SU(2) - Ecole polytechnique

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SU(2) - Ecole polytechnique
CHAPITRE 4
REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES DE SU (2) ET SO(3)
COURS M1 ’GROUPES ET REPRÉSENTATIONS’ - X 2011/12
(ANNA CADORET)
Contents
1. Revêtement universel de SO(3)
1.1. Simple connexité de SU (2)
1.2. Préliminaires sur les représentations adjointes Ad, ad
1.3. Revêtement de SO(3) par SU (2)
2. Représentations simples de su(2) ⊗R C
2.1. su(2) ⊗R C et sl2 (C)
2.2. Représentations simples de sl2 (C)
3. Représentations simples (de dimension finie) de SO(3)
3.1. Relèvement des représentations simples de sl2 (C) à SU (2).
3.2. Conclusion
References
1
1
2
2
3
3
3
4
4
5
5
Ce chapitre suit de très près le dernier chapitre de [R10]. On va appliquer la méthode d´crite à la fin du chapitre
3 pour classifier toutes les repuésentation simples (de dimension finie) de SO(3).
1. Revêtement universel de SO(3)
1.1. Simple connexité de SU (2). Par définition, on a
SU (2) = {M ∈ GL2 (C) | t M M = I2 , det(M ) = 1}
Donc une matrice
a
c
b
d
∈ GL2 (C)
est dans SU (2) si et seulement si
(1) |a|2 + |b|2 = |c|2 + |d|2 = 1, (2) ac + bd = 0, (3) ad − bc = 1
En multipliant (2) par c on a acc + cdb = 0 mais en substituant cc = 1 − dd dans cette égalité, on obtient
0 = a − d(ad − bc) = a − d. D’où d = a. Et soit a = d = 0, auquel cas |b|2 = |c|2 = 1 et bc = −1 donc
b = −c−1 = −c soit a, d 6= 0, auquel cas, en mettant d en facteur dans (2), on obtient d(c + b) = 0 donc c = −b.
En définitive, on a
a
b
SU (2) = {
∈ GL2 (C) | |a|2 + |b|2 = 1}
−b a
En particulier, on a un homéomorphisme canonique
S3 →SU
˜
(2),
où S3 désigne la sphère de R4 .
Lemme 1.1. La sphère Sn de Rn+1 est connexe et simplement connexe dès que n ≥ 2.
X
Preuve. Notons p : Rn+1 \ {0} → Sn la projection radiale (i.e. p(X) = ||X||
). C’est une application continue et
n
n+1
surjective; la connexité de S résulte donc immédiatement de celle de R
\ {0}.
Montrons maintenant la simple connexité. Soit c : [0, 1] → Sn un chemin continue et montrons qu’il est
homotope à un chemin constant dans Sn . Supposons d’abord qu’il existe au moins un point x ∈ Sn tel que
x∈
/ c([0, 1]). Alors, comme Sn \ {x} est homéomorphe à Rn (pourquoi?) qui est simplement connexe par arcs,
1
2
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c : [0, 1 → Sn est homotope à un chemin constant dans Sn \ {x} donc a fortiori dans Sn . Si c([0, 1]) = Sn , on
se ramène au cas précédent en montrant que c : [0, 1] → Sn est homotope à un chemin dans Sn \ {x} pour un
certain x ∈ Sn . Par théorème de Heine, il existe un entier N ∈ Z≥2 tel que pour tout t, t0 ∈ [0, 1] on a
1
1
|t − t0 | <
⇒ |c(t) − c(t0 )| < .
N
2
Considérons γ : [0, 1] → Rn+1 \ {0} telle que γi := γ( Ni ) = c( Ni ), i = 0, . . . N et γ : [0, 1] → Rn+1 est
affine entre γi−1 et γi , i = 1, . . . , N . Soit alors H(s, t) = (1 − s)c(t) + sγ(t). Pour i = 1, . . . , N , la boule
i
i−1 i
ouverte de centre c( Ni ) et de rayon 12 contient c([ i−1
N , N ]) et γ([ N , N ]) donc, comme elle est convexe, elle
i−1 i
contient H([0, 1] × [ N , N ]). Cela montre que 0 ∈
/ γ([0, 1]) et 0 ∈
/ H([0, 1] × [0, 1]). On peut donc considérer
p ◦ γ : [0, 1] → Sn et p ◦ H : [0, 1] × [0, 1] → Sn . Par construction, c : [0, 1] → Sn est homotope à p ◦ γ : [0, 1] → Sn
via p ◦ H : [0, 1] × [0, 1]) → Sn et l’image de p ◦ γ : [0, 1] → Sn est contenue dans un nombre fini d’arcs de cercles
tracés sur la sphère, donc ne recouvre pas la sphère. 1.2. Préliminaires sur les représentations adjointes Ad, ad. Soit G ⊂ GLn (R) un groupe linéaire. Pour
tout x ∈ G, notons Ad(x) : G→G
˜ l’automorphisme de groupe intérieur associé à G i.e. défini par
Ad(x)(g) = xgx−1 .
