Filiation adoptive

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Filiation adoptive
FASCICULE 31
Filiation adoptive
Alain ROY
Professeur titulaire, Faculté de droit, Université de Montréal
À jour au 1er janvier 2010
POINTS-CLÉS
1. L’adoption québécoise (de forme plénière) entraîne la création d’un nouveau lien de
filiation entre l’enfant et ses parents adoptifs, lequel se substitue au lien de filiation
d’origine (V. nos 1, 2 et 63).
2. L’adoption fait naître les mêmes droits et obligations que la filiation par le sang (V. no 65).
3. L’adoption ne peut avoir lieu que dans l’intérêt de l’enfant et aux conditions prévues
par la loi (V. nos 5 et 6).
4. L’enfant mineur ne peut être adopté que si ses père et mère ou tuteur ont consenti à
l’adoption ou s’il a été déclaré judiciairement admissible à l’adoption (V. nos 16, 17 et
suiv. et 29 et suiv.).
5. Le consentement à l’adoption peut être général, auquel cas l’enfant sera adopté par un
ou des adoptants qui seront désignés par le directeur de la protection de la jeunesse. Il
peut être spécial, auquel cas l’enfant sera adopté par un ou des adoptants désignés par
les parents parmi la liste des membres de leur entourage familial prévue à l’article 555
C.c.Q. (V. nos 20 et suiv.).
6. Parmi les personnes pouvant faire l’objet d’un consentement spécial à l’adoption se trouve
le conjoint du père ou de la mère. Lorsque ceux-ci sont conjoints de fait, leur cohabitation
doit se poursuivre depuis au moins trois ans. L’adoption par le conjoint du père ou de
la mère ne rompt pas le lien d’origine qui unit l’enfant à ce parent (V. nos 23 et 64).
7. Une déclaration d’admissibilité à l’adoption peut être prononcée, notamment, dans le
cas où ni les père et mère ni le tuteur n’ont assumé de fait le soin, l’entretien ou l’édu­
cation de l’enfant depuis au moins six mois. L’évaluation du comportement parental
doit alors se faire selon une norme objective (V. nos 32 et suiv.).
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III. Famille – L’enfant
8. L’enfant âgé de 10 ans ou plus doit consentir à son adoption. Le refus de celui qui a atteint
l’âge de 14 ans fait échec au processus (V. nos 46 et suiv.).
9. Le jugement d’adoption ne peut être prononcé que si l’enfant a vécu au moins six mois
(ou exceptionnellement trois mois) avec l’adoptant au terme d’une ordonnance de
placement (V. no 60).
10. L’enfant peut être adopté par une personne seule ou par des conjoints (de sexe opposé
ou de même sexe), sans égard à la forme de leur union (mariage, union civile ou union
de fait) (V. no 12).
11. L’adoption du majeur répond à des conditions particulières (V. nos 7 et suiv.).
12. Les dossiers judiciaires et administratifs relatifs à l’adoption sont confidentiels, sous
réserve des exceptions prévues par la loi (dont les retrouvailles) (V. nos 70 et suiv.).
13. L’adoption d’un enfant domicilié hors du Québec par des adoptants domiciliés au Québec
obéit à des règles particulières, principalement prévues dans le Code civil du Québec
et la Loi sur la protection de la jeunesse (V. nos 80 et suiv.).
14. Tous les adoptants (à l’international) doivent faire l’objet d’une évaluation psychosociale
et entreprendre leurs démarches par l’entremise d’un organisme dûment agréé, sous
réserve des exceptions prévues par la loi (V. no 82).
15. La procédure d’adoption internationale diffère selon que l’enfant provient ou non d’un
État partie à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération
en matière d’adoption internationale (ci-après « Convention de La Haye »). Elle diffère
également selon que la loi de l’État d’origine de l’enfant confie à ses propres autorités
le soin de délivrer la décision d’adoption ou renvoie cette responsabilité aux autorités
québécoises (V. nos 90 et suiv.).
16. Si l’enfant provient d’un État partie à la Convention de La Haye et si la décision d’adop­
tion est prononcée dans le pays d’origine de l’enfant, aucune reconnaissance judiciaire
de la décision étrangère n’est requise. Il reviendra alors au Secrétariat à l’adoption inter­
nationale de confirmer la conformité de cette décision avec les dispositions applicables
(V. nos 98 et suiv.).
TABLE DES MATIÈRES
Introduction : 1-4
I. Conditions générales de l’adoption : 5-15
A. Conditions relatives à l’adopté : 5-10
1.Conditions communes à l’ensemble des adoptés : 5-6
2.Conditions spécifiques à l’adopté majeur : 7-10
B. Conditions relatives à l’adoptant : 11-15
II. Ouverture du dossier d’adoption : 16-50
A. Consentement des parents ou du tuteur : 17-28
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
1.Types de consentements : 20-23
a)Consentement général : 21
b)Consentement spécial : 22-23
2.Forme et contenu du consentement : 24
3.Effets du consentement : 25
4.Rétractation du consentement : 26-27
5.Demande en restitution de l’enfant : 28
B. Déclaration d’admissibilité à l’adoption : 29-45
1.Conditions de la déclaration d’admissibilité à l’adoption : 30-44
a)Conditions relatives à l’adopté : 30-43
(i) Preuve d’une situation factuelle prévue à l’article 559 C.c.Q. : 31-37
(ii) Improbabilité d’une reprise en charge de l’enfant : 38-41
(iii) Intérêt de l’enfant : 42-43
b)Conditions relatives au demandeur : 44
2.Effets de la déclaration d’admissibilité à l’adoption : 45
C. Consentement de l’adopté : 46-50
1.Nécessité du consentement de l’adopté : 46-47
2.Forme du consentement de l’adopté : 48
3.Effets du refus de l’adopté : 49-50
III.Ordonnance de placement : 51-59
A. Conditions de l’ordonnance de placement : 52-53
B. Effets de l’ordonnance de placement : 54-59
IV. Jugement d’adoption : 60-69
A. Conditions de la requête en adoption : 61-62
B. Effets du jugement d’adoption : 63-69
V. Confidentialité des dossiers d’adoption et consultation : 70-79
A. Principe légal de la confidentialité des dossiers d’adoption : 70
B. Consultation des dossiers d’adoption : 71-79
1.Consultation visant à assurer le respect de la loi : 71
2.Consultation aux fins d’étude, d’enseignement, de recherche ou d’enquête
publique : 72
3.Recherche d’antécédents sociobiologiques et retrouvailles : 73-78
4.Consultation à des fins médicales : 79
VI.Règles particulières à l’adoption internationale : 80-102
A. Dispositions communes aux dossiers d’adoption internationale : 81-89
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III. Famille – L’enfant
B. Procédures d’adoption internationale : 90-98
1.Adoption dans un État non assujetti à la Convention de La Haye : 91-94
a)L’adoption doit être prononcée au Québec : 92-93
b)L’adoption doit être prononcée à l’étranger : 94
2.Adoption dans un État assujetti à la Convention de La Haye : 95-98
a)L’adoption doit être prononcée au Québec : 96-97
b)L’adoption doit être prononcée à l’étranger : 98
C. Confidentialité des dossiers d’adoption internationale et consultation : 99-102
INDEX ANALYTIQUE
Adoptant
Célibataire, 12
Conditions, 11-15
Conjoint, 23, 64
Couple d’adoptants, 12
Critères de sélection (adoption
internationale), 83
Différence d’âge avec l’adopté, 13
Évaluation psychosociale, voir Évaluation
psychosociale
Adopté
Citoyenneté canadienne et résidence
permanente, voir Adoption
internationale
Consentement, 46-50
Droits et obligations, 65
Enfant de moins de 10 ans, 47, 49
Enfant de 10 ans et plus, 46, 49
Enfant de 14 ans et plus, 46, 50
Intérêt, voir Intérêt de l’enfant
Majeur, 7-10, 64
Nom et prénoms, 67, 93, 97
Proposition d’enfant, voir Adoption
internationale
Sous protection, 35
Adoption
Conditions générales, 5-15
Effets, 63-69, 93, 94, 97, 98
Fermée, 3
Internationale, voir Adoption
internationale
Nationale (ou interne), 1-79
Objet, 1
Ouverte, 3
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Plénière, 2
Requête, voir Requête en adoption
Adoption internationale
Acte ou décision étrangère, 94, 98
Citoyenneté canadienne et résidence
permanente, 87, 88
Confidentialité des dossiers et
consultation, 99-102
Convention de La Haye, 90-98
Critères de sélection des adoptants, 83
Définition, 80
Dispositions communes, 81-89
Effets, 93, 94, 97, 98
Évaluation psychosociale, 82, 92, 94
Intérêt de l’enfant, 92, 94
Kafala, 94
Ordonnance de placement, 92, 96
Organisme agréé, 81
Procédure applicable, 90-98
Proposition d’enfant, 85
Reconnaissance de plein droit, 98
Reconnaissance judiciaire, 94
Requête en adoption, 93, 97
Simple, 94, 98
Confidentialité, 3, 70-79
Adoption internationale, voir Adoption
internationale (Confidentialité des
dossiers et consultation)
Consentement, 16-28
Adopté, 46-50
Demande en restitution, 28
Effets, 25
Forme, 24, 48
Général, 21
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
Parents d’origine, 18, 19
Rétractation, 26, 27
Spécial, 22, 23
Tuteur, 19
Consultation des dossiers
Adoption internationale, voir Adoption
internationale (Confidentialité des
dossiers et consultation)
Antécédents sociobiologiques, 56, 73-78, 100
Études, enseignement, recherche et
enquête publique, 72, 99-101
Raisons médicales, 79, 99-101
Respect de la loi, 71, 99-101
Retrouvailles, 73-78, 99-102
Convention de La Haye, voir Adoption
internationale
Déclaration d’admissibilité à l’adoption, 30-50
Abandon et délaissement, 32-35, 38-43
Absence de filiation, 31
Déchéance de l’autorité parentale, 36,
38-43
Demandeur, 44
Effets, 45
Enfant orphelin, 37
Intérêt de l’enfant, 42, 43
Présomption d’improbabilité de reprise en
charge, 38-41
Empêchement au mariage, 66
Évaluation psychosociale, 14
Adoption internationale, voir Adoption
internationale (Évaluation
psychosociale)
Filiation, 2, 63, 64
Intérêt de l’enfant, 5, 9, 42, 43, 62
Adoption internationale, voir Adoption
internationale (Intérêt de l’enfant)
Parents d’origine
Attentes quant aux adoptants, 15
Consentement, voir Consentement
Ordonnance de placement
Adoption internationale, voir Adoption
internationale (Ordonnance de
placement)
Cessation, 59
Conditions, 52, 53
Durée, 57
Effets, 54-59
Révocation, 58
Organisme agréé, voir Adoption
internationale
Requête en adoption
Adoption internationale, voir Adoption
internationale (Requête en adoption)
Conditions, 61, 62
Restitution de l’enfant, 28
Tribunal compétent, 3.1
INTRODUCTION
1. Objet de l’adoption – L’adoption entraîne l’établissement d’un lien de filiation entre l’adopté
et l’adoptant. En ce sens, l’adoption consacre la création de nouveaux liens familiaux qui
viendront se substituer aux liens d’origine. On ne peut utiliser l’adoption à d’autres fins, notam­
ment « pour confirmer une filiation déjà établie par le sang » (art. 543, al. 2 C.c.Q.). Cette
règle signifie qu’un parent ne peut adopter son propre enfant biologique1, que ce soit pour
contrecarrer les aspirations filiales d’un parent non déclaré2 ou pour profiter des effets que
produit le jugement d’adoption sur l’état civil des personnes3.
1. QUÉBEC (Ministère de la Justice), Commentaires du ministre de la Justice, t. 1, Québec,
Publications du Québec, 1993, art. 543 C.c.Q., p. 329. Toutefois, cette disposition n’empêche
pas un parent biologique d’adopter son enfant lorsque le lien de filiation biologique a été
précédemment rompu en vertu d’un premier jugement d’adoption. Voir, par exemple : Droit
de la famille – 2068, [1994] R.D.F. 802 (C.Q.).
2. Pensons à une mère qui voudrait adopter son enfant dans le but de prévenir une éventuelle
réclamation de paternité du « père naturel » de l’enfant dont la filiation n’aurait pas été
formellement déclarée au directeur de l’état civil.
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3. Voir : A.B.F. (Dans la situation de), J.E. 2004-436, [2003] J.Q. no 21983 (C.Q.), où le tribunal
a refusé à bon droit d’accueillir la demande en ordonnance de placement en vue de l’adoption
d’un enfant par son grand-père maternel, la requête ayant été présentée dans le but de faire
disparaître de l’acte de naissance de l’enfant le nom de celui qui y avait été désigné comme
père, avant que des résultats de tests ne viennent contredire sa paternité.
2. Adoption plénière – Le droit québécois ne connaît qu’une seule forme d’adoption, soit
l’adoption plénière. Par l’adoption dite plénière, l’adopté cesse d’appartenir à sa famille d’origine. Sa filiation initiale est effacée et remplacée par la filiation adoptive (art. 577 C.c.Q.).
Un nouvel acte de naissance mentionnant le nom des parents adoptifs de l’enfant est dressé
par le directeur de l’état civil (art. 132 C.c.Q.). Retiré du registre de l’état civil, l’acte d’origine
ne sera plus jamais accessible à qui que ce soit (art. 149 C.c.Q.). L’adoption plénière consacre
donc la renaissance de l’enfant en lui forgeant une toute nouvelle identité civile.
3. Adoption fermée – L’adoption québécoise est non seulement plénière, elle est également
fermée en ce sens qu’elle ne permet pas aux parents biologiques et aux parents adoptifs de
connaître leur identité respective. Tout le processus d’adoption est organisé de manière à
garantir l’anonymat des uns et des autres et à éviter qu’ils soient mis en relation directe
(art. 823.1 C.p.c.). À la suite du jugement d’adoption, les données nominatives relatives à la
filiation d’origine de l’enfant demeureront secrètes à tout jamais et ne pourront être divulguées à qui que ce soit, sous réserve des exceptions prévues par la loi (art. 582 C.c.Q.).
En marge du cadre juridique formel, des pratiques d’adoption dite « ouverte » se sont
toutefois développées au cours des dernières années1. Contrairement à l’adoption fermée
qui comporte la nécessité de maintenir l’anonymat des uns et des autres, l’adoption ouverte
suppose différents scénarios où parents biologiques et parents adoptifs s’échangent des ren­
seignements nominatifs ou acceptent de maintenir certaines relations, à court ou à long terme,
afin que l’enfant ne soit pas coupé de son milieu d’origine. Ainsi, les parents biologiques de
l’enfant et les adoptants peuvent-ils convenir de se rencontrer avant l’enclenchement du pro­
cessus d’adoption. Il arrive également que les parents biologiques expriment leur volonté
d’être régulièrement tenus informés par les parents adoptifs du développement de l’enfant,
après le prononcé du jugement d’adoption. Qui plus est, un véritable « droit d’accès » peut
être volontairement consenti par les parents adoptifs en faveur des parents biologiques.
Évidemment, ces accords et ententes n’ont aucune valeur juridique. Bien que cautionnées par
certains intervenants sociaux (qui s’en font parfois les promoteurs), elles ne sont pas reconnues
par le Code civil et ne sont nullement exécutoires2. En conséquence, leur respect dépend
du bon vouloir des parents adoptifs.
1. Françoise-Romaine OUELLETTE, « Le champ de l’adoption, ses acteurs et ses enjeux »,
(2004-2005) 35 R.D.U.S. 375 ; Dominique GOUBAU et Françoise-Romaine OUELLETTE,
« L’adoption et le difficile équilibre des droits et des intérêts : le cas du programme de la
“ Banque Mixte ” », (2006) 51 R.D. McGill 1.
2. Droit de la famille – 2234, [1995] R.D.F. 579, [1995] J.Q. no 3347 (C.Q.) ; M.L. c. P.M., [2001]
R.D.F. 246, [2001] J.Q. no 600 (C.S.).
3.1. Tribunal compétent – En droit québécois, l’adoption d’un enfant ne peut résulter que
d’un jugement de la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse1, qui jouit à cet égard d’une
compétence exclusive2. La Cour du Québec est habilitée non seulement à entendre toutes
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
les requêtes principales se rapportant à l’adoption d’un enfant, mais elle peut également
statuer sur les demandes incidentes qui lui sont présentées en cours d’instance3.
1. Tel n’est pas toujours le cas en matière d’adoption internationale. Comme nous le verrons
plus loin, l’adoption prononcée dans un pays étranger signataire de la Convention de La Haye
fait l’objet d’une reconnaissance de plein droit au Québec sans qu’il soit nécessaire d’obtenir
l’intervention de la Cour du Québec.
2. Art. 36.1, al. 1 C.p.c. et Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.Q., c. T-16, art. 83(4).
3. Pensons, par exemple, à une requête en droit de garde ou d’accès présentée par un membre de
la famille biologique avant que le jugement d’adoption n’ait été prononcé. Voir : Droit de
la famille – 1873, [1994] R.J.Q. 1787, [1994] J.Q. no 623 (C.A.) ; Droit de la famille – 08119,
[2008] R.D.F. 374, [2008] J.Q. no 446 (C.S.).
