La réforme de la politique agricole commune

Transcription

La réforme de la politique agricole commune
Resumé
La réforme de la politique agricole
commune
Introduction
Ce texte est un résumé de l'avis1 sur la réforme de la politique agricole commune rendu
par le Conseil économique et social néerlandais (SER) au ministre de l'Agriculture, du
Patrimoine naturel et de la Pêche en octobre 1996. Cet avis a été adopté à l'unanimité.
C'est en réaction à l'étude sur la stratégie agricole qui a été publiée par la Commission
européenne fin 1995 que le SER s'était saisi de cette question.
Dans cet avis, le SER affirme la nécessité d'une réforme continue de la politique agricole
européenne avec un passage graduel du soutien par les prix à un soutien par des aides
directes. Cette réforme doit s'accompagner d'une politique de restructuration appropriée.
Par ailleurs, une politique devra également être définie, tant sur le plan européen qu'au
niveau national, en matière de gestion et d'entretien de l'espace naturel.
Ce résumé comporte trois parties. La première expose les raisons pour lesquelles une
réforme de la politique agricole est nécessaire. La seconde trace le cadre d'évaluation, à
savoir l'ensemble des objectifs et des conditions préalables au sein duquel la politique
agricole européenne doit trouver réponse à un certain nombre de défis. La troisième
partie présente les conceptions du SER en matière de politique agricole commune.
1
Avis du SER intituléHervorming Gemeenschappelijk Landbouwbeleid' (Réforme de la politique
agricole commune), publication no 96/09, La Haye 1996.
2
1.
Nécessité d'une adaptation de la politique agricole
1.1
La réforme de 1992 et ses conséquences
La dernière réforme de la politique agricole commune (P.A.C.) date de 1992. Cette
réforme dite de MacSharry avait pour objectif de rétablir l'équilibre sur le marché intérieur,
dans le contexte plus particulièrement des négociations de l'Uruguay Round menées dans
le cadre du G.A.T.T. Cette réforme comporte trois volets :
- une réduction du prix d'intervention sur les céréales d'environ 30 %, associée à des
primes compensatoires par hectare. Les agriculteurs exploitant une vaste superficie
céréalière ne peuvent prétendre à cette compensation que s'ils mettent en jachère une
partie de leurs terres (mesure de set-aside);
- une réduction du prix d'intervention sur la viande bovine de 15 % en trois ans. Une
prime par animal peut être allouée aux éleveurs à titre de compensation là aussi pour
leur perte de revenus;
- quelques mesures d'accompagnement: un ensemble de mesures environnementales
pour l'agriculture (soutien de méthodes de production respectueuses de
l'environnement et de la mise en jachère à des fins environnementales), une incitation
au boisement de terres agricoles et un encouragement aux départs en préretraite.
Depuis la réforme MacSharry, la production de blé, de céréales pour l'alimentation du
bétail et de viande bovine s'est mieux adaptée à la consommation au sein et à l'extérieur
de l'Union européenne, ce qui a entraîné une réduction considérable des stocks. Depuis
1992, les revenus ont augmenté en moyenne dans l'agriculture européenne, sous l'effet
essentiellement d'une augmentation des aides compensatoires au revenu pour les
producteurs de céréales.
Au sein de l'Union européenne, la dépense agricole a augmenté de 10 % durant les trois
années qui ont suivi la réforme MacSharry par rapport à la moyenne de la période 19901992. Les dépenses consacrées à la politique agricole commune se sont élevées en tout
en 1995 à presque 40 milliards d'écus sur un budget total de l'Union européenne
d'environ 75 milliards d'écus.
Le SER estime que le bilan de cette réforme est somme toute positif. La diminution du
soutien par les prix pour les céréales et la viande bovine, et l'introduction de primes à
l'hectare, de primes par tête de bétail et de la mesure de mise en jachère ont contribué,
conjointement avec d'autres changements, à une nette diminution des excédents et à une
évolution satisfaisante en moyenne des revenus d'exploitation agricole au cours des
dernières années. Les charges budgétaires restent encore pour l'instant dans les limites
de la ligne directrice agricole convenue. Toutefois, la complexité de la politique agricole
commune sur le plan administratif et le risque de fraude existant, la limitation de la liberté
d'entreprise résultant de restrictions quantitatives et les retombées des primes à l'hectare
sur les prix fonciers, rendant plus difficile une nouvelle affectation du sol, sont selon le
SER autant d'éléments négatifs.
Il ressort des mesures d'accompagnement adoptées lors de la réforme de 1992 que, dans
la politique agricole commune, une plus grande attention est portée à la nature et à
l'environnement. Il s'agit plus particulièrement du règlement 2078/92 concernant les
méthodes de production agricoles qui sont conciliables avec les exigences en matière de
protection de l'environnement et de gestion de l'espace naturel. Ce règlement permet
d'accorder une aide aux agriculteurs s'ils réduisent sensiblement l'emploi d'engrais et/ou
de produits phytopharmaceutiques, s'ils entretiennent des terres agricoles ou sylvicoles
retirées de la production ou s'ils arrêtent la production sur des terres agricoles à des fins
environnementales.
1.2
Pourquoi une nouvelle réforme de la politique agricole commune?
