EVALUATION DU STOCK NORD DE MERLU COMMUN

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EVALUATION DU STOCK NORD DE MERLU COMMUN
EVALUATION DU STOCK NORD DE MERLU COMMUN
(MERLUCCIUS MERLUCCIUS)
Résumé : Le stock de merlu Nord européen est l’un des stocks démersaux les plus
importants des eaux communautaires. Cette espèce a subi une forte
surexploitation de croissance, voire de recrutement dans les années 1990. Depuis, la biomasse féconde a fortement
augmenté et la mortalité par pêche a diminué suite à la mise en place d’un plan de gestion puis, plus récemment, de
la gestion au RMD. Cette gestion permet au CIEM de préconiser en 2015 un TAC à 81 846 t (hors rejets).
CARACTERISTIQUES DE L’ESPECE
Le merlu européen est une espèce
démersale observée généralement entre
30 et 400 m de profondeur. C’est un topprédateur, largement répandue le long
des côtes de l’Atlantique nord-est. En
Atlantique,
deux
stocks
sont
communément distingués : le stock Nord
européen (Mer du Nord, Kattegat,
Skagerrak, Mer Celtique, eaux ouest écossaises et
irlandaises et le golfe de Gascogne) et le stock Sud européen
(côtes nord de l’Espagne et Portugal). La saison de ponte a
lieu de février à juin sur le talus continental, au sein de deux
nourriceries principales, l’ouest Irlande et le golfe de
Gascogne.
EVOLUTION DE L’EXPLO ITATION
0
1978
1984
1990
1996
2002
d
2008
Figure 1 : Débarquements, rejets, TAC (en tonnes) et répartition par
métiers (en %) en 2013
Le merlu européen est l’un des stocks démersaux les plus
importants dans les eaux européennes. Historiquement, les
principaux pays producteurs sont l’Espagne, le Royaume-Uni
et la France. Après une relative stabilité des captures (environ
55 kt) et un pic à 66.5 kt atteint en 1989, les captures ont
globalement diminué jusqu’à près de 37 kt en 2001. La
tendance est à la hausse depuis avec des débarquements
estimés à 76.7 kt en 2013 (Figure 1).
Le merlu est capturé dans des pêcheries multi-spécifiques
avec la cardine, la baudroie et la langoustine. En 2013, les
captures ont été effectuées principalement par des chalutiers
(19 %), des fileyeurs (filets maillants : 23 %) et des ligneurs
(palangres : 26 %). L’introduction du chalut à grande
ouverture verticale, au milieu des années 1990, marque une
évolution importante de cette pêcherie. Le merlu fait l’objet de
rejets importants, notamment pour les juvéniles hors tailles
capturés par les chaluts ciblant la langoustine dans le golfe de
Gascogne. Ces rejets ont fortement augmenté au cours des 5
dernières années (15.8 kt estimées en 2013).
EVALUATION DE L’ETAT DU STOCK
Les indices d’abondance obtenus à partir de 4 campagnes
scientifiques permettent de suivre l’’évolution du stock (Figure
2). On observe ainsi une diminution de l’abondance entre
1985 et 2002 (Figure 2d). Dans la période plus récente, les
indices montrent une tendance inverse avec l’existence de
pics d’abondance en 2002, 2004 et 2008 (Figure 2a). Les
La biomasse féconde (notée SSB, Figure 3a) est en
augmentation depuis 1998 et affiche un niveau important ces
dernières années (189 kt en 2012 et 166 kt en 2013). La
mortalité par pêche (notée F, Figure 3b), même si elle reste
au-dessus de FRMD en 2013, a diminué significativement
durant la dernière décennie (F=0.42 en 2013). En revanche,
les fluctuations de recrutement (notée R, Figure 3c) ne
semblent pas montrer de tendance particulière. Le