4. Plan – Nous examinerons d’abord les conditions générales de l’adoption (I) et les modalités d’ouverture du dossier d’adoption (II) que sont le consentement parental (A), la déclaration d’admissibilité à l’adoption (B) et le consentement de l’enfant (C). Nous examinerons
ensuite les règles relatives à l’ordonnance de placement (III), la demande en adoption à
proprement parler (IV) et le principe de confidentialité des dossiers d’adoption (V). Nous
terminerons notre exposé par une présentation des principales dispositions qui régissent
l’adoption internationale (VI)1.
1. Pour une analyse plus approfondie des différents aspects du droit de l’adoption nationale et
internationale applicable au Québec, voir : Alain ROY, Le droit de l’adoption au Québec –
Adoption interne et internationale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2006 (2e édition à paraitre
en 2010).
I. CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ADOPTION
A.Conditions relatives à l’adopté
1. Conditions communes à l’ensemble des adoptés
5. Intérêt de l’enfant – L’adoption ne peut être prononcée que dans l’intérêt de l’enfant
(art. 543 C.c.Q.). Ce principe fondamental est à la base même du processus et en représente
l’enjeu véritable. Il constitue une application concrète de la règle énoncée à l’article 33 C.c.Q.
selon laquelle toute décision concernant l’enfant ne peut être prise que dans son intérêt et
dans le respect de ses droits. Au-delà du principe in abstracto sur lequel repose le système
juridique de l’adoption, chaque décision d’espèce doit également y faire écho. L’intérêt de
l’enfant in concreto doit ainsi, tout au long du processus, demeurer au centre des préoccupations.
L’intérêt de l’enfant est une notion dont les contours doivent être tracés à la lumière de
chaque affaire1. Le second alinéa de l’article 33 C.c.Q. précise certains critères susceptibles
d’en guider l’application, tels les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant,
son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation. Il
importe de noter que cette liste d’éléments n’établit aucun ordre de priorité. Plusieurs accordent
toutefois à l’attachement psychologique de l’enfant une place particulière2. Parmi « les autres
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III. Famille – L’enfant
aspects » de la situation de l’enfant dont les tribunaux doivent tenir compte se trouvent ses
désirs personnels, son expérience de vie, sa religion et sa langue. Quant à l’identité culturelle
ou ethnique de l’enfant, la jurisprudence y voit également un critère pertinent, mais refuse de
lui accorder une trop grande importance, y compris lorsque l’enfant concerné est autochtone.
On ne saurait donc se rabattre sur les seules origines ethniques d’un enfant (et sur son intérêt
à en conserver les traces) pour justifier le rejet de la demande d’adoption présentée par des
adoptants d’une autre origine3.
En matière d’adoption, le principe du meilleur intérêt de l’enfant comporte également une
dimension temporelle. Le tribunal doit déterminer dans quelle mesure l’adoption servira
l’intérêt présent et futur de l’enfant. Relativement aux effets définitifs qui en résultent,
l’adoption n’est pas et ne doit jamais devenir la réponse à un problème ponctuel4.
1. Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, 8, [1993] A.C.S. no 112. Voir également : Droit de la
famille – 2845, [1998] R.D.F. 155, [1997] J.Q. no 5513 (C.Q.).
2. Catholic Children’s Aid Society of Metropolitain Toronto c. M. (C.), [1994] 2 R.C.S. 165, 201,
[1994] A.C.S. no 37 ; X (Dans la situation de), J.E. 2002-1981 (C.Q.).
3. Racine c. Woods, [1983] 2 R.C.S. 173, 188, [1983] A.C.S. no 71 ; M.-K.K. (Dans la situation de),
[2004] R.D.F. 264, [2004] J.Q. no 5039 (C.A.) ; G.-T.M.-H. (Dans la situation de), J.E. 2004-392,
[2004] J.Q. no 306 (C.A.).
4. Directeur de la protection de la jeunesse c. M.D., B.E. 2005BE-278 (C.Q.).
6. Conditions prévues par la loi – L’intérêt de l’enfant in concreto ne peut à lui seul jus­
tifier l’adoption. En d’autres termes, on ne peut mettre à l’écart les autres conditions énoncées
par la loi sous prétexte que l’adoption s’avère conforme à l’intérêt de l’enfant (art. 543 C.c.Q.).
Comme l’exprime la Cour d’appel, « l’intérêt de l’enfant importe beaucoup mais ce n’est pas
la seule considération. En effet, l’adoption ne peut être prononcée que si toutes les dispositions de la loi ont été respectées »1.
Ainsi, le tribunal ne saurait prononcer l’adoption d’un enfant abandonné à sa naissance en
faveur des personnes qui l’ont recueilli, sans d’abord s’assurer que l’ensemble des règles
prescrites par la loi ont été respectées, qu’elles soient de nature substantielle ou procédurale.
Subordonner les autres conditions de la loi à l’intérêt de l’enfant concerné reviendrait à évacuer
les garanties juridiques sur lesquelles repose le processus d’adoption. Or, ces garanties
sont précisément établies dans le but de protéger les uns et les autres contre les abus de toutes
sortes. Malgré l’intérêt évident de l’enfant de demeurer auprès de ceux qui l’ont recueilli et
qui ont généreusement pourvu à ses besoins affectifs et matériels dès son plus jeune âge,
le tribunal devra donc impérativement s’assurer du respect des conditions applicables à l’adop­
tant et à l’enfant, notamment en regard des dispositions qui régissent les consentements
parentaux, le cas échéant2. Il en va de l’intégrité même du processus.
1. Cour du Bien-être social c. X, [1974] C.A. 372, 374. Voir également : Adoption – 09186, 2009
QCCQ 9091, [2009] J.Q. no 10493 ; Adoption – 091, [2009] R.D.F. 199, [2009] J.Q. no 737 (C.Q.) ;
Jean PINEAU et Marie PRATTE, La famille, Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 713 ; Carmen
LAVALLÉE, L’enfant, ses familles et les institutions de l’adoption. Regards sur le droit français
et le droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 413.
2. Dans l’affaire Adoption – 091, [2009] R.J.Q. 445, [2009] J.Q. no 737 (C.Q.), le juge Dubois a
refusé de prononcer l’adoption d’un enfant conçu en vertu d’un contrat de mère porteuse en
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
faveur de la conjointe du père, considérant que le consentement à l’adoption donné par le père
en faveur de sa conjointe était vicié puisqu’il avait été donné sur la base d’une entente non
reconnue par le droit québécois (voir art. 539 C.c.Q.). Voir, cependant : Adoption – 09184, [2009]
R.D.F. 835, [2009] J.Q. no 10712 (C.Q.). Sur le sujet, voir également : Carmen LAVALLÉE,
L’enfant, ses familles et les institutions de l’adoption. Regards sur le droit français et le droit
québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 403 à 414 ; Michel TÉTRAULT, Droit de
la famille, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 1173-1174 ; Jacques BEAULNE,
« Réflexions sur quelques aspects de la procréation médicalement assistée en droit des
personnes et de la famille », (1995) 26 R.G.D. 235, 254 ; Marie PRATTE, « Le nouveau Code
civil du Québec : quelques retouches en matière de filiation », dans Mélanges Germain Brière,
Montréal, Wilson & Lafleur, 1993, p. 283, à la page 302 ; Jean PINEAU et Marie PRATTE,
La famille, Montréal, Éditions Thémis, 2006, p. 685 ; Michelle GIROUX, « L’encadrement
de la maternité de substitution au Québec et la protection de l’intérêt de l’enfant », (1997)
28 R.G.D. 535, 544.
2. Conditions spécifiques à l’adopté majeur
7. Généralités – Puisqu’elle vise principalement à offrir un milieu de vie à l’enfant, on conçoit
généralement l’adoption comme une institution qui ne concerne que les seuls enfants mineurs.
Le Code civil envisage toutefois l’adoption d’une personne majeure. Évidemment, les règles
relatives à l’adoption du majeur se distinguent de celles qui s’appliquent à l’adoption du
mineur. D’abord, l’ouverture du dossier d’adoption du majeur ne dépend nullement du
consentement des parents biologiques, encore moins d’une déclaration judiciaire d’admis­
sibilité à l’adoption. Il ne saurait non plus être question de soumettre le majeur à une
ordonnance de placement préalable. Compte tenu des conditions imposées par le Code civil,
on ne peut cependant assimiler l’adoption du majeur à un acte de pure volonté entre l’enfant
majeur et ses adoptants.
8. Adoption de fait durant la minorité – Outre les exigences de nature procédurale qui
encadrent l’adoption du majeur (art. 825.2 C.p.c.), le législateur pose une condition particulière au premier alinéa de l’article 545 C.c.Q. : une personne majeure ne peut être adoptée
que par ceux qui, alors qu’elle était mineure, remplissaient déjà auprès d’elle le rôle de parent.
La loi ne permet donc l’adoption d’un majeur qu’à la condition que son « adoption de fait »,
selon l’expression autrefois utilisée dans le Code civil, ait eu lieu durant sa minorité.
L’« adoption de fait » peut se définir par la prise en charge économique, physique, morale
et psychologique de l’éducation d’une personne et par l’exercice factuel de toutes les obliga­
tions reliées au rôle parental1. Cette définition s’accompagne toutefois d’un critère additionnel :
l’adoption de fait par l’éventuel adoptant ne peut exister que si les parents d’origine n’ont pas
assumé leurs responsabilités parentales durant la minorité de l’enfant. Pour réussir dans sa
démarche, le requérant doit faire la preuve d’un désengagement parental manifeste2.
1. Droit de la famille – 694, [1989] R.J.Q. 2257 (C.Q.) ; Droit de la famille – 250, J.E. 85-1081
(T.J.).
2. A.C. c. L.G., [2005] no AZ-50309812 (C.Q.) ; Droit de la famille – 2682, [1997] R.D.F. 421,
[1997] J.Q. no 5690 (C.Q.). Voir, cependant : K.M. (Dans la situation de), [2003] R.D.F. 532,
[2003] J.Q. no 5193 (C.Q.) ; Adoption – 07159, [2007] no AZ-50454301 (C.Q.).
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III. Famille – L’enfant
9. Intérêt de l’enfant majeur – Le respect des prescriptions du premier alinéa de l’article 545
C.c.Q. n’oblige nullement le tribunal à accueillir la requête en adoption du majeur. Après
avoir constaté l’« adoption de fait » au sens ci-dessus décrit, il reviendra au tribunal d’évaluer
le bien-fondé de la demande à la lumière du critère du meilleur intérêt de l’enfant1 (art. 543
C.c.Q.).
1. Droit de la famille – 2015, [1994] R.J.Q. 1520, [1994] J.Q. no 525 (C.A.). Voir également :
Droit de la famille – 3376, [1999] R.D.F. 612, [1999] J.Q. no 6873 (C.Q.).
10. Pouvoir discrétionnaire du tribunal – Conscient des besoins fondamentaux auxquels
l’adoption peut répondre, le législateur permet au tribunal de passer outre à la condition de
l’« adoption de fait », dans la mesure où l’intérêt du majeur le justifie. Prévue au deuxième
alinéa de l’article 545 C.c.Q., cette disposition revêt un caractère d’exception et doit conséquemment faire l’objet d’une interprétation restrictive. En général, les tribunaux se prévaudront de la mesure d’exception afin de combler le vide parental dont pourrait souffrir
le majeur1.
1. Adoption – 09212, 2009 QCCQ 8707, [2009] J.Q. no 10044 (C.Q.) ; Droit de la famille – 2256,
[1995] R.D.F. 819, [1995] J.Q. no 3546 (C.Q.) ; Droit de la famille – 93, J.E. 83-1108, [1983]
J.Q. no 569 (T.J.) ; Adoption (En matière d’), 2006 QCCQ 10288, [2006] J.Q. no 11469. Voir
également : Mario PROVOST, « L’adoption », dans Droit de la famille québécois, Brossard,
Publications CCH, 2002, feuilles mobiles, p. 4,031 et 4,033.
B.Conditions relatives à l’adoptant
11. Majorité et aptitude légale – Pour être jugé apte à adopter, l’adoptant doit tout d’abord
avoir atteint l’âge de la majorité (art. 546 C.c.Q.). Le Code civil ne prévoit pas d’âge limite
mais, en pratique, les adoptants trop âgés sont invités par les centres jeunesse à reconsidérer
leur candidature. Dans la mesure où l’adoption vise à procurer à l’enfant une famille de
substitution, il nous paraît légitime d’exclure les candidats dont l’âge avancé s’avère incom­
patible avec l’attribution de responsabilités parentales à long terme. Il en va de l’intérêt de
l’enfant adopté.
Même si le Code ne le précise pas de façon expresse, l’adoptant doit également être capable
d’exercer tous ses droits. On peut effectivement présumer que l’adoption par une personne
dont l’état de santé mentale ne lui permettrait pas d’assumer adéquatement les responsa­
bilités qui relèvent du statut parental ne répondrait pas au meilleur intérêt de l’enfant, du moins
si ce dernier est mineur1.
1. Dans des cas exceptionnels, l’adoption par un adoptant inapte pourrait toutefois s’avérer
conforme à l’intérêt d’un enfant mineur. Pensons, par exemple, au cas de celui qui, avant
d’être déclaré inapte, a assumé un rôle parental auprès d’un enfant ayant depuis dépassé le
stade de l’enfance. L’enfant pourrait avoir intérêt à être adopté par la personne concernée,
ne serait-ce que pour des raisons d’ordre psychologique.
12. Adoption en solo ou conjointement – Selon l’article 546 C.c.Q., « toute personne [...]
peut, seule ou conjointement avec une autre personne, adopter un enfant ». Un célibataire
peut donc se porter adoptant, et ce, quels que soient son sexe, son appartenance religieuse
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
ou son orientation sexuelle. En mentionnant la possibilité pour deux personnes d’adopter
conjointement un enfant, le législateur réfère indistinctement aux époux, aux conjoints unis
civilement et aux conjoints de fait1. Dans ce dernier cas, aucune durée minimale de cohabitation n’est exigée. Depuis le 24 juin 2002, les conjoints adoptants peuvent être de même
sexe2 (art. 115 et 578.1 C.c.Q.).
1. L’article 61.1 de la Loi d’interprétation, L.R.Q., c. I-16, définit ainsi le terme « conjoint » :
« [...] sont des conjoints les personnes liées par un mariage ou une union civile. Sont assimilés à des conjoints, à moins que le contexte ne s’y oppose, les conjoints de fait. Sont des
conjoints de fait deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui font vie commune
et se présentent publiquement comme un couple, sans égard, sauf disposition contraire, à la
durée de leur vie commune. Si, en l’absence de critère légal de reconnaissance de l’union de
fait, une controverse survient relativement à l’existence de la communauté de vie, celle-ci
est présumée dès lors que les personnes cohabitent depuis au moins un an ou dès le moment où
elles deviennent parents d’un même enfant. » (nos italiques) Sur la notion de « vie commune »,
voir : Adoption – 09212, 2009 QCCQ 8707, [2009] J.Q. no 10044, où la juge Primeau considère
que deux conjoints de fait qui ne cohabitent plus sont néanmoins des conjoints au sens de
la loi en raison du projet de vie commune qui les unit.
2. Loi instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, L.Q. 2002, c. 6.
13. Différence d’âge avec l’adopté – L’article 547 C.c.Q. énonce une condition relative à la
différence d’âge qui doit exister entre l’adoptant et l’adopté : l’adoptant doit avoir au moins
18 ans de plus que l’adopté, sauf si ce dernier est l’enfant de son conjoint ou si le tribunal décide
de passer outre à la condition dans l’intérêt de l’adopté1. Notons que, depuis juin 2002, le
terme « conjoint » employé dans la disposition fait non seulement référence à l’époux, mais
également au conjoint civil et au conjoint de fait.
1. Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd.,
Québec, PUL, 2005, p. 259. Voir également : Adoption – 063, [2007] R.J.Q. 198, [2006] J.Q.
no 13549 (C.Q.) ; Adoption – 07212, [2007] no AZ-50467978 (C.Q.).
14. Évaluation psychosociale – Afin de mesurer leur capacité à répondre aux besoins d’un
enfant adopté (mineur), les candidats à l’adoption doivent faire l’objet d’une évaluation
psychosociale. En matière d’adoption interne, l’évaluation est réalisée sans frais par les
intervenants psychosociaux des centres jeunesse. Si l’évaluation s’avère favorable, le nom
des candidats s’ajoutera à la liste des postulants tenue par les centres jeunesse. Par exception au principe, les adoptants en faveur de qui un consentement spécial à l’adoption a été
donné n’ont pas à faire l’objet d’une telle évaluation. Notons toutefois que le tribunal pourrait
s’appuyer sur les dispositions de l’article 573 C.c.Q. pour demander au directeur de la protection de la jeunesse (ci-après « DPJ ») d’évaluer malgré tout les compétences parentales
des adoptants1.
