chapitre 3 = choix du regime de change

Transcription

chapitre 3 = choix du regime de change
CHAPITRE 3 = CHOIX DU REGIME DE CHANGE
Faut-il privilégier, comme le suggère le FMI, les solutions en coin (régimes extrêmes : fixité
pure ou flottement pur) ? Ou bien des régimes intermédiaires ? Le choix d’une union
monétaire constitue-t-elle une troisième voie ? L’adoption de l’euro aura-t-elle fait évoluer la
hiérarchie monétaire et plus particulièrement, remis en cause l’hégémonie du dollar ?
Si la fixité pure peut s’avérer insoutenable, la flexibilité pure se caractérise par une forte
instabilité. Le choix du régime de change est aujourd’hui à replacer dans le contexte de
globalisation financière (le degré de mobilité de capitaux influe énormément sur la
soutenabilité d’un régime de change. Traditionnellement, on distingue deux grands types de
régime de taux de change : fixe / flexible (flottant). Entre ces deux cas extrêmes, il existe
toute une gamme de régimes classés selon trois critères : 1) degré de rigueur du régime de
change 2) degré de mobilité des capitaux 3) degré de sensibilité des objectifs de la politique
monétaire aux contraintes extérieures (politique monétaire autonome ou non ?). L’union
monétaire est un régime à part réalisable sous certaines conditions dans le but de créer une
zone de stabilité des changes.
SECTION 1 = LES CARACTERISTIQUES
DES REGIMES DE CHANGE
A) Définition des régimes de change
•
Changes fixes
Les monnaies sont définies par rapport à un étalon. 1870-1914 = système étalon-or. 19451973 = système de Bretton Woods (le $ est l’étalon ; c’est la seule monnaie convertible en
or). SME = l’étalon est un panier de devises (l’écu). Chaque monnaie a une valeur officielle
par rapport à cet étalon (c’est la parité). La parité peut être ajustable (en cas de
circonstances exceptionnelles) => dévaluation ou réévaluation. Ces changements de parité
peuvent être négociés entre les pays partenaires (ex : SME) ou bien imposés unilatéralement
par le pays en difficulté (ex : le 15/08/1971, le gouvernement Nixon décide l’inconvertibilité
en or du $ => fin du système de Bretton-Woods). La fixité peut ne pas être absolue => les
variations du taux de change doivent se faire entre des marges de fluctuations décidées à
l’avance : + ou – 1 % par rapport au $ durant BW, + ou – 2.25 % dans le SME puis + ou – 15
% lors de la crise du SME (changes toujours fixes ?). La parité peut être fixée
irrévocablement (cas de figure retrouvé dans le système de l’étalon-or et au sein de l’UEM
juste avant l’adoption de la monnaie unique). D’autres systèmes appartiennent aux régimes
de changes fixes : le Currency Board = la BC a un rôle de caisse d’émission. Ex : certains
pays émergents (Sud-Est Asiatique, Amérique Latine). Il consiste en une parité fixe par
rapport à un autre monnaie (le $). Il existe un lien rigide entre la masse monétaire du pays
qui a adopté le système et les réserves de change. L’autorité émettrice s’engage à ce que
chaque unité monétaire nationale soit convertible à taux fixe dans la devise choisie
(Argentine : 1 peso = 1 $ avant la crise de 2001).
•
Changes flottants
En 1973, à la fin du système de Bretton-Woods, on assiste à une mise en flottement
généralisée des monnaies du SMI. Ce flottement deviendra officiel en 1976 lors de la
Conférence de la Jamaïque. Dans ce système, le taux de change résulte de la confrontation
entre l’offre et la demande sur le marché des changes. Le système est dit pur si la BC
n’intervient pas et impur si elle intervient. Elle peut en effet intervenir de manière
discrétionnaire pour régulariser (éviter sur appréciation) ou soutenir (éviter sur dépréciation)
sa monnaie. La mise en flottement peut aussi se présenter comme une solution transitoire
dans un régime de changes fixes en cas de crise de change. Ex : lors de la crise du SME
(septembre 1992), l’Italie et la GB sont sortis du système pour se soustraire à un vague
d’attaques spéculatives.
