1 LOTO-QUÉBEC ET LE GAGNANT ANONYME TABLE DES

Transcription

1 LOTO-QUÉBEC ET LE GAGNANT ANONYME TABLE DES
LOTO-QUÉBEC ET LE GAGNANT ANONYME
TABLE DES MATIÈRES
1.
Faits et problématique juridique............................................................................ 2
2.
Questions spécifiques............................................................................................ 2
3.
Analyse..................................................................................................................... 3
3.1
La législation et la réglementation spécifiques à Loto-Québec et aux
organismes publics prévoient-elles des règles applicables en cette matière?.... 3
3.1.1
Loto-Québec............................................................................................... 3
3.1.2
Organismes publics.................................................................................... 3
3.2
Quel est le cadre d’application général, en droit civil, du respect de la vie
privée dans les circonstances ci-haut décrites?..................................................... 5
3.2.1
Consécration du droit à l’image.................................................................. 5
3.2.2
Consentement............................................................................................. 7
3.2.3
Limites du droit au respect de la vie privée................................................. 8
3.3
Le client peut-il, au niveau procédural, requérir de ne pas être identifié s’il
devait intenter une poursuite contre Loto-Québec ?.............................................. 9
4.
Conclusions............................................................................................................. 9
1
Mémo de recherche
$ Loto-Québec et le gagnant anonyme $
1.
Faits et problématique juridique
Un client de Me Jean Droitchemin a remporté 40 000 000 $ au Loto 6/49 et désire
préserver l’anonymat. Il veut empêcher Loto-Québec de diffuser son nom et sa photo
ainsi que toute autre information permettant de l’identifier. Me Droitchemin m’a demandé
d’examiner le droit applicable à cette situation et de lui faire part de mes conclusions.
Il s’agit donc de déterminer si le droit à l’image, à la vie privée et à l’anonymat du client
de Me Droitchemin prévaut sur le droit du public à l’information et plus spécifiquement,
le droit d’obtenir des détails concernant le gagnant.
2.
Questions spécifiques
a)
La législation et la réglementation spécifiques à Loto-Québec et aux organismes
publics prévoient-elles des règles applicables en cette matière?
b)
Quel est le cadre d’application général, en droit civil, du respect de la vie privée
dans les circonstances ci-haut décrites?
c)
Le client peut-il, au niveau procédural, requérir de ne pas être identifié s’il devait
intenter
une
poursuite
contre
LotoQuébec?
Publication de
l’information
Législation
spécifique
Principes de droit
civil
Procédure
2
3.
3.1
3.1.1
Analyse
La législation et la réglementation spécifiques à Loto-Québec et aux
organismes publics prévoient-elles des règles applicables en cette
matière?
Loto-Québec
La Loi sur la société des loteries du Québec1 (« Loi sur Loto-Québec ») prévoit, à
l’article 2, qu’une compagnie à fonds social est constituée sous le nom de « Société des
loteries du Québec », qui peut également être désignée sous le nom de « LotoQuébec ». L’article 13 de la Loi sur Loto-Québec prévoit que le conseil d’administration
de la société détermine par règlement les normes et conditions générales relatives à la
nature et à la tenue des systèmes de loteries qu’elle conduit et administre.
Ainsi, le Règlement sur les concours de pronostics et les jeux sur numéros2
(« Règlement ») établit le cadre général de fonctionnement des systèmes de loteries,
dont la règle suivante relative à la publicité :
« La société peut utiliser les nom, adresse et photographie des gagnants ainsi
que tout autre renseignement fourni volontairement par ces gagnants à des fins
publicitaires ou autrement, et les gagnants ne peuvent réclamer aucun droit de
diffusion, d’impression ou de publicité à cet égard »3.
Il semble donc clair que Loto-Québec ne peut, sans obtenir le consentement du
gagnant, publiciser les renseignements nominatifs le concernant (notons que l’endos
d’un billet précise simplement que Loto-Québec se réserve le droit de publier les nom,
adresse et photographie de tout gagnant, sans toutefois mentionner que cette
publication est assujettie au consentement du gagnant...).
