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N° 9 - OCTOBRE 2006 É D I TO R I A L A S S O C IATI O N A ÉR O NAUTI Q U E & A STR O NAUTI Q U E ITAR – EAR* Bien avant le 11 septembre 2001 existait, dans le cadre de l’Office of Munitions Control, une réglementation américaine pour les exportations de matériels de guerre, de biens et de technologies à double usage, visant à empêcher la fuite des technologies de pointe vers des pays ennemis ou à risque. Cette réglementation était appliquée avec plus ou moins de souplesse selon les cas et les intérêts politiques ou économiques des pays, à commencer par ceux des EtatsUnis eux-mêmes. Après les attentats, c’est non seulement une application stricte de ces règles qui a été imposée mais leur renforcement, résultant en une contrainte énorme pour les industriels et les fournisseurs. A l’évidence, cette réglementation est devenue une priorité pour la France et pour de nombreux pays luttant contre la prolifération d’armes et le transfert de technologies à des Etats ennemis, terroristes ou sous embargo. Dans ce contexte il est clair que, pour des raisons de sécurité nationale et de domination économique, les Etats-Unis cherchent à préserver leurs avantages technologiques par un arsenal de réglementations pour contrôler au mieux leurs échanges d’informations et de biens sensibles. Si les grands industriels ont pu s’organiser en créant des services spécialisés au sein de leurs unités d’import-export d’équipements, il n’en est malheureusement pas de même pour les petites entreprises, confrontées du jour au lendemain à d’énormes problèmes qu’elles ont du mal à résoudre. La complexité des procédures, la lenteur des obtentions de licences ont eu des conséquences économiques souvent désastreuses ou ont découragé leur volonté d’exportation. Une politique « ITAR-Free » totale, s’affranchissant de l’utilisation de composants et savoir-faire US, serait irréaliste et coûteuse et grèverait la compétitivité de nos produits, sans pour autant éliminer la nécessité du contrôle à l’exportation des technologies sensibles. Aider les entreprises du secteur aéronautique et spatial C’est pourquoi, dans le cadre de la Commission internationale de l’AAAF il nous a paru nécessaire d’aider les entreprises du secteur aéronautique et spatial n’ayant pas la structure ou les moyens de faire face à ces nouvelles procédures ou insuffisamment armées pour DANS CE NUMÉRO : LA VIE DES GROUPES RÉGIONAUX NOUVELLE DE… SMART 1 10 DE F R AN C E adopter la bonne marche à suivre auprès des autorités américaines. Un sondage préliminaire auprès des entreprises nous a conforté dans l’idée de mener une action de sensibilisation et d’information. Le séminaire ITAR-EAR** C’est ainsi que la commission internationale de l’AAAF s’est rapprochée du GIFAS pour préciser les besoins des industriels et organiser une journée d’information, le 19 septembre dernier, qui a réuni plus de deux cents participants de tous les milieux industriels : PME/PMI et grands groupes. Cette opération n’était évidemment pas anti-américaine, bien au contraire. Elle visait à aider à respecter strictement les règles ITAR-EAR car nous partageons les mêmes soucis : protéger les hautes technologies, éviter que leur usage ne soit détourné. N’oublions pas que les sociétés US exportatrices sont soumises aux mêmes contraintes avec les mêmes risques de sanctions. Les débats ont permis d’éclairer bon nombre d’interrogations. La moindre n’étant pas la contradiction qui peut exister pour un industriel, entre l’application de cette réglementation américaine et les règles françaises et européennes imposées dans certains appels d’offre. Ces travaux seront poursuivis au sein des instances du GIFAS afin d’essayer de dégager des pistes d’action pour le futur. Conclusion La réussite de ce séminaire a montré tout l’intérêt d’une coopération plus étroite entre les commissions internationales du GIFAS et de l’AAAF pour mieux communiquer avec le milieu industriel aéronautique et spatial. Je souhaite que les conseils d’administration du GIFAS et de l’AAAF apportent leur support à la poursuite de cette fructueuse coopération sur d’autres sujets aussi concrets. Enfin mille merci à mes collègues de l’AAAF et plus particulièrement à Pierre BESCOND qui ont su pallier mon indisponibilité en phase finale du projet pour assurer le succès de ce séminaire. Claude GOUMY, AAAF, COMMISSION INTERNATIONALE * International Traffic in Arms Regulations - Export Administration Regulations ** Les principaux résultats de cette journée sont présentés dans l’article de Pierre BESCOND et Louis LAIDET publié dans ce même numéro de La Lettre. 2-5 • LA VIE DES COMMISSIONS TECHNIQUES • LES HISTOIRES DE L’HISTOIRE 11-15 • 6-7 • L A V I E D E D E S G RO U P E S R É G I O N AU X Bordeaux – Sud Ouest L’ASTROPHILATÉLIE AU 33ÈME CONGRÈS DU GROUPEMENT PHILATÉLIQUE D’AQUITAINE il est détaché auprès de l'équipe projet ATV (Automated Transfer Vehicle) à l’Etablissement EADS Astrium des Mureaux. Le groupe régional Bordeaux-Sud Ouest a participé au congrès du groupement philatélique d’Aquitaine ayant pour thème « l’astrophilatélie », organisé les 23 et 24 septembre derniers, conjointement par les associations philatéliques des Comités d'Entreprise d’Astrium EADS /AQ et Snecma Propulsion solide du Haillan au carré des Jalles de SaintMédard-en-Jalles. Luc DELMON, membre du groupe régional, secrétaire du CE d’Astrium EADS/AQ et président de l'Association philatélique « La Marianne », Alain LANTIN membre du bureau et Evelyne KRUMMENAKER secrétaire du CE Snecma propulsion solide et présidente de la section philatélique de Snecma PS étaient les organisateurs de cette manifestation. Le groupe régional AAAF a, pour sa part réalisé des panneaux montrant l'évolution de l'industrie spatiale en Aquitaine de 1958 à nos jours et organisé l'exposition de maquettes prêtées par l'établissement d’Astrium EADS /AQ : lanceurs Diamant A, Ariane 4 et Ariane 5, Soyouz, ATV, ARD, satellite Astérix. ■ Jean-François CLERVOY et Yann GUILLOU, président du GR AAAF Bordeaux Sud-Ouest, devant la maquette de l'ATV Parmi les nombreuses anecdotes de sa conférence, une concerne spécialement l’astrophilatélie. À bord de la station Mir, il s’est adonné à une expérience d’oblitération spatiale avec les cosmonautes soviétiques en signant des paquets d’enveloppes à oblitérer avec le tampon unique. À la fin de la conférence Luc DELMON, prélevant dans sa collection personnelle lui a offert une enveloppe de lettre postale spatiale exceptionnelle. Cette envelop- ■ une lettre postale spatiale pe faisait partie d’un lot particulier qui a quitté la station internationale dans les bagages du module largué en octobre 1998 et récupéré par un navire de la marine nationale. Elle fut alors oblitérée à bord du navire, la poste n'ayant pas… encore de bureau dans le ciel ! L'exposition philatélique a obtenu un franc succès auprès de visiteurs avertis et passionnés. La présence d'un spationaute français et de l'exposition organisée par le groupe régional AAAF y ont grandement contribué. L’évènement a été abondamment commenté dans les colonnes de l'édition locale du journal Sud-Ouest. N° 9 - OCTOBRE 2006 ■ L’exposition des maquettes 2 Matthieu VISSA et Claude MOTEL, membres du bureau, ont assuré une permanence pour répondre aux questions des visiteurs sur le « spatial ». Le spationaute Jean-François CLERVOY, tête d'affiche du congrès a tenu une conférence le samedi matin 24 septembre. Après trois missions dans l’espace : • STS-66 en novembre 1994 : mission expériences scientifiques, mise en place et récupération du satellite allemand SPAS ; • STS-84 en mai 1997 : mission d'amarrage et de ravitaillement de la navette spatiale à la station Mir, d’une durée de 9 jours ; • STS-103 en décembre 1999 : 3ème mission d’entretien du télescope spatial HUBBLE. Gérard PERINELLE Cannes – Côte d’azur UNE CONFÉRENCE DE BERNARD COLLAUDIN ET THIERRY BANOS, ALCATEL ALENIA SPACE – CANNES A CANNES, LE 19 SEPTEMBRE 2006 grammes renommés tels que ISO (astronomie infrarouge) et HUYGENS (la sonde européenne s’est posée avec succès en janvier 2005 à la surface de Titan, la plus grosse Lune de Saturne). ■ Bernard COLLAUDIN ■ Thierry BANOS Le programme de développement Herschel-Planck Dans cette position L2 particulière, le maintien des satellites sur leur position orbitale sera facilité, ainsi que l’observation de l’univers qui se fera dans la direction opposée au soleil sans risque que le champ d’observation soit perturbé par la présence de la Terre. Les générateurs solaires, solidaires du corps des satellites, sont orientés pour être toujours illuminés par le soleil ; ils constituent ainsi un écran solaire favorisant le refroidissement de l’instrumentation scientifique, cryostat, télescopes et instruments dédiés. PLANCK Le satellite Planck, haut de 4,2 m et de diamètre 4,2 m pèse 2 tonnes au lancement. Il a pour mission de « remonter le temps » vers la genèse de notre univers telle qu’elle peut être reconstituée en examinant très finement le rayonnement de fond cosmologique issu du L A L ETTRE AAAF Les satellites Herschel et Planck du programme scientifique de l’Agence Spatiale Européenne sont destinés à des missions d’astronomie et d’astrophysique à la découverte de l’univers froid et lointain. Porteurs de noms de savants illustres1,2 ils permettront d’approfondir nombre de connaissances grâce à des instruments complexes faisant appel à des technologies sophistiquées. Le programme de développement Herschel-Planck dont la maîtrise d’œuvre industrielle avait été obtenue en compétition par Alcatel Alenia Space Cannes s’achèvera début 2008 par la mise en orbite des satellites depuis la base de Kourou avec un lanceur Ariane 5 ECA configuré pour un lancement double. Chacun des satellites poursuivra une mission spécifique, mais leur développement a été réuni en un seul programme de réalisation, car leur plate-forme est pour l’essentiel bâtie sur une configuration identique, ce qui a permis une économie de production. Ce programme double est, par son ampleur et son coût, le plus important jamais réalisé en Europe dans le domaine spatial scientifique. De très nombreux industriels (150 sous-contrats) et environ 40 laboratoires