JÜNGER Ernst (1895 - 1998) - CRISES

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JÜNGER Ernst (1895 - 1998) - CRISES
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JÜNGER Ernst (1895 - 1998)
1) Le témoin :
Le témoin Ernst Jünger est né le 29 mars 1895 à Heidelberg, dans l'Empire allemand,
d'un père chimiste et pharmacien. Jeune, il a du mal à accepter la discipline scolaire. Il s'est
engagé dans la Légion étrangère française après s'être enfui de chez ses parents, à 17 ans. Son
père, après maintes manœuvres, réussit à le récupérer. En août 1914, il se porte volontaire, à
Hanovre, lors de l'appel à la mobilisation de Guillaume II et est intégré au 73ème régiment de
fusiliers, surnommé aussi le « régiment de Gibraltar », comme il l'explique au cours de son
témoignage. Avant de rejoindre le front, il suit une formation de trois mois. Les étapes de sa
mobilisation sont découpées en sorte de chapitres dans son témoignage; nous pouvons tout de
même évoquer sa première bataille, celle des Eparges, en avril 1915, où il fut blessé pour la
première fois, première d'une série de quatorze en tout. Durant l'été 1915, sur une suggestion
de son père, pendant sa première permission, il suit une formation d'élève-officier, à Döberitz
en Allemagne, qui lui apportera par la suite une élévation au grade de lieutenant. Le 17 juin
1917 il suivra un cours d'instruction pour chefs de compagnie au camp de Sissonne, près de
Laon. Il aura en tout cinq permissions qui lui furent accordées; la deuxième en août 1916, la
troisième en avril 1917, la quatrième en octobre 1917 et la dernière à la Noël 1917. Fin 1916,
il reçoit comme décoration la Croix de fer de première classe; pendant sa dernière permission,
on lui remet l'ordre de la couronne de Hohenzollern. A sa démobilisation, suite à une
importante blessure à la poitrine, on lui remet la Médaille d'or des blessés, et l'empereur lui
décerne, et c'est la plus importante, la Croix pour le Mérite le 22 septembre 1918.
Après la guerre, il devient sympathisant au parti nazi, même s'il tente de s'en
démarquer, refusant un siège au Parlement, le Reichstag, et de siéger à l'Académie de poésie,
tout cela en 1933, ce qui lui valut d'être harcelé par la police, par la Gestapo. Il écrira de
nombreux livres racontant ses expériences.
2) Le témoignage :
Le témoignage que nous a laissé Ernst Jünger s'intitule Orages d'acier ; nous
travaillerons sur l'analyse du livre édité en avril 2010, à Paris, par la Librairie Générale
Française, et traduit par Henri Plard, professeur à l'Université de Bruxelles. La première
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édition est datée de 1920, et le livre a fait l'objet de nombreuses rééditions, par volonté de
l'auteur afin de « donner une vue plus claire, plus précise, plus minutieuse » de la guerre.
Orages d'acier raconte l'expérience d'Ernst Jünger lors de la Première Guerre Mondiale, de
manière romancée, à partir de notes de carnets mais aussi par exemple d'une lettre de son frère
Fritz. Le style est d'une manière générale très descriptif, avec un langage soutenu. Le
témoignage ne comporte pas de préface mais dans les premières pages, page 6 surtout, est
retranscrit une allocution de l'auteur lui-même qui explique le but de son témoignage. Il
déclare vouloir dédier Orages d'acier aux combattants français et faire de cet ouvrage un lien
entre la patrie allemande et la patrie française.
3) L’analyse :
Le témoignage est rédigé à la première personne ; Ernst Jünger utilise
systématiquement le « nous » lorsqu'il est accompagné de ses camarades ou de ses hommes,
ce qui révèle une certaine proximité avec eux, nous le verrons par la suite.