1. Voir, par exemple : E.S. c. S.K., B.E. 2004BE-765 (C.Q.).
15. Autres critères – Dans la sélection des adoptants retenus, le respect de l’ordre chrono­
logique sur la liste d’inscription demeure subordonné aux besoins et aux caractéristiques
des enfants disponibles pour adoption. Ainsi, les candidats disposés à adopter un enfant
handicapé ou plus âgé pourront voir leur demande cheminer plus rapidement, à la condition
que l’évaluation psychosociale atteste leurs capacités à répondre aux besoins particuliers
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III. Famille – L’enfant
d’un tel enfant. Dans la mesure du possible, les intervenants tenteront également de respecter
les attentes que pourraient avoir exprimées les parents biologiques quant au profil des adoptants1.
1. Dominique GOUBAU, « “ Open adoption ” au Canada », dans Agnès FINE et Claire NEIRINK
(dir.), Parents de sang, Parents adoptifs, Approches juridiques et anthropologiques de l’adoption, France, Europe, USA, Canada, Paris, L.G.D.J., 2000, p. 63, à la page 67 ; GROUPE
DE TRAVAIL SUR L’ADOPTION (sous la présidence de Carmen LAVALLÉE), Pour une
adoption à la mesure de chaque enfant, Québec, Gouvernement du Québec, 2007, p. 45.
II. OUVERTURE DU DOSSIER D’ADOPTION
16. Généralités – Selon l’article 544 C.c.Q., l’ouverture du dossier d’adoption d’un enfant
dépend du consentement de ses parents biologiques ou de son tuteur (A) ou, à défaut, d’une
déclaration d’admissibilité à l’adoption prononcée par le tribunal (B). Dépendamment de
son âge, l’enfant sera également appelé à consentir à sa propre adoption (C).
A.Consentement des parents ou du tuteur
17. Consentement des deux parents – L’obtention du consentement des parents bio­lo­
giques ou du tuteur de l’enfant représente la première voie d’ouverture du dossier d’adoption
(art. 553 C.c.Q.). Le consentement des deux parents est requis si la filiation de l’enfant est
prouvée à l’égard de chacun d’eux, et ce, peu importe leur âge respectif (art. 551 et 554 C.c.Q.).
Le refus d’un seul parent de donner son consentement provoque l’arrêt du processus, même
si l’on peut y voir la marque d’une décision abusive1. Notons que la preuve de la filiation d’un
parent avec l’enfant peut résulter non seulement de l’acte de naissance (art. 523 C.c.Q.), mais
également de la présomption de paternité (art. 525 C.c.Q.) ou de comaternité (art. 538.3 C.c.Q.),
d’une possession d’état (art. 524 C.c.Q.) ou d’une reconnaissance volontaire (art. 526 C.c.Q.).
1. Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd.,
Québec, PUL, 2005, p. 261 et 266.
18. Consentement d’un seul parent – L’article 552 C.c.Q. identifie les situations où le
consentement d’un seul parent suffit à rendre l’enfant admissible à l’adoption. Tel est le cas
lorsque l’un des deux parents est décédé, déchu de son autorité parentale ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté. L’impossibilité de manifester sa volonté doit faire l’objet
d’une interprétation restrictive. La jurisprudence semble d’ailleurs limiter la portée de la
disposition aux seuls cas d’inaptitude mentale à consentir1. Notons que l’inaptitude à consentir
n’équivaut pas nécessairement à l’inaptitude légale.
1. Droit de la famille – 54, [1983] R.J.Q. 2053 (T.J.).
19. Consentement du tuteur – Lorsque les deux parents sont décédés, dans l’impossibilité
de manifester leur volonté ou déchus de leur autorité parentale, l’adoption de l’enfant est alors
subordonnée au consentement du tuteur, si l’enfant en est pourvu (art. 553 C.c.Q.). Si le
tuteur lui-même souhaite adopter son pupille, il faudra évidemment procéder à la nomination
d’un tuteur ad hoc. Lui seul pourra alors donner le consentement requis (art. 190 C.c.Q.).
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
Il importe de préciser que l’intervention du tuteur n’est requise que dans les hypothèses
mentionnées ci-dessus. Ainsi, on ne tiendra pas compte de son opposition, le cas échéant,
lorsqu’un consentement aura été valablement donné par les parents ou l’un d’eux. En d’autres
termes, la participation du tuteur n’est pas concurrente, elle n’est que subsidiaire1.
1. Adoption – 0738, [2007] R.D.F. 630, [2007] J.Q. no 4859 (C.Q.).
1. Types de consentements
20. Généralités – Le consentement des parents à l’adoption de leur enfant peut être général
ou spécial (art. 555 C.c.Q.). Il est général lorsqu’il est déposé auprès du directeur de la
protection de la jeunesse et permet de prononcer l’adoption de l’enfant par tout adoptant qui
sera éventuellement désigné par le DPJ ; il est spécial lorsqu’il est donné au profit d’un adoptant spécifiquement désigné par les parents biologiques parmi les membres de leur entourage
familial énumérés à l’article 555 C.c.Q.
a) Consentement général
21. Réception par le DPJ – Le consentement général est donné habituellement à la suite
du cheminement entrepris par les parents biologiques auprès d’intervenants psychosociaux
du centre jeunesse situé dans la région administrative de leur domicile. Ces intervenants
ont pour responsabilité de soutenir les parents dans leur décision et de leur expliquer les
conséquences d’un consentement général à l’adoption. Sur la base d’un tel consentement,
l’enfant pourra être confié à une famille d’adoption choisie par le centre jeunesse1.
Le DPJ et les membres de son personnel sont les seuls à pouvoir recevoir les consentements
généraux 2. C’est également à eux qu’incombe la responsabilité de les conserver et de les
présenter ultérieurement au soutien de la requête en ordonnance de placement. Comme nous
le verrons plus loin, le consentement général à l’adoption entraîne la délégation de l’exercice
de l’autorité parentale au DPJ.
1. Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd.,
Québec, PUL, 2005, p. 263.
2. Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1, art. 32g (ci-après « L.p.j. »).
b) Consentement spécial
22. Généralités – Le consentement spécial permet aux parents d’origine de choisir l’adoptant.
Ce choix demeure toutefois limité puisqu’il ne peut être exercé qu’en faveur des personnes
mentionnées à l’article 555 C.c.Q., lesquelles font toutes partie de leur entourage familial.
Le consentement spécial conduit donc vers ce qu’il est communément convenu d’appeler
une « adoption intrafamiliale ». Contrairement aux autres scénarios d’adoption, l’adoption
intrafamiliale s’effectue sans l’intervention du DPJ.
23. Liste limitative d’adoptants – Selon l’article 555 C.c.Q., seuls peuvent bénéficier d’un
consentement spécial les ascendants de l’enfant, les parents en ligne collatérale jusqu’au
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III. Famille – L’enfant
troisième degré ou le conjoint de cet ascendant ou parent ainsi que le conjoint du père ou
de la mère. S’agissant de conjoints de fait, une cohabitation minimale de trois ans est exigée.
Aucune autre personne que celles mentionnées à l’article 555 C.c.Q. ne peut bénéficier
d’un consentement spécial1.
1. Droit de la famille – 486, [1988] R.J.Q. 897 (T.J.) ; S.P. (Dans la situation de), [2004] R.D.F. 1005,
[2004] J.Q. no 9680 (C.Q.) ; T.D. (Dans la situation de), [2004] R.D.F. 703, [2004] J.Q. no 5469
(C.Q.).
2. Forme et contenu du consentement
24. Consentement écrit, libre et éclairé – Qu’il soit général ou spécial, le consentement
des parents ou du tuteur, le cas échéant, doit être donné par écrit devant deux témoins en
toute liberté et sans contrainte (art. 548 C.c.Q.)1. Il ne peut être signé sans que les parents
ou le tuteur connaissent exactement les conséquences qui en découlent et soient en mesure
d’en évaluer toute la portée, notamment en ce qui a trait à la rupture totale et définitive du lien
de filiation biologique qu’entraînera éventuellement le jugement d’adoption (art. 568 C.c.Q.).
Le devoir d’informer les parents biologiques ou le tuteur incombe à la personne qui prépare
et reçoit le consentement en question.
1. Voir : Adoption – 0710, [2007] R.D.F. 387, [2007] J.Q. no 3499 (C.Q.), où le tribunal a
considéré le consentement parental vicié par la crainte (pression familiale).
3. Effets du consentement
25. Délégation de l’autorité parentale – Le consentement à l’adoption entraîne de plein
droit, et jusqu’à l’ordonnance de placement, une délégation d’autorité parentale. S’il s’agit
d’un consentement général, la délégation aura lieu en faveur du DPJ (art. 556 C.c.Q.).
S’agissant plutôt d’un consentement spécial, la délégation jouera en faveur de la personne
au profit de laquelle il a été donné (art. 556 C.c.Q.)1. L’exercice de l’autorité parentale est
délégué en totalité, sauf dans le cas d’un consentement spécial fourni en faveur d’un conjoint
(art. 579 C.c.Q.). Dans cette hypothèse, le parent consentant conservera l’ensemble de ses
prérogatives, mais sera tenu d’en partager l’exercice avec son conjoint jusqu’à l’ordonnance
de placement.
1. Renée JOYAL, avec la collaboration de Mario PROVOST, Précis de droit des jeunes, 2e éd.,
t. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 61.
4. Rétractation du consentement
26. Conditions de la rétractation – Le parent qui a donné un consentement à l’adoption
peut, sans formalité judiciaire, le rétracter dans les 30 jours (art. 557 C.c.Q.). Aucun motif
n’est exigé au soutien de sa décision. La rétractation doit toutefois respecter les conditions
de forme prévues à l’article 548 C.c.Q., qui exige qu’elle soit faite par écrit devant deux témoins.
La rétractation du consentement doit être transmise au DPJ, s’il s’agit d’un consentement
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général, ou à la personne en faveur de qui il avait été spécifiquement fourni, s’il s’agit plutôt
d’un consentement spécial.
27. Effets de la rétractation – La rétractation entraîne la cessation immédiate de la délégation
de l’autorité parentale dont pouvait se prévaloir le DPJ ou la personne au bénéfice de qui un
consentement spécial avait été donné. Cette cessation les obligera à rendre l’enfant aux parents
biologiques, sans délai ni formalité1. Cela dit, il reviendra au DPJ de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de l’enfant s’il considère que son retour auprès des parents
d’origine est de nature à compromettre sa sécurité ou son développement (art. 32 L.p.j.).
1. Dans le cas où les deux parents auraient consenti à l’adoption de leur enfant et où un seul
rétracterait son consentement, l’enfant serait remis à ce parent, sans égard à la position de
l’autre. L’autorité parentale serait cependant partagée entre le parent ayant rétracté son consente­
ment et le DPJ jusqu’à ce que le dossier d’adoption soit clos : Droit de la famille – 3164,
[1998] R.D.F. 755, 756, [1998] J.Q. no 4733 (C.S.). Notons que le parent biologique ou le tuteur
qui rétracte son consentement peut avoir recours à l’habeas corpus si les personnes à qui
l’enfant a été confié refusent d’obtempérer : Michel TÉTRAULT, Droit de la famille, 3e éd.,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 1198.
5. Demande en restitution de l’enfant
28. Conditions de la demande en restitution – À l’expiration du délai de 30 jours prévu
pour la rétractation, l’auteur du consentement peut encore revenir sur sa décision et mettre
un terme au processus d’adoption entamé. En effet, l’article 558 C.c.Q. prévoit la possibilité,
pour le parent biologique ou le tuteur, de s’adresser au tribunal dans le but d’obtenir la res­
titution de l’enfant. La demande doit toutefois être déposée avant le prononcé de l’ordon­
nance de placement, faute de quoi elle sera jugée non avenue (art. 569, al. 2 C.c.Q.)1.
La restitution de l’enfant ne sera accordée que si le parent ou le tuteur dispose de motifs
recevables. Parmi les motifs recevables se trouve d’abord l’existence d’un vice de consente­
ment2. Le parent biologique pourrait également obtenir gain de cause s’il parvient à motiver
son inaction pendant le délai de 30 jours prévu pour la rétractation. Un simple caprice ou
une négligence de sa part ne saurait justifier son retard, mais la maladie ou l’absence pourraient
constituer une raison acceptable3.
1. Droit de la famille – 776, [1990] R.J.Q. 639, [1990] J.Q. no 76 (C.A.).
2. Droit de la famille – 2992, [1998] R.D.F. 381, REJB 1998-6927, [1998] J.Q. no 4546 (C.Q.) ;
Adoption – 0710, [2007] R.D.F. 387, [2007] J.Q. no 3499 (C.Q.).
3. Droit de la famille – 2992, [1998] R.D.F. 381, REJB 1998-6927, [1998] J.Q. no 4546 (C.Q.).
B.Déclaration d’admissibilité à l’adoption
29. Généralités – Outre le consentement des parents biologiques, la loi prévoit une deuxième
voie d’ouverture du dossier d’adoption : la déclaration judiciaire d’admissibilité à l’adoption.
S’il n’est pas possible de procéder à l’adoption sur la base d’un consentement parental, il
faudra donc se tourner vers le tribunal à qui le législateur attribue le pouvoir de déclarer
un enfant adoptable (art. 546 C.c.Q.).
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III. Famille – L’enfant
1. Conditions de la déclaration d’admissibilité à l’adoption
a) Conditions relatives à l’adopté
30. Généralités – Pour être déclaré admissible à l’adoption, l’enfant doit d’abord se trouver
dans l’une des quatre situations factuelles énoncées à l’article 559 C.c.Q. Dans chacune de
ces situations, l’enfant est privé de soutien parental pour une raison ou pour une autre. La
preuve d’une telle situation constitue la première étape du processus menant au prononcé
de la déclaration d’admissibilité à l’adoption (i). La deuxième étape du processus fait appel
aux capacités de redressement ou de réhabilitation des parents biologiques, le cas échéant (ii).
Quant à la troisième étape, elle s’articule autour du principe fondamental du meilleur intérêt
de l’enfant (iii).
(i) Preuve d’une situation factuelle prévue à l’article 559 C.c.Q.
L’enfant a plus de trois mois et ni sa filiation paternelle ni sa filiation maternelle ne sont
établies – art. 559(1) C.c.Q.
31. Principe – Lorsqu’il n’existe aucune déclaration de naissance ni aucun mode judiciaire
ou extrajudiciaire permettant d’établir la filiation de l’enfant, tant à l’égard du père que de
la mère, et qu’un délai de trois mois s’est par ailleurs écoulé depuis la naissance, l’enfant peut
être déclaré admissible à l’adoption.
Les père et mère ou le tuteur, le cas échéant, n’ont pas assumé de fait le soin, l’entretien ou
l’éducation de l’enfant depuis au moins six mois – art. 559(2) C.c.Q.
32. Champ d’application – Cette deuxième hypothèse fait référence aux cas d’enfants
négligés, délaissés ou abandonnés. Il s’agit du scénario le plus fréquemment invoqué devant
le tribunal. À défaut d’être défini par la loi, le comportement parental visé par l’article 559(2)
C.c.Q. doit être apprécié concrètement en fonction des circonstances propres à chaque
affaire1. En général, il y a négligence, délaissement ou abandon lorsque les parents ou le tuteur
ne satisfont pas les besoins de l’enfant par des gestes concrets et répétés qui témoignent
d’une dépense d’énergie et d’une attention soutenue2. Il revient au demandeur (généralement
le DPJ) de faire la preuve, par prépondérance, de cet état de fait3.
1. Jacques A. ARCHAMBAULT et Claude BOISCLAIR, « L’interprétation de l’abandon et la
probabilité de reprise en charge de l’enfant dans une demande en déclaration d’admissibilité
à l’adoption », (1994-95) 25 R.D.U.S. 27.
2. T.V.-F. c. G.C., [1987] 2 R.C.S. 244, [1987] A.C.S. no 50 ; Droit de la famille – 132, [1984]
T.J. 2036.
3. Directeur de la protection de la jeunesse c. A.T., [2005] R.J.Q. 1398, [2005] J.Q. no 6786
(C.A.).
33. Évaluation objective – L’évaluation du comportement parental doit se faire de manière
purement objective, sans égard au caractère volontaire ou involontaire du délaissement ou
de l’abandon de l’enfant. Il est maintenant clairement admis en jurisprudence que le tribunal
n’a pas à juger ou à sanctionner la conduite des parents, mais à constater s’ils ont ou non
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assumé de fait le soin, l’entretien ou l’éducation de l’enfant au cours des six derniers mois1.
Une telle position n’équivaut pas à disqualifier systématiquement les parents inaptes ou
limités. Il se peut que des parents soient en mesure, malgré leur handicap ou leurs limites,
d’assumer de fait le soin, l’entretien ou l’éducation de l’enfant2.
1. Droit de la famille – 1544, [1992] R.J.Q. 617, [1992] J.Q. no 257 (C.A.) ; Directeur de la
protection de la jeunesse c. A.T., [2005] R.J.Q. 1398, [2005] J.Q. no 6786 (C.A.) ; Droit de la
famille – 1741, [1993] R.J.Q. 647, [1993] J.Q. no 217 (C.A.) ; Protection de la jeunesse – 880,
[1999] R.D.F. 417, [1999] J.Q. no 5961 (C.A.). Voir aussi : Droit de la famille – 3745, [2000]
R.D.F. 604, [2000] J.Q. no 3749 (C.A.) ; É.L. (Dans la situation d’), J.E. 2004-1314, [2004]
J.Q. no 6831 (C.A.) ; Directeur de la protection de la jeunesse et N.L., [2005] R.J.Q. 1692,
[2005] J.Q. no 9374 (C.A.) ; Adoption (En matière d’), [2006] R.D.F. 464, [2006] J.Q. no 5801
(C.A.).