C’est un automorphisme du groupe linéaire G; on peut donc lui appliquer le foncteur Lie pour obtenir un
automorphisme Ad(x) : g→g
˜ de l’algèbre de Lie g de G. Explicitement, pour tout Y ∈ g on a
d Ad(x)(exp(tY )) = xY x−1 .
Ad(x)(Y ) =
dt t=0
Cela définit un morphisme de groupes linéaires
Ad : G → AutLie/R (g).
En appliquant à nouveau le foncteur Lie, on obtient un morphisme d’algèbres de Lie
ad := Lie(Ad) : g → Lie(AutLie/R (g))
tel que exp(ad(X)) = Ad(exp(X)), X ∈ g. Là encore, pour tout X, Y ∈ g on a explicitement
d Y → exp(tX)Y exp(−tX) = [X, Y ].
ad(X)(Y ) =
dt t=0
Et en outre,
Exercice 1.2. Montrer que
Lie(AutLie/R (g)) = DerR (g).
Notons en particulier que lorsque ad: g→Der
˜
R (g) est un isomorphisme et G est connexe, Ad: G → AutLie/R (g)
est automatiquement un revêtement connexe.
Exercice 1.3. Si g est une k-algèbre de Lie de dimension finie, on appelle forme de Killing de g la forme
k-bilinéaire symétrique
κg : g × g
→ k
(X, Y ) → T r(ad(X) ◦ ad(Y )).
(1) Montrer que AutLie/k (g) est contenue dans le groupe orthogonal de κg .
(2) On dit qu’une algèbre de Lie g est semisimple si sa forme de Killing est non dégénérée. Montrer que si
g est semisimple alors ad : g→Der
˜
k (g) est un isomorphisme.
1.3. Revêtement de SO(3) par SU (2). Appliquons les remarques de l’exercice 1.3 au cas particulier de
G = SU (2).
(1) Forme de Killing de su(2). On a
su(2) = {M ∈ M2 (C) | t M + M = 0, Tr(M ) = 0}
Donc une matrice
a
c
b
d
∈ M2 (C)
est dans su(2) si et seulement si a = −d ∈ iR et c = −b. Une R-base de su(2) est donc
0 i
0 −1
i 0
, K=
.
I=
, J=
i 0
1 0
0 −i
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REPRÉSENTATIONS LINÉAIRES DE SU (2) ET SO(3)
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Dans cette base, la forme de Killing de su(2) a pour matrice −8I3 donc, en particulier, est définie
négative. Notons κ := − 81 κsu(2) : su(2) × su(2) → R, qui est un produit scalaire pour lequel I, J, K
forment une base orthonormale.
(2) Donc Ad: SU (2) → AutLie/R (su(2)) prend ses valeurs dans le groupe orthogonal
O(su(2), κ) ' O(3).
En outre, comme SU (2) est connexe et le déterminant continu, Ad: SU (2) → O(3) prend en fait ses
valeurs dans SO(3). Donc, en appliquant le foncteur Lie, on obtient un morphisme ad: su(2) → so(3)
injectif (puisque ker(ad) = Z(su(2)) = 0) donc bijectif (puisque su(2) et so(3) sont toutes deux de
dimension 3 sur R). Comme SO(3) et SU (2) sont connexe, on a montré que Ad: SU (2) → SO(3) est
un revêtement connexe. Comme SU (2) est simplement connexe, c’est le revêtement universel de SO(3).
Enfin, pour tout M ∈ SU (2), M ∈ ker(Ad) si et seulement si
M IM −1 = I, M JM −1 = J, M KM −1 = K.
Un calcul immédiat montre que
ker(Ad) = {±I2 }.
On a donc une suite exacte courte de groupes linéaires
1 → Z/2 → SU (2) → SO(3) → 1.
