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Comment choisir les indicateurs
des observatoires ?
FICHE TECHNIQUE N°6
FICHE TECHNIQUE N°6 Comment choisir les indicateurs des observatoires ?
Cette fiche fait partie d’un ensemble de 9 fiches issues du projet Réseau des Observatoires de l’Égalité de Genre (ROEG), un projet de Genre en Action. Ces fiches représentent une capitalisation des échanges, des réflexions et des expériences de la première phase du ROEG. Fiche technique n°6 -­‐ Réseau des Observatoires de l’Egalité de Genre (ROEG) // Genre en Action 1 Comment choisir les indicateurs des observatoires ? En fonction des champs d’analyse choisis, il est nécessaire de déterminer des indicateurs pour déterminer concrètement comment chaque champ d’analyse sera observé. Les indicateurs doivent être construits bien évidemment « sur mesure ». Il faut alors chercher un équilibre entre « tout ce qu’on aimerait savoir » d’une part et d’autre part le principe de réalisme concernant nos ressources qui impose un dispositif le plus léger possible. Pour un observatoire de l’égalité de genre, des indicateurs pertinents peuvent être « sexo-­‐différenciés » (appelés aussi « sexo-­‐spécifiques ») ou spécifiquement liés aux rapports de genre. Qu’est-ce qu’un indicateur ?
Un indicateur est un outil de mesure pour apprécier, de manière objective, une situation au regard de critères
ou de normes établies, mais il ne reste qu’une représentation partielle et approximative d’un phénomène. Il
peut être qualitatif ou quantitatif, il se situe dans l’espace et le temps.
La notion d’indicateur renvoie à deux aspects inséparables : celui du choix de l’indicateur et ensuite de son
interprétation. La réalité est multiple et relative. Ce qui signifie qu’un même événement, une même évolution
voire le plus banal des constats n’aura pas la même signification selon la position que l’on occupe. En effet,
toute action peut avoir des effets multiples, contradictoires dont le sens est différent pour chaque catégorie
d’acteur. Elle doit donc être saisie à travers un ensemble de variables irréductibles les unes aux autres, chacune
ayant elle-même des significations multiples. Donc pour éviter les abus de sens, chaque fois qu’un indicateur est
observé dans le temps, il s’agit de voir le sens à donner à l’évolution constatée, d’émettre des hypothèses.
Les indicateurs n’ont pas de sens en eux-mêmes. Il est nécessaire de les replacer dans leur contexte. Il est
souvent proposé pour éviter ces écueils une interprétation collective des données obtenues. Cette mise en
commun permet de mettre à plat les différentes situations et perceptions. Elle permet également une mise en
perspective des informations complémentaires dont chacun-e dispose et qui l’amène à interpréter l’indicateur
dans tel ou tel sens.
Quels critères pour définir de bons indicateurs ?
• La disponibilité : trouver des indicateurs qui soient « renseignables », la disponibilité des données doit être
testée avant que l’indicateur ne soit choisi.
• La précision : un indicateur a pour objectif de donner des éléments d’information visant à accompagner une
démarche de réflexion préalablement définie. En ce sens, l’indicateur doit permettre de donner des
informations suffisamment précises, les données trop larges étant difficiles à analyser.
• L’utilité : il ne sert à rien d’avoir une batterie trop grande d’indicateurs, il suffit d’en choisir quelques-uns,
jugés les plus pertinents car les plus à même de fournir les éléments d’information en adéquation avec la
question que l’on se pose. Ainsi, quand un indicateur est mis en place, il est important de se demander ce à
quoi il renvoie et à quel niveau d’information il fait référence.
Indicateurs sexo-­‐différenciés On parle d’indicateurs « sexo-­‐différenciés » quand un indicateur est différencié selon les hommes et les femmes. Il s’agira de déconstruire systématiquement les indicateurs habituels selon le genre et de faire ressortir chaque fois la différence entre les valeurs pour les femmes et celles pour les hommes (exemple : lors d’une élection, en plus du pourcentage des inscrits aux listes d’électorales qui votent, on cherche à connaître le pourcentage des femmes et celui des hommes qui participent à cette élection). Pour obtenir ce genre d’indicateurs, il est nécessaire de saisir systématiquement le sexe de la personne interrogée et de croiser cette variable avec la variable principale en question (dans l’exemple ci-­‐dessus : le fait de voter). Par ailleurs, il est alors indispensable de travailler au niveau des individus plutôt que certaines unités, comme le ménage ou