•
L’union monétaire
C’est un régime à part (ni changes fixes, ni changes flexibles). Les pays adhérents ont une
seule monnaie (dès lors, le marché des changes intra zonal disparaît). Les parités obtenues
n’ont aucun rapport avec celles obtenues par une fixité des taux de change. Les BC mettent
en commun leurs réserves de change aux mains d’une BC zonale qui chaperonne donc les
autres (ex : BCE). L’union monétaire présente un certain nombre d’avantages : suppression
du risque de change au sein de la zone, économies de coûts de transaction liées à la
réduction des opérations de change, intégration économique et financière plus forte,
économies de réserves de change, gains d'information, renforcement de la monnaie zonale…
Cependant, une condition de réalisation est un nombre peu important de pays. Mundell
(1961) définit la notion de ZMO (zone monétaire optimale) : l’espace naturel de la monnaie
n’est pas forcément la nation (propos révolutionnaire à l’époque car la monnaie a toujours
été le symbole de la souveraineté nationale).
•
Implications des différents régimes de change en termes de politiques de change
Comment se comportent les BC selon le régime de change ? Changes flottants = à priori pas
d’objectifs de change => on laisse fluctuer le cours de la monnaie. La BC peut quand même
agir de manière discrétionnaire pour satisfaire les objectifs qui lui sont propres. Ex : hausse
de r => entrée de devises => appréciation. Si on est en changes fixes, la BC doit intervenir
pour faire respecter la parité soit rebaisse son taux d’intérêt soit achète des devises contre
de la monnaie nationale => dépréciation => rééquilibrage. La BC peut intervenir pour
défendre sa monnaie contre des attaques spéculatives (mais cela peut devenir très difficile
de résister). En union monétaire, la politique de change devient extra zonale (ex : la BCE
peut se soucier du taux de change euro/dollar). Si la BC ne se soucie pas du cours de
change, on parle de « benign neglect » (douce insouciance). Cela n’est pas sans incidence sur
la politique monétaire du pays. Dans l’optique où la BC chercherait à stabiliser une
monnaie par rapport à une autre par exemple, cela impliquerait qu’elle subordonne sa
politique monétaire à celle de l’autre pays => nécessité de coordination.
B) Le triangle d’incompatibilité de Mundell
•
Enoncé du théorème et illustration
Selon ce théorème, un pays ne peut choisir les 3 éléments du triangle en même temps. Il ne
peut que réaliser deux éléments à la fois. Ainsi, en cas de mobilité parfaite des capitaux et
de changes fixes, la politique monétaire est contrainte : il sert à remplir l’objectif externe (le
change fixe) et se subordonne alors à la politique monétaire de l’autre pays. Elle ne peut
remplir un objectif interne et un objectif externe : Ex : si elle veut lutter contre l’inflation =>
hausse r => entrée de capitaux => appréciation => non-respect de la parité => obligation de
retour en arrière.
•
Typologie des régimes de change à partir du triangle d’incompatibilité
Il s’agit de resituer les différents régimes de change depuis l’étalon-or à aujourd’hui.
(1) 1870-1914 (système de l’étalon-or) => 1ère période de globalisation financière, fixité des
changes, usage limité de la politique monétaire (car les taux d’intérêt ont un pouvoir faible
et car pas de politiques conjoncturelles => faudra attendre la révolution keynésienne).
(2) Entre-deux-guerres (Gold Exchange Standard suite à la Conférence de Gênes 1922) =>
peu de circulation des capitaux (car tendances protectionnistes => contrôle des changes et
financement de la reconstruction), politique monétaire autonome (car volonté d’intervention
des états dans l’économie => pas de coordination), changes fixes.
(3) A travers le système de Bretton-Woods, les pays avaient pour attention de relancer les
mouvements de B&S et de capitaux. Ce consensus va durer jusque dans les années 70 où
les EU décideront unilatéralement la non convertibilité du dollar en or mettant de fait le SMI
en faillite. Avec la globalisation financière, les attaques spéculatives ont réapparu reposant
la question du triangle d’incompatibilité.
(4) A partir de 1973, on assiste à l’effondrement du système de Bretton-Woods et au
flottement généralisé des monnaies. La Conférence de la Jamaïque (1976) a avalisé cet
état de fait. Cette flexibilité des taux de change va aboutir à une forte instabilité de ceux-ci,
ce qui poussera les pays à essayer de se réorganiser entre eux (ex : le serpent monétaire
européen lancé en 1972 => définition de marges étroites). En 1979, est mis en place le SME
qui se révèle plus durable que le serpent (cela s’est évidemment payé par une moins forte
autonomie des politiques monétaires des pays associés).