3
Globalement, l'agriculture européenne ne se trouve pas à l'heure actuelle dans une
situation de crise critique. Le secteur agricole est confronté toutefois à un certain nombre
de défis externes et internes, qui sont susceptibles d'exercer une forte influence sur la
structure, la production et le revenu de ce secteur:
- l'élargissement de l'Union européenne à plusieurs pays d'Europe centrale et orientale;
- la libéralisation du commerce mondial dans le cadre de l'Organisation mondiale du
commerce;
- la situation des pays en développement et le renforcement de leur sécurité alimentaire;
- la réduction des nuisances sur l'environnement;
- l'extension des fonctions d'entretien et de gestion de l'espace en agriculture;
- des restructurations visant aussi bien des activités agricoles que non-agricoles.
Ces défis vont être repris plus en détails plus loin.
Le fait de ne pas être en situation de crise donne suffisamment de latitude pour mener un
débat de fond sur une nouvelle structure de la politique agricole qui soit susceptible de
répondre de façon satisfaisante aux défis énoncés plus haut.
Les défis externes
Le premier de ces défis externes auxquels l'agriculture et la polique agricole sont
confrontées porte sur la façon d'équilibrer les effets qu'aurait l'admission dans l'Union
européenne de quelques pays d'Europe centrale et orientale. L'étude sur la stratégie
agricole déjà citée de la Commission européenne y accorde beaucoup d'attention. La
principale conclusion de cette analyse est que les pays d'Europe centrale et orientale ont
bien moins besoin d'un large soutien par les prix et par des aides directes pour leurs
agriculteurs, que d'une contribution destinée plus spécifiquement à la restructuration de
l'agriculture, à sa modernisation et à la diversification de sa capacité de production, de
ses débouchés et de la transformation des produits agricoles, et à l'amélioration de
l'infrastructure en milieu rural.
Le second défi externe consiste en une participation active au marché mondial par le biais
d'une meilleure adaptation aux exigences de ce marché, en rapport avec la libéralisation
du commerce mondial des produits agricoles. Une amorce a été faite dans ce sens lors de
l'Uruguay Round, où il a été convenu de démarrer en 1999 les négociations sur une
libéralisation plus poussée du commerce international. A la demande du SER, une étude2
a été réalisée afin d'en savoir plus sur les effets d'une telle libéralisation. Il en ressort que
les problèmes engendrés dans l'Union européenne par une plus grande libéralisation
porteraient essentiellement sur la viande bovine et dans une moindre mesure sur les
produits laitiers et le sucre. L'adaptation de la politique agricole commune à cette
libéralisation aurait surtout des conséquences sur le volume de la production de viande
bovine et sur les niveaux des prix des produits laitiers et du sucre.
Le troisième défi externe pour l'agriculture européenne et la politique en la matière a trait
à la situation des pays en développement et à leur sécurité alimentaire. La forme donnée
à la politique commune agricole devra être de nature à freiner et nuire le moins possible
au développement de ces pays et de leur agriculture et à l'institution de leur propre
sécurité alimentaire.
Les défis internes
2
Cette étude a été réalisée par le LEI-DLO (Institut de recherches agro-économiques) à La Haye.
4
La prospérité croissante s'accompagne d'une plus grande diversité d'attentes de la part
des consommateurs et d'une plus grande importance accordée aux aspects qualitatifs et
de sécurité. Un secteur agricole orienté vers l'avenir doit donc, en premier lieu, effectuer
un glissement de la quantité vers la qualité, ce qui demande une meilleure adaptation aux
exigences du marché, un suivi plus étroit par les divers entrepreneurs dans la filière
agricole des évolutions du marché, tant à l'intérieur de l'Union européenne qu'en dehors.
La politique agricole commune est restée jusqu'à présent fortement centrée sur la
production de marchandises en vrac de qualité homogène.
Malgré un certain nombre de progrès enregistrés, l'agriculture cause toujours des
nuisances à l'environnement sur certains points importants. Le souci d'un environnement
de qualité va devoir être intégré de façon systématique dans la politique agricole. C'est
d'une part une question de politique environnementale (information, techniques plus
respectueuses de l'environnement, application systématique des instruments disponibles
en ce domaine). D'autre part, la forme qui sera donnée à la politique agricole commune
devra orienter le plus possible l'agriculture dans un sens favorable à l'environnement.
Une expansion importante des activités dans le domaine agricole peut être obtenue en
favorisant la fonction de gestion et d'entretien de l'espace naturel.
Sous l'effet de la prospérité et de l'urbanisation croissantes, une demande accrue de la
société se fait sentir vis-à-vis du patrimoine naturel. Le défi consiste à faire fournir un bien
collectif, 'nature et paysage', par le biais de l'attribution aux agriculteurs individuels d'une
rémunération conforme au marché.
L'aménagement et la restructuration du secteur agricole, qui s'accompagnera aussi de
pertes d'emplois, requièrent un bon appui des pouvoirs publics et des organisations
professionnelles agricoles. Outre l'encadrement, l'information et la formation, il importe
qu'une reconversion puissent être proposée et qu'il y ait un bon régime de préretraite. Il
faudra du reste chercher de nouvelles sources de revenus et d'emplois, hors du monde
agricole pour une grande part.
5
2.
Cadre d'évaluation : objectifs et conditions préalables
2.1
Objectifs
Le SER désire classer dans une certaine mesure les objectifs de la politique agricole
commune qui ont été décrits dans le Traité sur l'Union européenne. Pour commencer, le
SER effectue une distinction entre:
1. la fonction économique de l'agriculture: la production de denrées directement
négociables;
2. la fonction en ce qui concerne la nature et les paysages: la contribution à une bonne
gestion du patrimoine naturel dans les zones rurales.