2. Droit de la famille – 1544, [1992] R.J.Q. 617, [1992] J.Q. no 257 (C.A.). Voir également :
Adoption – 09158, 2009 QCCA 1491, [2009] J.Q. no 7875 ; C.B. et S.C., [2006] R.D.F. 720,
[2006] J.Q. no 12385 (C.A.).
34. Période d’évaluation du comportement parental – La période de temps sujette à
l’évaluation judiciaire correspond aux six mois précédant la signification des procédures1.
À cette étape du processus, les gestes et actions posés entre le moment du dépôt des procédures et celui de l’audition ne sont pas pertinents. On ne doit pas davantage tenir compte
du comportement parental antérieur au commencement de la période de référence de six
mois. Circonscrire la période d’évaluation aux six mois précédant le début des procédures
ne revient toutefois pas à évacuer totalement le passé plus lointain de l’enfant. La Cour
d’appel a récemment confirmé l’utilité d’une mise en contexte plus générale permettant de
comprendre le vécu de l’enfant et de mesurer l’impact des mesures de protection dont il
aura pu faire l’objet2. Une telle interprétation se concilie parfaitement avec le principe du
meilleur intérêt de l’enfant. On ne saurait valablement apprécier l’intérêt de l’enfant dont le
destin est en jeu sans se soucier de ce qu’il a pu vivre entre le moment de sa naissance et le
jour de l’introduction des procédures.
1. Adoption – 09214, J.E. 2009-1921, [2009] J.Q. no 11283 (C.A.). Voir également : Directeur
de la protection de la jeunesse c. A.T., [2005] R.J.Q. 1398, [2005] J.Q. no 6786 (C.A.).
2. Adoption – 09158, 2009 QCCA 1491, par. 55, [2009] J.Q. no 7875. Voir également : Adoption –
07131, [2007] no AZ-50440419 (C.Q.).
35. Enfant faisant l’objet d’une mesure d’hébergement – Dans son appréciation des
circonstances, le tribunal doit tenir compte du fait que les parents biologiques assument ou
non la garde de leur enfant. Ainsi, faut-il se garder de conclure systématiquement que des
parents ne remplissent pas leur rôle parental au motif qu’ils ne dispensent pas les soins à
leurs enfants sur une base quotidienne1. Lorsque l’enfant est placé sous la protection juridique du DPJ et fait l’objet d’une mesure d’hébergement en famille d’accueil, l’évaluation
judiciaire doit se faire en fonction des moyens pris par les parents pour rectifier la situation
à l’origine du placement et de leur capacité à développer et entretenir des liens avec leur
enfant, en dépit du contexte applicable2.
1. Droit de la famille – 1544, [1992] R.J.Q. 617, [1992] J.Q. no 257 (C.A.) ; Protection de la
jeunesse – 880, [1999] R.D.F. 417, [1999] J.Q. no 5961 (C.A.).
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III. Famille – L’enfant
2. Directeur de la protection de la jeunesse c. A.T., [2005] R.J.Q. 1398, [2005] J.Q. no 6786
(C.A.) ; Directeur de la protection de la jeunesse et N.L., [2005] R.J.Q. 1692, [2005] J.Q.
no 9374 (C.A.) ; C.B. et S.C., [2006] no AZ-50397534 (C.A.) ; Adoption (En matière d’), [2006]
R.D.F. 464, [2006] J.Q. no 5801 (C.A.) ; Adoption – 09158, 2009 QCCA 1491, par. 52, [2009]
J.Q. no 7875 ; Adoption – 09214, J.E. 2009-1921, [2009] J.Q. no 11283 (C.A.).Voir également : Droit de la famille – 2643, [1997] R.D.F. 395, [1996] J.Q. no 4973 (C.Q.) ; Droit de la
famille – 2845, [1998] R.D.F. 155, [1997] J.Q. no 5513 (C.Q.) ; Droit de la famille – 1725, [1993]
R.D.F. 1, [1992] J.Q. no 1943 (C.Q.) ; Droit de la famille – 3421, [1999] R.D.F. 813 (C.Q.) ; C.L.
(Dans la situation de), [2004] R.D.F. 993, [2004] J.Q. no 9736 (C.Q.) ; A.S.T. (Dans la situation de), [2003] R.D.F. 747, [2003] J.Q. no 7566 (C.Q.) ; Y.L. (Dans la situation de), [2001]
R.D.F. 935, [2001] J.Q. no 6630 (C.Q.) ; Directeur de la protection de la jeunesse et A.T.,
[2005] R.D.F. 478, [2005] J.Q. no 4289 (C.Q.).
Les père et mère de l’enfant sont déchus de l’autorité parentale et ce dernier n’est pas
pourvu d’un tuteur – art. 559(3) C.c.Q.
36. Champ d’application – Cette troisième hypothèse suppose la déchéance de l’autorité
parentale des deux parents. Si un seul des parents est déchu, on ne pourra demander au
tribunal de déclarer l’enfant admissible à l’adoption. L’ouverture du dossier d’adoption
dépendra alors du consentement du seul parent titulaire de l’autorité parentale.
L’enfant est orphelin de père et de mère, et il n’est pas pourvu d’un tuteur – art. 559(4) C.c.Q.
37. Champ d’application – Contrairement aux trois autres hypothèses, cette situation est
constatée de facto par le tribunal et ne présente aucune difficulté spécifique.
(ii) Improbabilité d’une reprise en charge de l’enfant
38. Généralités – Si la situation de l’enfant ne correspond à aucune des quatre hypothèses
mentionnées ci-dessus, il ne pourra être admissible à l’adoption au sens de l’article 559 C.c.Q.,
et le processus d’adoption prendra fin aussitôt1. Si elle correspond à la première ou à la
quatrième hypothèse, le tribunal prononcera la déclaration d’admissibilité à l’adoption, sans
plus. Si c’est plutôt la deuxième ou la troisième hypothèse qui trouve application, c’est-à-dire
l’abandon, la négligence, le délaissement ou la déchéance de l’autorité parentale, le tribunal
devra procéder à une analyse supplémentaire.
1. Adoption – 09158, 2009 QCCA 1491, par. 91, [2009] J.Q. no 7875 ; Adoption – 09214, J.E. 20091921, [2009] J.Q. no 11283 (C.A.).
39. Présomption défavorable aux parents – Le tribunal devra évaluer la probabilité que
le père, la mère ou le tuteur de l’enfant, selon le cas, en reprenne la garde et soit en mesure
d’en assumer le soin, l’entretien ou l’éducation dans l’immédiat (ou, à tout le moins, dans
un avenir rapproché et défini) et de façon permanente (art. 561 C.c.Q.). L’improbabilité est
présumée, le comportement passé des parents laissant présager un comportement futur
identique.
40. Projet précis, structuré et vraisemblable de reprise en charge – Il appartient au père,
à la mère ou au tuteur qui s’oppose à une demande en déclaration d’admissibilité à l’adoption
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
fondée sur le deuxième ou le troisième paragraphe de l’article 559 C.c.Q. d’exposer au
tribunal les moyens concrets qu’il entend prendre pour assumer la charge de l’enfant et
répondre à ses besoins et attentes. Le simple souhait exprimé par un parent biologique de
renouer contact ne suffit pas à repousser la présomption1. Au-delà des bonnes intentions
qui l’animent, de l’amour véritable qu’il prétend avoir pour son enfant et de son apparente
sincérité, le parent doit faire la preuve d’un projet précis, structuré et vraisemblable de reprise
en charge de l’enfant2. À cet égard, le tribunal considérera les démarches que le parent a déjà
amorcées dans le but de reprendre sa vie en main (cure de désintoxication, thérapie ou autre
forme d’aide, entrée sur le marché du travail, obtention d’un logement adéquat, mobilisation
d’un réseau de soutien, etc.)3.
1. Droit de la famille – 3488, J.E. 2000-93, [1999] J.Q. no 6475 (C.A.).
2. Jacques A. ARCHAMBAULT et Claude BOISCLAIR, « L’interprétation de l’abandon et
la probabilité de reprise en charge de l’enfant dans une demande en déclaration d’admissibilité
à l’adoption », (1994-95) 25 R.D.U.S. 27, 93-96.
3. Adoption – 0725, [2007] R.D.F. 289, [2007] J.Q. no 3719 (C.A.) ; Adoption – 09158, 2009
QCCA 1491, par. 79, [2009] J.Q. no 7875.
41. Capacité de l’enfant à renouer contact – Selon la jurisprudence, le tribunal doit impé­
rativement tenir compte de la capacité de l’enfant à assumer une nouvelle relation avec ses
parents biologiques. La perspective du bien-être de l’enfant demeure inéluctable. Les parents
auront beau démontrer qu’ils ont désormais la capacité de donner à l’enfant un cadre de vie
adéquat, encore leur faudra-t-il faire la preuve que l’enfant est en mesure d’intégrer ce cadre
et de s’y épanouir, compte tenu du vécu qui aura été le sien jusqu’à ce jour. En somme, on
doit se demander s’il est encore possible que la « colle reprenne »1. Dans la mesure où les
parents parviennent à repousser la présomption légale, l’enfant devra leur être restitué2.
1. Droit de la famille – 1741, [1993] R.J.Q. 653 (C.A.) ; Adoption (En matière d’), [2006] R.D.F. 464
(C.A.) ; Adoption – 09158, 2009 QCCA 1491, par. 82, [2009] J.Q. no 7875 ; Adoption – 0791,
[2007] R.D.F. 433, [2007] J.Q. no 8106 (C.A.).
2. Adoption – 09214, J.E. 2009-1921, par. 45, [2009] J.Q. no 11283 (C.A.).
(iii) Intérêt de l’enfant
42. Généralités – Après avoir constaté l’abandon ou le délaissement de l’enfant (première
étape) et, le cas échéant, l’improbabilité d’une reprise en charge par les parents (seconde
étape), il reviendra au tribunal de se demander si l’adoption représente, dans le contexte, la
meilleure option pour l’enfant (troisième étape). À ce stade pourtant avancé de l’évaluation, le
processus d’adoption pourrait donc encore achopper sur la base du critère de l’intérêt de l’enfant
(art. 543 C.c.Q.)1. Une solution de rechange, comme le placement en famille d’accueil, pourrait
ainsi se substituer à la procédure enclenchée si l’intérêt de l’enfant le justifie2.
1. Droit de la famille – 3640, J.E 2000-1243, [2000] J.Q. no 5232 (C.A.) ; Adoption – 0791,
[2007] R.D.F. 433, [2007] J.Q. no 8106 (C.A.).
2. Voir, par exemple : Droit de la famille – 1914, [1994] R.J.Q. 564, [1994] J.Q. no 2475 (C.A.).
Voir également : Droit de la famille – 3718, [2000] R.D.F. 824 (rés.), p. 37 et 38 du texte
intégral, [2000] J.Q. no 3063 (C.Q.).
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III. Famille – L’enfant
43. Critères d’appréciation – Dans l’arrêt Droit de la famille – 34881, la Cour d’appel précise
que la notion d’intérêt de l’enfant appliquée dans le contexte d’une demande en déclaration
d’admissibilité à l’adoption doit s’apprécier à la lumière de deux principes, soit l’effet de
l’écoulement du temps chez l’enfant et les liens significatifs que celui-ci aura pu développer
avec sa famille d’accueil2. Dans la mesure où, durant la période d’abandon, l’enfant a tissé
des liens affectifs significatifs avec sa famille d’accueil et où il conçoit ses parents d’accueil
comme ses seuls véritables parents, le tribunal pourra difficilement envisager une autre
option que l’adoption3. Le préjudice qu’en subirait l’enfant à court et long terme serait hors
de proportion avec les avantages que pourrait éventuellement procurer le maintien du lien
d’origine. En somme, l’adoption représentera, dans ces circonstances, le seul moyen d’accorder
légalement à l’enfant ce que le temps lui aura déjà permis d’acquérir4.
1. J.E. 2000-93, [1999] J.Q. no 6475 (C.A.).
2. Dans l’affaire Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto c. C.M., [1994]
2 R.C.S. 165, [1994] A.C.S. no 37, la juge L’Heureux-Dubé écrivait d’ailleurs : « Parmi les
facteurs servant à cerner l’intérêt véritable, celui du bien-être affectif d’un enfant revêt une
très grande importance, particulièrement lorsque la preuve révèle que retirer l’enfant de sa
famille d’accueil pour le retourner chez ses parents naturels risquerait d’avoir des conséquences
négatives à long terme. »
3. Voir, par exemple : Adoption – 0725, [2007] R.D.F. 289, [2007] J.Q. no 3719 (C.A.).
4. Adoption – 07131, [2007] no AZ-50440419 (C.Q.).
b) Conditions relatives au demandeur
44. Qualification – Selon l’article 560 C.c.Q., seuls le DPJ et l’enfant lui-même, s’il est âgé
d’au moins 14 ans, peuvent déposer une demande en déclaration d’admissibilité devant le
tribunal. Dans la mesure où ils entendent eux-mêmes se porter requérants à l’adoption, les
ascendants de l’enfant, ses parents en ligne collatérale jusqu’au troisième degré, de même que
les conjoints de ces ascendants ou parents, sont également autorisés à introduire la demande.
Toute autre personne désireuse d’adopter l’enfant n’aura d’autre choix que de s’adresser au
DPJ ou à l’enfant lui-même, s’il est âgé d’au moins 14 ans, et de lui manifester ses intentions.
Ces derniers pourront dès lors déposer la requête au tribunal et, le cas échéant, plaider la
cause de l’intéressé.
2. Effets de la déclaration d’admissibilité à l’adoption
45. Autorité parentale – Lorsqu’il prononce l’admissibilité de l’enfant à l’adoption, le
tribunal doit désigner la personne ou les personnes qui exerceront l’autorité parentale (art. 562
C.c.Q.). Il pourrait s’agir des futurs adoptants chez qui l’enfant réside déjà dans les faits en
vertu d’une mesure d’hébergement. Dans la majorité des cas, l’autorité parentale sera confiée
au DPJ jusqu’à l’ordonnance de placement. Ce dernier agira également à titre de tuteur
légal (art. 199, al. 2 C.c.Q.). En collaboration avec le centre jeunesse, le DPJ aura la res­
ponsa­bilité de prendre charge de l’enfant et de lui trouver une famille d’accueil adoptante
(art. 71 L.p.j.).
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
C.Consentement de l’adopté
1. Nécessité du consentement de l’adopté
46. Enfant de 10 ans et plus – L’obtention du consentement des parents biologiques ou,
à défaut, le prononcé d’une déclaration d’admissibilité à l’adoption, ne suffira pas à rendre
l’enfant adoptable. Si l’enfant est âgé de 10 ans ou plus, sa participation au processus sera
nécessaire (art. 549 C.c.Q.). Aussi, à moins qu’il ne soit dans l’impossibilité de manifester
sa volonté, son consentement libre et éclairé devra-t-il être préalablement obtenu. Notons
que ce consentement devra être maintenu durant toutes les procédures d’adoption, l’enfant
ayant le droit de changer d’idée à tout moment avant le prononcé du jugement d’adoption
et de communiquer son opposition au tribunal1.
1. A.V. (Dans la situation de), [2001] R.J.Q. 809, [2001] J.Q. no 697 (C.Q.).
47. Enfants de moins de 10 ans – En principe, l’adopté âgé de moins de 10 ans n’a pas à
consentir à sa propre adoption. Cependant, à la lecture de l’article 34 C.c.Q., on constate que
le tribunal doit, à chaque fois qu’il est saisi d’une demande mettant en jeu l’intérêt de l’enfant,
lui donner la possibilité d’être entendu si son âge et son discernement le permettent. Un
juge pourrait donc être amené à consulter le mineur âgé de moins de 10 ans et à considérer
son opposition au processus d’adoption dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont il
dispose pour déterminer ce qui sert le mieux son intérêt.
2. Forme du consentement de l’adopté
48. Consentement écrit devant témoins – Selon l’article 548 C.c.Q., le consentement de
l’adopté âgé de 10 ans ou plus doit être constaté par écrit devant deux témoins.
3. Effets du refus de l’adopté
49. Enfant de moins de 14 ans – Si l’enfant âgé entre 10 et 14 ans s’oppose à son adoption,
le tribunal pourra, selon les circonstances, refuser l’adoption, différer son jugement pour une
période de temps qu’il détermine ou prononcer néanmoins l’adoption (art. 549, al. 2 C.c.Q.).
Le refus de l’enfant de moins de 14 ans ne compromet donc pas a priori l’ouverture du
dossier. En dernier ressort, il appartiendra au tribunal de décider ce qu’il en adviendra, eu
égard au meilleur intérêt de l’enfant.
50. Enfant de 14 ans et plus – Quant à l’enfant âgé de 14 ans et plus, son opposition fera
obstacle à la démarche sans qu’il soit possible d’en faire fi. Ce dernier dispose donc d’un
véritable droit de veto à l’égard de sa propre adoption (art. 550 C.c.Q.).