Dans la situation qui nous occupe, il s’agirait donc simplement pour le client de Me
Droitchemin de refuser son consentement à l’utilisation de son nom, de sa photo et de
son adresse, souhait que Loto-Québec doit respecter. ☺
3.1.2
Organismes publics
Il est intéressant de noter que la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics
et sur la protection des renseignements personnels4 (« Loi sur l’accès ») peut recevoir
application dans la mesure où elle vise les documents détenus par un organisme public
dans l’exercice de ses fonctions5. L’article 4 de la Loi sur l’accès indique qu’un
1
L.R.Q., c. S-13.1
R.R.Q., 1981, c. S-13.1, r. 1
3
article 19 du Règlement
4
L.R.Q., c. A-2.1
5
article 1 de la Loi sur l’accès
2
3
organisme gouvernemental comprend un organisme dont le fonds social fait partie du
domaine de l’État et l’article 4 de la Loi sur Loto-Québec prévoit que les biens de la
société font partie du domaine de l’État.
Le chapitre III de la Loi sur l’accès établit les règles relatives à la protection des
renseignements personnels et, plus particulièrement, que les renseignements
nominatifs sont confidentiels sauf si leur divulgation est autorisée par la personne qu’ils
concernent6. En outre, l’article 64 de la Loi sur l’accès prévoit que :
« Nul ne peut, au nom d’un organisme public, recueillir un renseignement
nominatif si cela n’est pas nécessaire à l’exercice des attributions de cet
organisme ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion ».
À cet égard, les articles 16 et suivant de la Loi sur Loto-Québec prévoient que LotoQuébec conduit et administre un système de loterie et elle peut accomplir tout ce qui est
nécessaire à la réalisation de ces fins.
Il est donc permis de se questionner quant à la nécessité pour Loto-Québec d’obtenir
les renseignements nominatifs concernant les gagnants et de la pertinence de recueillir
ces informations dans le cadre de l’administration des systèmes de loterie.
Dans l’affaire Société de transport de la Ville de Laval c. Commission d’accès à
l’information7 l’on a décidé que le consentement de l’individu ne peut faire en sorte que
l’on passe outre à l’exigence de l’article 64 de la Loi sur l’accès qui établit un test de
nécessité. Le juge explique que :
« Un renseignement sera donc nécessaire non pas lorsqu’il pourra être jugé
absolument indispensable, ou au contraire simplement utile. Il sera nécessaire
lorsque chaque fin spécifique poursuivie par l’organisme, pour la réalisation d’un
objectif lié à ces attributions, sera légitime, importante, urgente et réelle, et
lorsque l’atteinte au droit à la vie privée que pourra constituée la cueillette, la
communication ou la conservation de chaque élément de renseignement sera
proportionnel à cette fin8.
Ainsi, l’on retient que même avec le consentement de l’individu, la cueillette de
l’information est discutable dans la mesure où cette information n’est pas nécessaire à
l’exercice des attributions de l’organisme public9. Il nous est donc permis de douter de
la pertinence pour Loto-Québec de publiciser les informations personnelles d’un
gagnant dans le cadre de l’exercice de son mandat. Est-ce nécéssaire à la conduite
d’un système de loterie?....
6
article 53 de la Loi sur l’accès
C.Q., 500-02-094423-014, 21 février 2003, j. Filion
8
Id., p. 16
9
Id., p. 23
7
4
Toujours dans le cadre de l’application de la Loi sur l’accès, la Cour supérieure a
récemment établi que la divulgation sans autorisation de renseignements nominatifs par
un organisme public constituait une atteinte illicite à la vie privée et, dans la mesure où
les dommages sont prouvés, une condamnation au paiement de dommages-intérêts en
a résulté10.
Il ne fait donc aucun doute que la cueillette et l’utilisation par un organisme public de
renseignements nominatifs sont encadrées et on y voit clairement une volonté de
protéger la vie privée des individus interagissant avec des organismes publics. Notons
enfin que les dispositions du Règlement, dans la mesure où elles étaient inconciliables
avec celles du chapitre III de la Loi sur l’accès, cèderaient le pas à la Loi sur l’accès,
puisque les articles 168 et 169 de cette dernière l’élève au rang de loi prépondérante et
établissent clairement que toute disposition d’une loi ou d’un règlement qui est
inconciliable avec les règles du chapitre III de la Loi sur l’accès cesse d’avoir effet le 31
décembre 1987.
3.2
3.2.1
Quel est le cadre d’application général, en droit civil, du respect de la vie
privée dans les circonstances ci-haut décrites?