la communauté qui masquent les différences internes. Fiche technique n°6 -­‐ Réseau des Observatoires de l’Egalité de Genre (ROEG) // Genre en Action 2 La « sexo-­‐différenciation » de tous les indicateurs d’un dispositif statistique national peut faire l’objet d’un plaidoyer : inciter les services de statistiques nationales à systématiquement distinguer le sexe des répondant-­‐e-­‐s peut être une manière peu onéreuse de produire des données sur les inégalités entre femmes et hommes. Indicateurs croisés et sur mesure L’observation du genre ne se réduit pas pour autant à la spécification de chaque indicateur selon le sexe. Elle demande aussi le recours à de nouveaux indicateurs qui sont davantage spécifiques à différents aspects des rapports de genre. A titre d’exemple, des indicateurs peuvent chercher à mesurer le degré d’empowerment des femmes (voir plus loin). Les indicateurs de genre cherchent aussi à connaître les différences entre plusieurs groupes de femmes. Il est donc indispensable de croiser ces indicateurs avec d’autres facteurs comme la classe (catégorie socio-­‐
professionnelle, revenus, etc.), l’origine ethnique ou la nationalité, l’âge (au moins selon les grandes tranches, à décider en fonction des grandes « phases de vie » selon chaque contexte), le statut (célibataire, veuve, mariée, ménage polygame ou pas, nombre et sexe des enfants, etc.) et autres facteurs pertinents pour comprendre des différences dans un contexte précis (l’appartenance religieuse, à un parti, à un certain clan ou une caste,…) Les types d’indicateurs
Il existe plusieurs types d’indicateurs qui permettent de renseigner des niveaux d’information différents. Il est possible
de les utiliser de manière combinée, mais il importe de connaître les 3 principaux types d’indicateurs et les niveaux
d’analyse auxquels ils renvoient afin d’en avoir une utilisation pertinente :
• Indicateurs de contexte : Les indicateurs de contexte servent à établir des constats. Ils aident à poser des
éléments de diagnostic. Ces indicateurs ont deux fonctions : d’une part ils aident à apporter des éléments de
diagnostic sur un territoire, on les appelle aussi indicateurs de cadrage (données générales notamment
socioéconomiques ou sociodémographiques) servant de référence quant aux évolutions annuelles et correspondant
à des données de contexte ; d’autre part ils peuvent être utilisés pour établir des comparaisons dans le temps et
ainsi mesurer des évolutions, appelés aussi indicateurs de situation. Il s’agit le plus souvent de données
thématiques et évolutives, annuelles voire mensuelles.
• Indicateurs de suivi : Les indicateurs de suivi sont des indicateurs de réalisation et de résultats par rapport à des
actions ou politiques mises en oeuvre. Ils se rapportent directement à l’action mise en œuvre et informent sur les
modalités de mise en application de l’action concernée.
• Indicateurs de réalisation : Ils servent à vérifier si les actions prévues ont été on non réalisées et à quel degré. Il
s’agit de vérifier le respect de la planification, des prévisions, en termes de types d’action, de délais et de coût.
• Indicateurs de résultats : Les indicateurs de résultats servent à mesurer le produit immédiat d’une action ou d’une
série d’actions. Ils se rapportent aux objectifs opérationnels visés et aux résultats attendus. Par exemple, pour une
action de formation réalisée, cela consistera à mesurer le nombre de personnes qui ont acquis une qualification, si
l’objectif opérationnel visé était d’« augmenter le niveau de qualification des jeunes sur le territoire ».
• Indicateurs d’effet ou d’impact : Ces indicateurs se rapportent aux objectifs finaux et aux orientations
stratégiques. Ils servent à mesurer les effets des programmes d’actions (consolidation des résultats) et ont une
portée plus générale. Ils constituent l’un des outils pour évaluer à proprement parler une politique publique. Ces
indicateurs mesurent des évolutions à moyen et long terme. Ils servent par exemple à mesurer des évolutions entre
l’année (n) et l’année (n+3). Ils permettent de voir en quoi les actions menées ont pu contribuer à une
amélioration où à une dégradation de la situation initiale. Les indicateurs quantitatifs d’effet ou d’impact ne
suffisent pas à une bonne analyse. Ils nécessitent d’être complétés par une démarche qualitative. Celle-ci sert à
nuancer et à affiner les premiers résultats quantitatifs de l’évaluation. L’objectif est de comprendre, au regard des
résultats observés par les indicateurs quantitatifs, quelles causes ou facteurs externes ont pu aussi contribuer à
l’atteinte ou non des objectifs.
