L`avenir de l`école juive en France
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L`avenir de l`école juive en France
FSJU FSJU L’avenir de l’école juive en France Dimanche 27 juin, lors du Conseil National du Fonds Social Juif Unifié, la Direction de l’action scolaire, a révélé les résultats d’une étude sur l’avenir de l’école juive en France. Patrick Petit-Ohayon, Directeur de l’action scolaire du FSJU a exposé un bilan chiffré des constructions passées, avant de donner des propositions pour un plan d’action à 10 ans. Présentation des principaux résultats. Par Paula Haddad irecteurs d’établissements, représentants des réseaux scolaires, enseignants. De nombreux acteurs du monde éducatif juif d’Ile-de-France et des régions avaient fait le déplacement à l’Espace Rachi, pour cette matinée exceptionnelle consacrée à l’avenir de l’école juive. David Saada, directeur du Fonds social juif unifié (FSJU) a ouvert la session, rappelant le rôle crucial du FSJU, depuis les années 1970, dans l’éducation juive, par la création du Fonds d’investissement pour l’éducation, de l’Institut André et Rina Neher, et de la Fondation Rachel et Jacob Gordin. Un investissement qui a permis à l’école juive d’être une des réussites les plus spectaculaires de la communauté, avec désormais 30 525 élèves dans 102 groupes scolaires (2008-2009). Ces dernières années, le réseau de l’enseignement juif a subi des mutations, c’était l’objet de la première partie « Dynamisme et fragilité » présentée par Patrick Petit-Ohayon. Il ne s’agit pas ici d’une étude unique, mais de la synthèse de plusieurs travaux menés depuis 15 ans dans le cadre de l’Observatoire national de l’école juive et d’une étude récente sur la cartographie de l’école juive réalisée par Marlène Lehrer à la demande de la Fondation Gordin. Par ailleurs, les échanges lors du GIC biannuel de l’enseignement et des discussions informelles avec les directeurs, enseignants, parents et responsables communautaires ont nourri cette série de constats. D Evolution des effectifs entre 1990 et 2010 et géographie de l’école juive A la rentrée 2009-2010, l’ensemble du réseau scolaire juif a accusé une nouvelle stagnation avec un léger recul sur 16 juillet 10 - Communauté Nouvelle n° 169 les établissements sous contrat de -98 élèves (soit -0,36%). Un bilan qui se chiffre depuis la dernière rentrée importante, celle de 2005, et pour les mêmes établissements, à -141 élèves (-0,52%). Toutefois, ce recul des effectifs ne tient pas compte de deux facteurs, l’ouverture de deux structures récentes, l’Ecole juive Moderne à Paris et l’Ecole Juive d’Aix-en-Provence, et le déplacement des élèves vers le hors contrat, qui ne fait pas l’objet d’une enquête annuelle. Ainsi, il convient de parler de stabilisation du réseau et non, pas de régression. Si l’on regarde l’évolution des effectifs par niveau d’étude, la baisse la plus forte se situe en primaire avec -99 élèves en 2009, et -379 élèves depuis 2006, l’équivalent de 19 classes, ce qui n’est pas sans conséquences sur les structures. Dans le 2ème degré, on constate une progression très modérée, + 34 élèves en collège (soit + 0, 46%), et + 20 élèves en lycée (soit + 0, 32%), due à l’arrivée d’élèves de l’école publique, à partir de la classe de 6ème. Ceci amène pour la première fois à un croisement des courbes d’évolution des effectifs du 1er degré et 2ème degré en 2009-2010 ; une situation qui devrait se reproduire en 2016 avec la progression des naissances a expliqué le Directeur de l’action scolaire. Quels sont les paramètres d’évolution des effectifs ? On peut citer la crise économique qui a poussé certains parents FSJU FSJU hors de l’école juive et qui n’ont pas souhaité faire une demande de bourse, la suppression des cours le samedi matin, qui conjugué au facteur précédent, a déculpabilisé la sortie de l’école juive en primaire, et l’impact de l’alyah, notamment celle des jeunes qui fondent leur famille en Israël. Du point de vue pédagogique, on compte la perte de lisibilité