A) Le sentiment face à la guerre :
Quelles sont les principales étapes dans la mobilisation d'Ernst Jünger ? Tout d'abord,
la mobilisation en elle-même. L'auteur nous retranscrit dans les deux premières pages de son
témoignage la naïveté et l'insouciance dont il faisait preuve avec ses camarades lors de leur
arrivée en Champagne. On peut même noter un certain enthousiasme, page 9: « La guerre
nous avait donc saisis comme une ivresse ». La guerre leur apparaissait avant tout comme une
« action virile », page 10. Mais il ne leur faudra pas longtemps pour prendre la pleine mesure
de la réalité meurtrière de la guerre, comme on peut le voir page 11, après la tombée d'un
premier obus: « La guerre avait montré ses griffes et jeté son masque de bonhommie ». La
première bataille sur le front, aux Eparges, le « baptême du feu » comme l'appelle Jünger page
34, verra deux états plutôt contradictoires se mêler: l'exaltation, d'une part, visible à la page
32, et d'autre part, l'apaisement auquel il est en proie, page 34. L'exaltation est un sentiment
qui reviendra beaucoup plus tard dans la guerre, paradoxalement, puisque l'auteur va tout au
long de son témoignage prendre peu à peu conscience de la réalité de la guerre, pages 271,
« Après avoir passionnément suivi l'attaque », et 282 notamment, où il est saisi d'une « folle
hardiesse »; elle sera véritablement réactivée lors de ce qu'estime Jünger comme étant le
dernier assaut, l'ultime, page 304, qui va déclencher la « fureur guerrière », page 306, des
combattants allemands. Une sorte de métamorphose s'est opérée, car Jünger et ses camarades
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sont pour la majeure partie du temps en train de subir la guerre, faisant preuve de mélancolie,
pages 14, 29, 61 et 190, d'une « grande indifférence », même, pages 38 et 122, ou encore 219
et 220. Les combattants seront soumis à plusieurs états fluctuants, tantôt proche de
l'amusement, page 66 (« la guerre les amuse »), tantôt de la « nervosité maladive », pages 136
et 296-297 où Jünger éclate en « sanglots convulsifs ». C'est la première fois qu'il laisse
paraître ainsi ce sentiment, qui lui est propre, car auparavant toutes les émotions retranscrites
étaient partagées par tous les soldats, sauf celle-ci donc. Preuve que Jünger et ses hommes
subissent la guerre est faite page 324, où il explique qu'il faut « être fataliste », créant l'idée
d'une résignation. La notion d' « accoutumance » apparaît, elle, page 343. Sur le terrain
comme rétrospectivement, l'auteur va avoir plusieurs réactions tout de même concernant la
guerre ; il va d'abord la qualifier d'incohérente, page 37, avant de réviser sa position page 41:
« Tiens, tiens, toute cette histoire a donc un sens ». Ces réactions, il faut le noter, sont tout de
même très rares; page 222, il qualifie ce qu'il appelle souvent la « danse macabre » d'absurde
et met également en avant la déshumanisation de cette expérience, à deux reprises: page 151,
« on avait le sentiment glaçant de n'avoir plus affaire à des hommes, mais à des démons. » et
pages 214-215, où il parle d'un « troupeau démoralisé ».
La confusion règne dans l'esprit des soldats, comme nous le montrent ces réactions et
sentiments changeants, qui ne seront qu'à l'image de la confusion de la guerre elle-même,
exprimée tout au long de ce témoignage, notamment pages 32, 37 ou 247. En effet, Jünger
nous parle sans cesse des « pilonnages » ennemis, qui laissent entendre une sorte de désordre
dans les batailles. Outre les obus et les shrapnells, les fusils, l'aviation présents tout au long de
la guerre, les adversaires utilisent toutes sortes d'armes, comme les mines aériennes, page 58,
les grenades à fusil, page 78. Le gaz est utilisé et mentionné pour la première fois page 105.
