Antoine Blondin - Amoureux d`Art en Auvergne

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Antoine Blondin - Amoureux d`Art en Auvergne
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Antoine Blondin
1922‐1991
Il y avait vraiment beaucoup de monde à ses obsèques, le 10 juin 1991. Un quotidien du soir osa ce mauvais calembour : « Même l’église était bourrée ». L’homme qui venait de mourir trois jours plus tôt était un romancier de talent, un brillant chroniqueur sportif et un alcoolique notoire. Il s’appelait Antoine Blondin. Il est né à Paris le 11 avril 1922, fils d’un père correcteur d’imprimerie et d’une mère poète. Ses études à la Sorbonne le conduisent pendant un temps à enseigner la philosophie mais nous sommes en 1943. L’Allemagne somme les jeunes français d’aller travailler outre Rhin. Blondin part pour le STO sans opposer de résistance. Il y restera deux ans et relatera cette expérience dans son premier roman, L’Europe buissonnière. Antoine Blondin en jeune homme.
(Archive de la famille Blondin).
Publié dans le Figaro Magazine le 28 mai 2011.
Dans la France de l’après guerre, Sartre a imposé le modèle de l’intellectuel nécessairement engagé, et inévitablement de gauche. Avec Roger Nimier, son ami et quelques autres jeunes auteurs, Michel Déon, Jacques Laurent, Antoine Blondin fonde le groupe qu’on nommera Les hussards. Ces auteurs luttaient, selon le mot de Roger Nimier, « en faveur du bon plaisir en matière de littérature », ils avaient « le toupet de penser que l’écrivain n’est pas obligatoirement un prophète ou un fonctionnaire ». Alors, naturellement, on les classa à droite. Blondin s’est expliqué sur son ambigüité idéologique dans une interview en 1972 : « Le grand problème est de savoir si on aime l’individu ou la société. Eh bien, j’avoue que, jusqu’à nouvel ordre, je préfère l’individu à la société. Donc par là, si vous voulez, je suis un petit peu … enfin, exactement de droite. Mais est ce que quelqu’un qui serait foncièrement et totalement de droite peut s’intéresser et se passionner pour son prochain ? Peut‐être que ce n’est pas sûr du tout. Mais si l’on veut réformer la société, d’un autre côté, ce n’est pas mon ambition ». C’est ce mélange paradoxal d’individualisme et de proximité avec autrui, qu’Antoine Blondin va découvrir en suivant chaque année la caravane du Tour de France. Pendant 28 ans, de 1954 jusqu’en 1982, il collaborera au journal L’Equipe où il hissera la chronique sportive aux jusqu’aux rangs des beaux‐arts. Son principal biographe, Alain Cresciucci, commente en ces termes l’expérience de Blondin sur le Tour de France : « Le microcosme du Tour lui a fourni le terrain où incarner sa conception du monde : pas de responsabilité sociale ou familiale, pas Aux côtés de Jacques Anquetil pendant le
d’autorité tatillonne. Le gendarme est bon enfant et le percepteur interdit de séjour ». Tour de France 1963 Parallèlement à son activité de journaliste sportif, Blondin poursuit son travail de romancier : Les enfants du Bon Dieu, L’humeur vagabonde, Monsieur Jadis et Un singe en Hiver magistralement porté au cinéma par Henri Verneuil avec d’étincelantes répliques de Michel Audiard comme celle où l’on entend Jean Gabin s’écrier : « Vous avez le vin petit et la cuite mesquine. Dans le fond, vous ne méritez pas de boire ! » Blondin, lui, avait l’ivresse grandiose. « Je ne suis pas un écrivain qui boit, je suis un buveur qui écrit », se plaisait‐il à répéter. « Il y a des jours où j’adorerais être de l’Académie française mais il y a cinq cafés entre mon appartement et l’Académie, je n’y arriverai jamais. L’habit vert m’irait extrêmement bien mais je laisserais mon épée dans le premier bistrot, puis mon bicorne, j’arriverais en caleçon là‐bas, non, ce serait très mal vu. » Mais bientôt Blondin ne sera plus qu’un buveur qui n’écrit plus du tout. Son ami Michel Déon s’en désole : « L’homme avili que j’ai croisé ce jour‐là rue Mazarine, le presque clochard à demi édenté, au visage déformé par l’alcool, à la démarche titubante et au vin mauvais, ce n’était pas Blondin ». Et c’est encore Michel Déon qui prononcera son éloge funèbre dans l’église Saint‐Germain‐des‐Prés : « Il avait pour lui l’intelligence et un cœur immense. Il était beau et courageux.il possédait au plus haut degré le sens de l’honneur et de la fidélité. La grâce voulait aussi qu’il fut un grand écrivain dont l’œuvre témoigne de son amour des êtres, mais aussi d’une déchirure d’abord secrète puis de plus en plus difficile à souffrir comme si trop de dons et de vertus l’accablaient. » Jean‐Pierre Bellon Bibliographie Œuvres d’Antoine Blondin L'Europe buissonnière, la Table ronde, 1949. Sur le Tour de France, Mazarine, 1979. Les Enfants du bon Dieu, la Table ronde, 1952. Le Cœur net, Etam, 1979. L'Humeur vagabonde, la Table ronde, 1955. Ma vie entre des lignes, la Table ronde, 1982 Un singe en hiver, la Table ronde, 1959, Prix Interallié. Le Tour de France en quatre et vingt jours, Denoël, 1984. Un garçon d'honneur, La Table Ronde, 1960. L'Ironie du sport : chroniques de L'Équipe, F. Bourin, 1988 Monsieur Jadis ou L'École du soir, la Table ronde, 1970. Le Flâneur de la rive gauche, F. Bourin, 1988 Quat'saisons, la Table ronde, 1975. Alcools de nuit, M. Lafon, 1988 Certificats d'études, la Table ronde, 1977. Devoirs de vacances, Éd. Complexe, 1990 Ouvrages sur Antoine Blondin : Yvan Audouard, Monsieur Jadis est de retour, La Table Ronde, 1994. Alain Cresciucci, Antoine Blondin, Gallimard, 2004. Jean Cormier, Blondin, vingt ans déjà, Ed. du Rocher, 2011. 

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