Olivier Clément - Une unité qui soit communion

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Olivier Clément - Une unité qui soit communion
Olivier Clément - Une unité qui soit communion
Nous apprenons avec tristesse le décès de notre ami Olivier Clément au seuil de la semaine de
prière pour l'unité des Chrétiens. Dans l'action de grâces pour toute son œuvre et
reconnaissants pour les relations d'amitié qui s'étaient tissées depuis longtemps entre lui et nos
Fraternités, nous publions, en guise d'hommmage, cet article qu'il avait bien voulu donner à
notre revue Sources Vives : Une unité qui soit communion.
D'Olivier Clément, théologien orthodoxe contemporain
Une unité qui soit communion
«L’Église, disait un grand théologien et spirituel des premiers siècles, l’Église est cette
prostituée que le Christ ne cesse de laver dans son sang pour en faire l’Épouse sans tache.»
Oui, l’Église et, par ce mot, j’entends l’Église une et sainte, dans sa catholicité et son
apostolicité, mystérieusement et tragiquement divisée par notre orgueil et notre manque
d’amour, l’Église dans sa profondeur, sous tant de souillures, est le Corps du Christ, elle
dispense par la sauvegarde et l’annonce de l’Évangile, par l’eucharistie, cette immense force de
résurrection, de victoire sur la mort et l’enfer qui fait de nous non les damnés du néant mais les
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enfants de ce Royaume où Dieu essuiera (essuie déjà) toute larme de nos yeux.
Tenter d’être chrétien, même si notre foi, apparemment, est aussi minuscule qu’un grain de
sénevé, pour reprendre une image évangélique, c’est aussi bien vivre avec le Christ que vivre
en lui. Car le Christ Jésus est à la fois ce compagnon secret qui, avec une infinie discrétion,
marche près de nous et parfois, aux soirs de détresse, pose sa main sur notre épaule, et cette
existence sans limite qui porte en elle tous les êtres et toutes les choses jusqu’aux plus
lointaines étoiles parce qu’elle surgit de cet abîme dont parlent toutes les religions, mais dont
Jésus nous révèle qu’il est un abîme paternel, paternel-maternel, «matriciant» dit la Bible, un
abîme qui justement est la source de toute communion. En Christ, nous sommes un seul corps,
une seule vie, un seul être, membres du Corps du Christ, membres les uns des autres et cette
unité englobe tous les hommes, de toutes les langues, de toutes les religions, de toutes les
cultures, depuis le commencement jusqu’à la fin du monde. Les chrétiens sont «mis à part»
comme un peuple de rois, de prêtres et de prophètes afin de témoigner, servir, prier pour le
salut universel. Un des grands témoins des premiers siècles, saint Basile, dit que nous
célébrons l’eucharistie «pour la vie du monde».
Dieu n’est pas puissant comme les typhons ou les tremblements de terre de la nature, ou
comme les tyrans de l’histoire. Il est moins puissant qu’un agent de police, disait ironiquement
un grand philosophe chrétien Nicolas Berdiaev. Il est puissant comme un flux de lumière, de
paix et d’amour, comme un flux de vie ressuscitée, de vie vivante qui pénètre le cosmos,
l’histoire, notre existence quotidienne dans la mesure où des cœurs, des intelligences s’ouvrent
librement à lui. Ce Dieu crucifié sur tout le mal du monde, si nous savons lui ouvrir, transforme
au fond de nous l’angoisse en confiance, il nous délivre de la fascination du néant, nous
n’avons plus besoin d’ennemis pour projeter sur eux nos peurs et nos soucis, nous pouvons
devenir, serait-ce en de brefs instants, des êtres de communion.
Le Patriarche de Constantinople Athénagoras était très frappé par les amitiés concrètes,
personnelles de Jésus. Avant d’aller à sa passion, il tient à revoir Marthe, Marie et Lazare,
Lazare qu’il rend à la vie comme pour annoncer sa Pâque. Il les aimait, donc il les préférait,
disait le Patriarche. Mais, réfléchissant plus avant, il précisait : c’est donc qu’il préfère chacun.
Et voilà la source première de la communion. (...) Lire la suite au format pdf
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