : …ont des amants latins. Et ou habitez vous ? Au-dessus derrière ou en-dessous de votre
magasin?
MILA : Je loue une maison dans une rue privée, tout à côté. C'est commode et charmant. C'est une
maison du 18ème.
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ANDREA : Passer de Gênes à une maison du 18ème en une génération, c'est pas mal. Mais je doute
fort qu'un joyau architectural même situé dans South Kensington ait tout à fait le même charme
pour Robert que pour vous.
MILA : Il adore les vieilles maisons.. Il serait ravi d’y habiter.
ANDREA : N’y vit-il pas déjà une fois ou deux par semaine au moins ? Je ne fais pas d'erreur n'estce pas ? Et que le vrai motif en louant le cottage à côté d'ici a été d'augmenter l'incidence de cet
accouplement bi-hebdomadaire...
MILA : Est-ce pour ça que vous m’avez demandé de passer?
ANDREA : Ne jamais parler de ce qui brûle hein ? S’il me plaît de dire que mon mari raisonne
comme une enfant de 6 ans et fait l'amour comme une planche à repasser, je le ferai, et je n’ai pas
besoin de la permission de sa maîtresse pour le faire !
MILA : Merci pour le verre.
Mila se dirige vers la sortie.
ANDREA : Allons, allons, je croyais que vous aviez été élevée en Angleterre. Vous savez sûrement
que ça ne se fait pas d'être impolie…
MILA : C’est vous qui êtes impolie vous dites du mal de l’homme que j’aime.
ANDREA : Nullement. Je me remémore mon mari.
MILA : Mais oui c’est bien ce que j’avais compris.
ANDREA : C’est presque toujours ainsi, vous savez... Je parie que dans un an ou peut-être moins
c'est vous qui direz du mal de Robert et moi qui parlerai de lui en termes élogieux oubliant à quel
point il est en réalité bête, insipide, dépensier et ne se préoccupant que de sa petite personne et d'une
façon plus générale fichtrement sournois.
Sortie de Mila.
Est-ce que vous avez les moyens de m'en débarrasser !?
Silence.
MILA : Les moyens ?
ANDREA : Est-ce que vous pourrez l'entretenir dans le luxe qu’il ne connaissait pas avant de me
connaître mais auquel il s'est maintenant habitué ?
MILA : Et bien je ne suis pas millionaire c’est vrai , mais je ne meurs pas de faim. Le magasin de
Londres marche bien. Celui de Brighton marche presque aussi bien. A cette époque-ci, l’année
prochaine…
ANDREA : …Cette année, l’année prochaine, un jour, jamais en réalité vous êtes en train de me
dire que vous êtes fauchée !
MILA : Nous survivrons!
ANDREA : Survivre ! Je crois que ce ne sera pas assez. Vraisemblablement quand vous aurez
épousé Robert, il vous faudra une villa sur la côte, une voiture de luxe et deux amants...
MILA : Vraisemblablement, simplement parce que vous en avez besoin vous…
ANDREA : Oh non, je me contente de ce manoir plein de fissures, une vieille Bentley qui
s'essouffle et seulement un amant je le crains...
MILA : Léo. Le petit Finlandais qui dirige le sauna de Salisbury.
ANDREA : Ah, je vois que vous êtes au courant...
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MILA : Robert et moi n’avons pas de secret l’un pour l’autre.
ANDREA : Même pas les miens, on dirait... Léo est un Dieu de Carélie. Ses cheveux dorés ont une
odeur de pain et ses yeux de cobalt sont des lacs cachés au plus profond des forêts finlandaises....
MILA : J’ai entendu dire que c'était un blond bien récuré avec autant de sex appeal qu'une jeep
qu’on aurait retapée.
ANDREA : Retapée ? Erreur, ma chère, et vous pouvez me croire, Léo est un petit gigolo très
séduisant qui me convient parfaitement. Il est extrêmement gourmand, il est heureux que
j'appartienne à la catégorie des championnes olympiques sexuelles.
MILA : Oui je suppose que ces temps-ci vous vous concentrez beaucoup plus sur les courses de
vitesse que sur les courses de fond.
ANDREA : Pas du tout ! Je suis au mieux de ma forme, je pourrais copuler pour l'Angleterre sur
n'importe quelle distance. La boule rouge...
MILA : Après tout, l’important, c'est de participer. Vous allez l'épouser ?
ANDREA : Non, non, même pas... Je veux juste vivre avec lui...
MILA : Mais qu’est ce qui vous en empêche?