scientifiques ont été mis à contribution pour réaliser l’instrumentation scientifique. Pour le site industriel spatial de Cannes, le programme Herschel-Planck a pris la suite de pro- DES CONDITIONS D’OBSERVATION TRÈS PARTICULIÈRES La nature peu énergétique des rayonnements que vont analyser ces satellites, rayonnements en infrarouge lointain et rayonnements électromagnétiques de longueurs d’onde sub-millimétriques, nécessite de produire des températures proches du zéro absolu (0°Kelvin = 273,16°Celsius) avec des systèmes dits cryogéniques afin de refroidir les instruments et leur donner ainsi la sensibilité nécessaire. De telles observations sont difficiles voire impossibles depuis les observatoires au sol en raison de l’opacité de l’atmosphère à ces rayonnements. En outre et pour pouvoir observer 24h sur 24, les satellites seront placés à 1,5 millions de km de distance de la Terre autour d’un point baptisé L2 (Point de Lagrange 2), à l’opposé de la direction du soleil par rapport à la Terre, là où les forces d’attraction du Soleil et de la Terre s’égalisent. HERSCHEL Le satellite Herschel, un géant haut de 7,5 m et de diamètre 4,5 m pèse 3,3 tonnes au lancement. Il embarque un imposant cryostat à Hélium liquide (2400 litres) qui enserre le plan focal d’un télescope et les parties sensibles de trois instruments à l’intérieur d’un espace froid à 4° K. La lente ébullition contrôlée de l’Hélium liquide embarqué permettra de soutenir cette température cryogénique pendant les 3 ans et demi que durera la mission. Les observations faites à l’aide du télescope, dont le miroir principal a un diamètre de 3,5 m, et des instruments PACS3, SPIRE4 et HIFI5, apporteront de nombreuses informations nouvelles sur la matière froide interstellaire et la formation des galaxies, les plus anciennes (nées après le Big Bang) ; cellesci, les plus distantes, ne rayonnant plus que dans le domaine de l’infrarouge. La composition de notre univers peuplé de galaxies, d’étoiles et de matière interstellaire froide pourra ainsi être mieux connue de même que l’âge, la formation et l’évolution de ces éléments dans l’espace-temps. Le satellite Herschel sera stabilisé sur ses trois axes afin d’orienter avec une grande précision (avec une stabilité de l’ordre d’une seconde d’arc) son télescope vers des régions de l’univers présélectionnées par les chercheurs, à l’intérieur et en dehors de notre galaxie. L A V I E D E D E S G RO U P E S R É G I O N AU X LES MISSIONS SCIENTIFIQUES HERSCHEL ET PLANCK ■ Orbites d’observation des satellites Herschel et Planck autour de L2 3 L A V I E D E D E S G RO U P E S R É G I O N AU X N° 9 - OCTOBRE 2006 4 Le satellite Planck est intégré par Alcatel Alenia Space à Cannes, le satellite Herschel est intégré en Allemagne par le partenaire Astrium GmbH. Les plates-formes communes (modules dits de service) sont produites à Turin par un autre des Etablissements de Alcatel Alenia Space. Conclusion ■ Le modèle de vol du satellite Herschel en essai à l’Estec Big Bang après environ 350 000 ans. Ce rayonnement très homogène, généré il y a plus de 13 milliards d’années, est présent dans tout l’univers et sa température équivalente n’est que de 2,7°K en raison même de l’expansion de l’univers. Pour obtenir des informations sur l’hétérogénéité de ce rayonnement il faut pouvoir examiner des variations infimes de température, entre le millième et le millionième de degré, à des températures proches du zéro absolu. Pour ce faire, la tête de détection des récepteurs d’ondes électromagnétiques (ondes radio en hyperfréquences entre 30 et 900 milliards de Hertz ou GHz) doit être portée à une température de 0,1° Kelvin. Un tel exploit technologique est réalisé par une conception thermique associant satellite et instruments et réalisant une cascade de refroidissements. Le premier saut est obtenu en faisant rayonner passivement le corps du satellite vers l’espace froid pour obtenir le premier palier à 50°K (- 223°C). Puis le relais est pris activement par deux étages successifs de machines thermodynamiques abaissant la partie instrumentale respectivement à 20°K puis 4°K. Enfin, un savant système de dilution à température cryogénique entre des isotopes de l’Hélium permet d’atteindre la température de froid ultime à 0,1°K. Les subtiles anomalies du rayonnement observé, en température et en polarisation, permettront-elles de percer des mystères sur les éléments et ■ Le satellite Planck en chambre acoustique à Cannes Par un exposé brillant et largement documenté, les deux conférenciers, respectivement responsables de superviser les développements des instruments scientifiques HerschelPlanck et la réalisation du satellite Planck, ont avec simplicité plongé l’auditoire dans l’extrême technicité de ces nouveaux développements spatiaux et fait partager leur vif intérêt pour les domaines scientifiques que ces développements vont servir et enrichir. Jean-Jacques DECHEZELLES ■ Le module de service Herschel-Planck les énergies qui président à l’évolution de l’univers, telle est positivement l’espérance des concepteurs de la mission Planck. Les instruments complémentaires HFI6 et LFI7 sont chargés de cette quête prestigieuse. Le satellite Planck est stabilisé en autorotation lente à 1 tour par minute en sorte que la combinaison de son mouvement propre et de son parcours orbital permette de balayer tout l’espace en une année. La mission Planck est prévue pour une durée nominale d’observation de 18 mois. Illustrations : ESA, Alcatel Alenia Space et Astrium Pour en savoir plus : http://www.esa.int/esaSC/120390_index_0 _m.html http://www.esa.int/esaCP/SEMT1YW4QW D_France_0.html http://planck.esa.int/sciencee/www/area/index.cfm?fareaid=17 ■ Les satellites Herschel et Planck sur fond de rayonnement IR fossile 1. William Herschel (1738-1822), Astronome, découvreur de la Planète Uranus et du rayonnement thermique infrarouge 2. Max Planck (1858-1947), Physicien, inventeur de la théorie des quanta, base de la physique moderne 3. PACS, pour Photoconductor Array Camera and Spectrometer. 4. SPIRE, pour Spectral and Photometric Imaging Receiver 5. HIFI, pour Heterodyne Instrument for Far Infrared 6. HFI, pour High Frequency Instrument 7. LFI, pour Low Frequency Instrument Marseille – Provence CONFÉRENCE DE FRANCIS COMBES, EUROCOPTER Le 23 juin 2006, Francis COMBES, directeur du programme EC175 à Eurocopter a présenté au groupe régional de MarseilleProvence le programme de développement du nouvel hélicoptère EC175 réalisé en coopération avec la Chine. L’appareil fait l’objet de spécifications communes aux deux constructeurs qui se répartissent globalement à égalité l’ensemble des activités. l’accord de licence de production du « Dauphin/Z9 », poursuivi en 1992 par le partenariat à 24 % pour la part Chinoise dans le programme EC120. Pour l’EC175, c’est d’un partage 50/50 qu’il s’agit. Du sud au nord de la Chine, cinq grands centres industriels participeront au programme : Changsha, Jingfde Zen, Harbin, Xian et Pékin... Dans un premier temps, Francis COMBES a présenté la gamme des hélicoptères produits par Eurocopter. A côté de l’essor des ventes des appareils légers de moins de 3 tonnes, il a souligné le succès rencontré d’une part par les appareils de masse décollable comprise entre 3 et 5 tonnes soit 760 appareils livrés en 25 ans, et d’autre part celui des appareils de masse décollable comprise entre 8 et 11 tonnes avec 620 appareils livrés en 25 ans. L’exposé met en évidence qu’il n’y a eu aucune tentative jusqu’à ce jour par Eurocopter de développer une machine dans le créneau des 5 à 8 tonnes. Une coopération clairement définie Le créneau des 5-8 tonnes – Trois raisons militent maintenant pour le développement d’un appareil de cette catégorie : – le marché des hélicoptères de moyen tonnage s’est récemment développé à la suite de la création de l’AW 139 par Agusta-Westland ; – l’absence de produit Eurocopter, dans ce domaine de masse décollable ; – la volonté clairement exprimée de la Chine de développer en coopération un appareil de cette classe. Une entreprise stratégique pour la France et la Chine – Le programme de développement de l’EC 175 en coopération avec la Chine représente une entreprise stratégique pour les deux pays. Il bénéficie, dès l’origine de quelques atouts majeurs : – le partenaire chinois d’Eurocopter, AVIC, a déjà coopéré avec Eurocopter dans le développement de l’EC120 et accepte pour ce nouveau développement de partager le coût des investissements et les risques du développement ; – EADS est globalement intéressé à promouvoir une coopération avec la Chine et en général avec l’Asie où de nombreuses autres affaires sont en discussion ; – le gouvernement français approuve cette démarche de coopération franco-chinoise et offre une avance remboursable de 100 millions d’Euros permettant le lancement du programme ; – ce programme EC175 représente en outre pour EADS un projet pilote de coopération avec l’Asie où de très importantes affaires commerciales sont actuellement à l’étude. Les principes de base de la coopération de cet appareil civil sont dès à présent clairement définis avec un programme divisé en 4 phases : définition, développement, industrialisation et commercialisation. Le contrat définit l’ensemble des principes de coopération et détaille toutes les phases du programme à développer. Des chapitres complémentaires porteront sur les optionnels et les phases d’industrialisation, de production et de support après vente. Chaque partenaire financera 50 % du coût des travaux à effectuer selon une répartition des charges au titre de leur investissement et de la prise en charge des risques. L’appareil développé fera partie intégrante des familles de produits développés par Eurocopter ainsi que de ceux développés par la Chine. Deux chaînes d’assemblage sont prévues dans chacun des pays et assureront la production et la livraison des hélicoptères à leurs clients respectifs. Un engagement contractuel de non compétition a été signé par les deux partenaires et concerne une catégorie de masse décollable. Chaque partenaire s’adresse à sa propre autorité de certification et sollicite un certificat de navigabilité en respectant un délai d’une année entre la certification européenne EASA et