une amélioration aux indices pondérés selon la capitalisation

Transcription

une amélioration aux indices pondérés selon la capitalisation
La gestion indicielle alternative :
une amélioration
aux indices
pondérés selon
la capitalisation
boursière ?
par
Jean-François Milette
L
es stratégies à faible volatilité suscitent beaucoup d’intérêt au
Canada depuis quelque temps. Conséquemment, certains
fournisseurs ont lancé et énergiquement mis en marché de telles
solutions pour les régimes de retraite, lesquels sont
nombreux à y réagir favorablement. Les stratégies à faible
volatilité cherchent un meilleur profil risque-rendement pour
l’investisseur, mais elles ne représentent pourtant qu’une des
nombreuses possibilités d’optimisation de portefeuille visant à profiter
des faiblesses des indices pondérés selon la capitalisation.
Un rendement supérieur à celui du marché peut être séduisant mais
il ne produit pas toujours l’effet escompté. Si la mesure du « marché »
est clairement bancale ou imparfaite à certains égards, le gestionnaire
de portefeuille dont le rendement est supérieur à celui du marché se
limite peut-être au respect de quelques règles simples pour éviter des
écueils évidents plutôt que de faire une analyse rigoureuse et continue
du marché. Par exemple, comment oublier qu’au début des
années 2000, le marché bousier canadien, mesuré en fonction de
l’indice TSE 300, était dominé par un seul titre : Nortel.
Le rendement d’un gestionnaire par rapport à celui de l’indice
pouvait dépendre de ses décisions au sujet de cette seule variable.
• Novembre 2012 / 31
La gestion indicielle alternative
« Les indices alternatifs
pourraient s’appliquer
à tout groupe de titres. »
L’exemple de Nortel – et d’autres cas semblables – démontre que
les investisseurs peu avertis s’exposent à des risques importants en
acceptant aveuglément les mesures du marché fondées sur la
méthode de la capitalisation boursière.
Un premier risque consiste à payer des honoraires de gestion
élevés pour obtenir un rendement supérieur à celui du marché
tandis que le gestionnaire ne fait qu’appliquer une stratégie de
placement fondée sur des règles visant à exploiter les failles de
l’indice. Élaborer des règles pour obtenir un meilleur rendement
est un service précieux. Or, si la stratégie de placement est
appliquée passivement, les coûts récurrents devraient s’avérer
relativement bas et, en retour, réduire les frais de gestion
de l’investisseur.
Un deuxième danger consiste à choisir un fonds indiciel sans
en comprendre les périls implicites, comme le risque de
concentration. Un investisseur choisira peut-être un fonds
indiciel en raison de son faible coût et de sa prétendue
diversification sans savoir qu’il s’expose à un risque spécifique très
élevé. Au Canada, par exemple, le risque de concentration d’un
fonds indiciel modelé sur l’indice TSE 300 aurait été énorme
avec 30 % d’exposition à Nortel. En effet, lorsque le cours de
Nortel a dégringolé de 25 % en un seul jour en octobre 2000,
l’indice a perdu plus de 9 % de sa valeur.
La gestion indicielle alternative
Les indices alternatifs ont été conçus pour remédier aux lacunes
perçues de la méthode pondérée selon la capitalisation boursière
ou pour profiter de différents biais de construction qui soi-disant
améliorent les rendements. Au départ, l’objectif est de réaliser
des rendements supérieurs à la moyenne ou une plus faible
volatilité que les indices pondérés selon la capitalisation
boursière. Ces indices alternatifs sont construits à l’aide de
diverses méthodes de sélection et de pondération des titres dont
le but est de représenter un ensemble de facteurs économiques
fondamentaux ou d’offrir une exposition plus optimale aux
risques. Un large éventail de stratégies et de produits afférents
existe déjà. Une fois la méthodologie définie, elle peut, en
principe, s’appliquer à tout groupe de valeurs mobilières quoique
des questions pratiques comme la qualité des données et les
contraintes de liquidité signifient que chacune des stratégies ne
saurait satisfaire à tous les cas de figure.