Consécration du droit à l’image
Le Code civil du Québec, aux articles 3, 35 et 36(5) énumère les règles relatives à la
protection de la vie privée qui sont pertinentes pour nos fins, en conformité avec l’article
9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne11 (la Charte) qui prévoit que la loi
peut aménager la portée et l’exercice des droits fondamentaux. L’article 3 C.c.Q. prévoit
donc le droit au respect de sa vie privée, à titre de droit de la personnalité, l’article 35
C.c.Q. prévoit que toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée
et que nulle atteinte ne peut y être portée sans que celle-ci n’y consente. Par ailleurs,
l’article 36, 5e alinéa C.c.Q. est particulièrement pertinent, en ce qu’il prévoit que :
« Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une
personne les actes suivants :
5 - Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que
l'information légitime du public. »
Des auteurs à la recherche d’une définition du droit au respect de la vie privée
expliquent que :
10
11
Wellman c. Ministère de la sécurité du revenu, [2002] R.R.A. 1003 (C.S.) (rés)
L.R.Q., c. C-12
5
« C’est le droit d’être laissé tranquille, de faire respecter le caractère privé de sa
personne »12.
Ce droit englobe, selon ces mêmes auteurs, plusieurs composantes dont le droit à la
solitude et l’intimité ainsi que le droit à l’anonymat13. Le droit à l’image, composante du
droit à l’anonymat, déborderait d’ailleurs le strict cadre de la vie privée, tout au moins de
l’intimité. Il exclut que, sans son consentement, l’image saisie dans des lieux publics soit
utilisée à d’autres fins que l’information légitime du public, notamment à des fins
publicitaires, artistiques ou littéraires14.
Un autre auteur explique que tout citoyen a d’abord le droit d’être laissé tranquille et de
ne pas subir de harcèlement de la part des autres15. Après avoir révisé la jurisprudence
applicable, l’auteur conclut que tout citoyen doit donc donner son autorisation à la
publication de son image, à moins, entre autres choses, que son consentement ne soit
implicite, ou que sa publication soit justifiée par le droit d’information du public16.
La Cour suprême du Canada, dans l’affaire Aubry c. Vice-versa17, en confirmant que le
droit à l’image est une composante du droit à la vie privée,18 a établi que le droit à la vie
privée inclut la faculté de contrôler l’usage qui est fait de son image puisque le droit à
l’image prend appui sur l’idée d’autonomie individuelle, c’est-à-dire sur le contrôle qui
revient à chacun sur son identité19. Ainsi, les droits propres à la protection de la vie
privée pourront être violés même si l’image publiée n’a aucun caractère répréhensible et
n’a aucunement porté atteinte à la réputation de la personne20. Ainsi, la publication non
autorisée d’une photo montrant l’intimée dans un lieu public a été sanctionnée par le
plus haut tribunal du pays, décision qui a cependant fait l’objet de vives critiques
doctrinales21.
En énonçant que dans les circonstances de l’affaire Aubry, le droit du public à
l’information ne pouvait justifier la diffusion d’une photo prise sans autorisation, le
tribunal a étendu la sphère de la vie privée aux endroits publics et, selon un auteur,
imposé au photographe, à défaut d’obtenir le consentement du modèle, qu’il espère que
12
DELEURY, É., et D. GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 3e édition, Les Éditions Yvon Blais,
p.173
13
Id., p. 174 et suivantes
14
Id., p. 179
15
BAUDOIN, J.-L., La responsabilité civile, 6e édition, Les éditions Yvon Blais, p. 169
16
Id., p. 172
17
[1998] 1 R.C.S. 591
18
Id.,p. 614
19
Id.,p. 614
20
Id.,p. 615
21
TRUDEL, P., Droit à l’image : la vie privée devient veto privé, (1998) vol. 77 R. du B. can., p. 456 et
BLANCHARD M.-A. et S. DORMAUD, L’équilibre entre le droit à la vie privée et le droit à l’information :
droit à l’image versus l’image d’un droit, dans Congrès annuel du Barreau du Québec (1999), Service de
la formation permanente du Barreau du Québec, p. 37
6
l’intérêt public sera supérieur à l’intérêt privé du modèle, sous peine de sanctions22…Un
auteur croit que l’on ne devrait pas pouvoir contrôler l’information que nous révélons
lorsque nous participons à des activités sociales telle la présence dans un lieu public23.
D’autres auteurs ont vu dans cette décision une banalisation du droit à la liberté
d’expression24.