celle de la Chine. La propriété industrielle et le « know how » acquis par chaque coopérant ne doivent pas être communiqués en dehors du cercle des coopérants, ni ne feront l’objet de présentations techniques écrites ou verbales. Calendrier Le calendrier prévisionnel du programme EC175 s’établit comme suit : – 2006 : mise en place du contrat et des comités permanents ; – 2009 : premier vol du premier prototype ; – 2010 : vols de développement et de certification ; – 2011 : certification EASA. Après six mois de fonctionnement du bureau d’étude commun à Marignane, on peut considérer que le programme a beaucoup progressé. Des impératifs industriels et commerciaux obligent les constructeurs à respecter une totale discrétion dans ce domaine. L’auditoire a posé de très nombreuses questions, témoignage du très haut intérêt que le Groupe Régional AAAF porte à ce programme. Fernand D’AMBRA L A L ETTRE AAAF Un accord, fruit d’une coopération de longue date – Le contrat de coopération franco-chinois a été signé en présence des deux premiers ministres le 5 décembre 2005. Cet accord a été suivi par une visite à Marignane du Premier ministre de la république populaire de Chine le 6 décembre. Ce programme constitue le prolongement naturel d’une coopération de longue date remontant aux années 80 avec L A V I E D E D E S G RO U P E S R É G I O N AU X LE PROGRAMME D’HÉLICOPTÈRE FRANCO-CHINOIS EC175 5 LA VIE DES COMMISSIONS TECHNIQUES N° 9 - OCTOBRE 2006 6 Une journée de sensibilisation ITAR-EAR organisée le 19 septembre 2006 à Paris : « MAÎTRISER LES RÉGLEMENTATIONS AMÉRICAINES : UN FACTEUR CLÉ DE VOTRE COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE » PAR PIERRE BESCOND ET LOUIS LAIDET ■ Pierre BESCOND auprès de l’industrie. Cette enquête effectuée auprès de plus de 2000 personnes représentant 869 entreprises a permis d’obtenir un certain état des lieux et a suscité des attentes et des demandes auxquelles le séminaire qui a été organisé le 19 septembre dernier à Paris voulait répondre. Ce séminaire a rassemblé près de 250 personnes appartenant à 90 sociétés ou organisations professionnelles. L’enquête et ses résultats ■ Louis LAIDET ITAR-EAR : une nouvelle réglementation contraignante Depuis le 11 septembre 2001 les Etats-Unis ont renforcé le contrôle des exportations de matériels de guerre et de biens ou technologies à usage dual, civil et militaire. Ce contrôle, entre les Etats-Unis et le reste du monde, s’exerce à l’aide de règles et de licences accordées à l’exportateur initial américain. Celles-ci doivent naturellement être respectées et appliquées par l’importateur étranger pour être en mesure de livrer son client et ne pas entraver la réexportation du produit final. En effet, l’obtention des licences est conditionnée à la fourniture de certaines informations, telles que l’Etat vers lequel est exporté le bien, le destinataire et l’usage final qui en est fait ou encore la nature du produit final. Dans le cadre de ses activités, la Commission internationale de l’AAAF avait identifié dès la fin 2005 la nécessité d’aider la communauté industrielle aéronautique et spatiale à comprendre ces mécanismes réglementaires de plus en plus contraignants imposés par l’administration américaine, devenus de fait une véritable entrave à la compétitivité internationale. Pour évaluer le besoin de cette communauté et mesurer son degré de connaissance de ces réglementations et de leurs contraintes, nous avons procédé dans un premier temps à une enquête Dans un premier temps Pierre BESCOND a présenté les résultats de l’enquête menée par le groupe de travail de novembre 2005 à juin 2006, visant à identifier les besoins de la communauté aéronautique et spatiale au regard de la nouvelle réglementation américaine : Nombre de prospects : Nombre de retours : Sociétés concernées : Sociétés non concernées : 869 96 58 38 Cinq questions ont été posées : ❶ « Dans vos activités, êtes vous concernés par cette réglementation ITAR/EAR ? » Ponctuellement 34/96 35,42% Régulièrement 18/96 18,75% Intensément 6/96 6,25% Jamais 38/96 39,58% ❷ « Quelles sont les difficultés majeures rencontrées ? » • Niveau de connaissance 19/58 32,76% • Compréhension de la réglementation 28/58 48,27% • Mise en œuvre/Applications 26/58 44,83% ➌ « Avez-vous une organisation spécifique pour cette problématique ? » Oui 18/58 31,03% En cours 4/58 6,90% Non 36/58 62,07% ➍ « Souhaiteriez vous une assistance éventuelle ? » Oui 36/58 62,07% Non 10/58 17,24% (mais 6/10 pour une info générale) Pas de réponse12/58 20,69% ➎ « Avez-vous des suggestions à faire ? » • Améliorer les délais d’obtention • Participer à un séminaire • Pouvoir disposer d’un expert que l’on pourrait consulter pour des cas difficiles • Avoir une personne qui puisse suivre les demandes de licences auprès des autorités américaines. L’organisation de l’administration américaine Le Commander Peter-Nicholas LENGYEL, représentant de l’ambassade des Etats-Unis et directeur des affaires navales au service de l’attaché d’armement a ensuite présenté, de façon très précise, l’organisation de l’administration américaine en y replaçant chacune des agences impliquées dans le processus de demande d’autorisation. En effet, de nombreux services interviennent tant au sein du département d’Etat, que dans celui de la Défense ou du Commerce. A l’US Department of State, il n’y a que quinze personnes pour traiter les 60.000 demandes de licences qui transitent chaque année, ce qui explique la lenteur de la procédure. Il a insisté sur la nécessité d’être très précis dans la rédaction de ces demandes (« applications ») : il faut en particulier détailler les niveaux d’utilisation future des pièces achetées, autrement dit leur traçabilité, et bien expliquer les urgences et les contraintes (les « milestones »). Attention aux mots « sensibles », ceux qu’il vaut mieux éviter car pouvant prêter à confusion lors de l’analyse des dossiers par les services américains. Les agences américaines qui jouent un rôle dans l’application de cette réglementation sont les agences principales concernées par le contrôle économique : Le Ministre des Affaires Étrangères : – Political Military Affairs ; – Regional Bureaus and Country Desks ; – Democracy, Human Rights & Labor ; – Non-Proliferation & Arms Control ; – Legal Advisor ; – Intelligence and Research. ■ José da COSTA a replacé les contraintes ITAR–EAR dans le cadre des risques de développement et de production au sein d’une entreprise. En fait ces risques touchent tous les aspects de l’entreprise : stratégiques, opérationnels, financiers ; ils peuvent aller jusqu’à influer sur la réputation de la société. Michel DEAS de THALES a bien expliqué le distinguo entre ITAR et EAR et les différentes règles appliquées en fonction de la catégorie des produits importés. Laurent de la BURGADE a résumé les principales contraintes imposées par ces réglementations et la nécessité d’avoir, au sein de l’entreprise, une véritable responsabilité collective (une « contagion » de responsabilité) pour gérer ces dossiers et ne pas confier cette question à une seule personne sur laquelle tout repose : c’est une affaire qui concerne tout le monde, du développeur au commercial. Au moment du développement des produits performants destinés à l’export, tout ingénieur doit avoir en tête ce souci de respect des règles ITAR/EAR. Pour Yves KOCHER, de EADS/ SODERN, si un document était à créer ce serait un guide ITAR des conditions auxquelles est soumis un contrat à l’export, permettant de remplir efficacement les demandes de licences et d’en faire le suivi. L’après midi a été consacrée à la présentation de deux cas concrets qui furent l’objet de débats animés et très instructifs pour les participants, présentés par Pierre BORIE de Alcatel Alenia Space, et par Serge MASCHIETTO et Jean-Pierre BUROLLEAU. Les débats qui ont suivi les exposés et les exercices de l’après midi ont permis d’apporter des précisions sur l’interprétation des règles. En effet chaque industriel a sa propre expérience, sa propre interprétation des règles, parfois sujettes à controverse. Comme par exemple dans le cas d’une société française qui aurait été rachetée par un fond de pension américain : est elle soumise à ITAR ? Un questionnaire d’évaluation du séminaire a été soumis aux participants. Y répondre permettait de recevoir le CD de l’ensemble des présentations. Un premier dépouillement des 168 réponses collectées montre que ce séminaire a été perçu comme étant très pertinent (60% très satisfaits, 35% satisfaits) qu’il répondait concrètement aux questions qui se posent (37% très satisfaits, 48 % satisfaits) et qu’il aiderait à la gestion des règles ITAR-EAR (53% très satisfaits, 41% satisfaits). Il n’en reste pas moins que les participants souhaitent que ce séminaire ait des suites puisque à la dernière question « Dans la perspective de travaux ultérieurs… souhaiteriez vous participer à : – des séminaires : 60% ont répondu oui – des groupes de travail : 35% ont répondu oui – des rencontres d’experts étrangers : 33% ont répondu oui Conclusion En conclusion, cette action doit donc être poursuivie. Depuis le début de la mise en application stricte de ces règles les procédures se sont un peu simplifiées et les industriels ont appris à les connaître et à s’organiser en conséquence. Il reste cependant beaucoup à faire pour les maîtriser pour ne plus être pénalisé. Comme nous l’a indiqué Guy RUPIED, Secrétaire Général du GIFAS dans le discours d’introduction, le GIFAS étudiera avec ses partenaires industriels et d’autres organismes professionnels la façon dont des nouvelles actions de sensibilisation et d’information pourraient être menées dans le futur. La commission internationale de l’AAAF, à l’initiative de Claude GOUMY et avec la participation de ses membres, est particulièrement satisfaite de la réussite de cette action conjointe où l’AAAF, société savante, s’est particulièrement bien positionnée en menant une réflexion pour aider le GIFAS, organisation professionnelle, à bien identifier une nouvelle priorité d’action au profit de ses membres industriels. Pierre BESCOND, Louis LAIDET Commission internationale de l’AAAF LE RÔLE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES l’Office of