recrutement de 2012 est estimé le plus fort de la série
chronologique (880 millions d’individus).
200
1,2
a
SSB
150
100
50
b
F
m…
0,9
0,6
0,3
0
0
1978 1983 1988 1993 1998 2003 2008 2013
1978 1983 1988 1993 1998 2003 2008 2013
900
240
Biomas
se Tot
c
180
600
120
300
60
0
Biomasse totale (*000 t)
DI C
V P H FI
E AA L
R…LL…E
A… T…
25 000
c
Ces indices illustrent la bonne situation apparente du stock
Nord de merlu : amélioration, consécutive à une diminution de
la mortalité par pêche, quasi continue malgré une variabilité
interannuelle et interzone relativement importante.
Débarquements
75 000
50 000
b
Fmoy(15-80cm)
Rejets
SSB (*000 t)
TAC
a
Figure 2 : Indices d’abondance issus des campagnes scientifiques
Recrutement (millions)
Captures totales (t)
100 000
indices obtenus en 2012 sont les plus importants de la série
pour 2 des 4 campagnes scientifiques (+193 et +268 % par
rapport à 2011 ; Figures 2a et 2b). Pour la subdivision VIIc,
l’indice d’abondance est élevé sur les trois dernières années
(Figure 2c).
0
1978
1983
1988
1993
1998
2003
2008
2013
Figure 3 : Evolution de la biomasse féconde (a), de la mortalité par
pêche (b) du recrutement et de la biomasse totale (c) (ICES, 2014)
Globalement, l’évolution des différents indicateurs montrent
que le stock est en phase de reconstruction, mais encore en
état de surexploitation de croissance (F > F RMD). Des efforts
restent donc à faire pour arriver à une pleine-exploitation avec
pour conditions sous-jacentes la réduction de F et
l’augmentation de la SSB.
Fiche réalisée par : Jérémy CARLOT & Fabien MOULLEC, étudiants Pôle halieutique AGROCAMPUS OUEST - Décembre 2014
Notons que l’évaluation est basée sur un modèle structuré en
taille (SS3). Deux types de données sont utilisées pour
réaliser les diagnostics : les données de captures
commerciales et les indices d’abondance décris ci-dessus.
Une composante saisonnière est incluse dans le modèle (les
facteurs biologiques tels que la croissance ou l’activité de
pêche étant variables en fonction des saisons). Le
recrutement est estimé d’après l’équation paramétrique de
Beverton-Holt, et la croissance par un modèle de VonBertalanffy. Enfin, la mortalité naturelle est fixée à 0.4.
APPROCHE DE PRECAUTI ON
L’approche de précaution ou diagramme de Kobe se base
directement sur les résultats de l’analyse des cohortes. Cette
approche confirme la situation du stock Nord de merlu et la
nécessité de réduire F, bien que largement au-dessus de Bpa
et Blim. A la vue du diagramme de Kobe, le stock Nord de
merlu se situe dans une zone dite de « prudence ». Il est
important de noter qu’un statu quo sur la mortalité par pêche
aurait des conséquences éventuelles sur les captures
(diminution à moyen terme) (Figure 5).
DEFINITION DES CIBLE S DE GESTION
250
SSB
FMSY
200
SSB (*000 t)
En 2013, l’évaluation par le CIEM avait conduit à déclarer le
stock exploité au RMD. Suite au benchmarck effectué en
2014, l’estimation de la SSB a été révisée à la baisse, tandis
que la mortalité par pêche et le recrutement étaient révisés à
la hausse. Le diagnostic actuel est donc moins optimiste.
2013
150
100
1978
50
0
0
0,3
0,6
0,9
Fmoy(15-80cm)
1,2
1,5
Figure 5 : Diagramme de Kobe
GESTION DU STOCK
Figure 4 Projections à long terme de l’évolution du rendement par
recrue (Y/R) (a) et de la biomasse féconde par recrue en fonction de
la mortalité par pêche (b)
Le modèle de rendement par recrue montre que la mortalité́