Le principal objectif est, selon le SER, de promouvoir une agriculture compétitive, durable
et sans danger qui soit adaptée à la demande effective (sur le marché intérieur et sur le
marché mondial). L'agriculture doit être compétitive, c'est-à-dire que, fondée sur les
principes d'efficacité (niveau des coûts) et de qualité, elle doit aussi pouvoir trouver des
débouchés sur le marché mondial. La durabilité consiste à maintenir la fertilité du sol et à
lutter contre la pollution de l'environnement (air, eau, sol). Enfin, la production agricole
devra être sans danger tant pour le consommateur (produits) que pour le producteur
(processus de production).
Dans le prolongement de cet objectif principal, deux autres objectifs peuvent être
distingués:
- une certaine stabilisation du marché intérieur pour les produits agricoles en tempérant
les fluctuations à court terme, ce qui est important en raison de la faible élasticité des
prix de la demande et de l'offre de ces denrées;
- une rénumération adéquate pour les facteurs de production (y compris le travail) dans
les exploitations produisant de façon efficace, durable et sans danger; ceci étant la
condition de la continuité et du renouvellement d'une telle production agricole axée sur
le marché.
Dans la mesure où ces trois objectifs seront réalisés de façon complémentaire, il sera
aussi possible d'assurer l'approvisionnement alimentaire à des prix raisonnables pour les
consommateurs, tout en améliorant ainsi en outre les perspectives d'emploi dans le
secteur agricole. Du reste, les efforts visant à une sécurité alimentaire ne doivent pas être
assimilés à une recherche d'autosuffisance. Cet approvisionnement peut en effet aussi
être assuré par le commerce international. Les possibilités existant dans ce sens
s'accroissent à mesure que le marché mondial des produits agricoles perd son caractère
de marché résiduel et se développe davantage.
Pour ce qui est de la fonction relative à l'espace naturel, il s'agit de promouvoir une
bonne gestion du patrimoine naturel dans les zones rurales. Les efforts en direction d'une
gestion et d'un entretien responsables de l'espace naturel doivent être récompensés en
raison des effets positifs externes qui en émanent. Les paysages et les autres
composantes du patrimoine naturel sont d'ordinaire des biens collectifs; ce sont des biens
qui se caractérisent par une non-rivalité (la consommation d'un bien environnemental ne
porte pas détriment à la consommation d'un autre de ces biens) et par une nonexclusivité (nul ne peut être exclu de la consommation de ce type de bien). Leur
consommation ne peut pas être divisée en unités susceptibles d'être vendues à des
individus sur un marché. Aussi la conservation de la nature et du paysage et la
rémunération accordée à cet effet nécessitent-elles l'entremise des pouvoirs publics ou
des partenaires sociaux afin d'organiser un marché pour le produit ‘nature et paysage’.
Au sein de l'Union européenne, une signification particulière est accordée à l'agriculture
pour maintenir l'occupation humaine de l'espace. A cet égard, la politique agricole est
considérée comme servant également une politique rurale. Ces deux domaines ont
assurément un certain nombre d'éléments en commun. Néanmoins, les solutions aux
questions rurales - en particulier la création d'activités - doivent souvent être recherchées
hors du secteur agricole. Cela signifie que le développement des campagnes doit relever
6
en premier lieu de la politique socio-économique globale et de la politique économique
régionale.
2.2
Conditions préalables
La politique agricole commune doit satisfaire à un certain nombre de conditions
préalables:
- le maintien de l'unité du marché agricole communautaire: libre circulation des produits
agricoles sans distorsions de concurrence importantes;
- le respect des engagements pris dans le cadre du G.A.T.T. et de l'Organisation
mondiale du commerce;
- le maintien des normes sociales et des conventions en vigueur;
- une application correcte du principe de subsidiarité (prise de décision au niveau le
plus bas possible compatible avec les exigences d'efficacité économique et
administrative, d'égalité juridique et de cohésion économique et sociale);
- une mise en oeuvre administrative efficace et à l'épreuve des risques de fraude;
- la faisabilité du point de vue financier, c'est-à-dire qu'elle doit de toute façon s'insérer
dans la ligne directrice agricole en vigueur.
Cette dernière condition mérite d'être plus amplement développée.
La question fondamentale est de savoir comment faire pour qu'un contenu puisse être
donnée concomitamment à la réforme de la politique agricole commune et à l'entrée dans
l'Union européenne de pays d'Europe centrale et orientale et que les conséquences
budgétaires en soient limitées. La ligne directrice agricole qui a été fixée jusqu'en 1999
est décisive en la matière.
Les prévisions relatives aux coûts budgétaires qu'entraînerait l'intégration des quatre
pays de Visegrad à la politique agricole commune sont fort divergentes. Pour l'instant, les
estimations les plus basses paraissent les plus réalistes, car des facteurs structurels et
institutionnels devraient freiner une forte croissance de la production dans ces pays
durant les prochaines années. En l'an 2000, les coûts de cette adhésion devraient
atteindre entre 6 et 9 milliards d'écus. Si la politique agricole commune reste inchangée,
les coûts continueront à s'élever après l'adhésion sous l'effet des augmentations de
production suscitées par les hausses de prix.
Pour différentes raisons, il est possible d'envisager une adaptation de la ligne directrice
agricole conjointement avec une nouvelle réforme de la politique agricole commune pour
la période suivant l'an 2000:
1. dans la mesure de la renationalisation financière réalisée, une réduction du niveau de
la ligne directrice agricole ira de soi;
2. dans la mesure où le soutien par les prix sera remplacé par un soutien par des aides
directes, l'indexation de la ligne directrice agricole aura été budgétisée trop largement;
3. le soutien de la libéralisation du secteur des produits laitiers et de celui du sucre3
nécessiteront des moyens supplémentaires, de même que l'élargissement de la
politique agricole à l'Europe centrale et orientale.