de certains projets, d’où l’édition par le FSJU d’un « Guide des Ecoles juives », l’inévitable crise de maturité du fait du passage des « pionniers » aux « continuateurs », et l’exigence continue des parents, aussi bien en termes de réussite que de qualité d’enseignement. « On veut aller à l’école juive pour gagner, pas pour perdre » a souligné Patrick Petit-Ohayon. L’évolution des effectifs se traduit également dans une cartographie très précise de l’école juive en France. En 2010, environ 71% des effectifs sont en Ile-de-France, avec 34% à Paris et 11% en Seine-St-Denis. A noter toutefois une baisse à Paris, du fait des migrations, les gens passent davantage le périphérique, pour se loger et scolarisent leurs enfants ailleurs. Ainsi, les départements du 92 et 94 connaissent une progression significative de 1995/96 à 2008/ 2009. Cette carte, composée de 13 académies et de « zones blanches » (0, 03% en Meurthe-et-Moselle, 0, 08% dans le Haut-Rhin) témoigne d’une grande fragilité géographique ; elle est atomisée, à l’image de la communauté juive de France. C’est dans les Bouches-du-Rhône, principalement à Marseille, que se trouve le nœud de l’école juive en province, à hauteur de 11,11% soit 3392 personnes sur les 30 525 élèves de France. Le 13e arrondissement est en perte de population, contrairement au 6e où l’on constate une concentration sur un seul établissement, le Gan Ami. Approche économique et organisation structurelle des groupes scolaires Quelle approche économique de l’école juive ? La proportion des personnes qui paient à taux plein, par rapport aux réductions accordées au plan national est un indicateur. Depuis 1996, on constate un affaissement des « pleins tarifs ». En 2010, 75% des 30 525 élèves scolarisés bénéficient de réductions pour raisons économiques. L’école juive a souligné Patrick Petit-Ohayon « se doit d’être ouverte à tous et implique des efforts financiers », même si cela participe à sa fragilité. Enfin, dans le futur, il faudra améliorer l’organisation structurelle des groupes scolaires. A ce jour, on a 8% de très petites structures (de 50 élèves), 23% de grandes structures (+ de 500 élèves), et 69% de structures moyennes (entre 50 et 500 élèves). Or, on a pu remarquer que le seuil de 200 élèves était nécessaire pour atteindre l’équilibre. De fait, des restructurations vont s’imposer d’elles-mêmes explique la direction scolaire. Celle-ci envisage plusieurs types de scénario, comme la réorganisation interne des structures pour les rendre plus opérationnelles, le rattachement à un réseau existant, le rapprochement de deux structures complémentaires et l’adossement d’une petite structure à une autre plus grande, pour former un groupe ou un réseau. Par ailleurs, selon le contexte géographique, il pourrait être envisagé la délocalisation d’une structure pour tenir compte des déplacements de populations et la fermeture d’une structure devenue ingérable. A l’issue de cette première partie, le public a posé des questions, et évoqué la création d’une autorité de régulation d’ouverture des écoles juives. Patrick Petit-Ohayon a répondu que ce dispositif ne serait pas approprié, car une école juive constituée en association à but non lucratif n’a pas besoin d’assistance communautaire pour être créée hors contrat. Il a souligné, que le FSJU pouvait seulement dissuader ceux qui avaient un projet, si l’école se situait dans une zone géographique à forte concurrence, et si un budget solide avant l’obtention d’un contrat avec l’Etat n’était pas acquis. Communauté Nouvelle n° 169 - juillet 10 17 FSJU FSJU Propositions pour un plan d’action à 10 ans Si l’étude présentée apporte des satisfactions globales sur le nombre d’enfants scolarisés et la qualité du réseau, on doit toutefois tendre vers une élévation du niveau a expliqué Patrick Petit-Ohayon, en préambule de son plan d’action à 10 ans. Comment devenir un réseau mature ? C’est le fil conducteur de ce plan.Aujourd’hui, il y a trois réseaux économiques existants (Alliance