par pêche actuelle est supérieure de 1.4 fois à la mortalité de
maximisation (Fmax). Les valeurs de référence F0,1, F35%, F30%
et Fmax sont estimées respectivement à 72%, 48%, 54% et
64% du F2014 (Figure 4 et Tableau 1). La valeur Fmax est
utilisée comme valeur cible pour 2015 (tableau 1).
Tableau 1 : Valeurs des valeurs de référence
Blim
Bpa
33 kt
46.2
kt
Flim
Fpa
Non defini
Fmax
F0.1
F35%
F30%1
0.27
0.18
0.2
0.24
Suite au changement d’évaluation sur l’état du stock, le TAC
est désormais revu à la baisse pour atteindre le FRMD. Compte
tenu du bon recrutement de 2012, il est attendu une
augmentation de la SSB en 2014 (Tableau 2). A titre de
comparaison, cette dernière, à l’état vierge engendrerait une
hausse de la biomasse féconde de 65% par rapport à 2015.
Tableau 2 : Bilan des estimations et valeurs cibles applicables au
Merlu Nord (ICES, 2014).
Y (en tonnes)
2013 (estimées)
2014 (simulées)
2015 (simulées)
88.140
TAC = 76 773
100 832
TAC = 81 846
95 248
TAC=81 846
En 2004, un plan de gestion à long terme a été adopté par
l’Union européenne. L’objectif de celui-ci était d’amener la
biomasse féconde à plus de 140 kt et une mortalité par pêche
alors établie à 0.25 (Fmanagement plan). Le plan considérait
une augmentation, année après année, de 15% du TAC des
lors que la SSB serait supérieure à 100 kt. Néanmoins, les
valeurs cibles utilisées dans le plan de gestion 2004 étaient
basées sur des points de référence de précaution qui ne sont
plus considérés comme appropriés par le CIEM.
Désormais, le CIEM préconise une gestion au RMD fixant le F
à 0.27 soit des captures ne dépassant pas 95,248 kt et des
débarquements estimés à 78,457 kt en 2015 (validés et
approuvés par le CSTEP et la Commission européenne).
Selon ces préconisations, la SSB attendue en 2016 est de
l’ordre de 277 kt. Finalement, le TAC 2015 adopté par l’UE,
en décembre 2014, s’établit à 81 846 t. Ce qui ne représente
aucune évolution du TAC par rapport à 2014.
Il est à noter que les rejets de merlus juvéniles (hors tailles)
restent un problème majeur selon les zones et les flottilles.
Selon le CIEM, la SSB actuelle et les rendements à long
terme peuvent être améliorés en réduisant la mortalité portée
sur les juvéniles par une réduction des prises « accessoires »
(sélectivité des engins vers des individus plus grands). Il
apparaît également que les TAC ont été relativement
inefficaces ces dernières années. En cause : le dépassement
permanent de ceux-ci et l’incitation à rejeter des prises (de
tailles légales) car hors quotas pour certaines flottilles.
F
SSB (en tonnes)
0.42
161 707
0.38
225 125
0.27
277 000

Council of the European Union, 2014, Press release - 3360th
Agriculture and fisheries Council meeting - Brussels, 15 &16 December
(provisional version)
371 000

ICES. 2014. Hake in division IIIa, subaeras IV, VI & VII, ans divisions
VIIIa,b,d (Northern Stock). ICES Advice 2013 book 9.

ICES. 2014. Report of the Benchmark Workshop on Southern megrim
and hake (WKSOUTH), February 2014, ICES HQ, Copenhagen,
Denmark. ACOM:40. 236 pp.

STECF. 2014. Review of scientific advice for 2015 - part 2 (STECF 1411), pp. 321-323
Bibliographie
Long terme
Zéro Capture
0 (0)0
RMD
82 080
TAC = 79 040
0.27
264 500
Précaution
indéfini
indéfini
46 200
Fiche réalisée par : Jérémy CARLOT & Fabien MOULLEC, étudiants Pôle halieutique AGROCAMPUS OUEST - Décembre 2014