Tant l'élargissement de l'Union européenne qu'une plus ample réforme de la politique
agricole commune vont exercer un poids supplémentaire sur les moyens budgétaires. Les
coûts budgétaires d'un élargissement dans le domaine agricole ne sont pas d'un niveau
tel qu'ils doivent nécessairement empêcher l'adhésion de pays d'Europe centrale et
orientale. Quant à ceux liés à une réforme de la politique agricole commune, ils
dépendent fortement de la mesure de libéralisation et de la mesure dans laquelle un
soutien par des aides directes se substituera aux soutiens par les prix. Ces coûts, qui
3
D'après l'étude réalisée par le LEI-DLO, l'aide au revenu attribuée en compensation des effets d'une
libéralisation progressive du commerce mondial des produits agricoles porterait sur une enveloppe
de 7 à 10 milliards d'écus.
7
seront les plus élevés au début, s'abaisseront ensuite peu à peu. Cela signifie que la
faisabilité financière de la combinaison "réforme et élargissement" serait favorisée s'il n'y
avait pas un report indéfini de la réforme, mais une mise en oeuvre quelques années
avant l'élargissement de l'Union européenne.
Le remplacement du soutien par les prix par un soutien par des aides directes implique un
glissement des charges du consommateur vers le contribuable, ce qui comporte en
principe des avantages quant à une amélioration de l'allocation des ressources et à la
transparence de la politique et des charges supportées. De plus, avec le passage d'un
soutien par les prix à un soutien par des aides directes, il devient plus aisé de gérer le
budget, le cercle des bénéficiaires comme les montants par bénéficiaire étant en principe
limités. Une telle réforme ne peut donc être jugée uniquement sur ses coûts budgétaires;
un examen plus poussé des coûts et des avantages s'impose.
8
3.
Prise de position du SER
3.1
Choix pour une réforme continue de la politique agricole commune
Les défis externes et internes qui vont se poser à l'agriculture européenne aux cours des
prochaines années nécessitent selon le SER non seulement des mesures spécifiques,
mais aussi des changements radicaux de la politique agricole commune. Parmi les trois
options que la Commission européenne esquisse dans son étude sur la stratégie
agricole, le SER opte pour celle d'une réforme continue.
La première option, le maintien du statu quo, ne relève pas, selon le SER, les défis
évoqués. Cette option sape l'efficacité et la capacité d'adaptation de l'agriculture et crée
une apparence de sécurité qui pourrait bien se trouver rapidement perturbée. Elle ne
constitue donc pas non plus une base solide pour un élargissement de l'Union
européenne. Au mieux, l'option du statu quo sert à remettre le choix à plus tard, ce qui a
pour effet négatif connexe qu'en admettant que la politique doive quand même être
modifiée finalement, les agriculteurs disposeront de délais plus courts pour s'adapter.
La seconde option est celle d'une réforme radicale et revient à la suppression de tous les
soutiens par les prix et de toutes les limitations à la production, à un découplage plus
poussé, à une diminution progressive des aides au revenu compensatoires, ainsi qu'à
l'établissement d'un lien entre le soutien par des aides au revenu et la prestation
d'entretien de l'espace. Bien que cette option trace une perspective d'avenir claire et
attrayante en matière de théorie du bien-être, reste à savoir comment cet objectif final
pourrait être atteint de façon efficace sur le plan économique et responsable sur le plan
social. Cette option comporte des risques importants pour ce qui est de la réalisation des
objectifs d'une certaine stabilisation du marché intérieur pour les produits agricoles et
d'une rénumération convenable des facteurs de produits utilisés. On risque alors
également une considérable destruction de capital, une perte massive d'emplois et une
dépendance excessive vis-à-vis des partenaires commerciaux dans le domaine de
l'approvisionnement alimentaire. Reste à savoir enfin si d'autres pays ou groupes de pays
importants coopéreraient à une libéralisation aussi radicale du commerce mondial pour
tous les produits agricoles.
Il n'empêche que le SER est convaincu de la nécessité d'un aménagement de la politique
agricole commune dans le sens d'une orientation plus prononcée vers le marché mondial,
et ce dès les prochaines années. La politique agricole commune doit viser davantage à
stimuler une production agricole compétitive qui, se basant sur son efficacité et sa qualité,
puisse trouver à s'écouler sur le marché mondial. Ainsi, les possibilités de débouchés de
l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire seront étendues, l'élargissement de l'Union
européenne deviendra réalisable et sa position sera renforcée lors des négociations à
venir dans le cadre du G.A.T.T. et de l'Organisation mondiale du commerce au sujet de la
libéralisation du commerce mondial pour les produits agricoles. Le choix de continuer sur
la voie empruntée en 1992 revient pour l'essentiel à s'orienter, étape par étape, vers une
adaptation plus étroite aux besoins du marché. Une approche progressive en plusieurs
phases devrait permettre aux agriculteurs de s'adapter à l'évolution de la situation. Lors
de la définition de la politique, les enseignements tirés des étapes de libéralisation
antérieures pourront en outre être pris en compte. Si de nouvelles dispositions
n'avéraient ne pas donner le résultat prévu, il serait toujours possible de revoir les
modalités. De cette façon, la combinaison de fonctionnement du marché et d'interventions
publiques pourra être progressivement améliorée (c'est par la pratique qu'on apprend).