Defense Trade Controls Compliance est l’organisation principale par laquelle le ministre exécute ses responsabilités pour la Security Assistance (SA) ; ■ ce bureau traite les enregistrements de plus de 4 500 industries et exportateurs du matériel de la défense ; ■ chaque année il coordonne la révision de 60 000 demandes de licences d’exportation ; ■ en plus, il participe aux investigations criminelles des violations de l’AECA et de l’ITAR ; ■ finalement, il gère les sanctions pour les violations de la loi. ■ LE RÔLE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE AMÉRICAINE le Defense Security Cooperation Agency (DSCA) est l’organisation principale par laquelle le ministère exécute ses responsabilités pour la SA ; ■ le Defense Technology Security Administration (DTSA) est responsable de la protection et de la sauvegarde de la supériorité technologique des forces américaines et du savoir-faire industriel ; ■ les départements militaires et les autres agences dirigent des programmes spécifiques y compris la livraison des matériels et services aux preneurs. ■ QU’EST CE QUE LA SECURITY ASSISTANCE ? Faisant partie de la Security Cooperation, la Security Assistance (SA) gère un grand nombre de programmes, autorisés par la loi, par lesquels le ministère de la défense et les industries de défense fournissent des services et du matériel aux autres pays pour assurer leur défense et les aider à dissuader leurs ennemis ; ■ services et matériels peuvent être transférés par des ventes, subventions, prêts, ou contrats. ■ QUI DIRIGE LA SECURITY ASSISTANCE ? la SA est d’une manière générale sous la surveillance du Congrès qui établit les lois et autorise les programmes d’export dont il prévoit le financement ; ■ la plupart des responsabilités sont données au ministère des affaires étrangères et au ministère de la défense des Etats-Unis ; ■ le ministère des affaires étrangères donne à la SA une direction continue et générale ; ■ le ministère de la défense exécute les programmes par lesquels le matériel peut être transféré d’un gouvernement à l’autre. ■ L A L ETTRE AAAF Ces exercices ont permis de toucher du doigt les difficultés rencontrées et de proposer des solutions pour les résoudre ou les contourner : – être le plus clair possible dans le formulaire adressé au fournisseur ; – utiliser un consultant américain, enregistré au Département d’Etat pour suivre l’avancement des dossiers au DoS et consulter par Internet le cheminement de la demande ; – savoir que les règles ITAR s’appliquent parfois dans des situations auxquelles on ne s’attend pas, ou auxquelles on ne pense pas, telles que l’exportation temporaire d’un matériel sensible dans le cadre d’une exposition dans un pays étranger ; – ne pas oublier que sont soumis à ITAR : les concepts, les conférences sur des sujets sensibles, les transports, l’utilisation de techniciens américains. LA VIE DES COMMISSIONS TECHNIQUES Le Ministre de la Défense : – Defense Technology Security Administration (DTSA) ; – Military Services (Army, Navy, Air Force & JCS) ; – National Security Agency ; – Defense Intelligence Agency. ■ 7 L E S É V É N E M E N TS À V E N I R CALENDRIER DATE DES LIEU M A N I F E S TAT I O N S MANIFESTATION 2006 Les Samedis de l’Histoire 16 déc. (tél : 08 72 18 61 14 ; courriel : [email protected]) Musée de l’Air et de l’Espace Le Bourget Bordeaux Sud-Ouest 14 nov. (Tél/Fax : 05 56 70 68 11 ; courriel : [email protected]) BORDEAUX Cannes - Côte d'Azur De Ruggieri à Le Prieur : les premiers pas vers l'espace (1806-1916) par Jean-Jacques SERRA (AAAF) et Hervé MOULIN (AAAF-IFHE) Réunion des présidents des groupes régionaux AAAF (tél : 04 92 19 48 08 ; courriel : [email protected]) 21 nov. CANNES LA BOCCA Auditorium du Spacecamp-Alcatel La conception Assistée par Ordinateur. Le logiciel CATIA, par Gilles RICARD et Olivier HERLIN, Dassault Système Toulouse 29 nov. CUERS-PIERREFEU (83) Visite de l'Atelier Industriel Aéronautique de Cuers-Pierrefeu 12 déc. CANNES LA BOCCA Auditorium du Spacecamp-Alcatel « Du spatial aux travaux publics : les maquettes virtuelles », par Eric LEBEGUE, CSTB, Sphia Antipolis Centre (courriel : [email protected]) 28 nov. ORLÉANS Centre Sciences d’Orléans, Muséum d’Orléans Normandie 28 nov. à 17h00 Propulsion spatiale par plasma, une conférence de Michel DUDECK, Stéphane MAZOUFFRE et André BOUCHOULE, CNRS - Orléans (courriel : [email protected]) ROUEN ESIGELEC Propulsion spatiale électrique. Programmes en cours et perspectives, par Olivier DUCHEMIN, Snecma - Division Moteurs Spéciaux. Toulouse Midi-Pyrénées (tél. : 05 56 16 47 44 ; courriel : [email protected]) 15 nov. TOULOUSE AIRBUS FRANCE A380 : les essais et moyens d'essais en vol, par Philippe FERRETTI, Airbus France 13 déc. TOULOUSE IAS Emile Dewoitine, fondateur des Usines Toulousaines d'Airbus, par Francis RENARD, AAAF à 18h00 Comité Jeunes 24 nov. Paris – Ile-de-France 28 nov. « Bientôt ingénieur » par G. Laruelle suivie d'une présentation du Comité Jeunes. BIARRITZ ESTIA (tél : 01 56 64 12 30 – courriel : [email protected]) PARIS PAVILLON DAUPHINE Remise des Prix AAAF 2005 2007 N° 9 - OCTOBRE 2006 Paris – Ile-de-France 8 21-25 mars (tél : 01 56 64 12 30 – courriel : [email protected]) Musée de l’Air et de l’Espace Le Bourget « La semaine des jeunes » organisée conjointement par le Comité Jeunes de l'AAAF, le Musée de l'air et l'Aéroclub de France, pendant laquelle, étudiants, enseignants et professionnels échangeront leur motivation et leur expérience. COLLOQUES NATIONAUX ET INTERNATIONAUX LIEU ORGANISATEUR PARIS Minis. de la Rech. AAAF ITCT 2006 : "Vers des Ingénieries et des [email protected] Technologies Communes aux Transports www.itct.colloque-aaaf.com terrestres, maritimes, aériens et spatiaux » 9h-17h30 TOULOUSE Centre de Toulouse Onera [email protected] Journée d’études Fedespace : « Gestion globale des différents modes de transport – l’apport des techniques spatiales » 30 nov.-1er déc TOULOUSE ANAE/AAAF/Acad. Tech. [email protected] Colloque International Le transport aérien face au défi énergétique BRUXELLES Belgique EUCASS www.eucass.eu 2nd European Conference for Aerospace Sciences BERLIN Allemagne CEAS www.ceas2007.org First CEAS European Air & Space Conference 2006 20-23 nov. 22 nov. 2007 1-6 juillet 10-13 sept. MANIFESTATION POUR UN ANNUAIRE AAAF 2007 PLUS FIABLE : METTONS À JOUR NOS PROPRES INFOS ! Chers adhérents, L’annuaire 2006 va paraître, il comporte quelques imprécisions. Avec votre aide, et en participant à sa mise à jour, l’Annuaire 2007 sera plus fiable. Suite à des regroupements, de nombreuses sociétés ont changé de raison sociale et parfois d’adresse. Si : 1. votre société a fait l’objet de modifications ; 2. vous-même avez été touché par ces changements ; 3. votre lieu de travail a changé ; 4. vos responsabilités ont été modifiées…Si par ailleurs : 5. vous avez changé d’adresse personnelle ou mél, ou de numéro de téléphone ; 6. vous désirez rajouter, modifier ou supprimer une rubrique vous concernant. Enfin, pour toute modification que vous voudriez apporter aux informations figurant sur l’Annuaire 2006, nous vous remercions de consacrer quelques minutes à remplir le plus complètement possible le questionnaire cijoint et de nous le renvoyer dans les délais les plus brefs aux adresses indiquées ci-dessous. Vous n’avez rien à retourner si les renseignements figurant sur l’annuaire 2006 sont corrects. Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L E S É V É N E M E N TS À V E N I R DATE Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Coordonnées personnelles : . . . . . . . . . . . . . . . . . . ....................................... (Uniquement si changement par rapport à l’annuaire 2006) Nom et adresse de la Société qui vous emploie ainsi que l’adresse de son Siège Social avec le numéro du standard téléphonique : ....................................... AAAF Gestion des Membres ....................................... 6 rue Galilée – 75016 PARIS Mél : [email protected] Adresse de votre lieu de travail et n° de téléphone du standard ainsi que vos coordonnées professionnelles complètes (tél, fax, mél, etc.) L A L ETTRE AAAF Tél : 01 56 64 12 30 – Fax : 01 56 64 12 31 9 N O U V E L L E S . . . D E S M A RT- 1 Smart-1 propulsé par Snecma autour de la Lune PAR JEAN-PIERRE YRIBARREN, CHEF PROGRAMME PLASMIQUE, SNECMA MOTEURS ■ Jean-Pierre YRIBARREN Le 3 septembre, en touchant le sol lunaire la sonde Smart1 de l’ESA, propulsée par le moteur plasmique PPS® 1350 de Snecma (poussée de 8 grammes), a achevé avec succès sa mission. Lancée en septembre 2003 par une Ariane 5, il aura fallu plus d’un an à cette sonde pour passer d’une orbite terrestre à l’orbite lunaire. Le succès de sa mission provient pour une grande part de la performance de son système de propulsion réalisé par Snecma. Il incluait le moteur PPS® 1350 qui avait été développé en coopération avec son partenaire russe OKB Fakel avec le soutien du CNES. Cette mission de l’ESA correspondait à la première utilisation en orbite de ce moteur. Econome, il a permis un gain de masse important pour ce petit satellite qui devait aussi embarquer une série d’instruments destinés à l’observation de la Lune. Ce moteur n’a consommé que 80 kg de xénon durant 5 000 heures de fonctionnement pour permettre à Smart 1 de parcourir 330 orbites autour de la Terre puis 1200 autour de la Lune soit 100 millions de kilomètres au total. Sa consommation réduite a d’ailleurs permis de prolonger de 6 mois la mission d’observation de la Lune ! ■ Satellite Smart-1 ■ Smart-1 PPS au banc d'essai faible que celle d’un moteur chimique, la très faible consommation de ce type de moteur offre un avantage important en particulier pour les gros satellites géostationnaires qui doivent embarquer de la propulsion pour une durée de vie de 15 ans en orbite. Dans ce cas, les gains de masse peuvent se chiffrer à plusieurs centaines de kilogrammes. Les constructeurs de satellites de télécommunication commencent d’ailleurs à s’intéresser à cette technologie et la réussite de la mission SMART-1 ne pourra que leur donner confiance. C’est donc pour ce type d’application que Snecma concentre aujourd’hui ses efforts. Alors que le moteur de Smart1 a fonctionné durant 5000 heures, il est