Des visites des monuments des camps au Père-Lachaise

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Des visites des monuments des camps au Père-Lachaise
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les faits du mois
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 846 - octobre 2010
Les Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation sont à l’origine des visites commentées des
monuments de la Déportation du Père-Lachaise organisées par la Ville de Paris. La conférencière chargée de ces visites depuis un an,
arrière-petite-fille de déporté, est adhérente à la FNDIRP et tout naturellement aux Amis. Élodie Bulfay nous a retracé son parcours
et ses motivations.
Avec les Amis de la Fondation
Des visites des monuments
des camps au Père-Lachaise
Parmi les premiers projets concrétisés par
les Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation figure un partenariat
conclu avec la Ville de Paris pour l’organisation au cimetière du Père-Lachaise de
visites commentées de l’impressionnant
espace mémoriel dédié aux victimes des
camps de concentration et d’extermination nazis. Cinq visites par an sont maintenant effectuées le dimanche après-midi
par un conférencier agréé par la ville, cette mission étant assurée depuis 2009 par
Élodie Bulfay, 26 ans, arrière-petite-fille
de déporté et adhérente aux Amis de la
Fondation.
« La mairie de Paris recherchait un nouveau conférencier pour ces visites et les Amis
m’ont demandé si je voulais m’en charger.
J’ai immédiatement accepté et la mairie m’a
embauchée…», explique Élodie Bulfay, de
passage au Patriote Résistant. A vrai dire,
la jeune femme semblait toute désignée
pour mener à bien cette tâche. Diplômée
en histoire, elle a également baigné depuis
l’enfance dans la mémoire de la Résistance
et de la Déportation.
« Mon arrière-grand-père, Georges Marie,
a été déporté à Sachsenhausen et à Ellrich, il
est mort en déportation, nous apprend-elle.
Très affectée par cette disparition, sa fille, ma
grand-mère, a toujours milité à la FNDIRP.
J’ai commencé toute jeune à l’accompagner
à la section de Drancy (Seine-Saint-Denis),
à participer à ses activités et aux cérémonies. Ma grand-mère évitait de s’appesantir sur les horreurs de la Déportation mais
m’a beaucoup parlé de la Résistance et de
ses idéaux d’égalité et de fraternité, il a toujours été question de tolérance dans ma famille. Puis j’ai découvert par moi-même ce
qu’avait été l’univers concentrationnaire, j’ai
beaucoup lu. J’ai fait le Concours national
de la Résistance et de la Déportation. A 17
ans, je crois, j’ai suivi le stage de formation
en Alsace de la Fondation pour la mémoire
de la Déportation ; c’était particulièrement
intéressant de discuter avec les autres participants des moyens de transmettre cette
mémoire. Le stage m’a aussi permis de découvrir le camp de Natzweiler-Struthof ».
Élodie Bulfay, qui s’est rendue dans plusieurs autres camps de concentration, dit
apprécier profondément « la richesse de ces
voyages mémoire avec les déportés », qu’elle côtoie depuis toujours.
Sa mère est aussi une militante de l’ADIRP
de Seine-Saint-Denis et des Amis de la
Fondation. Dès la création de la Délégation
territoriale (DT) des Amis dans le département, l’une et l’autre y ont adhéré sans hésiter, « même si nous sommes très attachées à
la section de Drancy de la FNDIRP car celleci est liée au souvenir de ma grand-mère ».
Résidant aujourd’hui dans le Val-de-Marne,
elle a adhéré à la DT de ce département.
« Pour moi, les Amis sont une suite logique,
assure-t-elle, un moyen de relancer la mémoire de la Résistance et la Déportation et
d’attirer des gens plus jeunes ».
Du symbolique
au pédagogique
Après avoir assuré pendant trois ans
le secrétariat de l’amicale Dora-Ellrich,
Élodie Bulfay travaille maintenant à la médiathèque d’Alfortville (Val-de-Marne),
section jeunesse, ce qui lui donne aussi
l’occasion de sensibiliser ce public à la
déportation et aux génocides. Mais cinq
dimanches par an, c’est aux visiteurs des
monuments des camps au Père-Lachaise
qu’elle s’adresse. La séance dure une heure trente, les groupes se composent d’une
quinzaine de personnes en moyenne.
Mais qui sont-elles ?
« Il y a beaucoup d’adhérents de la
FNDIRP et des Amis de la Fondation,
parfois d’anciens déportés. Viennent aussi
des amoureux du Père-Lachaise qui veulent connaître les différents aspects de
son histoire ou des esprits curieux soucieux d’apprendre. Le bouche-à-oreille
fonctionne, mais pas suffisamment. Nous
aimerions que les gens extérieurs à notre
milieu soient plus nombreux, les visites
sont trop peu connues. Le cimetière est
géré par le service des Parcs et Jardins de
la mairie qui n’a pas diffusé l’an dernier
le programme des animations, ce qui nous
a pénalisés. Seuls les panneaux d’information lumineux de l’arrondissement ont
annoncé les visites. Cela ne devrait plus
être le cas cette année… »
Il faut l’espérer car l’ensemble unique
que forment les onze monuments des
camps de concentration et d’extermination, auxquels s’ajoutent le « monument
aux Espagnols morts pour la liberté » et
celui du convoi 73 vers les pays baltes,
vaut vraiment le déplacement et une visite guidée. La conférencière y expose
l’histoire de la 97e division, qui jouxte le Mur des fédérés, et celle des monuments qui y ont été édifiés de 1949 à
2006 par les amicales de camp souhaitant
entretenir le souvenir de leurs camarades disparus et exhorter à la vigilance.
« Pour chacun d’entre eux, ajoute-t-elle,
je donne un bref historique du camp qu’il
évoque ainsi que de l’œuvre elle-même, en
pointant ses caractéristiques artistiques et
Des
visiteurs attentifs aux explications d’É lodie
architecturales. La plupart sont très symboliques et expriment la volonté de résistance des déportés. Mais la conception des
monuments a évolué avec le temps et du
symbolique on est passé progressivement
au pédagogique ».
Élodie Bulfay forme le projet de faire venir des classes car, dit-elle, « la richesse des
monuments permet d’aborder la visite sous
des angles différents. On peut s’attacher à
l’esthétique des œuvres ou travailler sur les
Bulfay
au cimetière du
Père -L achaise.
mots, puisque des vers ou des inscriptions
sont gravés dans la pierre. Je crois qu’on
peut faire comprendre aux élèves comme
aux adultes l’importance de connaître le
passé pour mieux appréhender le présent et
mieux défendre les valeurs de la République.
Chaque association qui travaille dans le
domaine des droits de l’homme utilise ses
propres armes. Les nôtres sont l’histoire
et la mémoire de la Déportation et des géIrène Michine
nocides ».

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