Malgré cette critique doctrinale, il n’en demeure pas moins que la Cour suprême du
Canada a établi qu’il y a violation du droit à l’image, et donc faute, si l’image publiée l’a
été sans le consentement du modèle et que cette image permet d’identifier la
personne25.
Par ailleurs, l’affaire Thomas c. Les publications Photo- Police Inc.26 est intéressante
pour nos fins dans la mesure où il a été décidé qu’il faut faire une distinction entre le
droit du public à l’information et la curiosité et le mauvais goût27.
Un parallèle intéressant peut aussi être dressé entre la consécration du droit à la vie
privée, tel que prévu au Code civil du Québec, et les mêmes principes se retrouvant
autant dans la Charte que dans la Charte canadienne des droits et libertés28. Par
exemple, l’interprétation des articles pertinents de cette dernière a permis d’établir qu’il
s’agit, dans de telles situations, de déterminer si une personne placée dans la même
situation peut raisonnablement croire à la possibilité d’être laissée tranquille, à l’abri des
indiscrétions29.
Le droit à l’image, du point de vue du droit civil, est donc clairement protégé et l’on
retient qu’en l’absence de consentement à la diffusion de l’information, (et à défaut de
démontrer l’intérêt supérieur du public à être informé), il y aura faute pouvant entraîner
l’attribution de dommages-intérêts. L’on constate l’harmonie avec les lois sectorielles
discutées ci-haut à la section a).
3.2.2
Consentement
Dans la mesure où l’individu dont on a obtenu des renseignements et informations
personnels donne son consentement à ce que de tels renseignements soient utilisés,
encore faut-il s’assurer qu’un tel consentement est clair et non équivoque. Ainsi, dans
l’affaire Laoun c. Malo,30 la Cour d’appel du Québec explique que les tribunaux ont
22
TRUDEL, P., précité, note 21, p. 458
Id., p. 463
24
BLANCHARD, M.-A. et S. DORMAUD, précités, note 21, p. 45
25
Aubry c. Vice-Versa, précité, note 17, p.615
26
[1997] R.J.Q. 2321 (C.Q.)
27
p. 2332
23
28
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), dans L.R.C. (1985), App. II, numéro 44
DELEURY, É., et D. GOUBAU, précitées, note 12, p. 172
30
[2003] R.J.Q. 381 (C.A.)
29
7
toujours condamné l’utilisation de l’image d’une personne pour une fin autre que celle
visée par le consentement, sauf si elle s’en infère clairement31.
De plus, dans une autre affaire, il a été établi que l’acceptation de participer à une prise
de photo n’emporte pas autorisation implicite de publication sans droit de regard32.
Il est cependant intéressant de noter que dans l’affaire Le Journal de Québec c.
Beaulieu-Marquis33 la Cour d’appel du Québec explique qu’un consentement sans
réserve à une entrevue avec un journaliste dans un lieu public équivaut à une
renonciation à l’anonymat et l’expectative de vie privée, auquel cas le journaliste n’a pas
besoin d’obtenir un consentement spécifique34.
Enfin, la renonciation à la vie privée doit être claire et faite en toute connaissance de
cause par une personne libre et bien informée35. Quant au caractère libre de la
renonciation, cela implique, dans le cas qui nous occupe, que le gagnant ne doit pas
avoir l’impression que son refus de diffuser ses renseignements personnels entraînera
la perte du lot…
Il semble donc que ceux qui ont l’intention de diffuser des images ou des informations
doivent s’assurer que le consentement obtenu est spécifique et que le sujet comprend
l’utilisation qui peut être faite de l’information.
3.2.3
Limites du droit au respect de la vie privée
Tel que l’expliquait la Cour suprême du Canada dans l’affaire Aubry, le droit du public à
l’information impose des limites au droit au respect de la vie privée36. Des auteurs
expliquent que certains aspects de la vie des personnes, qui relèvent normalement de la
sphère de l’intimité, pourront être portés à l’attention du public au nom du droit à
l’information et de la liberté d’expression37. En cas de conflit, il s’agira de pondérer les
droits impliqués et entrera ainsi en ligne de compte la notion d’intérêt public38. Seront
alors pris en compte la personne impliquée, sa situation, les faits en cause et l’intérêt de
la nouvelle pour le public39.
31
Id., p. 388
Brisson c. Virtually Magazine, [2002] R.R.A. 866 (C.S.)
33
[2002] R.R.A. 797 (C.A.).
