MÉTHOD~OLOGI~E ANNE COURCOLlX
Transcription
MÉTHOD~OLOGI~E ANNE COURCOLlX
M ÉTHOD~OLOGI~E ANNE S”R”EIJCOURCOLl LANTE-CHEF*X-RIQUELME Si le Dossier de soins eût Pinrtrument de la démarche de soins, Nous devrions quel gu’en soit le modèle, y retrouver à ia lecture ce fil d’Ariane qui nous permettrait de remonter /g dijjférmter étapes du recueil des données, ana& des besoins, définition des object~$ de soins, mire en cwvre des actions, évaluation de Pensemblejusqu’à fa découverte de la conception de soins et des mlews qui sous-tendent Pactiuité des soignants. Mais la soignants utilisent-ils cette méthode att rervia des personnes mignéu, ou à Pimage de Monsieur Jourdain font-ils de la prose sans le savoir, ont-ils des repères et peuvent-ils les nommer 7 II ne s’agit par dans cette recherche de faire la critique, rri de tramformer tel ou tel dossier de soins - tefs qu’ils pont, malgré leurs insuffisances, ih ont fe mérite d’exister - mais plutôt, de faire me lecture à distance de ce qu’écrivant Ies infirmières, donc de ce qui leur est indispensable. Dans ma pratique de Surueiifante-Chefyai constaté /es d@mftés der infirmières de soinsgénéraux 0 établir une relation mec des malades psychosomatiques, psycbiatriqua, comme si leurs limites de compétence s’arrêtaient a# corps. Et je ME suis xouwnt demandée à partir de quels éléments objectzys connaître les acquir d’une équipe pour aMer plus loin mec elle ; quel sens prendpour Pinfirmière, en relation avec uneperronne roignée, telle ou telle information à son nij>t, reprise ou non par celles qui uont dsuinr la continuité des soins. Ces dij@ntes préoccupations et intérêts s’éclairent mutuellement. J’ai donc décidé de réaliser des nna&wes de contera de dossiers de soins, dun service de neurologie médicale. L’étude s’est limitée à 4 dossiers. OBJECTIFS ET METHODES LES DESSOUS DU DOSSIER DE SOINS 2) Rendre perceptible la distance qui existe entre le discours, l’écrit et la réalité concernant les soins à une personne. Choix des dossiers Les dossiers ont été choisis : parce qu’ils concernent des personnes avec lesquelles les infirmières ont eu des difficultés relationnelles ; l parce qu’ils concernent des pewxmes dont j’ai pu suivre les soins de façon discontinue au cours de IO jours d’hospitalisation dans un service de neurologie médicale. l Dans ces dossiers seules les infirmières écrivent. Elles travaillent en trois équipes : «jour », « après-midi » et « nuit ». LA MÉTHODE Délibérément j’ai utilisé pour ces quatre dossiers des méthodes différentes atïn de tester par la suite celle qui me permettrait de cerner de plus près mes objectifs. . Dossier I et z Quatre indicateurs d’analyse sont retenus ; z pour le rôle délégué et z pour le rôle propre. Rôfd délégué : - Pathologie LES O B J E CT I F S DE CE T T E ETUDE 1) Rechercher par l’analyse des écrits contenus dans les dossiers de soins : - la démarche de soins ‘*une unité de soins - la conception des soins 1 - la nature des difficultés relationnelles des soignants avec les personnes dont la pathologie n’est pas définie entvz la neurologie et les psychopathologies. * Lyon, janvier rgm. Sous ce terme j’ai regroupé les examens, les besoins, les plaintes des malades, la surveillance. - Trairement Les perscriptions médicales sollicitées ou non par l’infirmière en réponse aux besoins du malade. Rôle propre : - La personne pendant sa vie à l’hôpital. - Les soignants, opinion, sentiments. Quatre indicateurs d’analyse sont retenus : LES DESSOUS DU DOSSIER DE SOINS ANALYSE DES DOSSIERS Besoins exprimés : - plaintes, - souhaits. DOSSIER I Réponses apportée.ï : Monsieur B. 40 ans, vient pour troubles de la marche et douleurs. Il est égouttiez. La question posée est de savoir si ses troubles sont en rapport avec son activité professionnelle. - traitement, - surveillance, - examens. Durée de l’hospitalisation : 26 jours. Le dossier de soins de Mr B. montre que : . Dossier 4 I) la surveillance des examens et leurs conséquences est bien assurée ; L’analyse est basée S”T : 2) le trairement est administré et ses effets sont surveillés. Ana& quantitative : -+ Le Rôle delégué consiste à participer à la recherche du diagnostic, à exécurer les perscriptiens médicales, à prévenir et surveiller leurs conséquences ; il est rempli avec sécurité pour la personne soignée. - sémantique : les verbes, les adjectifs, les adverbes. Pour chacun de ces dossiers, j’ai confronté ce qui est écrit WCC ce que j’ai