De leur côté, les Allemands utilisent les bombes à retardement, page 170. Si les attaques
s'opèrent de manière lointaine le plus souvent, la page 196 fait mention pour la première fois
d'une attaque au corps à corps entre les deux camps. Tout au long du livre, l'auteur accorde
une grande importance aux pertes subies, décrivant dans la majeure partie des cas avec
précision la mort des soldats, surtout dans la partie intitulée « Chroniques quotidiennes de la
guerre des tranchées » qui dresse une liste exhaustive, jour par jour quasiment, des pertes
allemandes. On a très peu de chiffres exacts notés quant à ces pertes, excepté à la page 298; le
reste du temps, Jünger parle de « lourdes pertes », comme à la page 181. Au tout début, on
peut relever les sentiments auxquels est en proie l'auteur lorsqu'il voit une personne mourir
devant lui; ainsi, page 11, il nous parle d'une « sensation étouffante d'irréalité ». et est fasciné
par ce « spectacle », page 12, qu'il qualifie de « bizarre » et d' « étouffant » page 33. Mais ce
sentiment va profondément changer; au début de la guerre, l'auteur prend soin de retranscrire
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ce qu'il ressent dans ces cas-là, mais au fur et à mesure où l'on avance, il ne prête plus grande
attention à cela, se contentant de décrire froidement. Les morts sont décrits avec exactitude au
début, physiquement, puis tout cela devient plus vague ensuite, à partir de la page 131. Il
s'agit ainsi de « sauver sa peau », page 129, sans faire attention désormais aux morts et aux
blessés. Une chose que l'on peut noter, de plus, est le fait qu'Ernst Jünger ne mentionne que
très rarement lorsqu'il tue lui-même un adversaire. A la page 116, en tant que lieutenant,
donne pour la première fois l'ordre de tirer sur l'ennemi. C'est à partir de la page 300, début de
la « Grande Bataille » qu'il nous parle un peu plus des victimes qu'il fait lui-même, en lien
sans doute avec la grande exaltation dont il est agité. Peut-être qu'il a voulu passer sous
silence ce point-là dans le reste de son témoignage, toujours est-il qu'il est pris en quelque
sorte d'un remord, page 318, après avoir tué un Anglais: « c'est un compte à régler avec nousmêmes ». Plus que de tuer des ennemis, ce qui revient de manière, pourrions-nous dire,
obsessionnelle, c'est la volonté de Jünger et ses hommes de faire des prisonniers, pages 95,
117 et surtout 198-199, où ils y parviennent. L'explication donnée est la touche d'une « prime
pour chaque prisonnier, mort ou vif », page 198.
B) Face à la démoralisation, des facteurs de ténacité :
Le premier facteur évoqué par Ernst Jünger est la peur d'un danger aléatoire,
imprévisible. Page 11, il nous décrit l'ennemi « énigmatique, malfaisant, quelque part derrière
l'horizon. ». Le soldat est constamment en « attente continuelle » (page 202) de la mort, sans
voir forcément son ennemi, comme à la page 273, « Mais où peuvent donc bien être tous les
propriétaires de ces fusils ? ». De plus, les multiples blessures de l'auteur contribuent à le
démoraliser sans doute: elles sont évoquées page 42, première blessure, à la cuisse gauche,
page 139, deuxième blessure, à la jambe gauche, page 152, troisième blessure, aux deux
jambes, page 226, quatrième blessure, superficielle, à la main, page 246, cinquième blessure,
à la main gauche, page 284, sixième blessure, à la tête, page 286, septième blessure, une
nouvelle fois à la tête, page 332, blessure à la poitrine, page 333, nouvelle blessure à la tête,
après laquelle il est annoncé mort dans les tranchées, page 348, avec de nouvelles blessures à
la main, et enfin la dernière, page 371, qui lui vaudra d'être démobilisé, à la poitrine de
nouveau, après laquelle l'auteur fut persuadé d'avoir affaire à la mort; « Cette fois-ci, mon
compte était bon » dit-il page 371. Ensuite, on peut évoquer la fatigue extrême à laquelle sont
confrontés les soldats, page 16; ceux-ci ne jouissent que de deux heures de sommeil, à cause
des corvées citées, comme le travail d'aménagement des tranchées. Les conditions climatiques
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entrent aussi en ligne de compte dans la démoralisation des combattants: outre le froid, il y a
la pluie (page 16 par exemple) qui peut entraîner des éboulements, comme à la page 71, ou la
formation de marécages boueux, page 258. Par ailleurs, la pluie favorise les rhumatismes,
page, page 17. La saleté est également évoquée, page 20, où Jünger parle de « crasse ». Page
15, l'extrême saleté et les conditions difficiles font penser à l'auteur qu'il est sur le front depuis
« des mois », alors qu'il ne vient de passer que ses premières heures de sommeil dans les
tranchées. Il y a aussi le manque et la qualité de la nourriture qui est mentionné, page 321
entre autres, et la soif n'est évoquée qu'une seule fois, page 313. Dans les tranchées, les
soldats sont aussi amenés à lutter contre les animaux nuisibles en tout genre: les poux, pages
28-29 et 239, les rats, pages 59 et 73, la vermine, page 63, et les moustiques, page 219. Des
maladies circulent également, comme l'enflure des amygdales dont est victime Jünger page
314 et la grippe, qui fit des ravages importants, page 347. On nous parle aussi des petits bobos
dont peuvent souffrir les soldats, comme les cals, page 225. Mais par-dessus tout, c'est la
monotonie, la lassitude qui sont responsables de la démoralisation des combattants, comme on
peut le voir pages 65, 69 ou encore 179-180 (« las et moroses »). Les soldats sont alors
résignés, comme en témoigne Jünger page 248 qui déclare avoir « déjà abandonné tout espoir
de sortir vivant de ce guêpier ». Dès lors, page 337, il tient la « défaite pour possible ».
