Conseillers: ne soyez pas votre pire ennemi

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Conseillers: ne soyez pas votre pire ennemi
Conseillers: ne soyez pas votre pire ennemi
09.06.2016 - LÉONIE LAFLAMME-SAVOIE
leremy / 123RF Banque d'images
EN DIRECT DE L'IQPF - Le conseiller doit faire attention aux biais de ses clients, mais également se
méfier de sa propre irrationalité, rappelle Josée Blondin, psychologue organisationnelle, présidente
d'InterSources et formatrice lors du congrès annuel de l'Institut québécois de planification financière
(IQPF).
« On ne vit pas en vase clos, notre vie nous influence comme conseiller », indique-t-elle.
Dans le cadre de la formation donnée cette année, on abordait des thématiques liées au mariage, mais
aussi au décès et à la succession. Ces sujets sont très personnels et les conseillers comme leurs clients
peuvent avoir vécu des choses qui teinteront leur jugement sur le sujet.
« Il faut toujours se méfier de ses propres croyances lorsqu'on explique ou qu'on recommande quelque
chose à un client, rappelle Josée Blondin. Ce phénomène se détaille de plusieurs façons, dont le biais de
familiarité, les idées préconçues, les préjugés et les stéréotypes.»
Le biais de familiarité, plus précisément, se produit lorsqu'un individu se base premièrement sur ce qu'il
connaît et ce qu'il comprend mieux afin de prendre des décisions. Le conseiller se fiera ainsi sur ses propres
croyances afin d'expliquer une situation à son client.
« Imaginez le conseiller qui sort d'un divorce difficile. Ce dernier pourrait offrir des conseils teintés de
méfiance en disant surtout à son client de se protéger. Le contraire est aussi vrai, le conseiller qui a un
mariage sans nuage pourrait oublier de faire certains avertissements importants à son client », illustre Josée
Blondin.
Le biais de familiarité pourrait aussi se manifester dans la prise de décisions qui nous semblent, à première
vue, totalement logiques.
Josée Blondin donne l'exemple d'un père de deux enfants, qui se remarie avec une femme plus fortunée
avant d'avoir un autre enfant avec elle. La logique voudrait que, dans son testament, tout soit divisé en trois,
n'est-ce pas?
« Pas nécessairement, ici la logique c'est ce qui est familier. On divise en trois et ça se termine là, explique
Josée Blondin.
Toutefois, dans notre exemple, le père n'a pas beaucoup d'argent alors que sa nouvelle femme est
millionnaire. Sa fille de sa deuxième union héritera un jour de sa mère et aura beaucoup d'argent, alors que
ses enfants de sa première union n'hériteront que de lui. S'il divise ses avoirs en trois, il prive ses deux
premiers enfants d'une portion potentielle de leur héritage pour la donner à sa fille qui, de toute façon,
héritera de la fortune de sa mère.»
Il faut toutefois faire très attention lorsqu'on fait des propositions semblables à son client. Tout est une
question de réflexion et de temps, selon Josée Blondin: « En bon père de famille, il se dit qu'il va être
équitable et léguer une part égale à tout le monde alors que, dans les faits, ce n'est pas nécessairement
être équitable. On peut dire au client: "Ça peut vous sembler choquant, mais prenez le temps d'y penser".»
Afin d'éviter de tomber dans le piège du biais de familiarité, Josée Blondin suggère quelques trucs faciles
pour s'assurer de ne pas se laisser berner par son vécu, ou celui du client. Première étape: il faut prendre
des notes après chacune des rencontres.
« On doit noter les points qu'on a discutés et les actions que nous avons décidé de prendre, dit-elle. Ce
processus sert à prendre du recul: est-ce que finalement c'était une action si importante à mener? Est-ce
que ça peut attendre? Il faut aussi revoir ses notes par la suite afin de mettre les choses en perspectives.»
L'écoute est aussi importante. Le conseiller devrait écouter plus qu'il ne parle: « Validez votre
compréhension de ce que le client dit auprès de lui. Reformulez ce que vous comprenez et assurez-vous
que ça correspond à ce qu'il pense exprimer, note Josée Blondin. C'est un bon moyen de se remettre en
question tout en vérifiant si notre compréhension reflète sa réalité.»
La psychologue suggère une prise de note dans un tableau où, pour chaque point discuté, on identifie
l'action à prendre, le suivi à faire, l'échéancier et les ressources professionnelles à référer au client.