pu moi-même observer au COUTS de IO jours passés dans le service. r RÔLE Pathologie et besoins )e, ofdmens juweillance : AMIPAQLJE -t céphalées décubitus strict surveillance des CO”Sf*“teS Epreuve fonctionnelle respiratoire hplainter hsomnie Douleurs des membres inférieurs bras Cépalées Dorsalgies Gêné par les voisins Ses ylptâmer Toux Hématome bras gauche 3) Les besoins de Mr B. sont identifiés à partir de certains critères : sommeil, alimentation, habitudes, plaintes, comportements, autonomie, vie sociale. DÉLÉGUÉ Traitement ou réponses apportées RÔLE PROPRE La persanne : sa vie à l’hôpital Soigants Opinion, sentiments Qmdité du sommeil : - se plaint de ne pas dormir - bonne nuit Alimentation : évaluation Soins : pose de perfusions + Placebo Ca” l bidistillée 1 Doliprane -+ Pansement Vie ~othzf~ pcndt I’hospifahut. - les visites de sa femme - ses déplacements - les permissions : une acceptée une refusée Aut~r~/;e : - ses déplacements - sa fatigue - aide à la toilette ou no” comportcrnents : - dort le matin - se couche après le repas - resté au lit bcp cet aprèsmidi - dormait à LO h Habitudes : - fume toujours bcp (noté au 18’ jour) Aucune opinion, aucun sentiments des soignants n’est exprimé. 1 4) les opinions, sentiments des soignants à l’égard de Mr B. n’apparaissent jamais comme tels. + Le Rôle propre de l’infirmière est présent à travers les observations, les constats qui sont laissés à leur initiative propre. Mais aucun n’est mis en relation avec un problème de Mr B. qui serait connu ou à rechercher. Par ex. : au 18~ jour SUI rG d’hospitalisation, il est noté « MI B. fume toujours beaucoup >>. Qu’est-ce que cela veut dire ?A-t-on entrepris une action en ce sens ? Une information est-elle donné à Mr B. sur le rapport entre la diminution de sa capacité respiratoire (résultat E.F.R.), sa toux, ses céphalées et le fait qu’il fume bkucoup? A-t-on fait un lien entre cette constatation et les raisons de cette dépendance ? On peut constater également que les infirmières sont préoccupées de l’autonomie de Mr B., ses comportements sont notés. L’insistance de cette retranscription pose question au lecteur : nulle part un éclairage n’est apporté SUI le sens qui serait donné par Mr B. ou par les soignants sur ces comportements : « Dort tard, se recouche dans la journée. 8 Accepte-t-on mal l’indépendance dont fait preuve Mr B. en se déplaçant hors du service ?Fait-on des liens entre ces comportements qui sortiraient des normes et la façon dont Mr B. vit son hospitalisation ? Ses visites sont notées. Pourquoi ? Quel sens prend le fait que sa femme le visite ? Apport personnel (ou ce que j’ai vu) Une infirmière m’apprend que Mr B. est divorcé, remarié avec une femme Algérienne que ses enfants n’accept+x pas. Lui-même fait le lien entre cette situation difficile à vivre pour lui et le fait qu’il fume beaucoup. Les propos de deux infirmières au sujet de MI B. montrent qu’elles accordent plus d’importance au « problème surajouté > de Mr B. qu’à la raison initiale de son hospitalisation. Mais l’une d’elle avec qui MI B. semble avoir établi une relation positive - se dit impuissante à pouvoir aider Mr B. dont c’est la zc hospitalisation. La démarche de soins Le rôle délégué est rempli efficacement, avec sécurité pour Mr B. Le rôle propre existe. Les observations sont notées mais aucun lien n’est fait par écrit entre ces observations et la situation particulière de Mr B. L’analyw est individuelle pour une des infirmières et ne peut donner lieu à une action puisqu’il est fait de cette situation une affaire personnelle et non d’équipe et encore moins partagée avec les médecins. Comme si les qbjectifs des uns et des autres ne pouvaient se ren~.ontrer. Peut-être ne peut-on effectivement aller plus loin. Mais rien n’est proposé à Monsieur B. DOSSIER 2 Madame M. 40 ans environ, Algérienne, est hospitalisée un mois, pour céphalées, le diagnostic d’un gliome est posé, elle sera opérée, puis elle retournera chez elle. nc=lr.r; n~.r.Fc,11l? _.l--------Pathologie et besoins ‘er exmnem ;urveillance : - sca*ner - échocardiogramme RÔLE PROPRE Traitement ou réponses apportées Administrat. du traitement La Personne : sa vie à l’hôpital SurveiJiance du traiteme”t : - corticoïde - litstricrpdt IO@XS Qmlité du sommeil Abssnce de .blainn, Tous les jours il est noté : - pas de céphalées - ne se plaint de rien - pas de problème soim : - pose perfusion - parle peu _ toilette miers jours les 10 