Israélite Universelle, ORT, Ozar Hatorah) et trois réseaux pédagogiques à développer (Fédération Nationale des Ecoles Juives Autonomes-FNEJA, Mouvance Loubavitch et Indépendants). L’ensemble de ces réseaux doit être rénové, notamment par la mise en synergie des enseignants, la mise en œuvre de formations adaptées aux contenus et aux projets spécifiques de chacun et l’organisation d’activités pédagogiques communes. Le plan parle d’un « réseau national uni ».Comment préparer l’avenir ? Le plan met en exergue trois axes d’action à commencer par le renforcement des structures. La rénovation de l’immobilier On propose ainsi la rénovation de l’immobilier, et sa mise aux normes, un travail déjà commencé, avec la Fondation Gordin qui a investi 11 millions d’euros. Il s’agit aussi de professionnaliser la gestion par un plan comptable commun et certifié, ainsi que soutenir l’accueil des plus défavorisés et développer l’accompagnement psychosocial dans les écoles. Le président Pierre Besnainou a rappelé dans sa conclusion, que ce soutien avait été pris en compte, il y a trois ans, par la création des Bourses Latalmid et du Dispositif Samekh. Consolider les structures passe également par le renforcement de la coordination académique via des référents régionaux, et le développement d’une synergie d’achat pour les différents réseaux. La qualité de l’enseignement Accroître la qualité est le deuxième axe d’action. La direction de l’action scolaire préconise le développement de la formation continue des enseignants et des personnels non enseignants par un nouveau plan de formation des maîtres. Des enseignants qui auront besoin d’être davantage accompagnés à l’avenir, notamment par les conseillers pédagogiques mis en place par le FSJU. Qui dit enseignants, dit outils, d’où la nécessité de définir un programme d’études juives par réseau de terrain, par la mise en synergie des 18 juillet 10 - Communauté Nouvelle n° 169 équipes et la rédaction de manuels, et d’élargir la documentation, ce fut le cas en novembre 2009, avec l’ouverture du site internet Melamed. Mais le défi prioritaire, en termes de qualité concernera à l’avenir, la modernisation et la diversification des langues, à travers la mise en place d’une Commission pédagogique sur l’enseignement des langues. Ecouter les besoins émergents Enfin, soutenir un plan d’action pour construire l’école juive de demain, c’est écouter les besoins émergents des enfants et des parents. Les enfants en difficulté scolaire avec le dispositif « Main dans la Main pour réussir » du FSJU a déjà porté ses fruits notamment en région parisienne et les enfants handicapés, grâce à un accompagnement pédagogique proposé aux enseignants. Les parents, sont eux invités à participer à deux structures, la Fédération nationale des parents des élèves des écoles juives pour redéfinir leur rôle vis-à-vis de l’école, et l’Ecole des parents juifs, pour être accompagné dans leur mission éducative. Patrick PetitOhayon a conclu cette brillante présentation, en soulignant que « dans l’école juive se prépare la communauté de demain ». Travailler main dans la main Cette matinée s’est conclue par une table-ronde, en présence de représentants des réseaux de l’enseignement juif. Etaient conviés Corinne Belliti, pour Ozar Hatorah dans le 11e arrondissement de Paris, Michel Benoilid pour l’ORT de Lyon, Sylvia Elbaze, pour l’école Maïmonide de Boulogne (FNEJA), Eva Labi, directrice générale adjointe de l'AIU, directrice des Ecoles, et André Touboul pour la mouvance Loubavitch (Haya Mouchka, 19e arrondissement de Paris). Chacun a donné son analyse des mutations de l’école juive et confirmé une envie de renforcer le travail en concertation avec les autres, notamment en multipliant les rencontres, en dehors des GIC biannuels. Le secteur de l’école juive a déjà démontré sa capacité d’union pacifique dans le cadre de la commission de concertation. Il doit continuer à montrer l’exemple en démontrant sa capacité à se perfectionner et à renforcer sa qualité. •