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III. Famille – L’enfant
III.ORDONNANCE DE PLACEMENT
51. Généralités – Une fois les consentements à l’adoption obtenus ou la déclaration d’admis­
sibilité prononcée, le tribunal sera appelé à ordonner formellement le placement de l’enfant
auprès des futurs adoptants.
A.Conditions de l’ordonnance de placement
52. Délais de présentation – Dans la mesure où la procédure d’adoption résulte d’un
consentement, le placement ne pourra être ordonné qu’à l’expiration d’un délai de 30 jours
suivant la date à laquelle il aura été donné (art. 567 C.c.Q.). Ce délai correspond à la période
pendant laquelle le consentement peut être rétracté (art. 557 C.c.Q.). Si le processus résulte
plutôt d’une déclaration judiciaire d’admissibilité à l’adoption, l’ordonnance de placement ne
pourra être obtenue qu’à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant le prononcé du jugement,
cette période correspondant au délai d’appel (art. 494 C.p.c.).
53. Vérification des conditions de l’adoption – L’ordonnance de placement ne peut être
prononcée que si toutes les conditions de l’adoption ont été remplies (art. 568 C.c.Q.). Ainsi,
le tribunal saisi de la demande devra-t-il s’assurer que les consentements requis par la loi ont
été valablement obtenus, le cas échéant, et qu’ils ont été fournis en vue d’une « adoption qui
a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation entre l’enfant et sa famille d’origine ».
Cette précision permet de prévenir certains vices de consentement, notamment lorsque les
parents biologiques de l’enfant, aujourd’hui domiciliés au Québec, sont originaires d’un
pays où l’adoption ne produit pas de tels effets. Enfin, le tribunal doit voir à ce que la
démarche en cours respecte l’intérêt de l’enfant et, s’il y a lieu, considérer son opposition au
processus en fonction des dispositions applicables (art. 553, 559 et 560 C.c.Q.).
B.Effets de l’ordonnance de placement
54. Généralités – Sous réserve des exceptions prévues par la loi, le prononcé de l’ordon­
nance de placement empêche toute restitution de l’enfant à ses parents biologiques ou à
son tuteur, et fait obstacle à l’établissement d’un lien de filiation entre l’enfant et ses parents
par le sang (art. 569 C.c.Q.).
55. Autorité parentale et nom de l’enfant – L’ordonnance entraîne le placement de l’enfant
auprès des personnes qui entendent l’adopter. Elle leur confère l’exercice de l’autorité parentale
et permet à l’enfant d’exercer ses droits civils sous les nom et prénoms préalablement choisis
par l’adoptant (art. 569 C.c.Q.). Aucune modification ne sera cependant apportée à l’acte de
naissance de l’enfant. Comme nous le verrons plus loin, ce n’est qu’à la suite du jugement
d’adoption que le directeur de l’état civil sera habilité à faire les changements requis au
registre de l’état civil.
56. Sommaire des antécédents sociobiologiques – Aussitôt l’ordonnance de placement
prononcée, le DPJ doit remettre à l’adoptant qui lui en a fait la demande un sommaire des
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
antécédents sociobiologiques de l’enfant. Il doit également remettre aux parents biologiques
qui l’exigent un sommaire des antécédents de l’adoptant. Enfin, l’enfant âgé de 14 ans ou
plus a le droit d’obtenir un sommaire de ses propres antécédents. En toute hypothèse, le
contenu des sommaires délivrés doit respecter l’anonymat des parties impliquées (art. 71.1
L.p.j.). Ainsi, le sommaire relatif à l’enfant divulguera généralement son prénom à la naissance,
la date, l’heure et l’enregistrement de celle-ci, sa description physique et l’information médicale
pertinente. Quant au sommaire relatif aux parents biologiques, il précisera leur description
physique, leur degré de scolarité, leur milieu social, leurs goûts et aptitudes ainsi que leur
état de santé et leurs antécédents sociobiologiques.
57. Durée du placement – L’ordonnance de placement constitue le point de départ de la
période de probation de l’adoptant. En principe, l’enfant doit vivre au moins six mois auprès
de l’adoptant avant qu’un jugement d’adoption ne puisse être rendu. À la fin de ce délai, la
requête en adoption pourra être présentée au tribunal qui sera alors appelé à évaluer le degré
d’intégration de l’enfant dans sa famille adoptive.
La période de placement peut être réduite à trois mois lorsque le mineur a déjà vécu avec
l’adoptant antérieurement à l’ordonnance ou si d’autres facteurs pertinents le justifient
(art. 566 C.c.Q.). Selon le courant jurisprudentiel dominant1, la réduction de la période de
placement peut être demandée dans la requête en ordonnance de placement. Nous croyons,
quant à nous, qu’une telle demande ne peut être formulée qu’au moment du dépôt de la
requête en adoption2.
1. Droit de la famille – 1467, [1991] R.D.F. 485 (C.Q.). Voir également : Droit de la famille – 2082,
[1994] R.D.F. 804, [1994] J.Q. no 2859 (C.Q.) ; P.C. et I.P., [2005] no AZ-50300009 (C.Q.) ;
Dans l’adoption de A.B., [2005] no AZ-50315985 (C.Q.).
2. En ce sens, voir : Droit de la famille – 85, [1983] T.J. 2059 ; Droit de la famille – 2914, [1998]
R.J.Q. 963, [1998] J.Q. no 4893 (C.Q.) ; Au sujet de M.-L.F.-C., [2005] no AZ-50327989 (C.Q.).
58. Révocation de l’ordonnance – Les effets de l’ordonnance de placement ne sont pas
irrévocables. L’ordonnance de placement peut être révoquée à la demande de l’enfant luimême, s’il est âgé d’au moins 14 ans, ou de toute autre personne intéressée, lorsque l’adoptant ne présente pas sa demande d’adoption dans un délai raisonnable à compter de la fin
de la période minimale de placement, sauf prolongation par le tribunal (art. 571 C.c.Q.).
Qu’est-ce qu’un délai raisonnable ? Aucun critère n’étant fixé, le tribunal devra apprécier
la raisonnabilité du délai en fonction des circonstances de chaque affaire. On a déjà considéré
qu’un délai de 13 mois n’était pas déraisonnable, compte tenu du fait que le requérant attendait
de connaître la position des autres parties avant de déposer sa demande d’adoption1.
1. Droit de la famille – 689, [1989] R.J.Q. 2012 (C.Q.).
59. Cessation des effets de l’ordonnance – L’article 570 C.c.Q. prévoit qu’il y aura cessation des effets de l’ordonnance de placement si le tribunal refuse de prononcer l’adoption.
Il ne pourrait en être autrement, le placement constituant une période de probation précédant l’adoption.
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III. Famille – L’enfant
IV. JUGEMENT D’ADOPTION
60. Généralités – L’introduction de la requête en adoption constitue l’étape ultime du
processus enclenché. L’examen de la demande conduira le tribunal à vérifier le degré
d’adaptation de l’enfant à sa famille adoptive et à s’assurer que l’adoption servira véritablement ses intérêts (art. 543 C.c.Q.). Le tribunal ne peut prononcer l’adoption que si l’enfant
a vécu au moins six mois avec l’adoptant depuis l’ordonnance de placement (art. 566 C.c.Q.).
Comme nous l’avons précédemment mentionné, cette période de probation peut cependant
être réduite d’au plus trois mois, dans l’hypothèse où le mineur a déjà vécu avec l’adoptant
antérieurement à l’ordonnance ou si d’autres facteurs pertinents le justifient (art. 566, al. 2
C.c.Q.).
A.Conditions de la requête en adoption
61. Adaptation de l’enfant à sa famille adoptive – Le tribunal prononcera l’adoption de
l’enfant s’il constate que ce dernier s’est bien adapté à sa famille adoptive et si l’adoption
demeure toujours la meilleure option pour lui (art. 573 C.c.Q.). Dans la mesure où un rapport
indique que l’enfant ne s’est pas adapté à sa famille adoptive, les dispositions de l’article 825.5
C.p.c. trouveront application :
Lorsqu’est déposé au tribunal un rapport indiquant que l’enfant ne s’est pas adapté
à sa famille adoptive, le tribunal transmet copie du rapport à l’adoptant et, le cas
échéant, au tuteur ou au procureur de l’enfant. Il les avise en même temps du délai
qui leur est donné pour contester le rapport. Dans le cas où la personne dont l’adoption est demandée est âgée de 14 ans ou plus, le tribunal peut, s’il le juge opportun,
lui transmettre copie du rapport ; il est tenu de le faire s’il entend refuser l’adoption
en se fondant sur ce rapport.
Lorsque le rapport de probation est négatif ou que l’intérêt de l’enfant le justifie, le tribunal
peut à sa discrétion requérir toute autre preuve qu’il estime nécessaire pour éclairer sa décision. De même, des adoptants insatisfaits d’un rapport de probation peuvent, lors de
l’audition de la requête, produire d’autres éléments de preuve (art. 573 C.c.Q.).
62. Intérêt de l’enfant – En toute hypothèse, le tribunal conserve l’intégralité de son
pouvoir discrétionnaire pour apprécier la requête des adoptants à la lumière du meilleur
intérêt de l’enfant. Même si la preuve révèle que l’enfant s’est bien adapté aux adoptants, le
juge peut rejeter la requête s’il estime que l’adoption pourrait néanmoins desservir l’enfant
à plus ou moins long terme, que ce soit pour des considérations d’ordre identitaire ou pout
tout autre motif.
B.Effets du jugement d’adoption
63. Substitution de filiation – De forme plénière, l’adoption confère à l’adopté une nouvelle
filiation qui se substitue à sa filiation d’origine (art. 577 C.c.Q.). Ce dernier cesse par le fait
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
même d’appartenir à sa famille biologique au sens large et se voit empêché de réclamer une
filiation différente de celle nouvellement créée. Les membres de la famille biologique
deviennent donc des tiers à l’égard de l’enfant adopté, peu importe la relation qui pouvait
les unir à ce dernier. Conséquemment, les grands-parents biologiques de l’enfant ne pourront
plus invoquer à leur profit les dispositions de l’article 611 C.c.Q.1.
1. Dominique GOUBAU, « Le droit des grands-parents aux relations personnelles avec leurs
petits-enfants : une étude comparative des systèmes québécois, français et belge », (1991) 32
C. de D. 557, 601.
64. Adoption par le conjoint – Par exception au principe général, le lien de filiation de
l’enfant avec son père ou sa mère biologique subsistera. Il en sera ainsi lorsque l’enfant aura
été adopté par le conjoint ou la conjointe de ce parent à la suite d’un consentement spécial
donné en vertu de l’article 555 C.c.Q. Prévue à l’article 579 C.c.Q., cette mesure exceptionnelle qui permet la coexistence d’un lien biologique et d’un lien adoptif est-elle limitée à
l’adoption d’un enfant mineur ? Autrement dit, lorsqu’un majeur est adopté par le conjoint
de sa mère ou de son père biologique aux conditions prévues par l’article 545 C.c.Q., le
lien d’origine du majeur avec ce parent sera-t-il maintenu en dépit du jugement d’adoption ?
S’appuyant sur une interprétation large du terme « enfant » mentionné à l’article 579 C.c.Q.,
la jurisprudence majoritaire répond affirmativement à la question1.
1. Voir : Adoption (En matière d’), [2006] R.D.F. 647, [2006] J.Q. no 5954 (C.Q.) ; Adoption –
07159, [2007] no AZ-50454301 (C.Q.) ; Adoption – 07116, [2007] no AZ-50445928 (C.Q.) ; A.C.
c. L.G., B.E. 2005BE-520 (C.Q.) ; Adoption – 09212, 2009 QCCQ 8707, [2009] J.Q. no 10044.
Contra : A et B, [2006] R.D.F. 437, [2006] J.Q. no 1504 (C.Q.), où le tribunal considère que
la mesure prévue à l’article 579 C.c.Q. ne concerne que les mineurs (jugement infirmé en
appel sur un autre point par 2006 QCCA 1119, [2006] J.Q. no 10191).
65. Droits et obligations résultant de l’adoption – En mettant fin aux effets de la filiation
d’origine, l’adoption fait naître entre les adoptants et l’adopté les mêmes droits et les mêmes
obligations que la filiation par le sang (art. 578 C.c.Q.). Ainsi, les règles relatives à l’autorité
parentale, à l’obligation alimentaire et aux droits successoraux s’appliqueront dans les
rapports entre l’enfant adopté et sa nouvelle famille.
66. Empêchements au mariage – Bien que les liens de l’enfant avec sa famille biologique
soient rompus à tous égards, la Loi [fédérale] concernant le droit interdisant le mariage entre
personnes apparentées1 maintient les empêchements au mariage avec les parents de sang
en raison des risques que représentent les mariages consanguins (art. 577, al. 2 C.c.Q.).
Ainsi, non seulement l’enfant adopté ne pourra-t-il contracter mariage avec les membres
de sa famille adoptive, mais il ne pourra davantage se marier avec ses ascendants et des­
cendants en ligne directe et ses frères ou sœurs biologiques. Notons que le Code civil prévoit
les mêmes prohibitions que le droit fédéral en matière d’union civile. En d’autres termes,
l’enfant adopté ne pourra s’unir civilement avec ses ascendants et descendants en ligne directe
ou avec ses frères ou sœurs biologiques (art. 521.1 C.c.Q.).
Cela dit, selon l’article 578, al. 2 C.c.Q., la Cour supérieure a le pouvoir, suivant les circonstances, d’autoriser un mariage ou une union civile en ligne collatérale entre l’adopté et
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III. Famille – L’enfant
un membre de sa famille d’adoption. En vertu de cette mesure exceptionnelle, le tribunal
pourrait permettre des alliances qui ne heurtent pas l’ordre public. Pensons par exemple
au demi-frère et à la demi-sœur par adoption qui tomberaient amoureux l’un de l’autre après
avoir grandi dans des familles recomposées distinctes. Le mariage éventuel de ces personnes,
convenons-en, ne soulève rien de malsain. Quoi qu’il en soit, certains auteurs ont valablement questionné la constitutionnalité de cette disposition en matière matrimoniale, le
législateur fédéral n’ayant pas prévu semblable dérogation dans la Loi concernant le droit
interdisant le mariage entre personnes apparentées. En revanche, le pouvoir discrétionnaire du tribunal ne soulève aucun problème de cette nature en ce qui a trait à l’union civile,
le législateur provincial ayant pleine compétence sur le sujet.
1. L.C. 1990, c. 46.
67. Nom et prénoms de l’adopté / acte de l’état civil – Le jugement d’adoption permet
au tribunal d’attribuer à l’adopté les nom et prénoms choisis par l’adoptant (art. 576 C.c.Q.).
Contrairement à l’ordonnance de placement qui ne faisait qu’en autoriser l’usage, le jugement
d’adoption produit, à cet égard, des effets définitifs. À la demande de l’adoptant ou de l’adopté,
le tribunal pourrait toutefois permettre la conservation des nom et prénoms d’origine de
l’adopté.
Le jugement d’adoption devra être notifié au directeur de l’état civil, lequel aura l’obligation
de dresser un nouvel acte de l’état civil et d’y inscrire, le cas échéant, les nouveaux nom et
prénoms de l’enfant. Cet acte sera aussitôt substitué à l’acte primitif, dont copie ne pourra
plus être délivrée à quiconque, à moins que le tribunal ne l’autorise (art. 129, 132 et 149 C.c.Q.).
68. Effets rétroactifs du jugement d’adoption – Le jugement d’adoption peut exceptionnellement avoir un effet rétroactif, une particularité qui présente un intérêt en matière suc­
cessorale (art. 575 C.c.Q.). Pensons à une demande d’adoption présentée conjointement par
deux adoptants, dont l’un décède après le jugement en ordonnance de placement, mais avant
que le jugement d’adoption ne soit prononcé1. Dans une telle hypothèse, sur demande pré­
sentée par l’adoptant survivant, le tribunal pourra prononcer le jugement d’adoption tant à
l’égard de l’adoptant survivant que de l’adoptant décédé. Les effets de l’adoption remonteront
alors à la date de l’ordonnance de placement, ce qui permettra à l’adopté d’hériter de l’adop­
tant décédé, le cas échéant.
1. Voir : Droit de la famille – 3096, [1998] R.D.F. 789, [1998] J.Q. no 2652 (C.Q.), où, à la
demande d’un tiers intéressé, le tribunal a prononcé l’adoption en faveur d’un adoptant
unique, à la suite de son décès survenu quelques semaines après l’ordonnance de placement.
69. Reddition de comptes du tuteur – Si l’enfant était pourvu d’un tuteur, le jugement
d’adoption entraînera la fin de sa charge (art. 579 C.c.Q.). Relevé de ses droits et de ses
obligations, le tuteur devra, sans délai, rendre compte de sa gestion (art. 247 C.c.Q.).
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
V. CONFIDENTIALITÉ DES DOSSIERS D’ADOPTION
ET CONSULTATION
A.Principe légal de la confidentialité des dossiers d’adoption
70. Énoncé – L’article 582 C.c.Q. énonce le principe de la confidentialité des dossiers judiciaires et administratifs ayant trait à l’adoption d’un enfant. Aucun renseignement contenu
dans le dossier ne doit être révélé à quiconque, que ce soit durant le processus d’adoption
(art. 823.1 et 823.2 C.p.c.) ou après que le jugement d’adoption a été prononcé1.
