Déremboursement des mucolytiques et des expectorants
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Déremboursement des mucolytiques et des expectorants
n° 128 - Décembre 2007 Déremboursement des mucolytiques et des expectorants : quel impact sur la prescription des généralistes ? Marion Devaux, Nathalie Grandfils, Catherine Sermet Suite à la vague de déremboursement du 1er mars 2006, les médecins généralistes ont baissé de moitié la prescription de mucolytiques et d’expectorants pour le traitement des infections des voies aériennes supérieures et inférieures. De ce point de vue, la mesure peut être considérée comme efficace. Il s’avère toutefois que les médecins ont reporté, selon le diagnostic, leur prescription vers d’autres classes thérapeutiques comme les antitussifs ou les bronchodilatateurs, certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, les corticoïdes et les produits otologiques, la justification médicale de ce report n’étant pas toujours facile à établir. En termes économiques, le prix des mucolytiques et des expectorants étant peu élevé, la mesure n’a pas de répercussion sur le coût de l’ordonnance qui reste stable malgré les reports et l’augmentation tendancielle de la prescription des autres classes de médicaments. Taux mensuels de consultations avec prescription de mucolytiques et d’expectorants pour les huit groupes de diagnostics retenus Guide de lecture : Le taux mensuel de consultations associées à la prescription de mucolytiques et d’expectorants est passé de 34 % en février 2006 à 17 % en mars 2006 à la suite du déremboursement du 1er mars 2006. Source : IRDES - Données : IMS Health, Disease Analyzer L a nécessité de contrôler les dépenses de médicaments tout en maintenant la qualité des soins a incité les pouvoirs publics à dérembourser les médicaments les moins efficaces au regard du progrès thérapeutique. À cet effet, la commission de transparence a réévalué entre 1999 et 2001 le service médical rendu (voir encadré p. 2) de l’ensemble des médicaments ambulatoires remboursables, ce qui a conduit au 1er mars 2006 au déremboursement de 152 spécialités pharmaceutiques, en particulier des mucolytiques et des expectorants1. Ces médicaments, fluidifiants des sécrétions bronchiques ou facilitant leur expectoration, étaient largement utilisés dans le traitement des infections des voies aériennes supérieures et inférieures, notamment chez les enfants et les personnes âgées. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact sur la prescription des médecins du déremboursement des mucolytiques et des expectorants2 (voir encadré p. 3). Outre l’impact direct sur la prescription, nous tentons de mesurer un éventuel report de prescription vers d’autres catégories de médicaments et évaluons l’impact économique de cette mesure en termes de dépenses pour l’Assurance maladie. Cette étude s’appuie sur l’ensemble des prescriptions d’un échantillon de médecins généralistes un an avant et un an après le dérembour1 Ces médicaments restent toutefois remboursés pour les patients atteints de mucoviscidose. 2 Par la suite, nous employons le mot « expectorants » pour désigner l’ensemble des mucolytiques et expectorants. Institut de recherche et documentation en économie de la santé Déremboursement des mucolytiques et des expectorants : quel impact sur la prescription des généralistes ? sement du 1er mars 2006. Les consultations sélectionnées sont celles dont le diagnostic est susceptible de donner lieu à la prescription d’expectorants (voir encadré p. 4). La prescription des mucolytiques et des expectorants diminue de moitié En 2005, le régime général de l’Assurance maladie3 a remboursé environ 50 millions d’euros au titre des prescriptions d’expectorants, soit 0,37 % du total des remboursements (Medic’am, 2006). Après le déremboursement, le nombre total de consultations avec prescription d’expectorants a globalement diminué de moitié. Sur l’année précédant le déremboursement, 36 % des consultations comportant un des diagnostics sélectionnés étaient associées à la prescription d’expectorants. Ce pourcentage a chuté brutalement à 17 % dès le mois suivant le déremboursement, soit une baisse de 53 % (voir graphique p. 1). On note par ailleurs un effet saisonnier de la