Choix des instruments
La question se posera ensuite des instruments à employer pour réaliser les objectifs
formulés par le SER pour la fonction économique de l'agriculture. Ces outils doivent être
également adaptés aux défis internes et externes et répondre aux règles, toujours plus
contraignantes, du système commercial multilatéral.
Pour appliquer les instruments de façon plus ciblée afin de parvenir à une rémunération
convenable des facteurs de production, il faut, pour commencer selon le SER, dissocier la
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politique des prix et la politique des revenus. L'adaptation de la production agricole à la
demande effective au sein de l'Union européenne et en dehors implique une orientation
plus forte sur le marché mondial et un rapprochement entre les prix institutionnels de
l'Union européenne et les prix sur le marché mondial. Au fur et à mesure de ce processus
de rapprochement disparaîtront finalement les soutiens structurels par les prix, laissant
seulement subsister, pour la stabilisation du marché, l'élément de soutien temporaire par
les prix comme tampon amortissant d'éventuelles fluctuations sur le marché mondial. Pour
compenser la supression des soutiens structurels par les prix et faciliter l'adaptation à
l'évolution de la situation, un soutien par des aides directes serait donné encore pendant
quelques années. Il est parfaitement acceptable de faire en sorte que le soutien par des
aides directes ne compense pas à 100 % et de le réduire avec le temps, car la baisse des
prix au sein de l'Union européenne et le meilleur fonctionnement du marché mondial qui
devrait en résulter donneront aux agriculteurs européens efficaces de nouveaux
potentiels de débouchés et sources de revenus. En commençant suffisamment tôt à
réduire le soutien par les prix, la période d'adaptation pourra être prolongée. Les
agriculteurs disposeront ainsi de plus de temps pour adapter leur gamme de produits et
leur mode de production à l'évolution de la situation. Après cette période de transition, le
principe en vigueur sera que seul l'emploi réel de facteurs de production pour les biens et
services dont le besoin se fait sentir sera rénuméré. En cas de calamité uniquement ou
s'il s'avérait que, de façon continue, le prix sur le marché mondial n'offre pas une
rétribution convenable à des producteurs européens efficaces (par exemple en raison
d'une perturbation du marché mondial résultant d'une aide accordée dans d'autres pays),
il y aurait encore lieu d'attribuer un soutien par des aides directes, du moins pour les
produits soumis à une organisation commune de marchés4. Quoi qu'il en soit ce soutien
devrait être dissocié de la production, aussi bien actuelle que future.
Quand l'outil des limitations de volume (quotas de production, mise en jachère obligatoire)
a été introduit, c'était pour pouvoir fournir un soutien par les prix et/ou par des aides
directes dans un marché saturé. Le SER considère que les quotas et les obligations de
mise en jachère sont à l'heure actuelle des éléments indispensables de la politique
agricole : c'est ainsi que l'équilibre du marché a pu se rétablir au sein de l'Union
européenne et que les charges budgétaires ont pu être contenues.
Mais les limitations de volume ont leur prix à payer pour les consommateurs et autres
acheteurs (prix maintenus artificiellement élevés), pour l'Etat (coûts de gestion et coûts
administratifs) et pour les producteurs eux-mêmes, parce que ces restrictions entravent
l'adaptation de la structure de production et de ce fait l'accroissement de la productivité.
En outre, des quotas de production nationaux peuvent être considérés comme étant
contraires à la nature du marché intérieur. Les limitations de volume pourront être
progressivement abolies à mesure que l'agriculture ouest-européenne se rapprochera du
marché mondial en supprimant les soutiens structurels par les prix. La baisse des prix
pour les produits à l'intérieur de l'Union européenne fera perdre peu à peu aux quotas
existants de leur signification et de leur valeur. Le fait de parvenir ainsi progressivement
au résultat de la suppression des quotas permet d'éviter une brusque destruction de
capital.
Dans la situation finale, le volume de production sera déterminé par le marché. Il ne
restera plus qu'un seul motif possible pour la mesure de mise en jachère: la contribution à
la sécurité alimentaire mondiale. Il est en effet possible, en gardant une certaine capacité
4
A savoir les céréales, les produits laitiers, le sucre, la viande bovine, le vin et l'huile d'olive.
10
de production en réserve, de réagir relativement vite aux chocs exogènes affectant l'offre
et la demande de nourriture et d'amortir des fluctuations sur le marché mondial.
Conséquences pour le consommateur
Le SER part du principe qu'une réforme continue de la politique agricole commune aura
un effet positif sur le couple consommateur/contribuable. Il devrait y avoir, d'une part, une
baisse du niveau moyen des prix des produits agricoles et une augmentation des
possibilités de choix pour le consommateur. D'autre part, une charge plus lourde, du
moins au début, pèsera sur le contribuable en raison du financement du soutien
compensatoire par des aides au revenu et du fait de la mise en place d'un système de
rénumération pour la gestion agricole des milieux naturels et des paysages. En fin de
compte, le résultat sera positif, surtout parce que les instruments seront utilisés de façon
plus ciblée et que les préférences pourront mieux s'exprimer.
Intégration de la politique agricole commune et de la politique environnementale
Il va falloir suivre deux axes pour arriver à une meilleure intégration de la politique
environnementale et de la politique agricole commune;
- une application systématique des moyens de protection environnementaux
disponibles;
- une conception de la politique agricole commune qui tienne compte de
l'environnement.
Le premier axe implique que soient harmonisés au niveau européen des objectifs relatifs
à la qualité de l'environnement et/ou des normes de rejet à un niveau relativement élevé.