34
Id.,p. 803
35
Syndicat des employés professionnels et de bureau, section locale 57 et Caisse populaire St-Stanislas
de Montréal, D.T. E. 99T-59 (T.A.)
36
Aubry c. Vice-Versa, précité, note 17, p. 616
37
DELEURY, É., et D. GOUBAU, précitées, note 12, p. 183
38
Id.,, p. 184
39
Ibid.
32
8
C’est ainsi que dans l’affaire Aubry, l’intérêt dominant du public à prendre connaissance
de la photo n’a pas été démontré et que l’expression artistique de la photo ne justifiait
pas l’atteinte au droit à la vie privée qu’elle comportait40.
À chaque fois que le droit du public à l’information, qui est un corollaire du droit à la
liberté d’expression sera jugé supérieur au droit au respect de la vie privée, il pourra
donc s’agir d’une justification valable à l’atteinte de la vie privée.
3.3
Le client peut-il, au niveau procédural, requérir de ne pas être identifié s’il
devait intenter une poursuite contre Loto-Québec ?
L’article 13 C.p.C. établit que les audiences des tribunaux sont publiques, où qu’elles
soient tenues, mais le tribunal peut ordonner le huis clos dans l’intérêt de la morale ou
de l’ordre public.
Le tribunal dispose cependant d’un pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance
de huis clos ou une ordonnance de non publication dans certaines circonstances41. La
Cour d’appel explique que :
« Quiconque demande la préservation de l’anonymat doit donc prouver à la
satisfaction du juge que le préjudice qu’il subirait par le dévoilement de son nom
serait supérieur à celui de l’intérêt public qui soutient le caractère public et ouvert
du débat judiciaire42.
Quant à cet équilibre entre ces droits fondamentaux, la Cour suprême du Canada a
dicté un test à deux volets et a précisé qu’une ordonnance de publication ne doit être
rendue que :
« - si elle est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit
inéquitable, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque; et
- ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur la libre
expression de ceux qui sont touchés par l’ordonnance43. »
4.
Conclusions
Les renseignements personnels sont spécifiquement protégés par la législation et la
réglementation relatives à Loto-Québec, lesquels sont, au surplus, chapeautés par la
Loi sur l’accès, dans lesquels il est prévu que l’utilisation de renseignements personnels
doit faire l’objet d’un consentement.
40
Id.,p. 118
B.B. c. Procureur général du Québec [1998] R.J.Q. 317 (C.A.), p. 320
42
Ibid.
43
Dagenais c. SRC, [1994] 3 R.C.S. 835, 879
41
9
Par ailleurs, le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental consacré par la
Charte, lequel est encadré par des dispositions spécifiques du Code civil du Québec.
Plus précisément, le droit à l’image a été développé et commenté en doctrine et par la
Cour suprême du Canada. Le contrôle de l’usage qui est fait de notre image a été
consacré et toute violation peut entraîner la condamnation au paiement de dommagesintérêts. Dans la mesure où le client consent à la diffusion de ses informations
personnelles et de son image, un tel consentement doit être spécifique et non
équivoque.
Si Loto-Québec publiait les informations sans le consentement du gagnant (malgré
l’exigence claire à cet égard contenue au Règlement) et que le droit à la vie privée du
gagnant et le droit du public à l’information devaient être opposés, nous soumettons que
le droit au respect de la vie privée du gagnant devrait prévaloir, ces détails ne méritant
pas d’être portés à l’attention public au nom de l’intérêt public. En effet, il ne nous
apparaît pas être d’intérêt public de se pencher sur le profil privé d’un gagnant à la Loto
6/49. Publiciser de telles informations servirait uniquement à alimenter la curiosité du
public, objectif qui ne devrait pas prévaloir sur le droit d’un nouveau millionnaire de
préserver son intimité (laquelle doit être bien précieuse dans de telles circonstances...)
Enfin, dans le cadre d’une procédure judiciaire contre Loto-Québec, il est possible pour
le gagnant de demander au tribunal que son anonymat soit préservé dans la mesure où
il peut démontrer que le préjudice qu’il subirait par le dévoilement de son identité est
supérieur à l’intérêt du public de connaître ces informations. Encore une fois, dans les
circonstances qui nous occupent, une ordonnance de non-publication a de bonnes
chances de succès car sans une telle ordonnance, le but recherché (l’anonymat) serait
irrémédiablement compromis.
10