prescription des expectorants similaire sur les deux périodes : une baisse de la prescription entre avril et août, suivie d’une augmentation durant l’automne et l’hiver. À un niveau plus détaillé, l’analyse montre des baisses importantes de la prescription quel que soit le diagnostic. Avant le déremboursement, les expectorants étaient prescrits dans plus d’un cas sur deux dans les bronchites, aiguës ou chroniques ; dans un cas sur trois dans les affections chroniques des voies respiratoires supérieures et les otites ; et dans environ un cas sur quatre dans l’asthme, la grippe, la toux et les affections aiguës des voies respiratoires supérieures. Le déremboursement a entraîné une baisse de moitié des prescriptions pour chacun des diagnostics. Ainsi par exemple, 59,5 % des consultations pour bronchites aiguës étaient suivies de prescription d’un expectorant avant le déremboursement. Ce pourcentage chute ensuite à 30,5 % (voir graphique ci-dessous). La baisse de la prescription est observée quels que soient l’âge et le sexe du patient Les consultations avec prescription d’expectorants sont plus fréquentes aux très jeunes âges et aux âges élevés. La baisse des prescriptions d’expectorants déremboursés a touché avec la même amplitude tous les patients quels que soient leur classe d’âge et leur sexe. 3 hors sections locales mutualistes, en France métropolitaine. EPèRES… Cette étude s’inscrit dans le cadre des travaux de l’IRDES sur les politiques de régulation du secteur pharmaceutique. Elle fait partie d’une série d’études sur l’impact du déremboursement, des baisses de taux de remboursement et du retrait du marché de certains médicaments, réalisées en parallèle par l’IRDES, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) et l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). L’IRDES s’est vu confier l’analyse de l’impact du déremboursement des mucolytiques et expectorants tandis que la DREES étudie la baisse du taux de remboursement des veinotoniques et que l’AFSSAPS s’intéresse à l’impact du retrait du marché de certains médicaments de la classe des immunostimulants. Elle prend place au sein d’un travail collectif d’évaluation de la qualité et de l’intérêt des données du panel « Disease Analyzer » d’IMS Health. Cette étude s’appuie sur les prescriptions réalisées par 1 063 médecins généralistes à l’occasion de près de 500 000 consultations annuelles effectuées chez 330 000 patients . Le service médical rendu d’un médicament L’admission au remboursement d’un médicament par l’Assurance maladie est soumise à l’avis de la Commission de transparence qui détermine entre autres le service médical rendu (SMR) par le médicament.Le SMR comporte cinq niveaux (insuffisant, faible, modéré, important, majeur) qui, selon le décret du 27 octobre 1999, conditionnent des taux de remboursement allant de 0 % à 65 %. Un médicament ayant un SMR majeur ou important et concernant une pathologie grave est pris en charge à 65 % par l’Assurance maladie. Un médicament ayant un SMR majeur ou important et concernant une pathologie non grave ou un SMR modéré ou faible est remboursé à hauteur de 35 %. Enfin, un médicament ayant un SMR insuffisant est théoriquement non remboursé ; cette qualification de SMR insuffisant ne signifie pas que le médicament est inefficace mais que son intérêt thérapeutique relativement au progrès médical et à l’évolution des connaissances scientifiques n’est plus jugé suf- fisamment prioritaire pour justifier d’une prise en charge financière par la solidarité nationale. Notons que des exceptions ont été faites par l’octroi d’un taux de remboursement transitoire de 15 % pour certains médicaments, notamment les veinotoniques. Signalons également que certains médicaments ambulatoires sont reconnus comme irremplaçables et particulièrement coûteux par le ministère de la Santé et le ministère de la Sécurité sociale et qu’ils sont alors remboursés à 100 %. Taux annuels de consultations avec prescription de mucolytiques et d’expectorants avant et après le déremboursement, selon le diagnostic Guide de lecture : Dans le cas des bronchites aiguës, le taux annuel de consultations associées à la prescription de mucolytiques et d’expectorants passe de 59,5 % avant le déremboursement à 30,5 % après le