(5) Situation des pays européens du SME (analogue à celle de l’étalon-or) = stabilité des
changes et en même temps, forte intégration financière => obligation de coopération des
politiques monétaires. Les crises du SME (1992-1993) révèlent le triangle d’incompatibilité.
Une solution au SME sera l’euro. Certains PED fixeront leur taux de change / $ dans le but
d’assurer la crédibilité de leur monnaie tout en maintenant leur politique monétaire
autonome => crises. Certains pays procèdent ainsi à une libéralisation bien plus progressive
de leurs marchés des capitaux : Inde, Chine...
Ainsi, aussi bien à la fin du XIXe siècle (étalon-or : peu de recours à la politique monétaire)
qu’à la fin du X siècle (renoncement à l’autonomie de la politique monétaire), le triangle
d’incompatibilité a bien été vérifié.
C) Les leçons de l’histoire monétaire
Au fond, on ne peut s’en remettre ni aux changes flottants ni aux changes fixes. Les
changes flottants sont loin d’avoir les vertus stabilisatrices et les changes fixes sont devenus
impraticables dans un contexte de globalisation financière.
Avantages supposés des changes flottants (position très monétariste) : A) ne se formeront
que de « vrais » taux de change, ceux qui reflètent parfaitement le jeu de l’offre et la
demande. La spéculation ne fait qu’accélérer la convergence des changes vers leur niveau
d’équilibre. B) La spéculation qui aurait pu être déstabilisante sera fortement réduite car les
changes flottants se caractérisent par une plus grande incertitude à l’inverse des changes
fixes. Les agents ayant une aversion pour le risque spéculeront moins. C) Les taux de
change permettent un rééquilibrage automatique des BdP. D) La libération de la contrainte
de respect des parités fixées rend son autonomie à la politique monétaire. E) Les BC n’ont
plus à intervenir massivement sur le marché des changes, ce qui diminue les réserves de
change.
En réalité => presque toutes les prévisions ci-dessus ont été démenties (sachant
notamment que les parités sont extrêmement volatiles). A) Les parités s’écartent
durablement de leur niveau d’équilibre (la convergence ne joue pas nécessairement). Ex :
1978 => 1 $ = 4 F, 1985 => 1 $ = 10,6 F, 1990 => 1 $ = 5 F. La spéculation s’est révélée
extrêmement déstabilisante. B) La spécialisation s’est accru avec l’incertitude (cf. formation
de bulles spéculatives). C) Pas de rééquilibrage automatique des BdP. D) Pas d’autonomie
des politiques monétaires. Ex : aucun pays n’a été épargné par la forte remontée des taux
d’intérêt US au début des années 80 => la transmission s’est faite par d’autres canaux,
notamment l’inflation importée.
L’échec du régime de changes flottants peut s’expliquer par la nature particulière de la
monnaie. C’est un bien public dont l’échange ne peut pas être laissé au libre jeu du marché
=> nécessité de fixer des règles pour organiser le système financier international afin d’éviter
tout dérapage.
Fin des changes fixes => ce régime n’est pas adapté aux nouvelles caractéristiques de la
finance internationale dès lors qu’on considère que l’on est entré dans un processus
d’intégration financière irréversible (hypothèse discutable ?) => insoutenabilité des changes
fixes. Parfaite mobilité, volume croissant des échanges de capitaux, existence de
mouvements spéculatifs => impossibilité pour les autorités monétaires de défendre des
parités fixes. Les variantes de changes fixes (currency board, zones monétaires), systèmes
d’ancrage plus ou moins rigide sur des devises fortes, ne semblent pas constituer de
meilleures alternatives (ex : crise asiatique 1997-1998 : HK a perdu 10 milliards de $ de
réserves de change). La détermination à défendre une monnaie n’est pas toujours justifiée.
Le maintien d’un régime d’ancrage peut se faire au prix d’une récession (suite à une
politique monétaire restrictive pour faire face à une dépréciation de la monnaie domestique).
Ex : Argentine (le currency board s’est révélé insoutenable). Pendant un certain temps, le
FMI recommandait des régimes d’extrême (flexibles / fixes => instabilité / insoutenabilité).
On ne sait plus trop à quoi s’en remettre => solution intermédiaire (flexibilité avec souci de
stabilisation, frein aux mouvements de capitaux…). L’union monétaire n’est-elle pas une 3e
voie ?