nécessaire pour ces gros satellites, de démontrer au sol que le PPS1350 a une capacité de fonctionnement deux fois plus longue. Cette démonstration actuellement en cours chez Snecma se termine actuellement et au même moment démarre la production des quatre premiers PPS1350 destinés à la nouvelle plate-forme européenne de télécommunications Alphabus dont le premier lancement est prévu pour 2009. Un moteur plasmique qu’on appelle aussi moteur à effet Hall, utilise l’énergie électrique venant des panneaux solaires pour ioniser du xénon et c’est l’éjection des particules ionisées à très grande vitesse (plus de 15 km/seconde), qui provoque la poussée. Même si cette poussée est bien plus Jean-Pierre YRIBARREN N° 9 - OCTOBRE 2006 PROPULSION SPATIALE PAR PLASMA 10 La sonde européenne SMART-1 a percuté la Lune le 3 septembre 2006 à 7h41 (heure de Paris) après un périple de plus de 3 années et après avoir parcouru plus de 100 millions de km. Ce succès a mis en évidence les potentialités incontestables de la propulsion spatiale par plasma en termes de fiabilité et de performances. Si celleci n’est pas nouvelle, plus de 200 propulseurs à effet Hall ont été testés en vol en Russie depuis les années 60, aucun propulseur de ce type n’a encore été utilisé aux USA, à l’exception de SPT100 d’origine russe. L’Europe qui s’est engagée dans cette voie depuis le début des années 90 n’a lancé que quatre sondes équipées de propulseurs à plasma: Stentor le 11 décembre 2002 (vol Ariane-5 157) et SMART-1 le 27 septembre 2003 (vol Ariane-5 162) avec des PPS1350 de Snecma, Inmarsat10 et Intelsat4, ces deux derniers satellites étant équipés de SPT russes. Jusqu’à aujourd’hui, ces propulseurs étaient uniquement utilisés pour le maintien à poste des satellites de télécommunication placés en orbite géostationnaire, mais comme vient de le démontrer la mission SMART-1, l’utilisation de la propulsion par plasma pour des missions interplanétaires est maintenant possible (projet russe Phobos avec des SPT140, par exemple). Depuis 10 ans, un effort soutenu est déployé en France pour étudier et développer les propulseurs à plasma: mise au point de nouvelles générations de propulseurs par Snecma, création d’un Groupement de Recherche CNRS / CNES / Snecma / Universités regroupant 12 laboratoires et construction du moyen d’essai national PIVOINE au laboratoire d’Aérothermique du CNRS à Orléans. La propulsion spatiale par plasma sera présentée au cours d’une conférence, organisée par le GR AAAF Centre, qui se tiendra au Muséum d’Orléans le 28 novembre 2006. Michel DUDECK, Stéphane MAZOUFFRE, André BOUCHOULE, CNRS Orléans. Les Histoires d’Airbus PAR GEORGES VILLE La mise en service de l’A300B donne une nouvelle dimension à l’aventure Airbus : d’une origine essentiellement politique, elle prend de plus en plus une dimension industrielle. Airbus Industrie doit affermir sa crédibilité tant sur le plan interne de la coopération que vis-à-vis du transport aérien fortement perturbé de 1974 à 1977par la crise économique. ■ Geoges Ville 1974 1975 à 1977 POLITIQUE 02 avril : décès de Georges Pompidou 06 mai : démission de Willy Brandt 19-mai : élection de Valéry Giscard D’Estaing 08 août : démission de Richard Nixon 15 juin 1977 : décès du Général Franco ECONOMIE pétrole : hausse du baril multiplié par 6 depuis 1970 économie : inflation de 12% et récession mondiale change : $ voisin de 4,8 FF pétrole : stabilisation du baril à 20 $ TRANSPORT AERIEN trafic : croissance réduite à + 5% flotte : 800 avions non utilisés carnet total1 : 400 (1200 en 1967) livraisons2 : 350 (740 en 1968) trafic : 5% (1975), 10% (76) et 10% (77) AIRBUS 15 mars : certification de l’A300 mai : mise en service par AF sept. : commande Korean oct. : annulation commande Iberia carnet : 16 (4% mondial) livraisons : 4 (0 en 68) carnet : 24 (1975), 12 (76) et 13 (77 soit 3% mondial) livraisons : 8 (1975), 13 (76) et 15 (77) BOEING carnet : 190 (45% mondial) livraisons : 189 (376 en 68) carnet : 135 (1975), 165 (76) et 275 (77 soit 67% mondial) livraisons : 170 (1975), 139 (76) et 120 (77) McDONNELL DOUGLAS 03 mars : Accident D’un DC-10 à Ermenonville (374 Morts) carnet : 120 (28% mondial) livraisons : 95 (305 en 68) carnet : 60 (1975), 45 (76) et 90 (77 soit 21% mondial) livraisons : 85 (1975), 69 (76) et 36 (77) LOCKHEED carnet : 50 (12% mondial) livraisons : 41 (0 en 68) carnet : 29 (1975), 27 (76) et 21 (77 soit 5% mondial) livraisons : 25 (1975), 16 (76) et 11 (77) AVIONNEURS EUROPEENS 12 février : certification du Mercure mis en service par Air Inter janvier 76 : mise en service du Concorde avril 77 : fusion de HSA et BAC dans BAe change : $ entre 4 et 4,5 FF carnet total : 300 (1975), 280 (76) et 400 (77) livraisons : 320 (1975), 270 (76) et 210 (77) L E S h i s to i re s d e L ’ H I STO I R E 4EME EPISODE : LA JEUNESSE D’AIRBUS : 1974 - 1977 1. Le carnet exprime le nombre total d’avions commandés non livrés en fin d’année et le pourcentage indiqué pour chaque constructeur entre parenthèses la part qu’il représente en % du carnet mondial. 2. Les livraisons correspondent au nombre d’avions livrés chaque année. PROPULSION SPATIALE ÉLECTRIQUE: PROGRAMMES EN COURS ET PERSPECTIVES le groupe Normandie de l'AAAF organise une conférence, ouverte à tous, sur la propulsion spatiale électrique dans l'amphithéâtre Charliat de l'ESIGELEC à Rouen (Technopole du Madrillet). Olivier DUCHEMIN de Snecma, groupe SAFRAN, présentera les principes, les programmes en cours ainsi que les perspectives de ce nouveau mode de propulsion. L A L ETTRE AAAF Le 28 novembre 2006, à 17h, 11 N° 9 - OCTOBRE 2006 L E S h i s to i re s d e L ’ H I STO I R E LA CRISE DE 1974 : AVANT-GARDE DE LA MONDIALISATION 12 La crise économique apparue dès 1973 se prolonge jusqu’en 1977 ; sans renier le rôle de catalyseur de la guerre du Kippour sur son déclenchement, cette situation s’insère aussi dans la suite des cycles (d’une durée voisine de dix années) affectant l’économie américaine depuis un demisiècle sous la forme d’une succession de crises et de reprises. Ce qui est nouveau est la propagation de la crise à l’ensemble du monde capitaliste et ceci en prolongement du développement des échanges internationaux ; en Europe cette dépression entraîne une brutale apparition du chômage alors que celui-ci semblait jugulé depuis la fin de la guerre. Les conséquences sur les activités liées au transport aérien sont lourdes avec un taux de croissance du trafic annuel chutant à 5% en 1974 et 1975 avant d’amorcer une remontée à 10% en 1976 et 1977 puis 15% en 1978 en accompagnement de la reprise. Le comportement passé des opérateurs ayant surestimé leur besoin conduit à une flotte surdimensionnée et à un plafonnement des livraisons aux alentours de 250 avions jusqu’en 1978, soit en réduction des deux tiers par rapport au sommet atteint en 1968. La situation industrielle et financière des constructeurs américains en est lourdement affectée ce qui a pour effet de retarder le lancement du produit concurrent de l’A300 : lorsque les ressources de Boeing lui permettront de le faire en 1978, il sera tard. LA CRISE MET EN PERIL AIRBUS La pérennité d’Airbus est doublement mise en cause sur le plan commercial en prolongement des difficultés du transport aérien et sur le plan industriel par les doutes des États et des industries impliqués sur l’avenir de la coopération. LA FRAGILITÉ COMMERCIALE DU NOUVEL INTERVENANT Dans un premier temps, la mise en service de l’avion en mai 1974 accroît la confiance et amène à la fin de l’année 1975, 19 commandes s’ajoutant aux 13 cumulées à la date de mise en service (ce fut un bon cru en comparaison aux 22 commandes 747, aux 7 DC10 et aux 4 L1011): • au cours de l’été 1974, Air Siam, compagnie thaïlandaise souscrit une location à court terme pour un B2 livrable en septembre 1974 (bilan : 0 voir ENCART N° 1) ; • en septembre 1974, Korean Airlines commande 6 avions B4 (bilan : + 6) • en octobre 1974, Iberia annule sa commande d’Airbus par application de la clause « sauvage » du contrat ATLAS (bilan : - 4) ; • le 11 février 1975, le charter allemand Germanair commande 2 B4 (bilan : + 2) ; • le 24 avril 1975, Indian Airlines signe un contrat pour 3 B2 (bilan : +3) ; • le 4 septembre 1975, South African Airways commande 4 B2 (bilan : + 4) ; • le 16 octobre 1975, le charter belge TEA, loue l’avion 2 de développement et commande un B4 (bilan : + 2) ; • le 14 novembre 1975, Air France complète sa flotte par une commande de 3 B4 (bilan : + 3) ; • le 24 décembre 1975, Air Inter passe une première commande de 3 B2 (bilan : + 3). 1 AIR SIAM : COMMENT UN MAUVAIS CONTRAT DEVIENT UNE EFFICACE PUBLICITÉ. La compagnie ne payant pas ses loyers, l’avion est repris au bout de quelques mois pour être finalement livré à Air Inter un an plus tard : « Cette opération fut critiquée par les partenaires : on peut les comprendre car, Air Siam étant une compagnie de faible notoriété, ils devaient supporter dans le contexte du GIE les risques financiers de l’opération. Les événements leur donnèrent raison avec la reprise de l’avion pour défaut de paiement et pourtant ce fut un extraordinaire investissement commercial. En effet, Les compagnies asiatiques, se posèrent la question : comment Air Siam une compagnie peu crédible a-t-elle pu assurer un service aussi fiable ? La seule réponse raisonnable ne pouvait être trouvée que dans les qualités du produit : cette opération fut ainsi une efficace vitrine pour l’A300B en exploitation dans la région et même si l’expérience coûta un certain prix elle constitua un efficace investissement promotionnel. » En revanche, 1976 marque l’entrée d’Airbus dans une phase périlleuse appelée « la traversée du désert » ; avec une seule commande en dix-huit mois, il ne reste que 12 avions à livrer fin 76, à comparer aux 28 en production. Les actions commerciales ne font pas défaut mais la situation du marché et les dénigrements de Boeing n’encouragent guère les clients potentiels à s’engager auprès d’Airbus ; rappelons deux négociations encourageantes, de conclusions contraires et se révélant prometteuses pour l’avenir : • Singapore Airlines (SIA), nouvelle compagnie créée en 1972 et spécialisée dans le long courrier (équipée exclusivement de 747) envisage