déremboursement, soit une baisse de 49 %. Source : IRDES - Données : IMS Health, Disease Analyzer Questions d’économie de la santé n° 128 - Décembre 2007 Déremboursement des mucolytiques et des expectorants : quel impact sur la prescription des généralistes ? Évolution en pourcentage du nombre moyen de médicaments différents prescrits par ordonnance avant et après le déremboursement pour les huit groupes de diagnostics retenus Bronchites aiguës Analgésiques et antipyrétiques Antibiotiques Antitussifs et bronchodilatateurs Corticoïdes Mucolytiques et expectorants Bronchites chroniques Asthme Grippe et autres pneumopathies aiguës Toux Affections aiguës Affections chroniques des voies respiratoires supérieures 11 % -4 % Otites moyennes 10 % 3 % 13 % 4 % 18 % 7 % 0 % -11 % -5 % 10 % 8 % -4 % -1 % 4 % 11 % 2 % 8 % 8 % 1 % 5 % 7 % 10 % 6 % -3 % -2 % 12 % 1 % 7 % 9 % 7 % -48 % -41 % -42 % -50 % -52 % -48 % -53 % -47 % Autres médicaments -3 % 2 % 6 % -15 % 18 % 3 % 12 % 1 % Total -3 % -4 % -2 % -3 % 0 % -3 % -6 % -4 % Guide de lecture : Pour les consultations pour bronchites chroniques, le nombre moyen de mucolytiques et d’expectorants prescrits a diminué de 42 % suite au déremboursement alors que le nombre d’antitussifs et de bronchodilatateurs a augmenté de 8 %. Source : IRDES - Données : IMS Health, Disease Analyzer. Le repérage des mucolytiques et des expectorants Afin de couvrir l’ensemble des mucolytiques et des expectorants, nous avons utilisé conjointement la classe thérapeutique ATC1 de l’Organisation mondiale de la santé, code R05CA pour les « expectorants » et R05CB pour les « mucolytiques », et la classe thérapeutique Ephmra2, classification de l’industrie pharmaceutique, code R05C « expectorants ». 200 spécialités prescrites dans nos données, soit 29 molécules, sont ainsi repérées comme mucolytiques ou expectorants. Avant le déremboursement de mars 2006, deux catégories de mucolytiques et expectorants coexistaient : les remboursables (99 % des expectorants prescrits) et les non remboursables (1 %). En effet, certaines spécialités n’étaient pas remboursables avant mars 2006 soit parce qu’elles avaient déjà été déremboursées lors d’une vague précédente de déremboursement (en 2003), soit parce que les laboratoires n’avaient jamais demandé leur remboursement. L’impact du déremboursement est différent pour chacune de ces catégories. Pour l’ensemble des diagnostics retenus, le taux de consultations avec prescription de mucolytiques ou d’expectorants baisse de 59 % pour les spécialités remboursables puis déremboursées, alors qu’il baisse de 2 % pour les spécialités non remboursables. Les mucolytiques et les expectorants remboursables avant mars 2006 puis déremboursés au 1er mars 2006 (HAS, 2006) correspondent à 118 spécialités prescrites dans nos données, soit 16 molécules. 82 spécialités non remboursables avant mars 2006 ont été exclues de l’analyse en raison de leur très faible fréquence de prescription. Anatomical Therapeutical Chemical. 1 European Pharmaceutical Marketing Research Association. 2 La baisse de la prescription n’est pas liée à l’âge ou au sexe du médecin, mais à son volume d’activité et à sa région d’exercice 56 % des médecins baissent au moins de moitié le nombre de consultations avec prescription d’expectorants. 36 % l’ont diminuée d’un pourcentage compris entre 5 % et 50 %. 4 % des médecins n’ont pas modifié leur comportement (variation de prescription entre –5 % et 5 %) et 4 % ont augmenté leur prescription de plus de 5 %. La variation de la prescription d’expectorants n’est significativement liée ni à l’âge ni au sexe du médecin. Par contre, elle est liée à son activité et à sa région d’exercice. Ainsi, plus l’activité d’un médecin est éle- vée, plus la baisse de la prescription d’expectorants est importante. Par ailleurs, 77 % des médecins de la région Nord ont diminué au moins de moitié les prescriptions d’expectorants alors que ce taux atteint seulement 40 % pour les médecins de la région parisienne. Ces différences régionales pourraient s’expliquer par des différences de niveau de revenu des patients entre les régions. En effet, la région Nord cumule par exemple un faible revenu disponible des ménages (Insee, 2003) et une faible densité médicale (Eco-Santé, 2007), et