Le cœur et les bras
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Le cœur et les bras
les faits du mois LE PATRIOTE RÉSISTANT N° 885 - avril 2014 Réflexion La FNDIRP et le monde de la Déportation dans les années mémorielles Le cœur et les bras En cette année mémorielle les célébrations porteront essentiellement, et à juste titre, sur les débarquements en Normandie et en Provence, les hauts faits de la Résistance et l'action des forces alliées, dont la 2 e DB, qui ont abouti à la libération du t erritoire français. Mais il y a aussi d'autres événements qui ont m arqué 1944 : l’aggravation de la répression et les arrivées massives dans les camps de concentration des Français et des ressort issants d'autres pays européens. Ainsi s'est constitué, de manière tragique, le matériau du devoir de mémoire qui a été, et demeure, l'une des préoccupations essentielles de la FNDIRP. Ce devoir a consisté à rétablir les faits, à lutter contre les mensonges des révisionnistes puis des négationnistes, à montrer dans toute son ampleur l'entreprise monstrueuse de déshumanisation des camps de concentration et l'horreur des camps d'extermination et des génocides. Une action qui, malheureusement, reste encore d'actualité. Cependant, très rapidement, s'est posée la question de la transmission de cette mémoire, afin que tous les enseignements puissent en être tirés pour éviter, dans la mesure du possible, que de telles tragédies se reproduisent. La liste est longue et fournie des activités poursuivies dans ce sens par les dirigeants et les militants de la FNDIRP. Puis, dès les années 1980, les dirigeants de la Fédération, en particulier Charles Joineau en sa qualité de secrétaire général et ensuite de président délégué, se sont préoccupés de la pérennité de cette mémoire et de sa transmission. C'est ainsi qu’en 1990 la FNDIRP avec l'UMIF (Union des Mutuelles d’Ile-de-France) ont créé la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en assurant la totalité de son financement initial. Dans l'esprit des efforts qu'elle avait poursuivis durant toute son existence en vue de créer une coopération entre toutes les organisations de déportés, la FNDIRP a proposé à la FNDIR et à l'UNADIF de participer aux travaux de la Fondation, ce qu'elles ont accepté. Progressivement, l’ensemble des associations et amicales de camps se sont également réunies en son sein. Placée sous la présidence de Marie-Claude VaillantCouturier puis, après son décès, sous celle de MarieJosé Chombart de Lauwe, irriguée par les informations et les témoignages vécus, fournis en particulier par les membres de la Fédération, renforcée par les contributions de son Conseil scientifique, la Fondation a accompli un immense travail de documentation, d'édition et de réalisations audio-visuelles. Elle a a pporté ainsi une contribution déterminante à l 'entrée dans l 'Histoire de la mémoire de la Déportation. Elle est devenue et restera dans l'avenir, par la poursuite de ses activités, le cœur de cette mémoire et des enseignements à en tirer. La question de la transmission a constitué l'une des activités principales de la FNDIRP et de ses membres. Exposés dans les lycées et les collèges, public ations, conférences et colloques, expositions, le Patriote Résistant en a abondamment rendu compte. La FNDIRP poursuit ses activités, marquées par ses liens indissolubles avec la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Le statut juridique de cette dernière ne lui permettant pas d'avoir des adhérents individuels, il a été créé, en accord avec toutes les parties initiatrices de la Fondation, une Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, qui fonctionne à travers tout le pays grâce à ses délégations territoriales. Enfin, des « bras » pour la transmission sont également fournis par toutes les organisations représentées ainsi que par les amicales des camps. La constitution au sein de la Fondation du Conseil représentatif de la mémoire de la Déportation (CRMD), qui regroupe l’ensemble des acteurs de cette mémoire, donne une impulsion aux projets communs. Il paraît évidemment essentiel, au-delà des acti vités habituelles, que tous ces relais, nourris notamment par la FNDIRP et la Fondation, se réunissent et coopèrent pour donner à la célébration en 2015 du 70 e