Cette harmonisation devrait autant que possible en rester à la détermination des objectifs
à poursuivre, tels que les exigences minimums en matière de qualité de l'environnement
et les rejets maximums. La réglementation européenne devrait laisser le plus de liberté
possible aux Etats membres et aux agriculteurs dans le choix de leurs instruments pour
répondre à ces normes.
Quant au second axe, il est important qu'on puisse attendre en fin de compte d'une
libéralisation plus poussée des marchés agricoles, combinée à des aides au revenu
dissociées de la production, qu'elle ait des effets positifs sur l'environnement du fait d'un
usage moins grand d'intrants tels que les engrais.
Le SER est d'avis par ailleurs que, du point de vue de l'environnement, la solution
consistant à se focaliser presque exclusivement sur une extensification de la production
agricole est peu défendable. Le rapport entre environnement et intensité de la production
est en effet complexe: dans certaines circonstances, une intensification peut au contraire
offrir des possibilités de réduction des rejets et ainsi des nuisances à l'environnement au
moyen de la constitution de systèmes de production et de déchets en circuits fermés.
Cela signifie que l'Union européenne doit se montrer réservée dans l'utilisation des
instruments de la politique agricole commune à des fins de politique environnementale.
3.2
Situation des pays en développement et sécurité alimentaire mondiale
Le SER estime que la réforme de la politique agricole commune doit également conduire
à la création de circonstances extérieures plus stables et plus favorables à la croissance
de la production agricole et à l'amélioration de la sécurité alimentaire dans les pays en
développement. L'Union européenne peut contribuer de deux façons à une plus grande
stabilité du marché mondial, d'une part par une meilleure adaptation de la politique
agricole commune aux exigences du marché et, d'autre part, en conservant, par le biais
d'une mesure de mise en jachère, une certaine capacité de production de réserve qui
puisse être rapidement mise en oeuvre.
Il est souhaitable, de l'avis du SER, que le volume de l'aide alimentaire des principaux
exportateurs de produits agricoles soit davantage adapté aux besoins d'aide variables
des pays les moins développés. En ce qui concerne l'exportation subventionnée à
destination de pays en développement, le SER estime qu'il ne suffit pas pour l'Union
européenne de satisfaire aux engagements pris dans le cadre du G.A.T.T. et de
11
l'Organisation mondiale du commerce, il faut aussi tenir compte des effets de cette
exportation sur l'agriculture locale.
Vu les inconvénients attachés aux préférences commerciales, le SER trouve qu'il vaudrait
mieux procéder à un élargissement général de l'accès au marché dans le cadre
multilatéral du G.A.T.T. et de l'Organisation mondiale du commerce, complété par des
mesures ciblées pour soutenir la position commerciale des pays en développement. Cela
peut se faire par une aide au développement de leur secteur agricole et de leur économie
rurale (surtout au renforcement de l'infrastructure au sens large) et par un transfert de
connaissance et de technologie. Ceci devrait constituer un élément important de la
Convention de Lomé qui doit être réactualisée.
3.3
Convergence des systèmes agricoles entre l'Europe de l'Est et
l'Europe de l'Ouest
Le SER est partisan de l'adhésion de pays d'Europe centrale et orientale à un accord
européen dès que ces pays répondront ou pourront répondre aux exigences politiques et
économiques requises. Cette adhésion pourra se faire dès qu'il aura une intégration
avancée de marchés des marchandises; après l'adhésion, des contrôles aux frontières
continueront à être effectués pendant quelques années.
La préparation de l'adhésion et la période transitoire qui suivra laissent assez de marge
pour une libéralisation progressive de la circulation des produits agricoles et pour une
convergence des systèmes agricoles. L'option choisie par le SER de ‘réforme continue’
devrait être définie globalement, pour un certain nombre d'années, et s'inscrire dans un
rapport de durabilité avec l'adhésion, après l'an 2000, de pays d'Europe centrale et
orientale. Cela permettrait aux pays candidats de disposer d'une perspective réelle
d'adhésion et d'une référence fiable pour adapter leur politique agricole. Quant aux
niveaux des prix, la convergence devrait consister surtout en un rapprochement de
l'Union européenne pour éviter que les nouveaux membres doivent d'abord augmenter
leurs prix agricoles, avant de les abaisser ensuite dans le cadre communautaire en
direction du marché mondial. Et ce pour éviter l'effet de désagrégation aussi bien
politique qu'économique qu'auraient de telles variations dans ces pays et les
revendications supplémentaires qu'elles généreraient à l'adresse du budget de l'Union
européenne pour la compensation de leurs agriculteurs.
Le SER n'est pas favorable à ce que les aides directes au revenu qui sont accordées au
sein de l'Union européenne en compensation de la suppression du soutien par les prix
soient aussi attribuées aux nouveaux Etats membres, en l'occurrence à leurs agriculteurs.
A l'instar de la Commission européenne, le SER juge qu'il vaut mieux donner une somme
substantielle aux pays d'Europe centrale et orientale pour des programmes
supplémentaires en vue d'une politique intégrée de développement rural et de protection
de l'environnement. Les pays candidats et leurs agriculteurs peuvent tirer beaucoup de
profit d'un renforcement de leur production et de l'infrastructure dans l'agriculture et
l'industrie agroalimentaire. Des améliorations au niveau de la transformation et de la
vente des produits agricoles amélioreront également les perspectives de revenus des
agriculteurs et les possibilités de développement de leurs exploitations.