donc une forte activité des médecins. À l’opposé, c’est dans la région parisienne que la densité médicale et le revenu disponible brut des ménages sont les plus élevés. Evolution du nombre moyen de médicaments différents prescrits par ordonnance avant et après le déremboursement pour les bronchites aiguës Le nombre total de médicaments différents prescrits est de 3,4 avant le déremboursement et de 3,3 après, soit une baisse de 3 %. Guide de lecture : Pour les consultations pour bronchites aiguës, le nombre moyen de mucolytiques et d’expectorants prescrits passe de 0,74 à 0,44 suite au déremboursement, soit une baisse de 41 %, alors que le nombre d’antitussifs et de bronchodilatateurs passe de 1,18 à 1,31, soit une augmentation de 11 %. Source : IRDES - Données : IMS Health, Disease Analyzer Questions d’économie de la santé n° 128 - Décembre 2007 Déremboursement des mucolytiques et des expectorants : quel impact sur la prescription des généralistes ? La composition de l’ordonnance évolue suite au déremboursement Le nombre moyen de médicaments différents prescrits par consultation est identique avant et après le déremboursement. Pour tous les diagnostics retenus, une consultation donne lieu en moyenne à une prescription de 3,4 médicaments différents avant le déremboursement et 3,3 après le déremboursement. La part des expectorants dans le nombre de médicaments prescrits est globalement faible et fonction du diagnostic posé : avant le déremboursement, elle varie entre 8 % lors des consultations pour grippe et 19 % lors des consultations pour bronchite aiguë. Après le déremboursement de mars 2006, ces proportions sont respectivement de 3 % et 10 %. Pour les diagnostics donnant lieu à la prescription d’expectorants, la majorité des produits prescrits avant comme après le déremboursement sont des décongestionnants et antitussifs (classes Ephmra R03 et R05), des antibiotiques (J02), des analgésiques/antipyrétiques (N02) et des corticoïdes (H02). Les séances pour otites comportent aussi une forte proportion de produits otologiques (12 %) classés dans le groupe « autres médicaments ». Le groupe « autres médicaments » comprend toutes les autres classes thérapeutiques non citées ci-dessus. Elles sont très peu représentées dans les ordonnances pour les diagnostics retenus. De manière générale, nous observons après le déremboursement une augmentation des prescriptions pour de nombreuses classes thérapeutiques (voir tableau et graphique p. 3 pour l’exemple des bronchites aiguës). Ainsi, les prescriptions d’antitussifs et de bronchodilatateurs (classes Ephmra R05 et R03) augmentent pour les bronchites, la toux et la grippe ; celles des analgésiques/antipyrétiques (N02) pour tous les diagnostics sauf les affections chroniques des voies respiratoires supérieures ; celles des antibiotiques (J02) pour les affections aiguës des voies respiratoires supérieures et pour la toux ; celles des corticoïdes (H02) pour tous les diagnostics sauf la toux ; enfin, les prescriptions des « autres médicaments » augmentent pour les La sélection des consultations et les regroupements de diagnostics Cette étude s’appuie sur l’ensemble des prescriptions effectuées un an avant et un an après le déremboursement du 1er mars 2006 (soit du 1er mars 2005 au 28 février 2007) par 1 063 médecins généralistes issus du panel informatisé « Disease Analyzer » d’IMS Health. Ces médecins transmettent de manière régulière les informations sur la totalité de leurs consultations : âge, sexe, région d’exercice, âge et sexe des patients, diagnostics ou motifs de la consultation et prescriptions pharmaceutiques associées (voir tableau ci-contre). À partir des données de l’enquête permanente sur la prescription médicale (EPPM) d’IMS Health, nous avons identifié, avant le déremboursement, les motifs de recours ayant donné lieu à la prescription d’expectorants. Parmi ceux-ci, nous avons retenu 19 diagnostics reclassés en 8 grands groupes de diagnostics (voir tableau ci-dessous). Les prescriptions associées à ces 19 diagnostics représentent environ 90 % des prescriptions d’expectorants. Dans les données de Disease Analyzer, chaque médicament, même s’il a été prescrit pour deux motifs différents, ne peut être techniquement associé qu’à un seul