Depuis quelques années, le nombre de participants dans
l’univers des indices alternatifs ne cesse d’augmenter, y compris
les fournisseurs d’indices, les prestataires de services de recherche
et les gestionnaires de fonds. Bien qu’il existe un grand nombre
de stratégies différentiées de manière générale, la majorité d’entre
elles relèvent de deux grandes catégories : les stratégies visant
l’exposition à des primes de risque alternatives et celles qui visent
à améliorer la diversification du portefeuille.
i. Stratégies visant l’exposition à des primes
de risque alternatives
Ce groupe de stratégies repose sur l’idée selon laquelle la prime
de risque du marché n’est pas le seul facteur qui influe sur le
rendement des actions. En d’autres termes, ces stratégies
supposent qu’il existe d’autres sources de rendement
systématique qui stimulent le cours des actions. Cette notion a
fait l’objet de nombreuses recherches universitaires et on admet
généralement l’existence de quatre primes de risques alternatives
qui ont réalisé un rendement positif et soutenu au fil du temps.
Par conséquent, les stratégies de gestion indicielle alternatives
ont été élaborées pour générer un surcroit de rendement en
concentrant le portefeuille sur les facteurs suivants :
•• les actions à faible volatilité ;
•• les actions à faible capitalisation ;
•• les actions bénéficiant d’un fort « momentum » de prix; et
•• les actions de style « valeur ».
On peut bien sûr définir les facteurs ci-haut de différentes
façons; il existe, entre autres, des variations assez marquées sur ce
que l’on entend par « actions de style valeur ». Les nombreuses
stratégies placées sous le couvert de la gestion indicielle
fondamentale (« fundamental indexing ») sont généralement des
variantes de la gestion de style « valeur ». Néanmoins, quelle que
soit la méthodologie retenue, il est beaucoup plus probable
qu’une stratégie fondée sur les primes de risque alternatives
résulte en un indice davantage exposé à une ou plusieurs des ces
primes de risque, comparativement à un portefeuille reposant sur
un indice pondéré selon la capitalisation boursière. Que ce soit
voulu ou non, on peut s’attendre à retrouver un biais favorisant
les titres à faible capitalisation. En effet, une composition de
portefeuille indicielle qui s’éloigne des indices pondérés selon la
capitalisation boursière réduit inévitablement la proportion
allouée aux titres à forte capitalisation de l’indice pour rediriger
ces montants ailleurs. D’ordinaire, un autre facteur de risque est
directement recherché – l’indice visant à optimiser l’exposition à
ce risque – tandis que le biais favorisant les titres à faible
capitalisation en découle de façon corollaire. Ceci ne signifie pas
qu’une exposition à de multiples facteurs de risque est impossible.
En effet, certains fournisseurs d’indices tentent délibérément
d’exploiter une combinaison de facteurs.
ii. Stratégies visant à améliorer la diversification
du portefeuille
Le deuxième groupe de stratégies de gestion indicielle
alternatives se concentre particulièrement sur la réduction du
risque et l’efficacité du portefeuille par l’amélioration de la
diversification des titres. Ces stratégies reposent sur l’hypothèse
que les inefficacités du marché amènent les indices pondérés
selon la capitalisation boursière à offrir une diversification
• Novembre 2012 / 33
La gestion indicielle alternative
« Un investissement peut faire
appel à diverses combinaisons
de fournisseurs. »
sous-optimale. Cette situation survient souvent lorsqu’un indice
est constitué principalement de quelques titres à forte
capitalisation dont la volatilité peut engloutir les titres ayant une
pondération plus faible et ainsi devenir le principal moteur du
rendement de l’indice.
Pour pallier cet inconvénient, ces stratégies emploient un
processus d’optimisation afin de réaliser un objectif de volatilité
précis. Il s’agit normalement de la réduction du risque global ou
de l’égalisation des risques entre les diverses composantes de
l’indice. Dans le premier cas, l’élimination du risque diversifiable
signifie que le seul risque restant est le risque non diversifiable
pour lequel les investisseurs sont théoriquement récompensés.
Dans le deuxième cas, on présume que le risque est aussi bien
récompensé pour chacune des composantes de l’indice – qu’elles
soient classées selon le titre, le secteur, le pays, etc. Le meilleur
ratio risque-rendement est donc obtenu par la sous-pondération
des composantes les plus volatiles et la surpondération des
éléments les plus stables (par rapport à leur capitalisation
boursière) jusqu’à ce que leur contribution individuelle au risque
du portefeuille soit la même.