d’étendre son réseau au moyencourrier en s’équipant d’avions de grande capacité de spécifications voisines de l’A300B4. En dépit de ses atouts, SIA ne retient pas Airbus et se prononce en faveur du 727. La persévérance d’Airbus et les qualités de l’A300 seront reconnues deux années plus tard avec une commande de 6 A300 (avec un prix de vente majoré de 10% !). • La deuxième concerne une tentative pour entrer sur le marché américain, clé de la réussite commerciale : en septembre 1976, la compagnie Western Airlines manifeste un vif intérêt pour le produit en vue de remplacer ses vieux Boeing 720 et 707. Les discussions pour une commande de 4 appareils avancent vite et font espérer une décision 2 DE L’IMPORTANCE DES COMPORTEMENTS POLITIQUES SUR LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES Quels événements ont-ils pu conduire à ce revirement de la compagnie Western ? La connaissance insuffisante du processus de décision aux États-Unis a été un facteur déterminant (la leçon sera retenue lors de la tentative suivante avec Eastern Airlines) mais d’autres considérations propres à la mentalité américaine sont aussi intervenues tel le slogan « buy America » et une sensibilité exacerbée à toutes les réalisations d’origine française : « A cette occasion, on a évoqué une prise de position de l’administration américaine et du lobby israélite à l’encontre de la France en raison de l’affaire Abou Daoud. Ce terroriste palestinien, soupçonné d’être l’organisateur de l’attentat contre l’équipe israélienne lors des jeux olympiques de 1972 à Munich, est arrêté le 7 janvier 1977 à Paris ; sa libération par les autorités françaises quatre jours plus tard, contestée en Israël et aux Etats-Unis, a certainement jouée dans la décision du conseil de Western. » Les pressions politiques sur les décisions commerciales s’exercèrent tout au long de l’histoire Airbus. « Il en a été ainsi au cours de l’été 76 : à l’occasion d’une chasse en Centrafrique, les déclarations du président Valéry Giscard d’ESTAING contre la politique d’apartheid de l’Afrique du Sud faillirent remettre en cause le choix de la compagnie en faveur d’Airbus et il fallu tout l’entregent de Franz Josef STRAUSS auprès des Sud Africains pour calmer la situation. » 3 LA LOCATION À EASTERN AIRLINES, PREMIER ACCÈS AU MARCHÉ AMÉRICAIN : Cet accord, annoncé le 2 mai 1977, est la reconnaissance des qualités du produit A300B par rapport à ses concurrents américains L-1011 et DC-10 ; le premier avion est livré le 24 août et mis en service le 18 novembre 1977 ; La location à Eastern Airlines a pour origine la rencontre de deux entreprises présentant des handicaps complémentaires : d’un côté Eastern souhaite se séparer de ses L-1011 sans en avoir les moyens financiers, et de l’autre Airbus a le bon produit mais éprouve de grandes difficultés à placer ses avions. Cette conjugaison d’intérêts est un point de départ favorable mais encore insuffisant pour conclure : il faut aussi des hommes et leurs qualités pour mettre en musique une partition aussi complexe ; dans ce domaine, la rectitude scientifique des présentations de Roger BÉTEILLE inspire une grande confiance au rigoureux Frank BORMAN (président d’Eastern et ancien astronaute) et l’exubérante convivialité de Bernard LATHIÈRE apporte l’effervescence chaleureuse nécessaire à l’aboutissement des négociations. LE REJET DE LA COOPÉRATION PAR SES COMMANDITAIRES Dès1975, les partenaires récusent la légitimité de la maîtrise d’œuvre Airbus et éprouvent l’impression de se voir devancer par leur enfant engrangeant ses premiers succès alors que leurs propres programmes (Concorde, VFW614) stagnent. La crise commerciale va servir de prétexte pour montrer que ce sont eux les vrais patrons ; par chance, les velléités d’arrêt envisagées par les partenaires et les gouvernements ne peuvent aboutir en raison de la robustesse juridique de la coopération : ne sachant pas sortir de l'accord intergouvernemental ni fermer le GIE, aucune des parties n’était disposée à se déclarer de peur d’avoir à en supporter les conséquences. Parmi les dispositions prises par les partenaires, la plus dommageable pour l’avenir est la réduction de cadence (à un avion par mois au lieu de deux) imposée au début de 1977 par l’industrie allemande (alors que les premiers frémissements du marché annoncent la prochaine reprise !) ; cette position unilatérale contraint l’ensemble du système à entériner la suspension des approvisionnements. Du fait de l’hystérésis de la production, cette décision pénalisera la pénétration lors de la reprise : en effet malgré une abrogation de la décision 6 mois plus tard, il fallut deux années pour revenir à la cadence 2 et quatre années pour récupérer le retard (alors que la crise se profile à l’horizon). Les réflexions sur l’avion de 150 places et la promotion d’une coopération avec l’industrie américaine vont déstabiliser pendant deux années (de 1975 à 1977) la coopération Airbus. Ces tentatives, d’origine française sous la pression 4 Les milieux américains n’apprécient guère l’arrivée d’Airbus dans leur marché et utilisent tous les moyens pour entraver la mise en service de l’A300 : – l’US International Trade Commission ouvre ainsi une enquête sur la régularité de la location par rapport à la législation américaine ; ce procès d’intention se clôture rapidement par un constat de parfaite régularité du contrat au regard des règles de la concurrence ; – une interdiction d’atterrissage de l’Airbus A300B à l’aéroport de New York La Guardia, promulguée au motif que les charges au sol de l’avion dépassent la résistance des taxiways (la restriction ne s’applique pas aux DC10 et L-1011 pourtant plus lourds !), ne sera levée qu’une année plus tard le 4 décembre 1978 ; – les médias fustigent le produit européen : un journal de Floride fait sa manchette avec le titre « Airbus donne des boutons » en expliquant que sur Airbus les hôtesses d’Eastern sont victimes de mystérieuses éruptions d’eczémas ; heureusement, un médecin d’Air France diligenté par Airbus découvre rapidement l’origine du syndrome : une réaction allergique à la peinture du gilet de sauvetage Eastern. Le lancement d’un bimoteur de 150 places équipé du moteur CFM56 développé en coopération par la SNECMA et General Electric est une préoccupation en France ; cette nouvelle propulsion apporte des avantages considérables en consommation et en bruit par rapport aux produits existants mais il reste à en convaincre le marché et à en définir l’avion porteur. Espérant reproduire l’efficace entente SNECMA-General Electric, le gouvernement français pousse les avionneurs français vers une coopération avec un constructeur américain. Les deux avionneurs constituent ainsi les alliances « Dassault-Douglas » et « Aérospatiale-Boeing » . Le gouvernement français tranche en faveur du projet Mercure 200 et de l’alliance Dassault-Douglas à laquelle Aérospatiale est priée d’adhérer. Un accord signé entre MDC, l’État français, Dassault et Aérospatiale est approuvé le 27 juillet 1976 en comité interministériel présidé par Jacques CHIRAC. Les exigences du constructeur américain vont rapidement dissiper les illusions des parties françaises sur une telle coopération transatlantique et les discussions s’arrêteront en mars 1977 à la demande de MDC. Le gouvernement français, encore peu confiant dans l’avenir d’Airbus, pousse Aérospatiale et ses partenaires à poursuivre les discussions avec Boeing ; les travaux se prolongent ainsi plusieurs mois sur un projet concurrent de l’A300 appelé BB10. Dieu merci, Boeing décide d’arrêter au début de l’année 1977 (sous la pression des syndicats opposés à toute collaboration avec l’Europe). Pendant cet intermède franco-américain, le reste de l’Europe poursuit ses travaux sur l’avion de 150 places dans le cadre de deux alliances excluant les partenaires français : les industriels s’aperçoivent très vite qu’ils n’ont ni les moyens ni les ressources pour disperser leurs efforts et le retour d’Aérospatiale au printemps 1977 va leur permettre de se retrouver dans une structure unifiée appelée Eurojet. Le rapport que JET (Joint European Transport) présente en juillet 1977 confirme l’importance du marché potentiel de l’avion de 150 places et recommande la présence d’Airbus Industrie dans la réflexion européenne : Airbus Industrie reprend ainsi sa place dans la concertation européenne mais il se passera beaucoup de temps avant le lancement de l’A320. L A L ETTRE AAAF L’exploitation de l’A300 aux Etats-Unis s’avère toutefois concluante et Eastern confirme son intérêt dès 1978 par une commande de 23 appareils (suivie de 9 autres les années suivantes) ; malheureusement les difficultés financières de la compagnie amènent sa faillite en 1986 et ceci va coûter très cher au système Airbus : l’ouverture du marché américain en valait toutefois la peine ! L’AVION DE 150 PLACES : UNE CACOPHONIE EUROPÉENNE EN PRÉLUDE AU DÉVELOPPEMENT DE L’A320 L E S h i s to i re s d e L ’ H I STO I R E positive pour Airbus : pourtant la position annoncée par le conseil d’administration de Western le 25 janvier 1977 est en faveur de Boeing ce qui entraîne une grande déception chez Airbus et ses partenaires (voir ENCART N° 2). Heureusement, l’année 1977 apporte le retour de la croissance économique ; la reprise du trafic se traduit pour Airbus par l’annonce de 16 commandes supplémentaires : • en avril 77, commande de 4 B4 par la compagnie Thaï Airways International ; • en mai 77, commande de 2 B4 par SAS, « ancienne marraine » de Thaï ; • en mai 77, location de 4 B4 à la compagnie Eastern Airlines (voir ENCART N° 3) ; • à la fin 77, nouvelles commandes de 2 B4 par Air France, de 2 B2 par Air Inter, de 2 B4 par Germanair et de 4 B4 par Lufthansa (soulignant ainsi leur satisfaction pour le produit) 13 L E S h i s to i re s d e L ’ H I STO I R E N° 9 - OCTOBRE 2006 14 de l’administration et de l’industrie, poussent les partenaires industriels à rechercher de nouvelles formes d’association avec MDC d’abord puis avec Boeing. Heureusement pour l’avenir d’Airbus, les suspensions des discussions à la demande de MDC suivi de Boeing mettent un terme à ces alliances contre-nature : ce refus constitue une erreur stratégique car ils avaient en main tous