diagnostic. Ceci nous a conduits à exclure de notre étude les consultations ayant plusieurs diagnostics. Par exemple, les séances associant un des diagnostics retenus avec une autre pathologie (par exemple dépression) ont été exclues ; de même les séances comportant deux des groupes de motifs ci-contre ont été exclues : par exemple code J00 (rhume) et H65 (otite). Toutefois, les séances comportant deux diagnostics appartenant au même groupe ont été conservées (par exemple J00 (rhume) et J01 (sinusite)). Par ailleurs, toutes les consultations contenant l’association d’un quelconque diagnostic avec le diagnostic « toux » sont reclassées dans le groupe correspondant au diagnostic car la toux est un symptôme et non une maladie. Statistiques descriptives AVANT Nombre de médecins APRÈS 1 063 Age moyen des médecins 49,6 ans Pourcentage de médecins femmes 12,30 % Nombre moyen annuel de consultations 4 520 (+/- 1 725) Pourcentage de médecins dans la région... Centre 6% Centre-Est 14 % Est 12 % Nord 12 % Ouest 16 % Région Parisienne 8% Sud-Est 19 % Sud-Ouest 13 % Nombre de patients 341 219 333 708 Age moyen des patients 29,2 ans 28,2 ans 53 % 53 % 487 244 474 813 Pourcentage de patientes femmes Nombre de consultations Pourcentage de consultations pour... Affections aiguës des voies respiratoires supérieures 59 % 56 % Bronchites aiguës Bronchites chroniques 8 % 8 % 8 % 8 % Grippes et autres pneumopathies aiguës 7 % 9 % Otites moyennes 6 % 6 % Affections chroniques des voies respiratoires supérieures 5 % 5 % Toux 4 % 4 % 3 % 4 % Asthme Nombre de prescriptions 1 664 105 1 567 307 Diagnostics retenus Groupe de diagnostics Diagnostics (Classification internationale des maladies 10e révision) Affections aiguës des voies respiratoires supérieures J00, J01, J02, J04, J06 Affections chroniques des voies respiratoires supérieures J31, J32, J34 Bronchites aiguës Bronchites chroniques Asthme J40, J42, J44 J45 Otites moyennes Grippes et autres pneumopathies aiguës Toux J20, J21 H65, H66 J11, J18 R05 Source : IRDES - Données : IMS Health, Disease Analyzer Questions d’économie de la santé n° 128 - Décembre 2007 Déremboursement des mucolytiques et des expectorants : quel impact sur la prescription des généralistes ? Écart en pourcentage entre les évolutions annuelles du nombre de prescriptions du groupe de report et du groupe de référence pour les huit groupes de diagnostics retenus Bronchites aiguës Analgésiques et antipyrétiques Bronchites chroniques Asthme Grippe et autres pneumopathies aiguës 11 % Toux Otites moyennes -7 % -5 % -27 % Antibiotiques -3 % -10 % -56 % -30 % -17 % -3 % -17 % -3 % Antitussifs et bronchodilatateurs 43 % 47 % 16 % 39 % 59 % 25 % 24 % -6 % 6 % -11 % -39 % NS 30 % 8 % -1 % -6 % -8 % -5 % 36 % 81 % 6 % 25 % 19 % 31 % Corticoïdes Autres médicaments -12 % Affections Affections aiguës chroniques des voies respiratoires supérieures 14 % -6 % 6 % Guide de lecture : Lors des consultations pour bronchites aiguës, l’évolution avant/après du nombre d’antitussifs et de bronchodilatateurs prescrits est égale à +49 % dans le groupe de report et +6 % dans le groupe de référence, soit un écart de 43 points. NS signifie que l’écart est non significatif en raison d’une prescription trop peu fréquente (moins de 0,05 prescription par ordonnance). Source : IRDES - Données : IMS Health, Disease Analyzer affections chroniques des voies respiratoires supérieures et la toux. Ces augmentations peuvent être interprétées de plusieurs manières. Il peut en effet s’agir soit d’une augmentation tendancielle de la prescription pharmaceutique, soit d’un report de prescription vers d’autres classes thérapeutiques en lien avec les déremboursements, soit plus probablement d’une conjugaison des deux effets. Une substitution des expectorants par des bronchodilatateurs et des antitussifs Pour séparer l’augmentation tendancielle de la prescription de l’augmentation imputable au report, un « groupe de référence » a été formé à partir des médecins qui, avant comme après le déremboursement, sont de faibles prescripteurs d’expectorants (voir encadré ci-contre). Nous observons alors au travers de ce groupe l’évolution de la prescription des médecins qui en théorie n’ont pas eu à modifier leur comportement. Cette évolution peut alors