1849 histoire de profanations

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1849 histoire de profanations
1849
HISTOIRE DE PROFANATIONS
De tous temps, il y eut des profanations, à l’étranger comme en
France. Les plus célèbres profanations datent de la Révolution et concernent
particulièrement Saint-Denis et les rois de France. Il y en eût de moins
célèbres soit pour vol, par vengeance ou pour tout autre chose, comme il est
conté ici.
En 1849, le cimetière du Montparnasse fut le théâtre d’horribles
profanations, et un piège tendu par les gardiens, amena la découverte du
coupable.
Vers l’année 1847, une violation de sépulture avait été commise à
Bléré, près de Tours. La femme du fossoyeur crut remarquer dans les ténèbres
que l’auteur de ce crime devait être un des jeunes soldats de la troupe alors de
passage dans la commune, mais l’affaire n’eut pas de suite.
Plus tard, des profanations semblables furent remarquées au cimetière
du Père-Lachaise, mais on ne put en découvrir l’auteur. Cependant, une nuit,
un garde du cimetière trouva blotti dans une fosse fraîchement creusée,
François Bertrand, 25 ans, né à Voircy en Haute Marne ; enrôlé volontaire, il
était sergent à la 3e compagnie du 2e bataillon du 74e de ligne.
Il était revêtu de son costume militaire. Aux questions qui lui furent
adressées, Bertrand répondit avec le plus grand calme :
« Je suis venu à un rendez-vous d’amour, j’attendais une femme, le
sommeil m’a surpris dans ce tombeau où je m’étais blotti. »
Les gardiens le reconduisirent à la caserne de Reuilly, où était son
régiment.
Les profanations recommencèrent dès la nuit suivante ; mais à peine
eurent-elles cessé au Père-Lachaise qu’un fait analogue fut constaté à Ivry, et
en effraya les habitants.
Une maladie rapide avait enlevé à ses parents une jeune fille de sept
Émile de La Bédollière, (1812-1883). Le nouveau Paris : histoire de ses 20 arrondissements./Gallica - BNF
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HISTOIRE DE PROFANATIONS
ans. Elle fut placée dans une bière revêtue de la plus belle de ses robes, ayant
à ses côtés ses jouets préférés. La nuit suivante on trouva la fosse et le
cercueil de l’enfant ouverts, les vêtements en lambeaux, le cadavre mutilé.
Une main sacrilège avait fouillé dans les entrailles, et en avait arraché
le cœur. Aucune trace de vol n’ayant été constatée, on attribua cette
incompréhensible exhumation au père de l’enfant qui aurait, égaré par sa
tendresse, cherché à se procurer ces reliques chéries. L’enquête innocenta le
père qui porta plainte devant le procureur de la république.
Une surveillance active ne donna rien. Ce fut ensuite au cimetière
Montparnasse que des violations de sépultures furent signalées. Chaque matin,
quelques temps après les jourées de juin 1848, les gardiens du cimetière
trouvaient des cadavres de femmes arrachés de leur sépulture, mutilés,
étendus sur le sol dans des allées peu fréquentées, jetés sur des dalles
tumulaires, où l’on semblait avoir partiqué de mystérieuses opérations.
Une surveillance n’amenant aucun résultat, les gardiens du cimetière
Montparnasse imaginèrent de dresser un piège. Un canon de fusil chargé
à
mitraille jusqu’à la gueule, fut placé sur une tombe et recouvert de zinc et de
couronnes.
L’embouchure du canon fut dirigé vers un mur haut de près de neuf
pieds (2m70), où l’on avait remarqué des traces d’escalade. Un fil de fer
attaché à la détente devait, à la première tentative d‘escalade, faire partir la
charge. On se tint sur ses gardes pour accourir au bruit de la détonation.
Vers minuit, une épouvantable explosion se fit entendre ; les gardiens
s’élancèrent et aperçurent un homme déjà entré dans le cimetière, et qui, à
leur vue, bondissant avec une extrême agilité, s’élança de l’autre côté du mur.
Les gardiens lui tirèrent un coup de fusil ; mais la crainte de s’entre-tuer dans
le noir, leur fit cesser leur poursuite.
Émile de La Bédollière, (1812-1883). Le nouveau Paris : histoire de ses 20 arrondissements./Gallica - BNF
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HISTOIRE DE PROFANATIONS
On prit des lanternes et on examina le mur et alentours. Il y avait du
sang, des lambeaux de vêtements militaires et des empreintes de pas. Un
rapport fut adressé au préfet de police .
Le jour de l’exécution de Daix et Lahr, les troupes postées aux
environs de la barrière de Fontainebleau s’étendaient jusqu’aux abords du
cimetière. Le fossoyeur qui creusait la tombe des suppliciés, entendit deux
sapeurs du 74e raconter qu’un sergent de leur régiment était entré la veille
cruellement blessé au Val-de-Grâce.
Il avait reçu un coup de mitraille et ne donnait que de vagues
explications sur l’accident dont il était victime. Le fossoyeur prêta l’oreille, et
comme la profanation était connue de tous les employés du cimetière, il se
hâta d’avertir la justice.
On se transporta au Val-de-Grâce. Sur un lit gisait, criblé de cinq
blessures, le sergent Bertrand. Pourtant, comment le soupçonner ?
Entré au service le 28 janvier 1844, il s’était toujours bien conduit et
remplissait honorablement les fonctions de secrétaire du trésorier du régiment.
Une information eut lieu, et Bertrand fit à M. le docteur Marchal de
Calvi, chirurgien-major, les aveux les plus complets. Bien sûr, le médecin était
tenu par le secret professionnel, et il n’en fit part à la justice qu’après avoir eu
l’autorisation de Bertrand.
Le sergent fut traduit, le 10 juillet 1849, devant un conseil de guerre ;
il avoua qu’il lui était arrivé d’ouvrir, dans une seule soirée, dix ou quinze
cercueils, et qu’il prenait un affreux plaisir à mutiler les cadavres, à leur
arracher les entrailles, à en disperser les lambeaux.
Considéré comme monomane, il fut condamné seulement à un an de
prison et aux frais de la procédure.
Émile de La Bédollière, (1812-1883). Le nouveau Paris : histoire de ses 20 arrondissements./Gallica - BNF

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