2. Représentations simples de su(2) ⊗R C
2.1. su(2) ⊗R C et sl2 (C). Commençons par observer que
su(2) ⊗R C ⊂ ker(T r) = sl2 (C),
donc, comme ces deux algèbres de Lie sont de dimension 3 sur C on a su(2) ⊗R C = sl2 (C).
Autrement dit, ce qui va nous intéresser, ce sont les représentations simples de sl2 (C). Dans la pratique1, il va
être plus facile de travailler dans la base
0 1
0 0
1 0
x=
, y=
, h=
0 0
1 0
0 −1
On a alors les relations suivantes (qui donnent en fait une présentation de sl2 (C) en termes de générateurs et
relations).
(∗) [h, x] = 2x, [h, y] = −2y, [x, y] = h.
2.2. Représentations simples de sl2 (C). Soit V un sl2 (C)-module de dimension finie. Pour tout λ ∈ C,
notons Vλ := ker(h − λIdV ), l’espace propre associé pour h. On note P (V ) l’ensemble poids de V i.e. des
valeurs propres de h opérant sur V . Comme C est algébriquement clos, il existe au moins un λ ∈ C tel que
Vλ 6= 0. Par ailleurs, en utilisant les relations (*) ci-dessus, on montre facilement que pour tout λ ∈ C
xVλ ⊂ Vλ+2 , yVλ ⊂ Vλ−2 .
Comme V est de dimension finie, on en déduit qu’il existe λ0 ∈ C tel que Vλ0 6= 0 et xVλ0 = 0. Fixons v0 ∈ Vλ0 ,
v0 6= 0 et posons
v−1 = 0
vi = i!1 y i v0 i ≥ 0 (= 1i vi−1 , i ≥ 1).
On peut alors décrire explicitement (par récurrence, en utilisant les relations(∗) ci-dessus) les actions de x, y, h
sur les vi , i ≥ 0.
Lemme 2.1. Pour tout i ≥ 0 on a
(1) hvi = (λ − 2i)vi ;
(2) yvi = (i + 1)vi+1 ;
(3) xvi = (λ − i + 1)vi−1 .
1Ce qui se cache derrière ce choix, c’est le théorème de structure des algèbres de Lie complexes semisimples de dimension finie.
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La relation (1) impose aux vi non nuls d’être libres donc, V étant de dimension finie, cela permet de définir le
plus petit entier m tel que vm 6= 0 mais vm+1 = 0. Les relations (1), (2), (3) montrent alors que
M
W :=
Cvi
0≤i≤m
est un sl2 (C)-sous-module. En outre, h agit encore diagonalement sur W avec
P (W ) = {λ − 2i | 0 ≤ i ≤ m}
et dimC (Wλ ) = 1, λ ∈ P (W ). Cela impose à W d’être un sl2 (C)-module simple. En effet, si W 0 ⊂ W est un
sous-sl2 (C)-module, h agit encore diagonalement sur W 0 (puisque le polynôme minimal de h|W 0 divise celui de
h|W donc est scindé sur C) donc contient au moins l’un des vi . Mais alors, par les relations (2) et (3), il les
contient tous. Enfin, la relation (3) pour i = m + 1 montre que
λ = m = dimC (W ).
On peut résumer ces observations par
Lemme 2.2. (Classification des sl2 (C)-modules simples de dimension finie) Notons Mod(sl2 (C)) l’ensemble
des sl2 (C)-modules simples de dimension finie. On a alors une correspondance bijective
Mod(sl2 (C))/ '
←→
V
→
V (m) (défini par les relations (1), (2), (3)) ←
Z≥−1
dimC (V ) − 1
m
Remarque 2.3. Ce lemme est le ’baby case’ du théorème de classification des modules simples de dimension
finie pour les algèbres de Lie semsimples complexes, appelé aussi théorème du plus haut poids. Cette terminologie
se justifie ici en observant que les poids de V (m) sont tous ≤ m. Dans le cas général, on remplace Z avec son
ordre naturel par un réseau muni d’un certain type d’ ordre partiel; c’est la théorie des sytèmes de racines.
3. Représentations simples (de dimension finie) de SO(3)
3.1. Relèvement des représentations simples de sl2 (C) à SU (2).
Dans ce paragraphe, on va construire pour chaque m ≥ 0 une représentation ρm : SU (2) → GL(V ) telle que
Lie(ρm ) = V (m). D’après le lemme 2.2, on aura ainsi obtenu toutes les représentations simples (de dimension
finie) de SU (2).