a nniversaire de la libération des camps et de la création de la FNDIRP – en rappelant tout ce qu'elle a accompli durant ces décennies – tout l'éclat et la signif ication qu'elle mérite. Serge Wourgaft 5 « Ami, ne lui ouvre pas ta porte… » « N´écoutez plus, braves gens, Ce fléau du genre humain, L´aboiement écœurant De cette bête à chagrin Instillant par ces chants de sirène La xénophobie et la haine. Laissons le soin aux lessives De laver plus blanc que blanc. Les couleurs enjolivent L´univers si différent. Refusons d´entrer dans cette ronde Qui promet le meilleur des mondes. » « Attention mon ami, je l´ai vue. Méfie-toi : la bête est revenue ! C´est une hydre au discours enjôleur Qui forge une nouvelle race d´oppresseurs. Y a nos libertés sous sa botte. Ami, ne lui ouvre pas ta porte… » Ainsi chantait Pierre Perret en 1998… Le retour de l’extrême droite et la montée en puissance du Front national ne datent pas d’hier, mais un cap alarmant vient d’être franchi lors des municipales. Ce numéro du PR est envoyé à l’imprimerie avant le second tour mais, quels que soient les résultats du 30 mars, ceux du premier tour auront déjà clairement montré le succès de la stratégie d’implantation du FN sur fond de crise économique et de fort ressentiment à l’égard de nos gouvernants. Une situation très préoccupante, au-delà même des municipales et des prochaines élections européennes. Raison de plus pour les anciens déportés et leurs associations de rappeler qu’aucun accommodement ne peut jamais être trouvé avec un ou des partis qui recourent au chauvinisme et à la démagogie, qui prônent la discrimination, le racisme et la xénophobie, nous renvoyant aux heures les plus sombres de notre histoire. I.M. Flossenbürg : « Il y a une volonté de détruire toute trace de l’histoire tragique de ce lieu de mémoire » Pour Michel Clisson, président de l’Association des d éportés et familles de disparus du camp de Flossenbürg, c’est un scandale : le Land de Bavière a confirmé courant mars que le projet controversé d’aménagement extérieur du Mémorial de Flossenbürg ne serait pas modifié. Au mépris des demandes insistantes des déportés français et des « paroles rassurantes » qui leur ont été prodiguées depuis nombre d’années. Le litige, qui oppose l’Association des déportés au Land mais aussi à la Fondation des mémoriaux b avarois, la Ville de Flossenbürg et le Mémorial de Flossenbürg, porte notamment sur deux colonnes de granit de la porte d’entrée du camp, qui avaient été déplacées dans la zone du crématoire lors des travaux de démolition d’ateliers industriels implantés sur la place d’appel après la guerre. L’Association avait emandé le retour de ces piliers à leur emplacement d historique dans le cadre des projets de rénov ation et d’aménagement du site examinés par le Comité scientifique consultatif à partir de la fin des années 1990. « La symbolique de cette porte d’entrée a mar qué des milliers de déportés qui ont eu à la franchir, c’est une image forte que l’on ne peut ignorer », écrit Pierre Clisson dans le bulletin de janvier 2014 de l’Association. Au Comité scientifique, l’unanimité s’était faite sur cette option en 2008… jusqu’à ce qu’un autre projet soit présenté de façon unilatérale en juin 2013, prévoyant entre autres l’installation d’une réplique des deux colonnes de la porte – réalisées en béton lisse… et un engazonnement des surfaces à l’emplacement des baraques des détenus. L’option « pelouse » étant pour les déportés « insupportable ». Un autre désaccord porte sur les aménagements de la rue desservant un lotissement construit en 1947 au-dessus du camp. Ainsi, « dès son arrivée, il [le jeune visiteur] bénéfi ciera d’une heureuse perspective, avec deux bâtiments parfaitement restaurés sous un enduit de teinte claire, dans un environnement de pelouses verdoyantes, le tout intégré dans un cadre apaisé de “ jardin public”. Il y a là une volonté manifeste de détruire totalement toute trace de l’ histoire tragique de ce lieu de “mémoire” », écrit Michel Clisson. Désormais, tout est bloqué, nous a-t-il précisé, ajoutant que la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, qui soutient pleinement l’Association dans ses demandes et démarches, va prendre le relais pour tenter d’obtenir une é volution plus favorable. n