pre. comportements - tOUjOUIS : très Calme toujours aussi discrète noté 7 certains JOUIS par I’infirmière du matin et celle du soir) Une seule fois il est noté : « commencé à en avoir assez de rester couchée » vie socidlB : Les visites de sa famille Les Soignants opinion, sentiments Aucune opinion, aucun sentiment des soignants n’est exprimé La partie du dossier étudiée ne concerne que I’hospitalisation de cette dame dans l’unité médicale. Pourtant les infirmières semblent bien en avoir perçu la nécessité puisqu’elles en soulignent l’ab- Pour ce dossier, comme pour le dossier I, 4 indicateurs d’analyse sont retenus : - z pour le rôle délégué, - 2 pour le rôle propre. Râle délégué : - Pathologie - Traitement Rôleprqpre avec le même contenu 1 que pour le dossier I : - La personne avec le même contenu - Les soignants l que pour le dossier I Apport personnel Une infirmière me parle de Mme M. : « elle sait qu’elle va avoir une intervention cérébrale, c’est important, le pronostic est mauvais à 6 mois ; on ne sait si elle se rend compte, ni si elle est très présente ; pourtant avec sa ,famille elle discute, sourit. » Un entretien avec Mme M. m’a permis de lui exprimer le sentiment de cette infirmière. A Mme M. il a permis d’exprimer de l’angoisse fondée sur les souvenirs d’une intervention gynécologique, de poser des questions. Le jour suivant, il est noté sur le dossier de soins : ~ « pose des questions sur ce qu’on va lui faire ; la famille est inquiète ». La veille de l’intervention : - « après-midi calme. S’est promenée un peu. Anxieuse ++ ». Le dossier de soins de Madame M. montre : . la surveillance des examens, de leurs conséquences est bien assurée ; . le traitement est administré et ses effets sont surveillés. + Le Rôle délégué qui consiste à participer à la recherche du diagnostic, à exécuter les prescriptions médicales, à prévenir, surveiller leurs conséquences, est rempli avec sécurité pour la personne soignée. Les besoins de Mme M. en tant que personne sont identifiés selon certains critères : sommeil, absence de plaintes, comportements, vie sociale. l . Les opinions, sentiments des soignants à l’égard de Mme M. n’apparaissent jamais en tant que tels. + Le Rôle propre des infirmières est perceptible à travers l’insistance à noter le silence, l’absence de plaintes, le calme de Mme M. au regard du diagnostic porté. Les besoins fondamentaux de l’individu énoncés par Virginia Henderson sont pris en compte sauf les besoins de communication informations. Les dessous du dossier de mins Eléments d’analyse Il semblerait que l’action d’une soignante extérieure ait permis la levée du silence entre les intïrmières et Mme M. Madame M. est le type même de personne qui ne devrait poser aucun problème aux soignants ! Elle ne demande rien, communique avec sa famille seulement ; mais justement le décalage entre la gravité des diagnostic et pronostic et l’absence de demande de Mme M. pose question aux infirmières, sinon comment expliquer cette insistance à noter le silence des organes, le silence verbal, et le calme de cette femme. Pourtant murées dans leur propre angoisse comme l’est Mme M. elle-même, aucune intïrmière ne peut aller au devant, comme l’exprime l’une d’elle ; au silence de la malade répond le silence des soignants, ou au silence des soignants répond le silence de Mme M. Le jeu de miroir est exemplaire. L’angoisse est enfermée de part et d’autre. La représentation de cette maladie que se font les infirmières est inquiétante pour elles. II leur semble aller de soi qu’elle doit être inquiétante également pour Mme M. Cette projection les rend impuissantes à dépasser pour elles-mêmes cet obstacle et à fortiori à aller au devant de ce que Mme M. pourrait dire d’elle-même, de son mal. A l’observation d’une infirmière la veille de l’intervention a anxieuse + + » je remarque qu’aucune réponse n’est notée. Pas plus de réponse médicamenteuse - anxiolytiquk ~ que de parole échangée autour de cette anxiété. Pas de précision non plus sur les formes de cette anxiété. Difficulté des soignants à prendre en compte ce type de besoins, ou difficulté à noter ce qui pourrait être lu par d’autres, d’un entretien entre une infirmière et une malade ? Il est vrai que I’investissement personnel n’est pas le même dans le fait de donner z cachets de Doliprane à quelqu’un qui a des céphalées oujet d’échanger avec lui SUI cette douleur. Mme M. a besoin de peu de soins au début, hormis des perfusions relayées par des comprimés ensuite. Elle est autonome. Pourtant, est-ce que soigner ce n’est pas aussi offrir à cette femme une possibilité de parole, alors qu’elle-même ne peut la créer ? DOSSIER 3 Madame C. 27 ans, est hospitalisée pour douleurs de type sciatique après intervention d’une hernie discale. Dans le dossier de soins, l’interne introduit une brève synthèse de la pathologie qui amène la patiente à être hospitalisée. ._-..