Considérons l’action naturelle de SL2 (C) sur C[Z1 , Z2 ] définie par
−1 a b
a b
Z1
· P = P(
) = P (dZ1 − bZ2 , −cZ1 + aZ2 ).
c d
c d
Z2
Cette action stabilise le sous-C-espace vectoriel Vn := C[Z1 , Z2 ]n des polynômes homogènes de degré n. Notons
ρn : SL2 (C) → GL(Vn ) la représentation de dimension finie ainsi obtenue. Calculons Lie(ρn ). Pour tout
α β
X=
∈ sl2 (C)
γ −α
écrivons
exp(tX) =
a(t) b(t)
c(t) d(t)
, t∈R
Alors
d d ρn (exp(tX)) =
(P (Z1 , Z2 ) → P (d(t)Z1 − b(t)Z2 , −c(t)Z1 + a(t)Z2 ))
Lie(ρn )(X) =
dt t=0
dt t=0
donc
Lie(ρn )(X) = α(−Z1
∂
∂
∂
∂
+ Z2
) − βZ2
− γZ1
.
∂Z1
∂Z2
∂Z1
∂Z2
Notons
∂
∂
∂
∂
+ Z2
, Dx := Lie(ρn )(x) = −Z2
, Dy := Lie(ρn )(y) = −Z1
.
∂Z1
∂Z2
∂Z1
∂Z2
Si on calcule l’action de Dh , Dx , Dy sur la C-base de Vn donnée par
Dh := Lie(ρn )(h) = −Z1
(n)
vk
:=
(−1)k
Z k Z n−k , k = 0, . . . , n.
(n − k)!k! 1 2
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on retrouve exactement les formules du lemme 2.1. Autrement dit le sl2 (C)-module Vn = C[Z1 , Z2 ]n est isomorphe à V (n).
On a ainsi obtenu toutes les représentations simples de SU2 (C) ⊂ SL2 (C).
3.2. Conclusion. Celles qui se factorisent par SU (2) → SO(3) sont celles qui contiennent −I2 dans leur noyau.
Or
ρn (−I2 )(P ) = P (−Z1 , −Z2 )
donc ρn : SL2 (C) → GL(Vn ) se factorise via SU (2) → SO(3) si et seulement si 2|n.
Remarque 3.1.
(1) La méthode exposée ci-dessus montre au passage que les représentations de dimension finie de sl2 (C) sont
complétement réductibles puisqu’elles correspondent bijectivement aux représentations de dimension
finie de SU (2) qui est un groupe topologique compact. (Ce résultat pourrait également se montrer en
invoquant la semisimplicité de sl2 (C))
(2) La méthode exposée s’applique aussi telle quelle à SL2 (R) (en remplaçant SU (2) ⊂ SL2 (C) par
SL2 (R) ⊂ SL2 (C) au paragraphe précédent) et montre que les représentations de dimension finie de
SL2 (R) sont celles de sl2 (C). Cela nous donne, d’une part, la classification de toutes les représentations
simples de dimension finie de SL2 (R) et, d’autre part, la complète réductibilité des représentations de
dimension finie de SL2 (R) (ce qui n’est pas du tout évident car SL2 (R) n’est pas compact...). Par
contre, SL2 (R) possède des représentations simples de dimension infinie qui ne peuvent être atteintes
par notre méthode (Cf. [V81, Chap. 1] par exemple).
(3) Cette méthode est en fait un cas particulier du ”Unitarian trick” du à H. Weyl (Cf. [FH91, p.129-130])
et se généralise à SLn (R) (non compact) et SU (n) (compact) ou SO(p, q) (non compact) et SO(p+q)(C)
(compact).
Exercice 3.2. (Représentations simples de dimension finie de H3 ) Soit H3 ⊂ GL3 (R) le sous-groupe des
matrices triangulaires supérieures avec que des 1 sur la diagonale. Déterminer toutes les représentations simples
de dimension finie de H3 .
References
[FH91] W. Fulton et J. Harris, Representation theory - a first course (Chap I §4 et §6, Chap. III, §15), G.T.M. 129,
Springer-Verlag, 1991.
[R10] D. Renard, Groupes et représentations, Editions de l’Ecole Polytechnique, 2010.
[V81] D.A. Vogan, Representations of Real Reductive Lie Groups (Chap. I), Progress in Math. 15, 1981.
[email protected]
Centre de Mathématiques Laurent Schwartz - Ecole Polytechnique,
91128 PALAISEAU, FRANCE.