Chronique du Mont Blanc #8: les raisons de l`échec

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Chronique du Mont Blanc #8: les raisons de l`échec
Date : 14/09/2015
Heure : 23:30:34
Journaliste : Frank Gonon
www.wanarun.net
Pays : France
Dynamisme : 5
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Chronique du Mont Blanc #8: les raisons de
l’échec
Après le compte rendu de ma course et la retranscription des événements, il me
semble intéressant d’analyser ce qui m’a amené à Abandonner. Déjà pour accepter
le fait de parler « d’abandon », même si la réalité des faits est que j’ai été arrêt par la
limite de la barrière horaire. Ensuite pour digérer plus vite la déception mais surtout
pour comprendre, en tirer des enseignements et rebondir. Je vais donc suivre en
actes les mots de François Mitterrand : »La pire erreur n'est pas dans l'échec, mais
dans l'incapacité de dominer l'échec ».
Déjà il faut donner du temps au temps et l’analyse dans la navette qui vous ramène
au départ (Chamonix) n’a pas grand chose de commune avec celle faite 15 jours
après la course. 15 mn après avoir arrêté l’UTMB, je pensais arrêter la course à
pied pour me consacrer à une activité beaucoup plus confortable et moins ingrate.
2 semaines plus tard, j’ai repris la course et je n’exclue pas le fait de retenter de
terminer ce putain de tour du Mont Blanc. Cette évolution de la réflexion m’amène à
penser que la récupération mentale ou psychologique est finalement essentielle et
qu’elle va influencer en grande partie la récupération physique. En effet, même si
l’effort et ses conséquences sur notre corps vont être différents selon les individus et
le résultat de leur course (le moment de l’abandon et les conditions, une blessure ou
une défaillance morale, l’arrêt par l’organisation, etc…), on va récupérer et retrouver
une intégrité physique à plus ou moins long terme. Par contre, on peut très bien ne
jamais sortir du traumatisme psychologique constitué par cet échec, qui peut être
la démonstration de notre incapacité à réussir cet objectif et par la même à tous les
éventuels autres… D’ou à mon avis la nécessité de commencer par se refaire au
plus vite un mental en se projetant sur d’autres objectifs de « valeurs » plus ou moins
équivalentes (même si c’est dans un espace temps important). Cela permettra alors
de se reconstituer un protocole (programme d’entrainement) pour y accéder, avec
des objectifs abordables et à court ou moyen terme qui redonneront la motivation
et l’énergie pour remettre les baskets et repartir sur son terrain de jeu personnel.
Ceci étant, revenons au sujet qui nous intéresse, les raisons de l’échec et les
enseignements à en tirer sur cet UTMB. Après avoir donc pris le temps de digérer
voilà ce qu’il me semble en ressortir. J’ai vraiment eu le sentiment que ma course a
basculé suite au passage du pierrier au Col des Pyramides Calcaires. Ce passage
étant inédit(rajouté cette année) je ne l’ai pas appréhendé dans la préparation
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d’avant course avec suffisamment de précision. Sur le papier, c’était 4 Km (2
de montée et 2 de descentes) sans particularité et pour lesquels l’organisation avait
rajouté 30′ au temps final à Chamonix (46h30 pour 46 auparavant. Suivant ces
informations, j’ai estimé mon temps de passage sur cette section à 30′ (alors que
j’ai mis 1h30…) sans me préoccuper plus du type de terrain ou des conditions
de parcours… Grosse erreur! Autre élément imprévisible, le fait de n’avoir plus
de téléphone et donc l’impossibilité de communiquer avec mon assistance et de
recevoir les messages de mes proches. A priori, des détails, mais qui au fil du temps
et du moral déclinant, ce soutien, ce lien avec l »extérieur »est devenu primordial.
D’ou le premier des enseignements : dans son plan de route toujours prévoir
l’imprévisible d’autant plus quand on est sur un ultra ou la longueur du parcours
et la durée de course peuvent engendre de multiples évènements imprévisibles.