les moyens pour circonvenir leur futur adversaire (voir ENCART N° 4). LA CRISE RENFORCE AIRBUS Bien que la crise rencontrée soit durement ressentie par Airbus, elle représente une grande chance pour la coopération européenne en lui donnant le temps nécessaire pour convaincre de sa crédibilité et pour renforcer son organisation : Airbus sera prêt le jour de la reprise avec un produit reconnu. L’OBTENTION DE LA CRÉDIBILITÉ Malgré le bon positionnement de son produit et la réussite de son développement, Airbus Industrie a de nombreux handicaps avant d’être accepté par le marché : – la filiation d’Airbus aux avionneurs européens ne constitue pas un label : en dépit de leur compétence technique, ceux-ci ont en effet la fâcheuse réputation de ne pas être à l’écoute du marché et des clients (définition, évolution du produit et suivi en service) ; – une coopération laissant planer des doutes sur son efficacité et sa pérennité. – la structure juridique du GIE est incompréhensible pour la plupart : clients, fournisseurs et concurrents ; Boeing ne se prive pas de l’exploiter en traitant Airbus de « consortium politique irresponsable ». Airbus Industrie est dans l’obligation de démontrer la vacuité de ces imputations : la crise du transport aérien va lui donner le temps nécessaire pour mener à bien cette opération. Le premier objectif est de convaincre les clients de l’efficacité du produit en opération. Au-delà des premières expériences en service par les compagnies européennes, de nombreuses démonstrations et présentations vont être menées dans l’ensemble du monde. Deux régions sont particulièrement prospectées, l’Extrême Orient et les EtatsUnis et celles-ci deviendront à la fin des années 70 le ferment du redémarrage commercial d’Airbus une fois la crise passée. En Extrême Orient, plusieurs expérimentations vont souligner l’adaptation du produit à un marché régional en pleine expansion ; le premier banc d’essai est constitué par la courte mais probante exploitation au dernier trimestre 1974 de l’avion n°8 par Air Siam ; les mises en service des B4 de KAL en septembre 1975 et des B2 d’IAL en novembre 1976 complètent efficacement cette promotion. En Amérique du Nord, la première démonstration de l’A300 est apportée par Air France au cours de l’hivers 1975-76 avec l’exploitation de son premier B4 sur une liaison entre New York et les Antilles ; l’expérience Eastern avec ses quatre premiers B4 en opération à partir du 18 novembre 1977 donne une dimension plus large à l’expérimentation de l’avion sur le marché américain. La médiocre réputation des constructeurs européens dans leurs relations avec leurs clients doit être redressée ; Airbus va déployer tout un ensemble d’actions visant à démontrer que les leçons des expériences passées sont prises en considération dans le suivi des avions en exploitation : • service après-vente, une priorité pour répondre aux exigences opérationnelles des utilisateurs ; • formation en vol et au sol des personnels des compagnies par une filiale Aéroformation ; • suivi des incidents en service. Le développement des produits reste au centre des préoccupations d’Airbus et deux réalisations soulignent cette ouverture malgré l’atonie des activités : • le développement d’une deuxième motorisation en coopération avec Pratt & Whitney est décidé au printemps 1977 en accompagnement de la commande d’A300B4 par SAS ; • la configuration FFCC (Forward Facing Crew Cockpit) est conçue et mise au point pour rendre possible le pilotage de l’A300B4 par deux pilotes alors que traditionnellement l’équipage est constitué de deux pilotes et d’un mécanicien navigant (voir ENCART N° 5). 5 AIRBUS, PIONNIER CONTESTÉ EN FRANCE DE L’ÉQUIPAGE À 2 L’adaptation du cockpit pour présenter face à l’équipage l’ensemble de l’instrumentation et des boutons de commande est rendue possible grâce à l’utilisation des premières techniques numériques. La version A300 incorporant ce nouveau concept est vendue en 1979 puis exploitée à partir de janvier 1982 par la compagnie indonésienne Garuda. Cette avancée technologique est une première dans l’exploitation des avions de ligne ; elle sera reprise pour tous les futurs produits Airbus à partir de l’A310 et Boeing sera obligé de suivre en modifiant dans ce sens ses nouveaux produits. Dès l’origine, cette évolution s’accompagne d’une polémique avec les associations de pilotes de ligne : celle-ci se calmera dans l’ensemble du monde sauf du côté français où les syndicats de pilotes continuèrent à s’opposer à une telle évolution : il fallut attendre pour clore ce conflit en 1988, la mise en service de l’A320 associée à l’énergique intervention du ministre des Transports Charles FITERMAN. Aux Etats-Unis, saisi du problème dès son entrée en fonction en janvier 1981, le président Ronald Reagan nomme une commission d’experts et la charge de lui remettre un avis ; après une visite à Toulouse pour ausculter le cockpit Airbus, celle-ci rend le 2 juillet de la même année un verdict tout à fait favorable au nouveau concept de pilotage à deux. Il reste aussi à faire comprendre aux interlocuteurs d’Airbus Industrie le fonctionnement de la coopération dans le contexte juridique du GIE ; par sa singularité, l’organisation industrielle prête le flanc à l’incompréhension. Une brochure pédagogique préparée à cet effet, rassure les clients sur l’importance apportée par la caution conjointe et solidaire des partenaires dans la structure du GIE. LA CONSOLIDATION DE LA COOPÉRATION INDUSTRIELLE Le développement des activités du groupement entraîne une augmentation de ses moyens : les effectifs passent ainsi de 200 en 1974 à plus de 600 à la fin de 1977 et l’organisation se peaufine avec une équipe de direction complétée au cours des années 74 et 75 : • Bernard LATHIÈRE est nommé Administrateur Gérant en remplacement d’Henri ZIEGLER ; • Roger BÉTEILLE, désigné administrateur gérant adjoint et directeur général assure la gestion opérationnelle d’Airbus Industrie ; • Jean ROEDER prend la direction technique ; • Bernard ZIEGLER assure la direction des essais en vol • Félix KRACHT est maintenu à la direction de production ; • Dan KROOK est détaché par Fokker comme directeur commercial ; • George WARDE (ancien vice-président d’American Airlines) est nommé directeur du support aux clients ; • Georges VILLE prend la direction financière (voir ENCART N° 6). 6 LA DIRECTION FINANCIÈRE DU GIE : UNE NOUVELLE MISSION AU SERVICE D’AIRBUS Les règles contractuelles internes à la coopération industrielle avaient été laissées de côté au cours du développement : cette question n’était pas prioritaire et la réponse pas évidente, même si la question était d’importance car de son issue dépendait pour une grande part l’efficacité industrielle. Avec la première livraison à Air France en 1974, Airbus Industrie se trouve confronté au reversement aux partenaires de la recette en l’absence de toute procédure agréée ce qui va provoquer un crise majeure entre partenaires et Airbus (voir ENCART N° 7). 7 MES PREMIERS PAS CHEZ AIRBUS ET LE PARTAGE DE LA RECETTE D’AIR FRANCE Dès leur approbation, les accords sont mis en application : ô surprise, la pratique s’avère d’une grande simplicité dans la gestion de la coopération. Comme nous le constaterons, cette organisation de la coopération ne sera jamais un handicap de compétitivité par rapport à Boeing ; au contraire, en distinguant les activités opérationnelles et les responsabilités de commercialisation et de direction générale, la structure constituera même un atout majeur en matière d’efficacité et de réactivité. APRES LA CRISE LA CONFIANCE RETROUVEE Avec la reprise du marché en 1977, Airbus Industrie peut regarder avec confiance un avenir offrant des perspectives plus favorables ; la coopération a réussi à traverser la crise sans renier ses principes, son produit est reconnu et son système industriel est en ordre de marche. Par leur courage et leur persévérance, les hommes d’Airbus sont au centre d’une telle conjoncture et l’on ne répètera jamais assez le rôle d’entraîneur joué par l’équipe de direction d’Airbus Industrie à cette époque. Cette première période d’émancipation d’Airbus se termine sous des auspices plus favorables avec toutefois un seul regret : la décision de baisse de la cadence de production dont on va rapidement mesurer les conséquences. ... à suivre, dans un prochain numéro de LA LETTRE : Les histoires d'Airbus, 5ème épisode. 1978-1984. L A L ETTRE AAAF Pour ma première décision après mon arrivée comme directeur financier d’Airbus Industrie, je suis confronté au problème : que faire des 62 millions des francs correspondant à la livraison du premier avion à Air France ? Après un examen des financements supportés par chaque partenaire, il apparaît qu’Aérospatiale supporte un découvert plus élevé, aussi je lui transfère à titre provisoire la totalité de la recette. Malgré l’aval de tous les responsables financiers à cette proposition, les réactions des deux partenaires vont conduire au blocage de tout échange financier interne pendant plusieurs années : – en premier, Rolf SIEBERT, gérant de Deutsche Airbus s’élève contre cette manœuvre « déloyale » et stoppe tout financement d’Airbus Industrie ; – André GINTRAND, directeur financier d’Aérospatiale, s’aligne sur la position de Deutsche Airbus ; – en réplique, je décide de ne plus transférer aucune recette tant qu’un accord n’aura été établi entre Airbus Industrie et ses partenaires ; Le conflit se traduit ainsi par la suspension de tout transfert financier et cette situation se prolongera jusqu’à l’agrément des principes contractuels en 1976. Cette crise sera bénéfique car elle produira une pression suffisamment forte pour mobiliser les responsables concernés à un niveau suffisant pour engager leur entreprise dans la négociation. Les enjeux de la négociation sont considérables en matière d’impacts financiers et d’incitation à la compétitivité, et de longues et complexes négociations seront nécessaires pour trouver les bons compromis. Dans les discussions, les partenaires ont tendance à privilégier leurs positions au détriment de l’intérêt général, alors qu’Airbus Industrie s’attache à refuser toute solution allant à l’encontre de l’efficacité globale. Les accords