être imputable à une évolution tendancielle de la prescription. Nous comparons ensuite les prescriptions de ce groupe à celles des médecins prescripteurs d’expectorants dans la période « avant » et qui diminuent massivement leur prescription d’expectorants dans la période « après », c’est-à-dire des médecins qui changent leur comportement de prescription. Nous appelons ce groupe « groupe de report ». L’écart ainsi mis en évidence approche le volume des reports engendrés par le déremboursement des expectorants (voir tableau ci-dessus). Pour la majorité des diagnostics, l’évolution de la prescription des antitussifs et des bronchodilatateurs du groupe de report est largement supérieure à celle du groupe de référence, ce qui suggère un report vers ces classes pour tous les diagnostics sauf les otites. De même, les données semblent mettre en évidence des reports vers les corticoïdes pour la toux et vers d’autres médicaments, comme les produits otologiques pour les otites ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens4 pour l’asthme, la grippe et les affections des voies respiratoires supérieures. À noter que nous n’observons pas de report vers les antibiotiques et la classe des antalgiques/antipyrétiques. Sur le plan médical, certaines de ces évolutions sont peu explicables. Le report vers les antitussifs est surprenant car les indications de ces derniers sont inverses de celles des ex- pectorants : les antitussifs s’adressent en effet aux toux non productives (toux sèches) alors que les expectorants sont destinés aux toux productives (toux avec sécrétion bronchique). En revanche, les anti-inflammatoires ou les corticoïdes pourraient se justifier dans le cadre du traitement d’une inflammation bronchique sous-jacente à la production de sécrétions bronchiques. Enfin, la diminution massive des corticoïdes oraux et la baisse des antibiotiques pour les diagnostics d’asthme sont d’interprétation délicate et reflètent probablement l’imprécision du diagnostic posé par le médecin (en majorité asthme sans précision) ; la présence d’antibiotiques dans certaines prescriptions laisse penser que certains de ces diagnostics correspondent à 4 Certains anti-inflammatoires de la classe Ephmra M01. Analyse du report de la prescription des mucolytiques et des expectorants vers d’autres médicaments Afin de séparer l’évolution tendancielle de la prescription pharmaceutique de l’augmentation due aux éventuels reports, un groupe témoin appelé « groupe de référence » a été créé. Ce groupe contient les consultations sans expectorant effectuées avant et après le déremboursement par les médecins non-prescripteurs d’expectorants avant le déremboursement (soit 87 médecins). Un médecin est dit non-prescripteur s’il prescrit des expectorants dans moins d’une consultation sur dix ; au contraire il est dit prescripteur s’il prescrit des expectorants dans plus d’une consultation sur dix. Pour ce groupe de médecins, nous mesurons l’évolution avant/après de la structure de l’ordonnance après exclusion des consultations avec expectorant. Ainsi, dans ce groupe, l’évolution avant/après du nombre moyen de médicaments prescrits représente l’évolution tendancielle. Un deuxième groupe a été constitué à partir des consultations avec expectorants avant déremboursement et sans expectorant après, effectuées par les médecins prescripteurs d’expectorants avant déremboursement (soit 974 médecins). Nous mesurons alors l’évolution de la structure de l’ordonnance concernant uniquement les consultations avec expectorants dans la période avant et les consultations sans expectorant dans la période après, cette restriction permettant de se focaliser sur le changement de comportement de prescription. Dans ce groupe, l’évolution avant/après du nombre moyen de médicaments prescrits peut être imputable au report ; c’est pourquoi ce groupe est appelé « groupe du report ». Deux médecins sont exclus de cette analyse car plus de 10 % de leurs consultations comportent des expectorants avant comme après le déremboursement. L’écart d’évolution mis en évidence entre ces deux groupes approche le volume des reports engendrés par le déremboursement des expectorants : un écart supérieur à 15 % est considéré comme un report notable ; en dessous de ce