Mais il existe tout de même des facteurs de ténacité, qui permettent au soldat de
s'échapper un peu de l'enfer de la guerre, même si cela reste très relatif. L'alcool et le café
pour tenir face au temps froid et humide (page 19) est l'un de ces facteurs, très récurrent, ainsi
que le tabac. Page 136, l'auteur explique que « le vin rouge, dans de telles situations est le
meilleur des remèdes ». La lecture en tout genre est aussi très évoquée, que ce soit la lecture
de lettres ou de journaux, page 63. Les soldats, de plus, s'adonnent à des jeux de cartes,
comme à la page 212. L'écriture du carnet de guerre par Jünger est aussi, sans doute, un
moyen d'échapper à la morosité (page 69), tout comme le fait de flâner et de s'évader grâce au
printemps (page 30 notamment). Le patriotisme n'est évoqué en quelque sorte qu'une seule
fois, page 251, au travers de l'inscription en allemand; ce n'est qu'un reflet de la pensée
d'autres soldats mais pas forcément celle de Jünger, puisqu'il dit « On avait gravé », qui
traduit un certain éloignement de l'auteur. Un dernier facteur de ténacité que nous allons
développer plus tard est la relation développée par Jünger avec le reste des troupes.
C) Les rapports sociaux au front et à l'arrière :
Commençons dans un premier temps par les rapports qu'entretient Jünger avec ses
ennemis et comment il les nomme. Pendant la guerre, les Allemands sont confrontés à des
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Anglais, des Français, des Hindous, et même des highlanders (Ecossais), page 325 et des NéoZélandais, ou Anzacs page 356. Ils sont ainsi nommés par l'auteur, qui utilise aussi les mots
« ennemis » ou « adversaires » mais avec neutralité; il n'y a pas de haine apparente. Ce
sentiment est appuyé par ce que déclarera Jünger en 1960, qui déclare destiner son œuvre aux
combattants français de la Première Guerre Mondiale et qui souhaite le rapprochement entre
les deux patries. Le sentiment de haine est marqué en revanche chez les autres soldats, comme
on le voit à la page 62: « ces salauds d'Anglais ». L'auteur loue, de plus, les qualités militaires
des Anglais page 54 par exemple et les considèrent d'égal à égal. Ainsi, page 277, lors de la
rencontre avec un jeune capitaine anglais, Jünger constate qu'il a « affaire à un homme » et lui
serre la main, page 278 et considère également les highlanders comme de vrais hommes, page
325. Il a du respect pour les ennemis, marqué à plusieurs reprises: page 165, l'auteur regrette
la mort d'un officier anglais et aux pages 307-308, il épargne un soldat anglais qui lui avait
montré une photo de sa famille, avant d'épargner un officier page 310. Page 76 est évoquée la
première discussion entre Jünger et un Anglais; on se reprochait mutuellement de tuer des
soldats de chacun des camps en traître. En vertu d'une « convention tacite » (page 88), il
fallait tuer l'ennemi à coup de fusil et pas avec des explosifs sous peine de riposte accentuée.