-_-.. MON, I”N DU SCANNER Abs de Plaintes Plaintes pour LOMBALGIES Pl+tes po,ur CEPHALEES xx xx xx xx xx x* x x xx xx xx L’ ENTRÉE -4 I 0 Scanner 2 Visite du Chirurgien S O ‘f RTIE « L’examen neurologique n’indique rien ,de particulier. L’examen thymique : « dit avoir bon moral mais dit également avoir mal supporté une IVG il y a 6 mois. «On serait tenté de mettre en Ioute Anafranil. » Durée de l’hospitalisation : 20 jours. A partir du 7’ jout les visites qu’elle reçoit sont mentionnées. Le scanner est prévu dès le yc jour, le rendez-vous est inscrit pour le 16’ jour. Entre ces deux dates, le scanner avec date et heure de tendez-vous sont notés 5 fois en 10 jours (cf. tableau). lndicatmrs refenw : I - Besoins, 2 Réponses, 3 - Observations 4 Opinion évaluation. Après le scanner, les trois jours suivants il est noté : « on attend le résultat du scanner » : 2 fois le 17’ jour, 2 fois le I Se jour, 2 fois le 19’ jour. « Vu par le chirurgien qui ne l’opère pas ». Ils sont exprimés à partir des plaintes de Mme C. Le tableau des plaintes notées au cours de l’hospitalisation de Mme C. est significatif ; Entrée pour lombalgie, la plainte notée les 6 premiers jours concerne les céphalées, lorsque celles-ci cèdent on trouve les lombalgies notées puis absence de plainte et retour des céphalées. Ces douleurs appellent des réponses calmantes jamais différées. On trouve noté chaque fois : « eau bidistillée, Doliprane, » SUI prescription. 2) Réponses Le traitement : Profenid en perfusion, Eau bidistillée en réponse aux céphalées Doliprane prend le relais. Régime I zoo calories. j ) 0bwuation.r Activités de Mme C. selon son état Mme C. garde le lit, ne se lève que pour sa toilette, génée par la lumière. Chaque lever est un effort. Mme C. se recouche aussitôt après. Jusqu’au scanner, les écrits concernent le fait qu’elle garde le lit. 4) Opinion-Evaluation Evaluation du traitement de la douleur. Il est noté si le malade a été soulagé ou non. Pas d’opinion des soignants. Apport personnel Une infirmière me dit ne pas bien comprendre ce qui se passe pour Mme C. Un entretien me permet de la situer socialement : mère de deux enfants, son médecin lui aurait demandé de faire faire une IVG pour le troisième, son dos ne pouvant supporter une troisième grossesse. Elle exprime la contrainte exercée sur sa conscience et dit en souffrir encore beaucoup. Par ailleurs, elle aime son travail : animatrice d’un centre social. Mme C. est toujours couchée à plat - semble souffrir ; elle a plusieurs fois parlé volontiers avec moi. Eléments d’analyse Il existe un malaise autour de cette personne dans l’équipe soignante ; malaise posé dès l’entrée par la “rooosition du traitement médical - il ne sera ja&s’réellement prescrit - de perfusion d’Anafranil. Ce traitement semble être administré dans ce service pour les douleurs idiopathiques, voire psychosomatiques. La question qui plane mais dont personne ne parle est de savoir si Mme C. simule ou si réellement elle a des séquelles lombalgiques de son intervention les examens cliniques laissent eux-mêmes un doute. On peut se demander alors pourquoi le scanner prescrit le le jour n’aura de rendez-vous que le 16~ jour dans un hôpital où cet examen peut être réalisé rapidement ? Pour qui cet examen prend-il de l’importance ? Pour Mme C. aucune de ses réactions ou questions à ce sujet n’est noté. Pour les infirmières ? Elles vont noter 5 fois la date du rendez-vous : pourquoi ces répétitions ? Pour être sûre de ne pas l’oublier ? On peut en douter, il y a peu d’incident de ce genre dans ce service -ou pour manifester l’importance de leur attente ? -Le comportement de Mme C. confinée dans son lit surprend (elle en sort une fois pour échapper aux nombreuses visites de sa voisine et se plaint d’être très fatiguée). Cet examen s’il avait été réalisé rapidement aurait levé le doute planant aut”uI de cette personne. Il aurait prouvé, sans attente excessive, qu’cffectivement Mme C. a bien des séquelles de son intervention pouvant