L'élargissement doit être bien préparé dans le cadre d'une stratégie d'adhésion. A cet
égard, le SER plaide pour un accès plus large au marché (par le biais de contingents plus
grands et de tarifs à l'importation plus faibles), pour une aide plus importante à la
restructuration de l'agriculture en Europe centrale et orientale et pour une grande réserve
en matière d'attribution de subventions à l'exportation, en particulier là où l'exportation
des pays associés vers des marchés traditionnels est en cause. Il soutient les
propositions que la Commission européenne fait en ce sens dans le chapitre 7 de son
étude sur la stratégie agricole. L'amélioration à apporter aux systèmes vétérinaires et
phytosanitaires est un point qui devra retenir l'attention.
3.4
Gestion et entretien de l'espace naturel
12
Le SER est partisan déclaré de l'encouragement du caractère plurifonctionnel de
l'agriculture et de la création d'opportunités de revenus complémentaires pour les
agriculteurs, en plus de la production de produits directement négociables. C'est en
particulier d'une bonne gestion des (rares) éléments du patrimoine naturel qu'il s'agit. Les
agriculteurs qui y apportent une contribution manifeste méritent de se voir être rénumérés
pour cela.
Le SER considère la gestion et l'entretien de l'espace naturel comme un pilier distinct de
la politique agricole, pour lequel des instruments spécifiques doivent aussi être mis au
point. L'instrument de cross compliance, suivant lequel des contreparties dans le domaine
environnemental sont données en échange d'aides directes au revenu liées à la fonction
économique, ne doit pas selon le SER être affiné davantage. Par contre, il importe
d'élaborer des instruments spécifiques à la fonction de gestion de l'espace naturel qui
apprécient les services distincts rendus en ce domaine et les produits, et les rénumèrent
à l'avenant. Cette rénumération doit correspondre d'une part aux efforts à accomplir et
d'autre part au besoin en matière d'éléments du patrimoine naturel donnés. L'agriculteur
sera alors en mesure d'apprécier s'il veut fournir certains services contre une
rénumération donnée.
L'élaboration de la politique visant à une bonne gestion du patrimoine naturel et des
paysages doit surtout se faire au niveau national et régional, car c'est là que la
conservation d'éléments particuliers du patrimoine naturel peut le mieux être évaluée à sa
juste valeur. Mais il est aussi nécessaire qu'il y ait, au niveau communautaire également,
une politique adaptée, premièrement parce que certains paysages et éléments naturels
ont une dimension européenne et deuxièmement pour éviter une distorsion de la
concurrence; des gouvernements nationaux pourraient en effet saisir le motif de la
promotion de la fonction de gestion des paysages pour soutenir indirectement leurs
propres agriculteurs dans leur fonction économique. C'est pourquoi l'approche nationale
et régionale doit être placée dans un cadre communautaire rigide qui fixe un certain
nombre de critères et de conditions préalables, tels que les limites supérieures des
régimes de rémunérations, dans une sorte de règlement de base. L'efficacité du contrôle
portant sur le respect de ce cadre n'en serait que plus grande si l'Union européenne ellemême intervenait dans une modeste mesure comme cofinancier. En ce qui concerne la
gestion des paysages et des régions naturelles revêtant une dimension européenne,
l'Union européenne devrait prévoir un cofinancement dans une large mesure.
Le SER juge qu'une harmonisation est souhaitable entre la politique en matière de
gestion agricole des milieux naturels et des paysages et le pilier économique de la
politique commune agricole pour prévenir d'une part les distorsions de la concurrence et,
d'autre part, parce que l'objectif d'une rémunération convenable pour les facteurs de
production porte sur le revenu total de l'entreprise agricole. Le caractère particulier de la
politique en matière de gestion et d'entretien de l'espace naturel parle pour un dispositif
financier indépendant, qui devrait être intégré parmi les cadres budgétaires nationaux et
européens existants.
3.5
Politique de restructuration
Si un secteur agricole veut produire de façon compétitive, durable et sans danger, il doit
relever un double défi: s'adapter à une situation en pleine évolution et procéder à une
inflexion de sa production de la quantité vers la qualité. D'où la nécessité de nouveaux
aménagements de l'organisation et d'une restructuration de l'agriculture et de l'industrie
agroalimentaire. En premier lieu vient l'amélioration de la qualité de la gestion des
entreprises, de l'infrastructure et de la maîtrise intégrale de la filière.
L'amélioration de la qualité de la gestion des entreprises implique une adaptation de
l'organisation visant à davantage de spécialisation et de diversification des produits. Cela
demande aussi l'insertion de jeunes entrepreneurs qui, armés des toutes dernières
connaissances en matière de gestion, de méthodes de production, de culture et
d'élevage, pourront donner corps aux indispensables améliorations de la qualité dans
13
cette branche. Le SER se demande cependant, eu égard aux futures perspectives
d'emplois plutôt défavorables, s'il est bien sage de stimuler l'entrée de jeunes agriculteurs
aussi fortement que le propose la Commission européenne.
En outre, le SER estime que l'insfrastructure dans le domaine de l'enseignement est
d'une extrême importance. La restructuration de l'agriculture requiert de bonne
possibilités de formation initiale et complémentaire pour les agriculteurs, de même que
pour les actifs dans l'agroalimentaire. Par ailleurs, le SER plaide en faveur d'un dialogue
stratégique entre l'agroalimentaire et les instituts de recherche afin de faire en sorte que
l'infrastructure de l'enseignement public soit d'un niveau élevé et puisse assurer une
diffusion rapide des connaissances, adaptée au besoin des entreprises agricoles.