Page 266, on observe, de plus, que la Croix Rouge peut agir librement, sans crainte d'être
inquiétée.
Parlons maintenant des relations avec ses semblables. Au début, il les appelle de
manière générique, « ses camarades », hormis des relations amicales qu'il nomme
précisément, telles que Clément, le peintre Tebbe et les frères Steinforth, page 25, et Kius
page 184. Lorsqu'il n'est que simple soldat, Jünger note une entraide forte entre tous les
combattants, à la page 64. Mais à partir de sa promotion au grade de lieutenant (page 74), il
nomme ces soldats par le terme « mes hommes » ou « ma compagnie », mais paradoxalement,
il accorde une plus grande importance à leurs noms que lorsqu'il était lui-même soldat. Il
entretient une relation particulière avec son frère Fritz, également présent au front. Page 217,
il se sent responsable de son sort, et la lettre de Fritz, à partir de la page 230, confirme cet état
de proximité. Pour Ernst, la mort de Fritz serait une « perte irrémédiable », page 216; c'est
pourquoi il s'occupe personnellement de son évacuation lors de sa blessure. Les hommes
placés sous le commandement de Jünger, par ailleurs, témoignent d'une réelle affection envers
lui. Page 119, Jünger déclare disposer d'un certain « crédit personnel » aux yeux de sa
compagnie. A la page 140, ses hommes viennent même à son chevet pour s'enquérir de son
état, ainsi qu'à la page 378, où il reçoit des « témoignages de sollicitude ». Une phrase résume
bien ce que ressentais la compagnie à l'égard de son lieutenant; pages 249-250, le soldat
Dujesiefken déclare: « Mais le lieutenant Jünger, maintenant, je le respecte ». En contrepartie
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de ces marques d'affection, l'auteur se sent comme ayant des responsabilités envers eux, page
296, qu'il désignent comme « braves d'instinct », page 351.
Avec les autorités sur le terrain, les officiers, Jünger entretient d'une manière générale
de bons rapports avec eux. Il y a une certaine proximité, évoquée page 27 avec le lieutenant
Hoppe. Les officiers sont quasiment tous nommés précisément, et Jünger leur attribue des
qualificatifs souvent mélioratifs, comme pour le « brave caporal Kerkhoff, page 29. L'auteur
développera des relations particulières; il est affecté par la mort du lieutenant Brecht, page
259 et celle de von Brixen, page 302. Mais c'est la relation avec le colonel von Oppen que
Jünger va développer: page 49, il nous parle d'un officier « très intelligent », qui va lui
accorder sa confiance page 168 et « son estime » page 250. La nouvelle de la mort de von
Oppen page 291 va profondément l'affecter. Tout cela contraste avec l'opinion que se fait
Jünger des officiers des états-major, qui selon lui, n'ont « aucune expérience de la guerre de
positions » page 20. Il les qualifient d'« officiers observateurs » page 67, sans aucune
expérience du terrain. Page 250, une phrase résume fort bien cette pensée: « Pour lui, toute
l'affaire était un plan, pour nous, une réalité intensément vécue ». Cependant, Jünger tient
beaucoup aux décorations qui lui sont remises, pages 158, 287, 379 et 380. Pour exemple,
après que l'une d'elles soit tombée, il la cherche avec ardeur, page 370.
Enfin, le témoin a peu de relations avec des gens de l'arrière, ou du moins, il les
évoque très peu. Il n'a de relations avec la population civile des zones de bataille que pour se
ravitailler par exemple. Deux relations sont plus particulièrement décrites: celle avec une
certaine Jeanne, page 90, mais surtout celle avec la famille Plancot, « très aimable » (page
207), laquelle le prendra en affection, comme on peut le voir page 379, lorsqu'ils lui apportent
des cadeaux après sa blessure. La dernière chose que nous pouvons évoquer est l'influence
qu'a eu son père sur son parcours militaire; lors de sa première permission, page 47, celui-ci
lui suggère de se « porter volontaire pour un cours d'élèves-officiers ». C'est ce qui lui a valu
notamment d'avoir des hommes sous son commandement et d'être élevé au rang de lieutenant.
Camille DUBOUT (Université Paul-Valéry Montpellier III)

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