1. Les règles qui protègent l’anonymat des parties durant les procédures d’adoption ne s’appliquent
pas si le dossier d’adoption repose sur un consentement spécial à l’adoption : art. 823.4 C.p.c.
B.Consultation des dossiers d’adoption
1. Consultation visant à assurer le respect de la loi
71. Énoncé et illustrations – L’article 582 C.c.Q. permet au tribunal d’autoriser la divulgation des renseignements contenus dans le dossier d’adoption dans le but de se conformer
à la loi. Pensons simplement aux empêchements au mariage entre l’adopté et sa famille
d’origine. Afin d’assurer le respect des prohibitions légales, nul doute qu’un tribunal pourrait
lever la confidentialité des données pertinentes1. Le tribunal pourrait également se pré­
valoir des dispositions de l’article 582 C.c.Q. afin de permettre à l’adopté de bénéficier de
privilèges statutaires ou conventionnels dont la mise en œuvre exige la divulgation d’éléments
autrement confidentiels. Pensons, par exemple, au legs qu’une mère d’origine aurait consenti
à son enfant biologique, adopté en bas âge2. Pensons également aux privilèges dont l’adopté
d’origine autochtone est en droit de se prévaloir en vertu de la Loi [fédérale] sur les Indiens3.
1. Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd.,
Québec, PUL, 2005, p. 284.
2. Droit de la famille – 91, [1983] T.J. 2061 (C.Q.). Voir également : Directeur de la protection
de la jeunesse et K.C., [2005] no AZ-50309078 (C.Q.), où le tribunal a autorisé le DPJ (agissant
en qualité de tuteur légal à deux enfants déclarés admissibles à l’adoption) à divulguer à la
Cour supérieure et aux autres personnes intéressées les renseignements nécessaires à l’obten­
tion d’un jugement déclaratif de décès de la mère biologique, permettant aux enfants de toucher
un produit d’assurance-vie.
3. L.R.C. (1985), c. I-5. Voir : Droit de la famille – 1765, [1993] R.D.F. 252 (C.Q.).
2. Consultation aux fins d’étude, d’enseignement, de recherche
ou d’enquête publique
72. Énoncé – Selon l’article 582, al. 2 C.c.Q., le tribunal peut autoriser la consultation des
dossiers d’adoption à des fins d’étude, d’enseignement, de recherche ou d’enquête publique,
à la condition, cependant, que soit respecté l’anonymat de l’enfant, des parents biologiques
et de l’adoptant1. Le tribunal rendra son jugement après avoir considéré l’objectif, le sérieux
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et la nécessité de la demande, la portée de celle-ci sur l’ordre public, la pertinence des ren­
seignements recherchés, la possibilité que la consultation puisse malgré tout s’effectuer dans
le respect de la confidentialité et l’intérêt de l’enfant2.
1. Voir : Droit de la famille – 1977, [1994] R.J.Q. 1170, [1994] J.Q. no 2460 (C.Q.), où la Gendarmerie royale du Canada a été autorisée à consulter des dossiers d’adoption afin de
compléter une enquête.
2. Droit de la famille – 1977, [1994] R.D.F. 411, [1994] J.Q. no 2460 (C.Q.) ; D. (K.), REJB 200345413 (C.Q.).
3. Recherche d’antécédents sociobiologiques et retrouvailles
73. Généralités – La recherche des antécédents sociobiologiques et le processus que l’on
connaît sous le nom de « retrouvailles » constituent une entorse plus sérieuse au principe de
la confidentialité des dossiers d’adoption. Ainsi, dans la mesure prévue par la loi, un adopté
ou des parents biologiques peuvent obtenir les renseignements leur permettant de connaître
leur profil respectif et, éventuellement, de se retrouver.
Il importe de noter que la recherche des antécédents sociobiologiques et les retrouvailles
n’engendrent aucune conséquence sur le lien de filiation créé par le jugement d’adoption.
Leur seule et unique finalité est de permettre aux parents biologiques et à l’adopté d’obtenir
certaines données les concernant et, dans certains cas, de reprendre contact.
74. Adopté majeur ou mineur de 14 ans et plus – L’article 583 C.c.Q. précise qu’un adopté
majeur, de même qu’un adopté mineur de 14 ans et plus, peut obtenir les renseignements lui
permettant de retrouver ses parents biologiques, à la condition que ces derniers aient préalable­
ment consenti à ce que ces renseignements soient rendus disponibles1. Notons que les parents
biologiques peuvent avoir consenti aux retrouvailles dès l’instant où ils ont donné leur consente­
ment à l’adoption ou à tout autre moment ultérieur.
1. Dans le cas où un seul des deux parents biologiques consent aux retrouvailles, celles-ci
pourront avoir lieu avec ce parent, indépendamment du refus de l’autre parent. Voir : Droit
de la famille – 1297, [1990] R.D.F. 93 (C.Q.).
75. Adopté de moins de 14 ans – L’enfant adopté de moins de 14 ans peut entreprendre une
démarche dans le but d’obtenir les renseignements lui permettant de retrouver ses parents
biologiques, à la condition que ces derniers, ainsi que ses parents adoptifs, y aient préalable­
ment consenti (art. 583, al. 2 C.c.Q.).
76. Parent biologique – Inversement, la mère et le père biologiques d’un enfant adopté
peuvent obtenir les renseignements leur permettant de le retracer, à la condition, cependant,
que l’enfant ait atteint l’âge de la majorité et y ait préalablement consenti (art. 583 C.c.Q.)1.
1. Un parent peut requérir les renseignements lui permettant de retrouver un enfant donné en
adoption sans le consentement de l’autre parent : Droit de la famille – 1297, [1990] R.D.F. 93
(C.Q.).
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77. Sommaire des antécédents sociobiologiques – Sur réception d’une demande de renseignements généraux, le centre jeunesse qui détient le dossier d’adoption concerné doit
communiquer au requérant toutes les données disponibles concernant ses antécédents sociobiologiques, hormis l’identité de l’autre partie ou tout autre renseignement susceptible de
compromettre la confidentialité exigée (art. 71.2 L.p.j.).
78. Qualité des consentements aux retrouvailles – Le troisième alinéa de l’article 583 C.c.Q.
précise que les consentements aux retrouvailles doivent être volontaires, préalables et ne
faire l’objet d’aucune sollicitation. Le fait pour un centre jeunesse d’aviser une partie d’une
demande de retrouvailles présentée par l’autre partie et de s’enquérir de sa volonté d’y consentir
ne constitue pas de la sollicitation1.
1. Droit de la famille – 27, [1984] C.A. 526.
4. Consultation à des fins médicales
79. Énoncé – Introduit lors de la réforme du Code civil de 1994, l’article 584 C.c.Q. établit
une dernière exception au principe de la confidentialité des dossiers d’adoption : la recherche
d’antécédents biologiques pour des raisons d’ordre médical. Cette disposition est venue
consacrer un courant de jurisprudence qui reconnaissait déjà la possibilité de consultations
dans un tel contexte.
Ainsi, lorsqu’un préjudice grave risque d’être causé à la santé physique ou psychologique
de l’adopté mineur ou majeur s’il est privé des renseignements qu’il requiert, le tribunal peut
permettre la divulgation de tels renseignements1. Les proches parents de l’adopté peuvent
également se prévaloir de ce droit.
La pertinence des motifs invoqués au soutien de la demande est laissée à la discrétion du
tribunal. Dans l’exercice de ce pouvoir, le tribunal n’autorisera que la divulgation des données
nécessaires à la satisfaction des besoins médicaux identifiés2. En tout état de cause, les
renseignements ne pourront être transmis qu’au personnel médical concerné, cette exception
ne permettant pas d’entreprendre des retrouvailles non désirées entre parents biologiques
et enfant adopté.
1. QUÉBEC (Ministère de la Justice), Commentaires du ministre de la Justice, t. 1, Québec,
Publications du Québec, 1993, art. 584 C.c.Q., p. 345.
2. Recherches permises : Droit de la famille – 140, [1984] T.J. 2049, où on a levé la confidentialité dans le cas d’une enfant atteinte de leucémie ; Droit de la famille – 1677, [1992]
R.D.F. 590 (C.Q.), où l’enfant était atteint de diabète. Voir également : F.C. (Dans la situation de), B.E. 2003BE-229 (C.Q.), où le tribunal juge que le demandeur, à l’égard de qui deux
actes de naissance ont été émis, subit un préjudice moral, physique et psychologique grave,
notamment en raison de l’imbroglio administratif que lui cause sa double identité civile
(sans doute provoquée par une adoption qu’il ignorait jusqu’alors). Le tribunal, tout en pré­
servant l’anonymat des parties impliquées, lui permet donc d’obtenir la divulgation de certains
renseignements. Recherches refusées : Droit de la famille – 657, [1989] R.D.F. 542 (C.Q.),
où l’enfant voulait prévenir la possibilité de donner naissance à un enfant handicapé ; Droit de
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III. Famille – L’enfant
la famille – 2367, [1996] R.J.Q. 829, [1996] J.Q. no 5382 (C.Q.), où l’enfant souffrait de problèmes
abdominaux et d’une dépression majeure ; Droit de la famille – 2835, [1997] R.D.F. 903 (C.Q.),
où l’enfant souhaitait être informé de l’identité de sa mère biologique dans le but de retrouver
une paix et un équilibre psychologiques.
VI. RÈGLES PARTICULIÈRES À L’ADOPTION INTERNATIONALE
80. Éléments de définition – Théoriquement, l’adoption internationale recouvre deux
réalités distinctes, soit l’adoption d’un enfant domicilié à l’étranger par des adoptants
domiciliés au Québec et l’adoption d’un enfant domicilié au Québec par des adoptants
domiciliés à l’étranger. En droit québécois, l’adoption internationale se conçoit surtout – pour
ne pas dire exclusivement – en référence à la première réalité (art. 563 C.c.Q.). C’est d’ailleurs
ce scénario d’adoption dont il est question dans ce sixième chapitre.
A.Dispositions communes aux dossiers d’adoption internationale
81. Intervention d’un organisme agréé – Depuis les modifications apportées à l’article 564
C.c.Q. en 20041, les démarches en vue de l’adoption d’un enfant domicilié hors Québec doivent
être entreprises par un organisme agréé par le ministre de la Santé et des Services sociaux
en vertu de l’article 71.16 L.p.j., sous réserve des exceptions prévues dans l’Arrêté concernant
l’adoption, sans organisme agréé, d’un enfant domicilié hors du Québec par une personne
domiciliée au Québec (A.M. 2005-019, 2006 G.O. 2, 245).
Selon cet arrêté, un adoptant peut être préautorisé par le Secrétariat à l’adoption internationale (ci-après « SAI ») – agissant au nom du ministre de la Santé et des Services sociaux – à
effectuer ses démarches d’adoption internationale sans l’intermédiaire d’un organisme
agréé. Sa seule obligation sera alors de rendre compte de ses démarches au SAI. Quatre
situations peuvent justifier une telle dispense. La première (et principale) situation concerne
les adoptions internationales d’un enfant apparenté (art. 7(1) de l’arrêté). La seconde situation concerne les adoptions d’enfants pris en charge par une autorité compétente en matière
de protection de l’enfance ou d’adoption dans un État pour lequel aucun organisme n’a été
agréé (art. 7(2) de l’arrêté). La troisième situation se rapporte à l’enfant pour qui l’adoption
représente la mesure la plus susceptible d’assurer le respect de ses droits soit parce qu’il se
trouve dans une situation telle que sa vie ou sa santé serait gravement en danger s’il n’était
pas adopté par l’adoptant, soit parce qu’il est affecté d’un handicap ou de caractéristiques
biologiques tels qu’il est rejeté par sa communauté dans son pays d’origine, soit parce qu’il
a été confié à l’adoptant dans son État d’origine et que, pendant une période de six mois
consécutifs au cours des deux dernières années, celui-ci en a assumé la garde et la surveillance,
l’a nourri, l’a entretenu et en a assuré l’éducation alors que ses parents ou son tuteur étaient
incapables de le faire (art. 7(3) de l’arrêté). La quatrième situation concerne l’adoption
d’enfants domiciliés dans une autre province canadienne (ou dans un territoire) qui sont confiés
aux soins d’une autorité compétente en matière de protection de l’enfance dans cette province
ou ce territoire (art. 8 de l’arrêté).
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Par ailleurs, l’adoptant qui a déjà entamé des démarches d’adoption par l’entremise d’un
organisme agréé dont l’agrément n’a pas été renouvelé ou a été suspendu ou révoqué peut
bénéficier de l’assistance du SAI pour les poursuivre, dans la mesure où le dossier a déjà été
transmis aux autorités étrangères. Il en est de même si l’organisme agréé s’est vu retirer par
les autorités étrangères le droit d’intervenir sur son territoire (art. 9(1) et 9(2) de l’arrêté).
Dans ces deux cas, l’adoptant n’aura donc pas à solliciter l’intervention d’un autre organisme
agréé. L’adoptant qui souhaite adopter un enfant domicilié dans un pays pour lequel aucun
organisme n’a été agréé pourrait également bénéficier d’une assistance spécifique du SAI
(art. 9(3) de l’arrêté).
1. Loi assurant la mise en œuvre de la Convention sur la protection des enfants et la coopération
en matière d’adoption internationale et modifiant diverses dispositions législatives en
matière d’adoption, L.Q. 2004, c. 3.
82. Évaluation psychosociale – Après avoir procédé à la signature du contrat prescrit avec
l’organisme agréé ou, le cas échéant, obtenu du SAI l’autorisation d’agir sans organisme
agréé selon l’arrêté ministériel, l’adoptant devra, préalablement à toute autre démarche,
faire l’objet d’une évaluation psychosociale destinée à déterminer sa capacité de répondre
aux besoins physiques, psychiques et sociaux d’un enfant adopté (art. 563 C.c.Q.).
En vertu de l’article 71.7 L.p.j., l’évaluation doit être effectuée par le DPJ, par un membre
de son personnel habilité à exercer cette fonction ou par un membre de l’Ordre des psychologues du Québec ou de l’Ordre des travailleurs sociaux du Québec qu’il désigne spé­
cifiquement (art. 33 L.p.j.). Cependant, lorsque l’adoption doit être prononcée hors du Québec
dans un État non assujetti à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la
coopération en matière d’adoption internationale, l’évaluation peut être faite par un membre
de l’Ordre des psychologues du Québec ou de l’Ordre des travailleurs sociaux du Québec
choisi par l’adoptant sur une liste de noms fournie par l’ordre professionnel concerné et
transmise au SAI (art. 71.7, al. 2 L.p.j.). Selon le troisième alinéa de l’article 71.7 L.p.j.,
« [l]’évaluation est effectuée, aux frais de l’adoptant, sur la base des critères convenus entre
les deux ordres professionnels, les directeurs de la protection de la jeunesse et le ministre
[...] ».
Certains adoptants manifestent le désir d’adopter un enfant à « besoins spéciaux », c’està-dire un enfant atteint d’un handicap ou d’un problème de santé sérieux ou étant considéré
« plus âgé ». Dans ce cas, l’intervenant responsable de l’évaluation psychosociale devra
inévitablement s’assurer de la motivation et de la capacité de l’adoptant à faire face aux défis
que représente la prise en charge d’un tel enfant (art. 71.7, al. 3 L.p.j.).
83. Critères de sélection du pays étranger – S’il veut voir sa candidature cheminer avec
succès, l’adoptant doit satisfaire aux critères de sélection édictés par les autorités étran­
gères. Bien que les conditions relatives à la personne de l’adoptant relèvent théoriquement
du droit québécois (art. 3083 C.c.Q.)1, les critères posés par les autorités étrangères n’en
demeurent pas moins incontournables. Dans la mesure où l’adoptant n’y satisfait pas, il sera
tout simplement disqualifié par les autorités étrangères et ne recevra jamais de proposition
d’enfant. Les critères de sélection peuvent porter sur différents aspects, notamment sur
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III. Famille – L’enfant
l’âge de l’adoptant, sur la différence d’âge qui le sépare de l’adopté, sur sa fertilité, sur la
présence ou l’absence d’enfants au sein de son foyer et sur son statut civil ou conjugal.
1. Droit de la famille – 2906, [1998] R.D.F. 370 (C.Q.) ; Droit de la famille – 3696, [2000]
R.D.F. 777, [2000] J.Q. no 2774 (C.Q.).
84. Transmission des documents administratifs – Après s’être assuré que l’adoptant ou
les adoptants se qualifient pour l’adoption dans le pays de leur choix, l’organisme agréé
transmettra aux autorités locales et étrangères l’évaluation psychosociale et les autres
documents administratifs requis, accompagnés, le cas échéant, d’une traduction certifiée
conforme. S’il est dûment autorisé à procéder sans l’intermédiaire d’un organisme agréé,
l’adoptant aura la responsabilité d’acheminer lui-même ces documents et d’en informer le
SAI (art. 19 et 20 de l’arrêté).