provoquer les douleurs dont elle se plaint. Il aurait rassuré les intïrmières, également Mme C. qui devra encore attendre le 3’ jour après le scanner pour apprendre du chirurgien qu’il ne l’opère pas Elle est ainsi et enfin rentrée dans les normes médicales, et, à la relève on parle d’elle plus positivement. s’exprimer c’est pour faire des liens entre sa maladie et la souffrance intérieure laissée par son IVG. II n’est sans doute pas excessif de penser que celle-ci est I’évènement de vie déclenchant ou favorisant la survenue de ces lombalgies. Toute parole à ce niveau libère une tension, une culpabilité qui ne peut se dire autrement que par une souffrance du corps. DOSSIER 4 Madame A. 33 ans, hospitalisée pour lombalgies très invalidantes, vient pour recherche d’un diagnostic et passer un scanner, pour être fixée sur l’existence ou non d’une lésion. Durée de l’hospitalisation : 14 jours. L’analyse de contenu de ce dossier est quelque peu différente des précédents. Celle que j’ai choisi semble plus adaptée au type même de problème qu’a soulevé Mme A. 1) Am&e quantitative - les verbes, - les adjectifs, - les adverbes. Les verbes ,r I 19 verbes 1 41 78 action au sujet des soignants de la personne malade (14 sont de forme négative « n’a pas mangé », « ne s’est pas plaint )>) La démarche de soins s Pour les verbes au sujet de la personne malade, je les ai réparti en : Dans cette situation quelle est-elle ? - Verber d’action au nombre de 13 Elle repose sur la prise en compte des besoins fondamentaux avec réponse systématique et immédiate aux plaintes de la malade. Application scrupuleuse du rôle délégué. Mais, aucune initiative concernant un entretien d’accueil qui aurait sans doute permis de connaitre , d’emblée, ce qu’un entretien beaucoup plus tardif fait apparaître. - Verbes d’état au nombre de 20 De ce fait, aucun lien ne peut être ,établi entre les symptômes très invalidants présentés par Mme C. et le sens qu’elle-même leur donne. Aucune recherche de communication avec Mme C. qui exprime son isolement dans ce service. Le besoin de communication est vital au même titre que le besoin de se nourrir et de dormir, il n’est pas compris comme tel. Mme C. est condamnée au silence. Pourtant quand elle a l’occasion de « s’est très peu levée » « s’est recouchée » « marche » ,< s’est promenée », etc. « « « « n’a plus mal » se sent moins coincée » n’a rien à I’amipaque » avait des nausées a - Verbes de communication - Plainte (17) « se plaint » « ne se plaint de rien » « a très mal )> - D’une volonté d’un désir (10) « a réclamé » « désire avoir » « veut » « n’accepte aucun traitement » - Ses relations (6) « discute avec sa voisine » « s’entend bien... » « a eu des visires... » l Volonté, désirs exprimés par Mme A. (9) L’étude de ce dossier, différente par la méthode adoptée, va en fait corroborer certains éléments des dossiers précédents. L’analyse s&nantique . Les verbes concernant l’action des soignants sont : Quantitative a pour effet de pointer : - Verbes Ba&n (19) Exemple : Pose de perfusions a eu I c. (6 fois) . Les Verbes - Verbes d’éuafuation de Pa&n du traitement (1 o) « est efficace » « l’a soulagé » « a dormi »... Ils sont au nombre de 4,. - Ils vont qualifier l’acrion ou l’état de Madame A. - Ils sont notés comme étant dit par Madame A. ou par les soignants. - Ils sont parfois renforcés d’un adverbe : « très, mieux, moins, toujours, »... - Ils expriment : une évaluation - « efficace », « améliorée », « bonne » (O), « soulagée » u n é t a t - a effondrée », « dépressive », « souriante », « éveillée », « endormie », « calme » (Iz)- une opinion d’une infirmière - «dame très gentille » - Les Aduerba 2, adverbes - quantitatif: « un peu, très, beaucoup, presque, plus, rien » - dm‘e : < toujours, rapidemenr » - évaluation : « mieux, moins » 2) An+e thématique . Plainres physiques : douleurs (3) cephalees (6) d;uleu; cou (1) 1 d:;g;:nt ( g/zz;’ vertiges (3) + nausées (1) + Héptamil Primpéran Plaintes psychiques : dépression (I) l . Absence de plaintes (3) dont le rôle est de définir les enjeux en présence, nous montrent dans cette situation l’importance de la communication (3 3 verbes) sous des formes différentes. Ils mettent en évidence que la dynamique de la relation ne vient pas uniquement de la personne soignée mais se situe bien dans une interactioti entre elle et les soignants. - Les verbes d’action (23 verbes) nous montrent que les infirmières observent les faits