Kit pédagogique LDH 2009 - Ligue des droits de l`Homme

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Kit pédagogique LDH 2009 - Ligue des droits de l`Homme
PARTIE 2 - HISTORIQUE DES DROITS HUMAINS
B. Trois générations de droits
On distingue actuellement trois générations dans l’évolution des Droits Humains.
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Les droits-libertés
Un aspect essentiel : la non- intervention de l’Etat dans la gestion des affaires
privées.
Ce sont les droits civils et politiques. Ils datent de l’époque des Lumières et des
philosophes tels que Rousseau, Locke, Tocqueville, …Ces droits supposent la nonintervention de l’Etat dans certains domaines de la vie des individus. L’Etat s’engage
à ne pas interférer entre autre dans le droit à la vie, à la sûreté de la personne, à la
liberté de penser, à la liberté d’opinion et d’expression, au droit de circuler librement.
Ces droits garantissent également l’inviolabilité du domicile ainsi que l’accès à un
procès juste et équitable.
Cette obligation de non intervention de l’Etat est formulée en utilisant la négation: ne
pas entraver la liberté en incarcérant sans raison, ne pas limiter la liberté
d’expression en instaurant la censure, ne pas porter atteinte à la vie privée en
mettant en place des procédures de surveillance, d’écoute téléphonique, etc.
Les droits de la première génération sont repris dans la plupart des Constitutions
européennes du XIXe siècle. La Constitution belge de 1831 en fait partie.
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Les droits-égalité
Un principe : une « présence » accrue de l’Etat qui se manifeste
par des interventions en faveur de l’égalité entre les individus.
Les droits économiques, sociaux et culturels constituent ce qu’on appelle la
deuxième génération de droits. Ceux-ci supposent l’intervention de l’Etat au nom de
la justice sociale, pour pallier aux inégalités entre individus. Ces aides de l’Etat
concernent le droit au travail, à la sécurité sociale, à l’éducation ou encore à la
santé.
Vers la seconde moitié du XIXe siècle ainsi qu’au début du XXe siècle, de nombreux
mouvements sociaux voient le jour. Nous sommes peu de temps après la révolution
industrielle, et partout en France, en Angleterre, en Belgique, des hommes et des
femmes, principalement issus de la classe ouvrière émergente, s’unissent pour la
reconnaissance de leurs droits et l’obtention d’une justice sociale. Cette époque est
aussi marquée par la naissance des syndicats qui soutiennent les ouvriers dans leur
combat.
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L’intervention de l’Etat est exprimée par l’affirmative : allouer des budgets,
développer les systèmes d’éducation, mettre en place un système de sécurité
sociale.
Bon à savoir : Ces deux générations de droits se trouvent dans la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme de 1948.
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Les droits collectifs ou solidaires
Il s’agit d’un ensemble de droits basés sur le principe de la solidarité et qui
supposent l’action à un niveau international. On retiendra par exemple le droit à la
paix, le droit au développement, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et
des ressources naturelles de leur pays.
Ces droits ne sont pas repris dans la DUDH. Il s’agit d’une catégorie de droits
relativement neuve. Elle ne se retrouve pas encore telle quelle dans une convention,
bien que certains textes en fassent déjà mention.

Une quatrième génération ?
A l’heure actuelle, et sous l’influence des préoccupations environnementalistes, des
débats sont en cours à propos de la reconnaissance d’une quatrième génération
de droits qui reprendrait le droit à un environnement sain, le droit au développement
durable (conférence de Rio, accords de Kyoto, …), le droit des générations futures.
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Quelques éléments de discussion
Un concept en constante évolution
Au fil du temps, des époques, des générations, la société est confrontée à de
nombreuses transformations. Les avancées techniques, biologiques, informatiques
et autres posent sans cesse de nouvelles questions éthiques et incitent à légiférer
sur de nouvelles matières. Quelle position adopter face aux avancées
technobiologiques ? Comment garantir le respect de la vie privée des individus face
aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) ? Ceci
démontre que la notion des droits de l’Homme est un concept dynamique, en
perpétuelle évolution et qui, tout en tentant de répondre à la quête du bonheur,
s’adapte aux changements de notre société démocratique.
Le problème de la catégorisation
Cette hiérarchisation des générations de droits pose cependant question.
Le fait de classer les droits en générations successives ne suggère-t-il pas que l’on
passe à la génération suivante une fois la première accomplie ? Or, ce n’est pas
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parce que l’on change de génération que les droits de la génération précédente sont
totalement acquis. Au contraire, on remarque que malgré les changements
d’époques et l’évolution de la société, certains droits « plus anciens » ne sont
toujours pas respectés.
La catégorisation laisse à penser qu’il existe une hiérarchie entre les générations de
droits. Cependant, la première génération ne prévaut pas nécessairement sur la
seconde ou la troisième.
Pourquoi avoir alors nommé distinctement les générations de droits ? Parce qu’il
semblait important de spécifier qu’il s’agit de deux (ou de plusieurs) « catégories »
différentes de droits. D’une part, les droits qui refusent l’intervention de l’Etat ; d’autre
part, ceux qui la requièrent.
Pour certains, cette division en deux catégories est une « erreur historique ». Car
une génération de droits ne va pas sans l’autre. Que vaut le droit de participer à la
vie politique si l’on n’a pas accès à l’éducation ? A quoi cela sert-il d’abolir
l’esclavage, si les conditions de travail restent inhumaines pour une grande partie de
la population mondiale ? Comment jouir d’un bon état de santé si on est enfermé
sans raison valable et sans avoir accès aux soins adéquats ? C’est la raison pour
laquelle, lors de la Conférence de Vienne de 1993, les Nations Unies ont affirmé à
plusieurs reprises que tous les droits de la personne sont universels,
indissociables, interdépendants et intimement liés.
En outre, certains droits de la première génération sont imprécis (par exemple, la
notion de la vie privée n’est pas clairement définie), tandis que d’autres de la
seconde génération sont très précis (comme le droit de grève). De même, certains
droits de première génération impliquent des obligations positives (le droit à un
procès équitable) alors que des droits de seconde génération supposent des
obligations négatives (le droit de grève, le droit à la paix). Ce qui vient contrebalancer
ce que nous avons dit plus haut, et qui confirme le fait que plutôt que de se
succéder et de se différencier, les générations de droits se chevauchent,
s’imbriquent et se répondent mutuellement.
Aujourd’hui, plusieurs textes et/ou principes tentent de rompre avec ces distinctions
en invoquant certains arguments :
•
L’effet stand-still: Il ne peut pas y avoir de régression en matière de protection
des droits humains. Si l’Etat affirme progresser dans la réalisation d’un
objectif, il ne peut pas prendre par ailleurs des mesures qui manifestent un
retour en arrière. Par exemple, il n’y a pas d’obligation en droit international
d’interdire la peine de mort, mais si un Etat a décidé de l’abolir, il ne peut pas
la réinstaurer par la suite. L’effet stand-still est un principe juridique qui n’est
pas inscrit dans les lois. Il s’agit de cas relevant de la jurisprudence. Voilà
pourquoi certains le contestent.
•
L’article 23 de la Constitution belge mélange quant à lui les générations : tout
en s’appuyant sur le concept de dignité humaine, il propose des pistes et des
principes d’organisation pour mettre en œuvre cette dignité.
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•
La Charte africaine : imbrique les générations (droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, droit à la paix, …) et prévoit également des « devoirs du
citoyen ».
•
La Convention internationale des Droits de l’enfant : mélange les générations.
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