85. Proposition d’enfant – Dans la mesure où le dossier est jugé recevable par les autorités
étrangères, « une proposition d’enfant » en bonne et due forme sera transmise à l’adoptant
par l’intermédiaire de l’organisme agréé, le cas échéant. L’adoptant devra signifier son accord
par écrit à l’intérieur d’un certain délai. Cette décision sera acheminée aux autorités du pays
d’origine qui, selon le cas, entameront ou poursuivront les démarches d’adoption.
Le DPJ conserve le pouvoir d’intervenir dans le processus pour s’assurer qu’il est dans
l’intérêt de l’enfant « proposé » d’être jumelé à l’adoptant. À cette fin, le DPJ tiendra compte
des antécédents sociaux et médicaux de l’enfant et de tous les documents attestant son
adoptabilité, qui lui auront été transmis par le SAI ou par l’organisme agréé1.
1. Voir le Règlement sur l’adoption internationale, R.R.Q., 1981, c. P-34.1, r. 001.
86. Lettre de non-opposition du SAI – Après avoir analysé le dossier de l’adoptant et
s’être assuré qu’il satisfait aux conditions de la loi, le SAI sera appelé à émettre une lettre
précisant qu’il n’a pas de motifs d’opposition à faire valoir conformément au Règlement sur
la sélection des ressortissants étrangers1 (art. 71.8 L.p.j.).
1. R.R.Q., 1981, c. M-21.1, r. 2.
87. Citoyenneté canadienne de plein droit – Dans la mesure où, selon les normes du pays
d’où provient l’enfant, la décision d’adoption doit être prononcée par les autorités étrangères,
l’enfant pourra obtenir la citoyenneté canadienne sans autre formalité, pourvu que le SAI
atteste par écrit que le processus d’adoption est conforme aux exigences du droit québécois1.
Le SAI transmettra cette attestation au bureau canadien des visas du pays d’origine de
l’enfant. Dès réception de l’attestation, les agents de citoyenneté pourront octroyer la citoyenneté canadienne à l’enfant sans qu’il soit nécessaire de le soumettre à un examen médical.
1. Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption), L.C. 2007, c. 24, modifiant l’article 5.1
de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), c. C-29.
88. Statut de résident permanent préalable – Si, au contraire, le droit étranger renvoie
aux autorités québécoises le soin de prononcer l’adoption proprement dite, l’adoptant ne
pourra obtenir la citoyenneté canadienne au bénéfice de l’enfant qu’après avoir complété le
processus d’immigration usuel. Il n’aura alors d’autre choix que de parrainer l’enfant sous
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
la catégorie du regroupement familial et de compléter les démarches visant à lui procurer le
statut de résident permanent. Ainsi, l’adoptant devra-t-il compléter le formulaire d’engage­
ment envers l’enfant (disponible au bureau du ministère québécois de l’Immigration et des
Communautés culturelles) et transmettre aux autorités ministérielles la lettre de nonopposition émise par le SAI. Après avoir délivré le certificat de sélection, le ministère
québécois de l’Immigration et des Communautés culturelles acheminera les documents
d’immigration requis à l’ambassade canadienne du pays où l’enfant est domicilié afin qu’un
visa puisse lui être délivré. Cette délivrance ne pourra cependant être effectuée avant que
l’enfant ne se soit soumis à un examen médical dans une clinique ou un hôpital désigné
par l’ambassade canadienne.
89. Accueil de l’enfant – Selon les normes en vigueur dans le pays étranger, l’adoptant devra
soit s’y rendre pour aller chercher l’enfant, soit l’attendre au Québec. Dans cette deuxième
hypothèse, ce sera une personne désignée par l’organisme agréé, le cas échéant, ou par l’État
d’origine qui escortera l’enfant de son pays jusqu’au Québec. L’adoptant autorisé à procéder
sans l’intermédiaire d’un organisme agréé, conformément à l’arrêté ministériel, devra, dans
les meilleurs délais, aviser le SAI de l’arrivée de l’enfant au Québec (art. 29 de l’arrêté).
B.Procédures d’adoption internationale
90. Cadre juridique applicable – Les procédures d’adoption internationale peuvent être
ou non assujetties à la Convention de La Haye, le pays d’où provient l’enfant ne l’ayant pas
nécessairement signée ou ratifiée. Notons que la Convention a été initialement signée par
67 États en 1993. Elle est aujourd’hui en vigueur dans 78 pays.
1. Adoption dans un État non assujetti à la Convention de La Haye
91. Généralités – La procédure qui régit l’adoption d’un enfant domicilié dans un pays
non assujetti à la Convention de La Haye diffère en fonction des prescriptions du droit qui
y est applicable. Il est loisible à l’État étranger de déléguer aux autorités du pays d’accueil
le soin de rendre la décision d’adoption à proprement parler ou, au contraire, d’attribuer
cette prérogative à ses propres autorités.
a) L’adoption doit être prononcée au Québec
92. Ordonnance de placement préalable – Dans la mesure où le droit étranger (du pays
non assujetti à la Convention de La Haye) renvoie aux autorités du pays d’accueil la
responsabilité de délivrer la décision d’adoption à proprement parler, l’article 565 C.c.Q.
exige, tout comme en matière d’adoption interne, qu’une ordonnance de placement soit
préalablement rendue par la Cour du Québec. Avant de rendre l’ordonnance de placement,
le tribunal devra, conformément aux prescriptions de l’article 568 C.c.Q., s’assurer que
l’ensemble des conditions qui régissent l’adoption ont été remplies. À cet égard, le tribunal
exigera le dépôt de l’attestation émise par le SAI certifiant que le processus a été régulièrement suivi et que les conditions applicables ont été respectées.
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III. Famille – L’enfant
Conformément à l’article 3092 C.c.Q., le tribunal québécois devra évaluer l’admissibilité de
l’enfant à l’adoption et le consentement des parents biologiques à la lumière du droit en vigueur
dans le pays d’origine de l’enfant1. Il devra également s’assurer du respect des conditions
générales auxquelles l’adoptant doit satisfaire en vertu du Code civil. Celui-ci, rappelons-le,
peut présenter seul sa demande ou le faire conjointement avec un autre adoptant (art. 546 C.c.Q.).
Il doit être capable d’exercer ses droits (art. 546 C.c.Q.) et avoir au moins 18 ans de plus que
l’enfant, sauf si ce dernier est l’enfant de son conjoint ou si le tribunal en décide autrement, en
fonction de l’intérêt de l’enfant (art. 547 C.c.Q.). La Cour devra aussi prendre connaissance
de l’évaluation psychosociale de l’adoptant prescrite par l’article 563 C.c.Q. et vérifier la qua­
lification de l’organisme agréé en charge du dossier, tel que le requiert l’article 564 C.c.Q.
Il reviendra enfin au tribunal de s’assurer que les consentements des parents biologiques ont
été donnés en vue d’une adoption « qui a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation
entre l’enfant et sa famille d’origine » (art. 568 C.c.Q.), et ce, peu importe que le droit interne du
pays d’origine de l’enfant reconnaisse ou non de tels effets à l’adoption, étant entendu que ceux-ci
sont soumis, en droit québécois, à la loi du domicile de l’adoptant (art. 3092 C.c.Q.).
Exceptionnellement, si l’intérêt de l’enfant le justifie et si des « motifs sérieux » sont invoqués2,
le tribunal pourra prononcer l’ordonnance de placement malgré le fait que l’adoptant ne s’est
pas conformé aux dispositions des articles 563 et 564 C.c.Q. (art. 568 al. 3 C.c.Q.). Rappelons que ces articles imposent à l’adoptant l’obligation de confier à un organisme agréé
le mandat d’entreprendre ses démarches d’adoption et de se soumettre à une évaluation
psychosociale préalable aux conditions et suivant les modalités prévues dans la Loi sur la
protection de la jeunesse. L’adoptant qui bénéficie d’une telle mesure devra toutefois se
soumettre à une évaluation psychosociale contemporaine, effectuée par le DPJ (art. 568,
al. 3 C.c.Q.).
1. Par dérogation aux dispositions générales de l’article 2809 C.c.Q., il revient au juge québécois
d’exiger la preuve du droit étranger. Voir : Droit de la famille – 2906, [1998] R.D.F. 370
(C.Q.). Dans le même sens, voir : Adoption – 08581, 2008 QCCQ 14414, [2008] J.Q. no 16340
(C.Q.).
2. Dans Y.E. (Dans la situation de), [2002] R.D.F. 1050, 1054 (C.Q.), le tribunal disserte sur
la notion de « motif sérieux » en ces termes : « La détermination de ce qui constitue un
motif sérieux en vertu de cette disposition demeure [...] donc une question de fait qui doit
être examinée à la lumière de toutes les circonstances de l’espèce. [...] [R]appelons que le
paragraphe 574(3) C.c.Q. [dont les termes sont similaires à ceux de l’article 568(3) C.c.Q.]
constitue une exception au respect des conditions prévues à la loi, et doit, par conséquent,
être interprété de façon stricte. Une interprétation trop libérale pourrait créer une brèche
dans le mécanisme de protection des enfants impliqués dans des processus d’adoption et même
avoir pour effet de sanctionner des abus ». Selon le tribunal, l’ignorance de la loi ne saurait
constituer « un motif sérieux ». Voir également : Droit de la famille – 1561, [1992] R.D.F. 142
(C.Q.) ; J.M. et Directeur de la protection de la jeunesse des Centres jeunesse de Montréal,
[2006] R.D.F. 213, [2005] J.Q. no 19746 (C.Q.) ; Adoption – 09186, 2009 QCCQ 9091, [2009]
J.Q. no 10493 ; K.S. (Dans la situation de), [2003] R.D.F. 526, [2003] J.Q. no 4598 (C.Q.).
93. Requête en adoption – Comme en matière d’adoption interne, l’adoptant ne sera admis
à présenter sa requête en adoption que si l’enfant a vécu auprès de lui pendant une période d’au
moins six mois depuis l’ordonnance de placement1. Un rapport sur l’intégration et l’adaptation
de l’enfant (rapport de probation) dans son nouveau milieu devra être déposé au tribunal.
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Fasc. 31 – Filiation adoptive
Dans la mesure où l’enfant ne se serait pas adapté à sa famille adoptive, le DPJ interviendra,
au moment de la demande d’adoption, pour présenter à la Cour le rapport défavorable2. Le DPJ
interviendra également si, pour une raison ou une autre, l’adoptant ne souhaite plus adopter
l’enfant3.
Une fois le jugement « passé en force de chose jugée », le greffier du tribunal le notifiera
au directeur de l’état civil, lequel devra aussitôt dresser l’acte de naissance de l’enfant et
l’inscrire au registre de l’état civil (art. 132.1 C.c.Q.). L’enfant portera dès lors les nom et
prénoms choisis par l’adoptant (art. 576 C.c.Q.) et jouira d’une filiation pleine et entière
lui procurant les mêmes prérogatives que celle dont bénéficie tout autre enfant (art. 3092,
al. 2 et 522 C.c.Q.).
L’obtention du jugement d’adoption ne met pas fin aux engagements de l’adoptant. À la suite
du jugement d’adoption, celui-ci sera appelé à rendre compte de l’évolution de l’enfant aux
autorités étrangères en fonction de règles qui varient d’un pays à l’autre. Plusieurs États
exigent le dépôt d’un certain nombre de rapports d’évolution dans les années qui suivent
l’adoption. D’autres, de plus en plus nombreux, exigent le dépôt d’un rapport annuel jusqu’à
ce que l’enfant ait atteint l’âge de 18 ans. Les autorités étrangères ont le loisir de déterminer
le profil des personnes habilitées à procéder à l’évaluation de l’enfant. Certains États imposent
ainsi le recours à un psychologue ou à un travailleur social (parfois désigné par le DPJ),
tandis que d’autres permettent à l’adoptant de consigner lui-même les données qui permettront aux autorités étrangères de suivre l’évolution de l’enfant. Il reviendra à l’organisme agréé
d’accompagner l’adoptant dans ce processus et de transmettre aux autorités étrangères les
rapports exigés, accompagnés, le cas échéant, de leur traduction certifiée conforme.
L’adoptant dûment autorisé à effectuer ses démarches d’adoption sans organisme agréé doit
produire et transmettre lui-même les rapports d’évolution de l’enfant selon la forme, la
fréquence et dans les délais prévus par l’État d’origine de l’enfant. Il doit en déposer copie
auprès du SAI (art. 31 de l’arrêté).
1. Ce délai peut être réduit à trois mois, en vertu de l’article 566 C.c.Q.
2. Règlement sur l’adoption internationale, R.R.Q., c. P-34.1, r. 001, art. 9.
3. Droit de la famille – 2275, [1995] R.D.F. 821, [1995] J.Q. no 3219 (C.Q.).
b) L’adoption doit être prononcée à l’étranger
94. Reconnaissance judiciaire de la décision étrangère – Dans la mesure où, conformément au droit étranger (de l’État non assujetti à la Convention de La Haye), l’adoption a été
formellement prononcée dans le pays d’origine de l’enfant, il reviendra à la Cour du Québec
d’en reconnaître les effets. En d’autres termes, la décision d’adoption prononcée à l’étranger
devra faire l’objet d’une reconnaissance par la Cour du Québec pour produire ses effets au
Québec. La requête devra être accompagnée de copies certifiées de la décision d’adoption
et de la loi étrangère, à défaut de quoi elle sera jugée irrecevable (art. 825.6, al. 2 C.p.c.). Les
demandes relatives au changement de nom de l’enfant ou à un élément de son état civil,
comme la date de naissance, pourront être formulées dans la requête (art. 825.7 C.p.c. et
576 C.c.Q.). Au soutien de la requête, le tribunal exigera le dépôt de l’attestation émise par
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III. Famille – L’enfant
le SAI certifiant que le processus a été régulièrement suivi et que les conditions applicables
ont été respectées.
Contrairement au droit ancien qui n’autorisait la reconnaissance de décisions d’adoption
étrangères que si elles émanaient d’une autorité judiciaire, sont désormais considérés
recevables les actes notariés, les certificats délivrés par des fonctionnaires publics ou toute
autre attestation officielle d’adoption émise par une autorité compétente, et ce, même si les
effets que lui attribue le droit étranger ne sont pas en tous points similaires à ceux que le
Code civil du Québec rattache à l’adoption (art. 3092 et 581 C.c.Q.)1. Encore faut-il, cependant, que la décision étrangère puisse être assimilée à un acte d’adoption. L’adoption, est-il
utile de le rappeler, se caractérise par son appartenance aux institutions de filiation. Ainsi,
l’adoption simple, en vigueur dans plusieurs pays, demeure-t-elle un acte d’adoption, bien
qu’elle n’efface pas complètement le lien d’origine de l’enfant. En créant un lien de filiation
avec les parents adoptifs, l’adoption simple inscrit l’enfant sur un nouvel axe généalogique.
Le jugement ou l’acte d’adoption simple prononcé à l’étranger pourra donc faire l’objet
d’une reconnaissance judiciaire au Québec et se voir attribuer la totalité des effets d’une
adoption québécoise, dans la mesure où, comme nous le verrons ci-après, le consentement
donné par les parents d’origine le justifie2. En revanche, les institutions qui n’ont d’impact
que sur l’autorité parentale, l’exercice des droits civils et l’administration des biens ne pourront
être assimilées à une adoption. Tel est le cas, par exemple, de la Kafala, un régime juridique
en vigueur dans les pays de droit coranique, dont la grande majorité prohibe d’ailleurs
l’adoption sur la base du Coran3.
Conformément aux articles 574 et 3092 C.c.Q., il incombera également au tribunal québécois
d’évaluer l’admissibilité de l’enfant à l’adoption et, le cas échéant, le consentement des parents
biologiques, à la lumière du droit en vigueur dans le pays d’origine de l’enfant. Cela dit, il
ne revient pas au juge québécois de procéder à un examen au fond de la décision étrangère
(art. 3158 C.c.Q.) ou de remettre en cause la discrétion dont se serait prévalu un décideur
étranger, conformément aux règles applicables4.
La Cour devra en outre s’assurer du respect des conditions générales auxquelles l’adoptant
doit satisfaire en vertu du Code civil (adoption en solo ou conjointement avec une autre
personne (art. 546 C.c.Q.), capacité juridique (art. 546 C.c.Q.) et différence d’âge de 18 ans
avec l’adopté (art. 547 C.c.Q.)). Il lui faudra également vérifier les exigences imposées par les
articles 563 C.c.Q. (évaluation psychosociale de l’adoptant ou des adoptants) et 564 C.c.Q.
(intervention d’un organisme agréé, sous réserve des exceptions prévues à l’arrêté). Enfin,
le tribunal devra s’assurer que les consentements à l’adoption, le cas échéant, ont été donnés
en vue d’une adoption qui a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation entre l’enfant
et sa famille d’origine (art. 574 C.c.Q.).
Si l’intérêt de l’enfant le justifie et si des motifs sérieux sont invoqués5, la Cour pourrait
reconnaître la décision étrangère, bien que l’adoptant ne se soit pas conformé aux dispositions des articles 563 et 564 C.c.Q. (évaluation psychosociale préalable et intervention d’un
organisme agréé). Le tribunal devra néanmoins exiger le dépôt d’une évaluation psychosociale contemporaine (art. 574, al. 3 C.c.Q.). Bref, le juge appelé à reconnaître une décision
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d’adoption rendue à l’étranger bénéficie de la même marge de manœuvre que celui appelé
à prononcer une ordonnance de placement.