et gestes de Mme A. Ils témoignent de l’inquiétude des soignants à l’égard de Mme A. - Les verbes d’état (20) cernent le physique et le moral de Mme A. qùi font l’objet de l’attention des infirmières. . Les Adject:ys, les Adverbes sontIàpourqualifiercescnjeux,ils sont les témoins subjecrifs des sentiments, des émotions, du temps, de la durée. Ils sont en rapport avec ce qui se vit maintenant )), sans élément de «ici et comparaison : phase de dépression et d’agressivité, phase de refus du traitement, puis acceptation. L’analyse thématique nous permet de retourner dans des eaux plus familières. Les thèmes à propos desquels les infirmières notent, transmettent ce qui leur parair important sont, pour garder la même classification que dans les dossiers précédents : - Rôle délégué : Traitement Surveillance - Rôlepropre 12 fois 1 : Alimentation (6) Sommeil (9) Activité de Mme A. (10) Vie sociale (I 0) Plaintes physiques (I 8) ~ (22) Plaintes morales (1) 1 Absence de plainte (3) Communication, volonté, désirs exprimés par Mme A. (9) Réponses des soignants - médicamenteuse (10) - entretien (1) Ce regroupement fait apparaître l’importance des plaintes exprimées par Mme A. qui sont intcrprétécs comme un désarroi de sa part. La réponse est dans plus de la moitié des cas médicamenteuse. Remarquons qu’un entretien est noté. Apparaissent aussi, les modes de communication de Mme A. qui pleure, refuse le traitement, veut partir, se suicider. 0” ne peut discerner à la lecture du dossier si les infirmières se sont données les moyens d’analyser cette situation vécue dans une grande dramatisation, afin de rechercher la mcillcurc façon de répondre aux besoins de Mme A. La seule réponse médicamenteuse est-elle adaptée dans cette situation ? Comment se manifeste l’inquiétude des soignants ? LA CONCEPTION DES SOINS . La longueur du texte écrit le jour de la crise dépressive de Mme A. peut être un indicateur de cette inquiétude. . Il faut transmettre ce qui inquiète : ~ Le désir suicidaire de Mme A. qui s’exprime en des termes volontaires : « Elle veut à to”t prix sortir et se jeter sous une voiture. Ne supporte pas l’idée qu’elle n’a rien à I’amipaquc. N’accepte aucun traitement de soulagement ». - Le refus de tout traitement. - Le désarroi de Mme A. qui a un comportement « anormal » : l’amipaquc ne montre aucune lésion, Mme A. devrait s’en réjouir, contrairement à cela elle craint de passer pour une « simulatrice » une « femme pc” courageuse »-l’absence de lésion objectivée provoque une dépression importante. . Llnopérancc apparcntc de la discussion que la ou les soignants (qui ?) ont eu ~vcc Mme A. qui « ne change pas d’idée après discussion ». . Les notations scrupuleuses de cc qui est pers”, au premier degré, de l’état de Mme A. . Le revirement de l’état de Mme A. est inscrit sans que le lecteur puisse comprendre cc qui l’a motivé. La question s’est-elle posée ? Pour la journée du j/~z il est noté : - Matin « dépressive », - Après-midi « toujours dépressive » - 21 heures « va bien, est souriante, discute avec sa voisine ». Or le traitement d’Anafrani1 que le 6/IZ. sance. Leur action n’infléchit pas la volonté de la « patiente ». Le comportement paradoxal de cette femme est troublant, avive les craintes : puisque Mme A. «craint d’être prise pour une simulatrice », peut-être I’cst-elle »... s’il est une chose que les soignants supportent mal, c’est leur impuissance, on cherche à la juguler par des paroles rassurantes, par des comprimés. L’attitude du tout ou rien de Mme A. est provocatrice, les soignants sont de cc fait amenés à s’cxprimer sur cette femme. ne sera commencé Les soignants sont confrontés à une situation conflictuelle où les rôles semblent inversés. La malade sait ce qu’elle veut et l’exprime violemment, les soignants se sentent réduits à l’impuis- A partir de ces quatre dossiers que peut-on mettre en évidence : - de la conception des soins de ce service, - de l’expression des difficultés relationnelles des soignants avec des personnes malades ? Conception des soins La conception des soins qui ressort de façon évidente dans ces 4 dossiers est : I) Médicale En effet, les malades sont hospitalisés pour qu’un diagnostic soit donné à leurs symptômes, qu’un traitement améliore leur état, voire les guérisse. Lessoignantsc”trc”tàlaperfcctiondansccschéma où la loi de l’échange est : « il apporte ses douleurs fonctionnelles, ses symptômes, je lui donne en échange le calmant, le