contractuels sont définitivement approuvés par les présidents des partenaires et d’Airbus le 6 mars 1978. Rappelons ci-dessous les particularités de cette structure contractuelle : • un système de gestion distinguant les deux rôles des partenaires : « industriel » pour la fourniture de leur part de travail et « actionnaire » pour leurs positions de membres du GIE ; • une utilisation de dollar américain étendue à toute la gestion financière du système : facturation des fournitures, tenue des comptes courants et comptabilité du GIE ; • des cessions des parts de travail des partenaires comptabilisées sous la forme de forfaits équilibrés et incitatifs : cette méthode délicate à mettre en oeuvre (négociation des forfaits) est le moteur essentiel des améliorations de productivité industrielle obtenues dans le système. L E S h i s to i re s d e L ’ H I STO I R E Ma nomination a surpris : en effet je n’étais pas reconnu pour mon expérience financière et beaucoup ne comprenaient pas pourquoi j’allais « gâcher ma carrière » dans une aventure sans avenir. Au fond de moi, je l’attendais ce poste, même si ma formation ne plaidait pas en ma faveur ; j’étais sûr que mes antécédents dans le programme m’avaient préparé pour relever le challenge de la compétitivité primordial pour Airbus. La coopération Airbus opérait dans une situation particulière avec une clientèle privée non disposée à supporter les handicaps accompagnant une telle organisation ; la situation aurait été différente pour un programme militaire où le client État pouvait prendre à sa charge les surcoûts d’une coopération. J’étais persuadé qu’une des clés de la réussite se trouvait dans une organisation de gestion taillée sur mesure avec pour seul objectif l’efficacité ; pour la construire, il fallait faire preuve d’imagination, (qualité peu répandue à l’époque dans la communauté financière) et sur ce plan, je me sentais d’attaque à relever le défi. Plusieurs opportunités se sont conjuguées pour me permettre de satisfaire cette aspiration : – le poste était disponible depuis plusieurs mois et les candidatures ne se bousculaient pas ; – j’avais depuis plusieurs mois fait part à Roger BÉTEILLE de mon souhait de poursuivre ma route dans ce domaine sous sa direction chez Airbus Industrie ; – une autre candidature était envisagée, celle de Jean PEYRELEVADE mais ce dernier n’y donna pas suite en préférant orienter sa carrière dans la banque. Si ce dernier avait postulé, je pense qu’il aurait été retenu en raison de sa plus grande notoriété dans le monde financier ; tant pour Airbus que pour les deux candidats, je suis convaincu aujourd’hui qu’il en a été mieux avec la solution arrêtée : Jean PEYRELEVADE, pur financier, avait sa place dans le monde bancaire (sa brillante carrière l’a démontré) et de mon côté j’avais un esprit bien fait pour la gestion industrielle ce dont avait besoin Airbus à l’époque. 15 SOUVENIR DE MICHEL BIGNIER Avec Michel BIGNIER disparaît l’un de ceux qui pouvaient légitimement se considérer comme un des pères de l’activité spatiale de la France. Certes, il n’aurait jamais lui-même revendiqué ce titre mais, comme avait coutume de le dire le général AUBINIERE, il était au CNES avant le CNES. Ce fut lui qui en écrivit les textes fondateurs et surtout qui les négocia, avec ce mélange inimitable de fermeté et de souplesse qui caractérisait son action. C’était une tâche difficile parce que peu de ceux qui allaient devenir les partenaires du CNES étaient favorables à l’intrusion de ce nouveau venu. Michel BIGNIER était sorti de l’X (promotion 1947) dans le corps des Ingénieurs de l’Air et, bien qu’il ait fait la plus grande partie de sa carrière dans des organismes civils, il était resté très fidèle à cette origine. Il compléta sa formation d’abord à Sup Aéro puis, après avoir rejoint le Centre d’Essais en Vol (CEV) que dirigeait Maurice BONTE, il suivit les cours de Sup Télécom. C’est muni de cette double formation aéronautique et électronique qu’après quelques années passées au CEV, il rejoint en 1957, le Centre Interarmées d’Essais d’Engins Spéciaux de Colomb-Béchar. Le CIESS, que dirigeait le général AUBINIERE, est le creuset où ont été formés un grand nombre des futurs cadres du CNES et où ils ont rencontré les industriels qui allaient construire l’industrie spatiale. C’est de là aussi qu’a été importée, dans le spatial naissant, la doctrine du « faire faire » propre à l’armée de l’air, par opposition à la pratique des arsenaux qui prévalait ailleurs. De retour de Colomb-Béchar, en 1960, Michel BIGNIER se retrouve sous la coupe d’AUBINIERE qui a remplacé BONTE dans les fonctions de directeur technique et industriel. AUBINIERE le fait appeler et lui dit (je cite les mots de la bouche même de Bignier) : « ‘‘Le général de Gaulle va faire le CNES et on va me nommer directeur général. Etes-vous prêt à venir avec moi ? ’’ J’ai tout de suite dit oui ». Il se trouve alors placé auprès du professeur AUGER, de septembre 1960 à mars 1962, dans la toute petite équipe chargée de mettre en place le CNES. Il y assure le secrétariat du Comité des recherches spatiales qui était en quelque sorte le précurseur du CNES et surtout il s’emploie à établir le texte de la loi qui en permit la création. Avec celle-ci, en 1962, il est nommé directeur des affaires internationales, poste qu’il occupera, avec des attributions élargies à l’ensemble des relations extérieures et à la politique industrielle, jusqu’à ce qu’il prenne la succession d’AUBINIERE à la direction générale en 1972. Il n’y a guère de domaines de l’activité du CNES sur lequel il n’ait exercé son influence à sa manière discrète et modeste, car il était de ceux qui préfèrent agir à paraître. Je n’en prendrai pour exemple que le rôle déterminant qu’il a joué dans la gestation du programme Symphonie. Symphonie qui fut, rappelons-le, le premier satellite de télécommunications construit en Europe et qui apportera, avec la maîtrise de la stabilisation trois-axes, une éclatante démonstration de la capacité industrielle européenne. Le CNES, à l’époque, hésitait beaucoup à quitter le domaine de la science pour s’engager dans celui, plus aventuré, des applications de l’espace. Michel BIGNIER et moi-même partagions l’opinion qu’il fallait franchir ce pas et que les télécommunications étaient pour l’espace une terre promise. Elaborer un projet – ce fut initialement SAROS – n’était pas le plus difficile. S’assurer le soutien des responsables des télécommunications, généralement hostiles au spatial et assez mal disposés à l’endroit du CNES, était une tâche plus délicate. Nous avions l’un et l’autre des relations amicales dans ce milieu, mais je dois reconnaître que c’est le génie de la convivialité de Michel BIGNIER qui, en ces circonstances, fit merveille et qui permit au général AUBINIERE et au président COULOMB de soumettre au gouvernement une proposition consensuelle. Le gouvernement dit : Oui, mais faites le de moitié avec les Allemands. Restait à obtenir l’agrément de ces derniers et c’est une tâche dans laquelle, naturellement, Michel BIGNIER excella, comme il excella dans la gestion des quelques tensions qui, inévitablement, marquèrent le cours de ce grand projet. Le succès technique de Symphonie, son effet d’entraînement sur les ambitions européennes, le rôle capital qu’il joua dans la reconnaissance, par les Européens, de la nécessité d’une capacité de lancement autonome, tout cela doit énormément à la personnalité de Michel BIGNIER. Sa démission du CNES, en 1976, à la suite d’un conflit avec les syndicats et avec le président permit, à ceux qui ne le savaient pas, de mesurer que, malgré son refus des conflits inutiles, il y avait des choses avec lesquelles il ne transigeait pas. Entré dans l’équipe de direction de l’ESA - où nous nous sommes retrouvés - il y fut d’abord chargé de remettre sur rail le programme Spacelab, ce dont il s’acquitta brillamment. Puis ses responsabilités furent étendues au programme Ariane et aux expériences sur la microgravité. Dans ce milieu humain assez difficile, parce que s’y confrontent les rivalités nationales et l’indispensable solidarité européenne, il trouva à employer ses immenses qualités de gestionnaire et de conciliateur. Il faudrait, pour être complet parler de son rôle dans le domaine de l’assurance spatiale et dans les activités associatives marqué par les présidences de l’AAAF et de l’ANAE – dont il fut avec Hubert CURIEN et André TURCAT - l’un des fondateurs, et par la création de l’Institut français d’histoire de l’espace. Mais je dois, pour conclure, essayer de dire qui était l’homme que j’ai connu. Michel BIGNIER était, on le sait, un joyeux compagnon dont la présence suffisait à égayer une soirée et à répandre une ambiance amicale. Il était un admirable conteur plein de malice et d’invention. Mais il était surtout un homme droit ; son goût de la conciliation s’effaçait toujours derrière le refus de la complaisance et de la compromission. Et nous savions tous aussi, malgré sa grande discrétion, combien comptait pour lui le solide cercle familial qui l’entourait. Michel BIGNIER était mon ami et je m’honore de cette amitié. Nous avons fait ensemble une longue route sans nuage. C’est peu de dire que je l’estimais profondément ; j’avais pour lui de l’affection et surtout, il était de ceux dont j’étais soucieux de mériter l’estime. André LEBEAU – ANAE, AAAF N° 9 - OCTOBRE 2006 LA LETTRE AAAF 16 Éditeur : Association Aéronautique et Astronautique de France, AAAF – 6, rue Galilée, 75016 Paris – Tél : 01 56 64 12 30 • Fax : 01 56 64 12 31 – [email protected] • www.aaaf.asso.fr Directeur de la publication : Michel SCHELLER Rédacteur en chef : Khoa DANG-TRAN Comité de rédaction : Michel de la BURGADE, Philippe JUNG, Jean TENSI Rédaction : Tél : 01 46 73 37 80 ; Fax : 01 46 73 41 72 ; E-mail : [email protected] Ont notamment collaboré à ce numéro : Pierre BESCOND, Claude GOUMY, Louis LAIDET, André LEBEAU, Jean-Pierre YRIBARREN. Crédits Photos : Alcatel Alenia Space, Luc DELMON, ESA, Snecma Moteurs. Conception : Khoa DANG-TRAN, S. BOUGNON Réalisation : Sophie BOUGNON Imprimerie : AGI SYSTEM’S Dépôt légal : 1er trimestre 2004 ISSN 1767-0675 / Droits de reproduction, texte et illustrations réservés pour tous pays