En cas d’urgence ou d’inconvénients sérieux, le tribunal ou toute autre personne intéressée
peut saisir le DPJ afin qu’il puisse mettre en œuvre les mesures appropriées en vue d’assurer
la protection de l’enfant (art. 71.9, al. 2 L.p.j.). L’intervention du DPJ s’avérera justifiée, par
exemple, si l’adoptant entend se désister de sa demande au motif qu’il ne souhaite plus adopter
l’enfant.
La reconnaissance de la décision étrangère produit les mêmes effets qu’un jugement d’adoption
prononcé au Québec6, et ce, à compter de la date à laquelle cette décision a été rendue (art. 581
C.c.Q.). Ainsi, les effets du jugement québécois rétroagiront à la date que porte la décision
rendue hors du Québec. Une fois le jugement « passé en force de chose jugée », le greffier
du tribunal devra le notifier au directeur de l’état civil, lequel devra aussitôt dresser l’acte
de naissance de l’enfant et l’inscrire au registre de l’état civil. Le directeur de l’état civil devra
y joindre la décision étrangère (art. 132.1 C.c.Q.). L’enfant portera dès lors les nom et prénoms
choisis par l’adoptant (art. 576 C.c.Q.) et jouira d’une filiation pleine et entière lui procurant les mêmes prérogatives que celle dont bénéficie tout autre enfant (art. 3092, al. 2 et
522 C.c.Q.).
Dans les mois et les années qui suivent l’adoption, l’adoptant sera tenu de produire des
rapports d’évolution de l’enfant, selon la fréquence, la forme et les modalités déterminées
par les autorités étrangères (voir supra no 93).
1. Droit de la famille – 2954, [1998] R.J.Q. 1317, [1998] J.Q. no 4977 (C.Q.). Voir également :
Droit de la famille – 3403, [2000] R.J.Q. 2252, 2260, [2000] J.Q. no 5111 (C.A.). Voir,
cependant : Droit de la famille – 1904, [1994] R.D.F. 167 (C.Q.) ; Gérald GOLDSTEIN et
Éthel GROFFIER, Droit international privé, t. 2, « Règles spécifiques », Cowansville, Éditions
Yvon Blais, 2003, p. 168.
2. Ce consentement devra avoir été donné en vue d’une adoption qui a pour effet de rompre
le lien préexistant de filiation entre l’enfant et sa famille d’origine : art. 574 C.c.Q.
3. Voir : Dans la situation de Z. (Z.E.), [2006] R.D.F. 193, [2005] J.Q. no 18332 (C.Q.) ; Droit de
la famille – 1904, [1994] R.D.F. 167 (C.Q.) ; Adoption – 08581, 2008 QCCQ 14414, [2008] J.Q.
no 16340 (C.Q.). Voir, toutefois : Droit de la famille – 3403, [2000] R.J.Q. 2252, [2000] J.Q.
no 5111 (C.A.), où la Cour d’appel semble assimiler la Kafala marocaine et l’adoption, voyant
des liens étroits entre les deux institutions. Il faut cependant souligner qu’aucune preuve
formelle du droit marocain n’avait été présentée au tribunal. Ce jugement doit donc être abordé
avec circonspection.
4. Voir : Y.E. (Dans la situation de), [2002] R.D.F. 1050, 1054 (C.Q.) ; C.B. et Directeur de la
protection de la jeunesse du Centre jeunesse de Montréal, J.E. 2005-1589, [2005] J.Q. no 11678
(C.Q.) ; Droit de la famille – 3696, [2000] R.D.F. 777, [2000] J.Q. no 2774 (C.Q.). Dans cette
dernière affaire, la Cour a reconnu une décision d’adoption prononcée par un tribunal guinéen,
en dépit du fait que le tribunal local avait passé outre à une règle de droit interne exigeant
une différence d’âge entre l’adoptée et l’adoptant. En l’espèce, les parties, un frère domicilié
au Québec désirant adopter sa sœur domiciliée en République de Guinée, ne satisfaisaient
pas à cette exigence. Le jugement n’est toutefois pas déterminant sur ce point puisque le
juge considérait de toute manière cette condition inapplicable eu égard aux dispositions de
l’article 3083 selon lesquelles l’état et la capacité d’une personne physique sont régis par la
loi de son domicile. Pour un commentaire de cette décision, voir : Gérald GOLDSTEIN et
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III. Famille – L’enfant
Éthel GROFFIER, Droit international privé, t. 2, « Règles spécifiques », Cowansville, Éditions
Yvon Blais, 2003, p. 177-178 et 182.
5. Sur la notion de « motifs sérieux », voir supra no 92, note 2.
6. Gérald GOLDSTEIN et Éthel GROFFIER, Droit international privé, t. 2, « Règles spécifiques », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 173.
2. Adoption dans un État assujetti à la Convention de La Haye
95. Généralités – La procédure applicable à l’adoption d’un enfant domicilié dans un État
assujetti à la Convention de La Haye varie en fonction des prescriptions du droit qui y sont
applicables. Comme pour l’adoption dans les pays non contractants, il est loisible à l’État
étranger de déléguer aux autorités du pays d’accueil le soin de délivrer le jugement ou l’acte
d’adoption à proprement parler ou, au contraire, d’attribuer cette prérogative à ses propres
autorités.
a) L’adoption doit être prononcée au Québec
96. Ordonnance de placement préalable – Si le droit du pays d’origine de l’enfant (assujetti
à la Convention de La Haye) délègue aux autorités du pays d’accueil le soin de prononcer
l’adoption, l’adoptant devra, à son retour au Québec, présenter une requête en ordonnance de
placement devant la Cour du Québec, conjointement avec le DPJ (art. 565 C.c.Q., 71.9 L.p.j.
et 825 C.p.c.). Avant de rendre l’ordonnance, le tribunal québécois devra s’assurer du respect
des conditions établies dans la Convention, notamment en vérifiant les acceptations délivrées
par l’autorité centrale étrangère et par le SAI en vertu de l’article 17c) de la Convention de
La Haye. À cet égard, le tribunal exigera le dépôt de l’attestation émise par le SAI certifiant
que le processus a été régulièrement suivi. L’analyse du tribunal ne se limitera pas, toutefois,
aux seules dispositions de la Convention. Le juge québécois devra également s’assurer du
respect des conditions du droit québécois et du droit étranger qui s’appliquent au dossier
d’adoption1 (voir supra no 92).
1. Gérald GOLDSTEIN et Éthel GROFFIER, Droit international privé, t. 2, « Règles spécifiques », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 187.
97. Requête en adoption – À la fin de la période de placement de six mois (ou de trois
mois, selon le cas), la Cour sera appelée à prononcer l’adoption de l’enfant, à la requête de
l’adoptant (art. 566 C.c.Q. et 825.4 C.p.c.). Le tribunal ne prononcera l’adoption que si l’enfant
s’est bien adapté à sa nouvelle famille. Un rapport sur l’intégration et l’adaptation de l’enfant
dans son nouveau milieu devra donc être déposé. Dans l’hypothèse où l’enfant ne serait pas
adapté à sa famille adoptive, le DPJ interviendra, au moment de la demande d’adoption,
pour présenter à la Cour le rapport négatif1. Si la Cour juge le placement non concluant, la
demande en adoption sera rejetée2.
Une fois le jugement « passé en force de chose jugée », le greffier du tribunal le notifiera
au directeur de l’état civil, lequel devra aussitôt dresser l’acte de naissance de l’enfant et
l’inscrire au registre de l’état civil (art. 132.1 C.c.Q.). L’enfant portera dès lors les nom et
prénoms choisis par l’adoptant (art. 576 C.c.Q.) et jouira d’une filiation pleine et entière
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lui procurant les mêmes prérogatives que celle dont bénéficie tout autre enfant (art. 3092,
al. 2 et 522 C.c.Q.).
En vertu de l’article 573.1 C.c.Q., « [l]e tribunal qui, dans le cadre de la Convention sur la
protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, prononce
l’adoption au Québec d’un enfant résidant habituellement hors du Québec délivre le certificat de conformité prévu à la Convention, dès que le jugement d’adoption est passé en
force de chose jugée ». Ce certificat doit indiquer « quand et par qui les acceptations visées
à l’article 17, lettre c) [de la Convention de La Haye], ont été données ». Ainsi certifiée,
l’adoption de l’enfant sera reconnue de plein droit dans tous les autres États signataires3.
Dans les mois et les années qui suivent l’adoption, l’adoptant sera tenu de produire des rapports
d’évolution de l’enfant, selon la fréquence, la forme et les modalités déterminées par les
autorités étrangères (voir supra no 93).
1. Règlement sur l’adoption internationale, R.R.Q., c. P-34.1, r. 001, art. 9.
2. L’article 21 de la Convention de La Haye s’appliquera. Dans les faits, l’enfant sera immédiate­
ment confié au DPJ qui tentera de lui trouver le plus rapidement possible un nouveau foyer
d’adoption.
3. Art. 23 de la Convention. Selon l’article 26 de la Convention, puisque l’adoption québécoise
a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, l’enfant jouira, dans tous les États
contractants, des droits équivalents à ceux résultant d’une adoption produisant cet effet dans
chacun de ces États, sans préjudice à son droit de bénéficier de l’application de toute disposition qui lui serait plus favorable dans un État contractant reconnaissant l’adoption. Voir,
cependant, l’article 24 de la Convention qui permet à tout État de refuser la reconnaissance
d’une adoption qu’il considère manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de
l’intérêt supérieur de l’enfant.
b) L’adoption doit être prononcée à l’étranger
98. Reconnaissance de plein droit de la décision étrangère – Si, conformément au droit
étranger, la décision d’adoption est délivrée dans le pays d’origine de l’enfant (assujetti à la
Convention de La Haye), il ne sera pas nécessaire d’en obtenir la reconnaissance judiciaire
par la Cour du Québec (art. 565 C.c.Q.).
Ce n’est pas dire, cependant, qu’aucune démarche ne sera requise au retour de l’adoptant.
Celui-ci devra transmettre au SAI le certificat de conformité délivré par l’autorité étrangère,
accompagné de la déclaration contenant le nom qu’il a choisi pour l’enfant, et ce, dans les
60 jours de sa délivrance. Le SAI devra s’assurer que le certificat délivré par l’autorité
compétente indique « quand et par qui les acceptations visées à l’article 17, lettre c) [de la
Convention de La Haye], ont été données ». À défaut de telles indications, le SAI refusera de
reconnaître la validité du certificat de conformité. De même, le SAI refusera de cautionner
le certificat de conformité s’il estime que l’adoption prononcée à l’étranger est manifestement contraire à l’ordre public, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, ou si « les
consentements requis pour l’adoption n’ont pas été donnés en vue d’une adoption qui a
pour effet de rompre le lien préexistant de filiation entre l’enfant et sa famille d’origine ». Le
SAI peut saisir la Cour du Québec afin d’obtenir son avis sur la conformité du certificat
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de conformité, sur la validité des consentements parentaux ou sur la reconnaissance de
l’adoption au Québec, eu égard à l’ordre public et à l’intérêt de l’enfant1.
Si le droit interne du pays d’origine de l’enfant ne reconnaît pas l’adoption plénière (voir
supra no 2), l’article 27(1) de la Convention de La Haye permet à l’autorité compétente de
l’État d’accueil, en l’occurrence le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec
(agissant par l’intermédiaire du SAI), de « bonifier » la décision étrangère en lui procurant
les effets d’une telle adoption, mais uniquement dans le cas où le consentement fourni par
les parents biologiques autorise la rupture définitive du lien filial2.
Selon l’article 581, al. 2 C.c.Q., la reconnaissance de plein droit d’une adoption prévue par
la Convention de La Haye produit les mêmes effets qu’un jugement d’adoption rendu au
Québec à compter du prononcé de la décision d’adoption. À moins qu’il n’ait saisi le tribunal,
le SAI doit notifier au directeur de l’état civil le certificat de conformité délivré par l’autorité
compétente étrangère et la déclaration contenant le nom choisi pour l’enfant (art. 132.1, al. 4
C.c.Q.), accompagnés, le cas échéant, du certificat ministériel attestant la conversion de
l’adoption dressé en vertu de l’article 9 de la Loi assurant la mise en œuvre de la Convention
sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et modi­
fiant diverses dispositions législatives en matière d’adoption3. À partir des documents ainsi
obtenus, le directeur de l’état civil dressera l’acte de naissance de l’enfant et l’insérera dans
le registre de l’état civil. L’enfant portera dès lors les nom et prénoms choisis par l’adoptant
(art. 576 C.c.Q.) et jouira d’une filiation pleine et entière lui procurant les mêmes prérogatives
que celle dont bénéficie tout autre enfant (art. 3092, al. 2 et 522 C.c.Q.).
Dans les mois et les années qui suivent l’adoption, l’adoptant sera tenu de produire des
rapports d’évaluation de l’enfant, selon la fréquence, la forme et les modalités déterminées
par les autorités étrangères (voir supra no 93).
1. Loi assurant la mise en œuvre de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et modifiant diverses dispositions législatives
en matière d’adoption, L.Q. 2004, c. 3, art. 6 à 9.
2. Loi assurant la mise en œuvre de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et modifiant diverses dispositions législatives
en matière d’adoption, L.Q. 2004, c. 3, art. 9, al. 3.
3. L.Q. 2004, c. 3.
C.Confidentialité des dossiers d’adoption internationale et consultation
99. Principe – Le législateur soumet les dossiers d’adoption internationale au même principe
de confidentialité que les dossiers d’adoption interne (art. 582 et 3092, al. 2 C.c.Q.). Les
tempéraments et exceptions au principe sont également similaires, compte tenu des adapta­
tions nécessaires. Dans la mesure où l’enfant provient d’un pays où la règle de la confiden­
tialité n’existe pas, la loi québécoise n’aura toutefois qu’une portée théorique : à leur arrivée
au Québec, les parents adoptifs auront alors en main une copie de l’acte de naissance d’origine
de l’enfant ou, à tout le moins, d’autres données permettant d’identifier les parents d’origine.
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100. Sommaire d’antécédents – Le SAI doit conserver les dossiers d’adoption internationale
(art. 71.27 L.p.j.) et assurer le respect des dispositions du Code civil (art. 71.4, al. 3 L.p.j.). En
outre, le SAI doit remettre à l’adoptant qui en a fait la demande un sommaire des antécédents
de l’enfant. Il lui incombe également de remettre aux parents biologiques qui l’exigent un
sommaire des antécédents de l’adoptant. Enfin, l’enfant âgé de 14 ans ou plus a le droit
d’obtenir un sommaire de ses propres antécédents (art. 71.14 L.p.j.). Dans tous les cas, le
contenu des sommaires délivrés doit respecter l’anonymat des parties impliquées (art. 71.15
L.p.j.). En conséquence, le sommaire relatif à l’enfant ne divulguera que son prénom à la
naissance, la date, l’heure et l’enregistrement de celle-ci, sa description physique et l’infor­
mation médicale pertinente. Quant au sommaire relatif aux parents biologiques, il indiquera
leur description physique, leur degré de scolarité, leur milieu social, leurs goûts et aptitudes
ainsi que leur état de santé et leurs antécédents sociobiologiques.
101. Consultation des dossiers – Selon l’article 582 C.c.Q., le tribunal peut autoriser l’accès
aux dossiers d’adoption internationale pour assurer le respect de la loi. Il peut également
en permettre la consultation à des fins d’étude, d’enseignement, de recherche ou d’enquête
publique, à la condition que soit respecté l’anonymat de l’enfant, des parents biologiques et
de l’adoptant. De même, lorsque la santé physique ou psychologique de l’adopté ou de l’un
de ses proches est menacée s’ils sont privés des renseignements requis, le tribunal peut en
permettre la divulgation au personnel médical concerné (voir supra nos 71, 72 et 79).
102. Retrouvailles – Bien qu’il puisse poser certaines difficultés pratiques dans un contexte
d’adoption internationale1, le processus des retrouvailles demeure également applicable
(voir supra nos 73 à 76 et 78). L’article 30 de la Convention de La Haye consacre d’ailleurs cette
réalité de façon expresse en confiant à chaque État contractant le soin d’édicter les règles
qui lui agréent pour permettre ou favoriser « l’accès de l’enfant ou de son représentant à
ces informations, avec les conseils appropriés ». Sous l’égide du SAI, les personnes et les
tribunaux à qui la loi confie des responsabilités en matière d’adoption d’enfants domiciliés
à l’étranger pourront s’échanger, communiquer ou obtenir des renseignements confidentiels
« relativement à l’adoption, aux antécédents sociobiologiques et aux retrouvailles » (art. 71.12
L.p.j.). Le SAI pourra également obtenir, auprès des organismes publics, les renseignements
lui permettant de localiser les parties concernées (art. 71.13 L.p.j.). En somme, le SAI constitue
le guichet unique, l’interlocuteur de l’adopté international à la recherche de ses origines.
1. Françoise-Romaine OUELLETTE, « Les noms et papiers d’identité des enfants adoptés à
l’étranger », dans Agnès FINE (dir.), États civils en question. Papiers, identités, sentiment de
soi, Paris, Éditions du CTHS, 2008, p. 147.
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