traitement, la surveillance, la sécurité dont il a besoin sur le plan physique avec le plus de confort possible ». A chaque besoin de la personne malade manifesté, là essentiellement par des plaintes, expression de la douleur, correspond une réponse médicamcnfeux. A l’absence de plainte correspond une absence de don. Une fois la demande exprimée, elle est entendue en dehors du temps, du contexte, au premier degré, sans décodage, sans recherche de sens, sans interprétation aucune. Elle n’est comprise que comme expression d’une pathobgie somatique. C’est un schéma réducteur où la personne soignée n’est pas pcrguc dans son unité. Ainsi, la lésion sera traitée, mais l’individu qui en est porteur n’aura pas été entendu. A tout besoin correspond une réponse. 11 ne s’agit pas de laisser souffrir, mais pour mieux soulager, la compréhension de la souffrance présentée est indispensable. ------------_-_-_-_____ HOSPITALISATION - - - - - Pendant ----_- -----_-__ Demandes exprimées I I I l l I I L---------, --------_-___ HISTOIRE DE VIE Famille, Personnalité, Santé :> --------------------------------1 La réponse apportée ne va jamais jusqu’à atteindre l’histoire de vie 2). Le Rôlepropre Il est présent;assure la prise en compte des besoins fondamentaux de l’individu tel que V. Henderson I a pu les, decnre - sauf le besoin élémentaire de communication qui est ignoré dans trois situations sur quatre - la dernière posant à ce niveau des problèmes particuliers. En d’autres termes, les fonctions de survie sont prises en compte, sont soignées avec attention et rigueur. L’organisation du service est efficace pour permettre aux examens, âw trairemenrs et à leur surveillance de se dérouler sans incidents. II existe une &elle sécurité médicale. Tout cela participe bien de l’idéologie médicale. La qualité des soins est basée sur la dépendance de l’infirmière vis-à-vis du médecin, sur l’exécurion intelligente des prescriptions médicales. Le seuil minimum de qualité de soins est-il pour autant tout à fait atteint, puisque la communication à l’évidence fait défaut ? En conclusion, les soins primaires sont assurés avec compétence er sécurité. II “‘y a B*~U” recueil de données, pas d’analyse des besoins - donc pas d’objectifs de soins - l’évaluation ne peut donc avoir lieu que dans le registre strictement médical. La conception des soins essenriellement médicale ne laisse aucune place à l’aspect relationnel des soins. Il semble même que les infirmières ne s’autorisent pas à penser que leurs propres sentiments interfèrent dans les soins, ont une correspondance dans le non-dit de l’autre. Quand il leur est montré que ce qu’elles expriment à un tiers peut être dit directement à la personne concernée, on ouvre ainsi des possibilités de soins où l’infirmière peut trouva de grandes satisfactions. LES ,DIFFICULTÉS RELATIONNELLES Expression des difficultés relationnelles Dans l’analyse tentée à propos de chacun de ces dossiers terrains éléments peuvent être soulignés. Deux de ces personnes hospitalisées pour un diagnostic repartent uec la certitude d’une lésion cérébrale pour l’une (Mme M.), de séquelles lombaires pour l’autre (Mme C.) ; deux personnes présentent des symptômes qui ne peuvent être considérés comme physiopathologiqucs, même si ce qui leur en est dit par le médecin peut cependant le leur laisser croire (MI B. et Mme A.). Aucun diagnostic, ni appel à d’autres spécialistes, aucune aide n’est envisagé pour ces deux personnes. Leur souffrance psychique, socio-psychique n’a pas été enrendue. Dans ce domaine, les infirmières ne vont pas plus loin que les médecins. En effet, on constate : - La prédominance d’expressions comme « matin’ée calme », « ne se plaint pas », signifiant qu’il n’v a rien à en dire, que le malade n’a pas exprimk de besoins, de demande vis-à-vis du soignant; voire même que ce qui serait recherché, attendu serait l’absence de plainte, le calme comme expression du fameux « silence des organes ». - Les comportements ressentis comme anormaux sont notés - « dort le matin », « se couche après le repas », « dormait à 10 h », « pleure x ainsi que ceux qui attestent une vie sociale, une activité indépendante. Rien ne nous permet de penser que les infirmières aillent au devant, se portent vers celui ou celle qui est calme, pas plus que vers celui ou celle qui affiche des comportements « anormaux ». Gtte position de retrait, de recul semble bien une défense de la part des soignants