ANDREA : Eh bien c'est essentiellement à cause de tous ces détectives privés que vous avez faits
camper devant l'appartement de Léo pendant plus d'une semaine.
MILA : Une simple précaution pour vous empêchez de changer d’avis au sujet du divorce.
ANDREA : Et qui vous dit que je ne vous faisais pas surveiller moi aussi ?
MILA : Et pourquoi ne l’avez vous pas fait vous aviez peur de ce que vous auriez pu découvrir?
ANDREA : Ne commencez pas à jouer au plus malin, bien sûr je savais qu'on vous aurait trouvés
vous et Robert en train de copuler comme des chats en folie. Pourquoi dépenser de l'argent pour ça,
juste pour avoir la confirmation de ce que je savais depuis des mois ? Boule noire...
MILA : Alors si vous le saviez pourquoi n’avez vous pas fait quelque chose.
ANDREA : Il fallait d'abord que je m'assure que vous et Robert, c'était du solide. Vous comprenez,
je désire me séparer de lui pour la vie, pas juste pour quelques brushings à la Tindolini, pendant 15
jours.
MILA : bien joué!
ANDREA : Mmoui, en effet, boule jaune. Vous ne le connaissez pas aussi bien que moi. Si vous lui
manquez je veux dire par là, si vous lui supprimer son compte chez Dior ou si vous ne l'emmenez
pas l'hiver à la Jamaïque, il me reviendra en un tour de mains, miaulant pour que je l'aide et
coupable ou non, il est possible que je sois contraint de le reprendre. Boule verte …
MILA : L’argent n’est pas tout. Il est habitué au luxe et après ? À qui la faute ?
ANDREA : Ce n'est pas une faute si vous en avez les moyens. Mais les avez-vous ? Connaissant
vos moyens limités, boule marron, a t-il manifesté des signes de changements dans sa façon de
vivre au cours de ces trois derniers mois idylliques ? Boule bleue, et quand par exemple a-t-il pour
la dernière fois refusé du Dom Pérignon en faveur, sans vouloir vous offenser croyez le bien, en
faveur disais-je des charmes irrésistibles de la piquette italienne. Là, je ne plaisante pas. Combien
vous a coûté cette brève liaison jusqu'à maintenant ? Ce vieux père que vous avez à Soho, quand lui
avez vous envoyé de l'argent pour la dernière fois ?
MILA : Nous avons parlé d’argent avec Robert. Souvent je lui ai dit que nous dépensions beaucoup
trop.
ANDREA : Il n’en tient pas compte...
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MILA : Non.
ANDREA : Un petit rire argentin ? Une moue adorable ?
MILA : Il y a un peu de ça !
ANDREA : Eh bien c'est pour vous aider à résoudre ce petit problème que je vous ai invité à venir
ici ce soir et c'est là comme on dit que l'affaire se corse...
MILA : Quelle affaire ?
ANDREA : Que diable faites-vous avec cette queue de billard ?
MILA : Et bien j’attendais que vous manquiez votre coup.
ANDREA : Petit naïf ! Il était une fois ma chère Mila, une Anglaise qui se nommait Andrea Wike et
qui comme la plupart des habitants de ce pays était pratiquement plumée par les impôts. Afin
d'éviter un plumage total, ses conseillers financiers lui conseillèrent d'investir une part importante
de sa fortune, 250000 livres environ dans l'achat de montres, son mari bien sûr en fût ravi.
MILA : Robert ne m’a jamais dit que vous lui aviez donné des montres.
ANDREA : Je n'en ai rien fait, elles sont toujours à moi et il le sait bien, non nous avons juste pensé
qu'il serait plus amusant pour lui de les porter que pour moi de les mettre dans un coffre à la
banque. Après tout, ils sont assurés...
MILA : Je comprends ce que vous voulez dire par l’affaire ce corse. .
ANDREA : Je me réjouis que vous me suiviez si bien. Je voudrais que vous voliez ces montres. Ce
soir de préférence, l'absence de Robert nous procure une occasion admirable.
MILA : Et vos domestiques qu’en faites vous ?
ANDREA : J’ai envoyé monsieur et Madame Hawkins prendre l'air 48h sur les côtes de la Manche.
Ils ne seront pas avant Dimanche soir très tard. Vous voyez, la maison est vide. À votre santé. Et
bien, qu'en dites-vous ?
MILA : C’est tout a fait illégal ne croyez vous pas?
ANDREA : Mais bien sûr que c'est illégal ! Tout bon moyen de gagner de l'argent en Angleterre est
illégal de nos jours.
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