Ensuite, il y a la mauvaise gestion du passage imprévisible en lui même. Au lieu
de maudire l’organisation, j‘aurais du faire preuve de beaucoup plus de force
mentale pour absorber cet imprévu, garder ma concentration et mon énergie à
traverser ce passage en relativisant, sachant que j’avais de la marge avant la
prochaine barrière horaire (25′ au Lac Combal) même si celle ci n’était pas aussi
confortable que celle que je possédais avant cette section. Cela m’aurait permis
de profiter du ravitaillement, d’en tirer tous les bénéfices ( détente, repos,
alimentation) et garder une sérénité et un calme nécessaire à la continuation
de ma course. Au lieu de repartir du Lac Combal, tendu, fracassé et moralement
au fond du trou, j’aurais abordé la montée à l’arête du Mont Fabre dans un état
d’esprit tout autre. Moins atteint physiquement car ayant pris le temps de me reposer
((même si je n’aurais pas eu des cuisses et des chevilles neuves) et alimenté et
hydraté correctement. Et surtout moralement je serais resté dans une attitude
positive et n’aurais pas cherché à rattraper un retard en prenant des risques inutiles
(chutes et forcer sur la machine).
Puis il y a la gestion du ravitaillement à Courmayeur. C’était une étape importante
dans mon plan de route: 1ère assistance, la moitié symbolique de la course, un
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nouveau départ avec le change complet de ma tenue avec le « drop bag » et 20′ de
« sommeil ». Au delà du fait que je n’y suis pas arrivé du tout dans les conditions
envisagées: détendu, encore frais physiquement et avec près d’1h30 d’avance sur
la BH (au lieu de 50′), je n’ai pas du tout bien utilisé les 40′ que j’avais prévues et
que j’avais encore de disponibles. Tout d’abord, il y a eu une mauvaise utilisation
de mes amis pour m’assister. Manque d’expérience des 2 côtés, malgré ce qu’il
m’avait semblé être une bonne anticipation. Mais surtout un manque de sérénité
durant le temps du ravitaillement, ce qui m’a conduit à prendre beaucoup trop de
temps pour trouver l’espace assistance, me changer, rejoindre la salle pour manger,
puis le faire dans la précipitation et dans de mauvaises conditions. Et ainsi ne plus
avoir le temps de faire les 20′ de sieste prévues et donc de repartir encore moins
reposé et détendu qu’à mon arrivée. Rajout de stress, avec mes bidons non remplis,
le fait de n’avoir pu retrouver mes amis à la sortie et de ne pas pouvoir communiquer
avec eux (plus de téléphone).
Par contre je tire plutôt des enseignements positifs de la montée sur Bertone, car
même si cela restera un des moments les plus pénibles de mes aventures en
running, je ne l’ai pas trop mal gérée. J’ai su attendre que les moments ou vous
ne trouvez aucune raison de continuer passent et je n’ai pas lâché. Malgré la
chaleur, les coureurs qui abandonnaient et que j’ai croisé durant les 2 heures de la
montée, mon état physique et mon moral au plus bas, j’ai continué à avancer. C’ est
une des bases dans un Ultra, savoir être patient, il y a toujours un moment ou les
moments de souffrances finissent par s’arrêter… Peut être que si j’avais accepté de
me faire plus violence après Bertone, j’aurais pu rejoindre Arnuva dans les limites
de la barrière horaire. Ensuite poursuivre ma route et qui sait ce qu’il serait advenu.
Mais comme le dit Eric Legat : » Même si cela doit servir à me consoler, je crois
que réellement galèrer comme ça s’annonçait pour terminer, ne correspond pas du
tout à ma vision du sport. Certains objectifs ne se font pas à n’importe quel prix, en
termes de santé, mais aussi en rapport à un minimum de plaisir ».
Et si je me suis donné l’illusion que je n’avais pas lâché en tentant de rejoindre
Arnuva dans les temps, j’avais déjà mis le clignotant en arrivant à Bonatti. Mais je
n’ai pas de regrets d’avoir décidé d’abandonner. Abandonner, le mot qu’il faut aussi
arriver à prononcer et à mettre sur sa propre situation, ce qui ne se fait pas aussi
facilement que cela. C’était la décision la plus sage.
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