Il existe une panoplie de méthodes de construction de
portefeuilles dans ce domaine — certaines axées sur le classement
des titres par coefficient bêta, d’autres sur la volatilité des titres et
d’autres encore sur une stratégie dynamique qui détermine le
risque du portefeuille en fonction des conditions du marché.
Toutefois, quelle que soit la méthode retenue, les portefeuilles
diversifiés de manière optimale devraient présenter des
rendements plus stables, un rendement supérieur à celui de
l’indice dans des marchés baissiers, mais un rendement inférieur
à celui de l’indice en cas de fortes hausses du marché.
Rendement par rapport aux mesures traditionnelles
Que le rendement des stratégies fondées sur les indices
alternatifs soit systématiquement supérieur à un indice pondéré
selon la capitalisation boursière ou non, il ne fait pas de doute
que certaines stratégies seront sujettes à de longues périodes
pendant lesquelles les rendements s’écarteront sensiblement de
l’indice. Cela s’est vu, par exemple, lorsque les placements axés
sur les titres d’un indice de style « valeur » ont eu un rendement
inférieur aux placements effectués dans les titres d’un indice basé
sur la capitalisation boursière au cours des années civiles de 1995
à 19991, avant d’éventuellement combler ces pertes relatives
entre 2000 et 2003. Si un investisseur avait perdu confiance dans
la stratégie « valeur » avant le redressement des rendements
relatifs, le rendement global de son portefeuille aurait été
considérablement inférieur au rendement de l’un ou l’autre de
ces deux indices, et ce, pour l’ensemble de la période observée. La
confiance de l’investisseur envers la démarche des indices
alternatifs peut donc être rudement mis à l’épreuve par un
enchaînement de rendements décevants.
Enjeux concernant la mise en œuvre
Une efficacité qui reste à démontrer
Choix des fournisseurs
Le milieu des indices alternatifs comprend de nombreux
participants œuvrant souvent en partenariat stratégique. Ils
comprennent les fournisseurs d’indices, les gestionnaires de fonds
ainsi que les propriétaires du capital intellectuel sur lequel
reposent les indices (principalement des entreprises privées et des
groupes de recherche universitaires). Dans certains cas, différentes
parties assumeront les diverses responsabilités tandis que dans
d’autres cas une seule entité remplira plusieurs fonctions. Ceci
signifie qu’un investissement dans une stratégie de gestion
indicielle alternative peut faire appel à diverses combinaisons de
fournisseurs. Selon la taille de l’investissement, certains
fournisseurs pourront aussi constituer des portefeuilles au moyen
de comptes ségrégués ou de fonds en gestion commune.
Frais de gestion et coûts de transaction
Le coût total des stratégies fondées sur les indices alternatifs est
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plus élevé que dans le cas des stratégies traditionnelles passives
modelées sur les indices pondérés selon la capitalisation boursière.
Par ailleurs, faute d’économies d’échelle, il faut prévoir les coûts
additionnels des droits d’utilisation payables au propriétaire de
l’indice (ou de la théorie), des frais de gestion plus élevés, des
dépenses accrues pour la gestion d’un portefeuille plus complexe
et des frais de transaction plus élevés en raison de la fréquence
accrue des opérations. Le coût de chacun de ces éléments peut
varier considérablement étant donné le large éventail de
fournisseurs et de stratégies de gestion indicielle alternatives.
Les stratégies axées sur des indices alternatifs ont connu un
certain succès depuis leur création. Les investisseurs peuvent
ainsi contribuer de différentes manières afin de gérer leur
portefeuille. Dans la mesure où leur efficacité future pourra être
démontrée, les stratégies de gestion indicielle alternatives
pourraient alors s’avérer un substitut ou un complément viable à
la gestion indicielle pondérée selon la capitalisation boursière.
Jean-François Milette EMBA, CPC,
est associé au bureau d’Aon Hewitt à Montréal.
Brad Bondy, associé au bureau d’Aon Hewitt à Vancouver,
a aussi contribué à cet article.
1 Basé sur le rendement de l’indice MSCI Monde Valeur vs MSCI Monde
(source : Datastream).