(Source : « Évaluation, bilan/suivi, indicateurs », ORIV,
www.oriv-alsace.org/wp-content/uploads/oriv_note_definition_evaluation_indicateurs.pdf)
Fiche technique n°6 -­‐ Réseau des Observatoires de l’Egalité de Genre (ROEG) // Genre en Action 3 Il existe bien entendu un nombre important d’indicateurs produits au niveau international ou sur instigation d’acteurs multilatéraux (PNUD, Banque Mondiale, etc.). L’ISDH, la version sexo-­‐spécifique de l’indicateur de développement humain du PNUD en est le plus connu, mais d’autres existent. Les tableaux en annexe des rapports qui publient ces indicateurs en donnent le résultat composite, mais fréquemment aussi le détail des différentes composantes, ce qui permet une analyse plus fine. Attention à regarder de près les explications détaillées pour juger de la fiabilité de ces données, car celle-­‐ci n’est pas toujours garantie (il peut s’agir simplement d’extrapolation de données antérieures, par exemple). Exemple. L’indicateur d’empowerment Définition Les définitions de « empowerment » sont nombreuses, mais beaucoup renvoient en même temps au processus et au résultat du processus grâce auquel les femmes obtiennent une meilleure maîtrise des ressources matérielles et intellectuelles, et remettent en cause l'idéologie patriarcale et les discriminations sexuelles qui s'exercent à l'égard des femmes dans tous les institutions et structures de la société. Selon certain-­‐e-­‐s, l’empowerment est une question de choix. Ces définitions suggèrent que l’empowerment fait référence à la signification, aux motivations et aux objectifs que les personnes donnent à leurs actions – leur sens de l'initiative ou la conscience de leur valeur individuelle. Un indicateur unique ne peut à lui seul refléter l’empowerment des femmes qui doit être évalué sous de nombreux angles, en combinant des méthodes quantitatives et qualitatives. Mesurer le degré d’empowerment L’approche de Naila Kabeer pour mesurer l’empowerment des femmes comporte trois dimensions articulées entre elles : l'accès aux ressources (la condition sine qua non mais insuffisante en soi), l'initiative (la capacité d'utiliser ses ressources pour s'ouvrir de nouvelles opportunités, revendiquer ses droits, se porter candidate à une élection, etc.) et les performances ou accomplissements (résultats ressentis concernant les capacités, l’estime de soi, la reconnaissance de l’entourage, la réussite de son organisation, etc.). L’analyse de Kabeer suggère que ces trois dimensions sont indivisibles, d’où la nécessité d'utiliser de multiples sources, méthodes et outils pour croiser les données. Observer les processus d’empowerment D’autres insistent sur les processus d’empowerment (en plus des résultats perçus par les concerné-­‐e-­‐s), notamment sur trois niveaux : individuel, organisationnel et communautaire. Pour mesurer des processus d’empowerment d’une personne – donc au niveau individuel -­‐, un indicateur pertinent pourrait être son engagement au sein d’organisations ou de la communauté. Les processus d’empowerment organisationnel peuvent être mesurés par exemple par un partage du pouvoir décisionnel et du leadership au sein de l’organisation. Un processus d’empowerment de la communauté peut être évalué par le degré d’accès réel au gouvernement local, aux médias locaux et à d’autres ressources communautaires. L’évaluation de l’empowerment est clairement orientée vers des valeurs, des perceptions, un ressenti : les projets d’empowerment des femmes ont pour but d’aider ces femmes à s’aider elles-­‐mêmes. L’évaluation n’est donc pas uniquement un exercice qui sert à rendre des comptes, mais elle doit s’inscrire dans les processus en cours : la réflexion, l’auto-­‐analyse et l’auto-­‐évaluation visent une prise de conscience de ces processus, non seulement pour les rendre « évaluables », mais aussi pour que les femmes se les approprient et les développent davantage. Dans ce sens, il est illusoire de vouloir travailler avec une batterie d’indicateurs d’empowerment préétablis. Un autre défi majeur est de répondre au besoin, à la fois, d’une approche universelle pour mesurer les processus d'empowerment et à celui de la nécessaire contextualisation. Fiche technique n°6 -­‐ Réseau des Observatoires de l’Egalité de Genre (ROEG) // Genre en Action 4 Indications bibliographiques Batliwala, S., Defining women’s empowerment framework, d’après Batliwala, S., Education for Women's Empowerment, prise de position de l'ASPBAE lors de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes de Beijing, septembre 1995, Asia-­‐South Pacific Bureau of Adult Education, New Delhi, 1995. Batliwala, S., Putting power back into empowerment, Open Democracy, 2007, http://www.opendemocracy.net/article/putting_power_back_into_empowerment_0 Kabeer, N. (2005) ‘Gender Equality and Women’s Empowerment: A Critical Analysis of the Third Millennium Development Goals’, Gender and Development 13.1: 13–24 Kabeer, N. (1999) ‘Resources, Agency, Achievements: Reflections on the Measurement of Women’s Empowerment’, Development and Change 30.3: 435–64 Moser, A. “GENDER and INDICATORS Overview Report », BRIDGE, Sussex, UK, July 2007 http://www.bridge.ids.ac.uk/vfile/upload/4/document/1105/Indicators_OR_french.pdf Des exemples d’indicateurs sont également donnés dans les fiches 8 et 9. Fiche technique n°6 -­‐ Réseau des Observatoires de l’Egalité de Genre (ROEG) // Genre en Action 5 LES FICHES TECHNIQUES
DES OBSERVATOIRES DU GENRE
Fiche n°1 Pourquoi plaider en faveur des observatoires dans les pays francophones ? Fiche n°2 Comment définir les objectifs, les principes et les cibles pour un observatoire de l’égalité de genre ? Fiche n°3 Comment structurer un observatoire ? Fiche n°4 Comment agir, avec quelles stratégies et quels modes d’actions et outils ? Fiche n°5 Comment choisir les champs d'analyse des observatoires ? Fiche n°6 Comment choisir les indicateurs des observatoires ? Fiche n°7 Exemple d’une action concrète : le projet Observatoire Genre, Paix et Sécurité dans la région des Grands Lacs Fiche n°8 Des observatoires sur les violences de genre en milieu scolaire : quelles pistes ? Fiche n°9 Des observatoires sur genre et micro-­‐macroéconomie : quelles pistes ? www.genreenaction.net