qui, manifestent d’autant plus de distance qu’ils n’en ont pas réellement. Ces attitudes consistant à endosser la souffrance ou les perspectives de ,souffrance de l’autre (cf. Mme M.) en témoignent. Il s’agit là d’une projection, d’une non différenciation entre ce qui est de l’autre et ce qui est de soi qui ne peut entrainer qu’une absence d’altérité et donc d’action positive. Par ailleurs; les écrits manifestent la volonté de la part des soignants de ne pas prendre parti : d’un côté les malades qui ont une lésion, dont on va pouvoir s’occuper, de l’autre ceux qui disent avoir quelque chose mais dont on ne sait pas si leur maladien’estpasplutôtpsycho-somatique,psychique, voire même psychiatrique (Mme A.). L’utilisation indifférenciée de ces termes, montrent l’ignorance des soignants des mécanismes en jeux. Pourtant tous ont un traitement chimiquequi justifie leur présence dans un service médical et accrédite la raison de s’y trouver. Une question reste préoccupante : pourquoi dans deux dossiers trouve-t-on une attente qui semble ne pas pouvoir être levée (Mme M. et Mme C.) : on attend que Mme M. parle, exprime son angoisse légitime, on attend le scanner de Mme C. qui renseignera sur l’éthiologie de ses douleurs. N’y a-t-il pas une certaine complaisance, un certain plaisir à attendre, à faire attendre ? Cela ne permetil pas les jugements contradictoires, le maintien du doute, un état de no ma& land? Un pouvoir certain sur I’autre ? La demande du malade fait peur - que va-t-elle provoquer en nous ? Pourrons-nous y répondre ? Mieux vaut ne pas la décoder, y répondre immédiatement pour la faire taire. Gs attitudes défensives manifestent une grande fragilité des soignants - quand on touche à l’illusion de la toute-puissance ils sont perdus -alors qu’ils pourraient être confortés; affermis par des perspectives de soins définis en équipe. Echanger avec les personnes malades, c’est-à-dire avoir une oreille attentive à ce qu’ils ne disent pas n’est, dans ces conditions pas possible. ENTRE LE « DIRE » ET LE « FAIRE » Cette recherche basée sur des écrits pose d’emblée ses propies limites car la transmission n’est pas qu’écrite, et la parole, elle, n’est pas écrite. u Les bits restent, les paroles s’envolent » Si cet adage porte en lui une certaine vérité, il ne dit pas tout. Il ne dit pas le poids de certaines paroles. Si la démarche de soins se retrouve aussi peu dans ces écrits n’est-elle pas parlée ? On peut le souhaiter, mais ça ne nous fait pas avancer beaucoup de le supposer. La distance que j’ai tentée de souligner entre ce qui est échangé et ce qui est écrit montre combien les infirmières sont réticentes à s’impliquer personnellement dans un écrit. Sans doute ont-elles raison d’exercer une certaine réserve mais peut-être ne saisissent-elles pas I’importance de leur propre projet, de leurs propres sentiments su* la relation soignante, peut-être ne connaissent-elles pas les moyens de traduire ce qu’elles vivent dans toute relation soignante en des termes qui ne les mettent pas à découvert. Ce travail pourrait êtrepoursuiviparunerecherche sut les liens entre les transmissions écrites et les transmissions orales L sur la nécessité d’orientations de soins en équipe poix que la démarche de soins ne reste pas enfermée dans des relations duelles. Si nous. précisions davantage nos conceptions de soins, nous les traduirions plus évidemment dans nos actes et donc dans nos écrits. CONCLUSION Si, en tant que Surveillante-Chef nous souhaitons apporter une aide aux soignants dans l’amélioration de la qualité des soins il nous faut acquérir des mCthodes qui nous permettent de saisk la réalité des soins dispensés dans les unités. Trop souvent nos estimations reposent sur ce qui nous est dit, SUI nos perceptions ou sur le degré de satisfactions des personnes soignées et des soignants euxmêmes. Tous ces éléments sont insuffisants et sujets à caution. L’analyse de contenu des dossiers de soins m’a permis de cerner les objectifs en m’appuyant SUI une réalité : les écrits des soignants dans le dossier DDE soins. Cette réalité est incontournable, cette confrontation est riche d’enseignement. Il est alors possible de s’appuyer sur des acquis réels pour déterminer avec les protagonistes l’aide et la formation qui leur est nécessaire, pour entamer une évolution vers une conception de soins plus personnalisée qui se traduise dans le quotidien des relations soignantes avec la personne malade.