Il est important en outre d'inciter les agriculteurs à fournir aussi des biens et services non
agricoles. En dehors de leur contribution à la gestion et à l'entretien de l'espace naturel,
le SER pense ici au développement des loisirs verts. Le secteur agricole peut ainsi
apporter une contribution positive à un développement rural intégré.
Dans la mesure où cette politique de restructuration sera insuffisante à faire face aux
suppressions d'activités dans le secteur agricole, le SER plaide en faveur d'une extension
de la portée du régime communautaire d'aides à la préretraite en agriculture. Ce régime
facultatif devrait pouvoir être adapté de telle sorte que les Etats membres, tout comme les
agriculteurs, puissent en faire un usage plus effectif, aussi pour les Etats membres qui ne
le font pas encore.
De l'avis du SER, les mesures proposées ne doivent pas être limitées aux régions
européennes souffrant d'un retard de développement, puisque le processus d'adaptation
structurelle devra se dérouler dans le secteur agricole de l'Union européenne toute
entière. Du fait que ces mesures seront pour une large part financées au niveau national,
il est souhaitable qu'il y ait un cadre d'intervention strict au niveau européen afin de
prévenir les distorsions de la concurrence.
3.6
Répartition des responsabilités et financement
Le passage d'un soutien par les prix à un soutien par des aides directes et à une
rémunération de services dans le domaine de la gestion et de l'entretien de l'espace
naturel ouvre des possibilités vers une mise en place de formes de responsabilité
financière conjointe des Etats membres. Cette évolution permettra aussi d'adapter tant le
niveau du soutien par des aides directes que celui des rémunérations aux situations et
aux conceptions locales sur ce qui peut être raisonnablement escompté en matière de
revenus et de rénumérations. Une renationalisation financière peut également faciliter
l'adhésion de pays d'Europe centrale et orientale à la politique agricole commune. D'autre
part, le fait de transférer des charges sur les Etats membres supprime des pressions
impropres visant à l'adoption d'une attitude protectionniste en matière de politique
agricole dans l'intérêt des transferts venant du budget communautaire. Aussi le SER
estime-t-il qu'il faut rechercher comment, par le biais de formes de renationalisation
financière, une incitation à une plus grande conscience des coûts pourrait être intégrée.
Cela doit se faire sans saper le marché intérieur et en contrant efficacement les
distorsions de la concurrence. Il importe que, pour les aides de l'Etat, un cadre
communautaire contraignant soit réellement maintenu, pour lequel de nouvelles mesures
spécifiques à l'agriculture doivent nécessairement être adoptées prescrivant qu'un tel
soutien ne peut être accordé qu'après accord préalable de la Commission européenne.
Ce n'est pas la perspective d'une amélioration possible de la situation financière nette
d'Etats membres donnés qui doit être déterminante pour l'institution d'une
renationalisation financière, mais bien la possibilité de réaliser des gains d'efficience,
d'augmenter l'efficacité de la politique et de réduire le risque de fraude. Cette
renationalisation peut aussi être utilisée comme moyen pour aboutir à une simplification
de la politique agricole commune. Plusieurs domaines devraient assurément continuer à
relever des responsabilités de l'Union européenne, ce sont la politique de marché et de
14
prix, le contrôle de la production, la politique de concurrence et la politique commerciale,
mais aussi le maintien d'un certain nombre de contraintes en matière de sécurité et
d'environnement. Du domaine de la politique nationale relève en tout cas le soin de la
formation et de l'infrastructure en matière d'enseignement; parallèlement, il peut être
envisagé de laisser les Etats membres apporter des formes de soutien non lié au produit.
Pour que la gestion des milieux naturel et des paysages se développe jusqu'à devenir un
pilier distinct et à part entière de la politique agricole, des moyens devront être dégagés.
Parallèlement, le budget communautaire devra supporter dans un premier temps un poids
supplémentaire sous l'effet d'une réforme continue de la politique agricole commune d'un
côté et de l'adhésion de pays d'Europe centrale et orientale d'un autre côté. La quantité
de demandes adressées aux moyens financiers excède le cadre limité de la ligne
directrice agricole. De l'avis du SER, ceci devrait être interprété comme une incitation à
s'engager à temps sur la voie d'une réforme progressive de la politique agricole commune
au lieu d'être pris comme argument pour retarder l'adhésion de pays d'Europe centrale et
orientale plus longtemps qu'il n'est nécessaire sur la base de la situation dans ces pays.
Une réforme continue de la politique agricole commune est nécessaire dans la
perspective d'une plus grande libéralisation du commerce mondial pour les produits
agricoles; en fin de compte, l'Union européenne en tirera un gain de prospérité grâce à la
baisse des prix pour les consommateurs et à de meilleures opportunités de participation
active sur le marché mondial pour les producteurs. Un élargissement de l'Union
européenne vers l'Est met en jeu des intérêts touchant autant à la politique de sécurité
qu'à l'économie. Du reste, sans réforme de la politique agricole commune, l'intégration sur
le plan de la politique agricole de pays d'Europe centrale et orientale paraît irréalisable et
inabordable. Réforme et élargissement sont donc aussi urgent l'un que l'autre. Aussi le
SER estime-t-il en conclusion que, dans la limite des cadres budgettaires politiquement
acceptables au niveau européen et national, il faudra s'il y a lieu déployer des efforts
extrêmes afin de rendre possible la réalisation à la fois de la réforme de la politique
agricole commune et de l'élargissement de l'Union européenne.

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