seuil, l’écart ne peut pas être interprété comme un report. Ces deux groupes sont comparables en termes de caractéristiques d’âge et de sexe aussi bien pour les médecins que pour les patients. On note cependant une différence significative du nombre d’actes annuel qui est plus élevé dans le groupe de report que dans le groupe de référence. Questions d’économie de la santé n° 128 - Décembre 2007 Déremboursement des mucolytiques et des expectorants : quel impact sur la prescription des généralistes ? des asthmes surinfectés alors que la présence d’antihistaminiques dans d’autres ordonnances laisse penser qu’il s’agit plutôt d’asthmes allergiques. Une étude plus approfondie serait donc nécessaire pour analyser, selon le type d’asthme, l’évolution de la prescription observée suite au déremboursement des expectorants. Le coût de l’ordonnance est inchangé suite au déremboursement Le coût total moyen de l’ordonnance, tous diagnostics confondus, est estimé à 29,40 €5 avant et après le déremboursement (voir encadré cidessus). Le reste à charge pour le patient ou son assurance complémentaire, s’il en possède une, est d’environ 14 € sur les deux périodes alors que la part prise en charge part l’Assurance maladie s’élève en moyenne à 15,40 €. Le coût des expectorants représente 6 % du coût total de l’ordonnance avant le déremboursement, soit 1,80 €, et 3 % ensuite, soit 0,90 €. La part du coût des expectorants dans le coût total de l’ordonnance avant le déremboursement est si faible qu’une baisse de moitié de cette part, cumulée aux augmentations des autres classes, qu’elles soient tendancielles ou dues à un report, n’entraîne aucune répercussion sur le coût total de l’ordonnance. 5 En euros courants. Le premier objectif des déremboursements a bien été atteint puisque les médecins ont modifié de manière importante leur comportement de prescription de mucolytiques et d’expectorants. En revanche, des reports de prescription sont mis en évidence notamment vers les antitussifs et les bronchodilatateurs pour tous les diagnostics sauf les otites, ce qui concorde avec les résultats publiés par la Commission des comptes de la Sécurité sociale (2007). Des reports sont également notés vers les corticoïdes pour la toux, vers les produits otologiques pour les otites et enfin vers certains anti-inflammatoires Calcul du coût de l’ordonnance Pour estimer le coût total de l’ordonnance, deux informations ont été utilisées : le nombre de boîtes prescrites et les prix des médicaments. Les prix des médicaments identifiés précisément au niveau de leur conditionnement sont les prix publics mensuels sur la période mars 2005-février 2007, récupérés dans la base de données SEMPEX/ VIDAL®. Pour les prescriptions en dénomination commune internationale (DCI), un coût moyen mensuel de la molécule a été estimé sur l’ensemble des principes actifs correspondants et présents dans la base de données SEMPEX/VIDAL®. Une méthode d’imputation par la moyenne a été mise en œuvre lorsque les données relatives au nombre de boîtes prescrites étaient manquantes et non calculables. Nous avons remplacé la donnée manquante par la moyenne arrondie à l’entier supérieur, calculée dans les sous-groupes des produits de même forme galénique. Dans le cas où l’imputation n’était pas réalisable, nous avons remplacé par défaut la donnée manquante par une boite. Le coût de l’ordonnance pour l’Assurance maladie est estimé en utilisant le taux théorique de rem- non stéroïdiens pour la grippe. Toutefois, en termes de rationalisation des dépenses, cette politique de déremboursement des expectorants n’a pas d’impact mesurable. Aucune variation du coût de l’ordonnance n’est observée ni pour l’Assurance maladie, ni pour le patient ou son éventuelle assurance complémentaire. Cependant, cette analyse ne tient pas compte des éventuelles dépenses liées à une automédication ou au conseil des pharmaciens. Elle sous-estime donc sans doute le coût pour le patient, d’autant plus que, du fait de leur déremboursement, le prix de ces médicaments est devenu entièrement libre et a augmenté. En effet, selon une étude de la Mutualité française (2007), le prix moyen des médicaments déremboursés, toutes classes confondues, a augmenté de 36 % et celui de l’automédication de 33 %. Enfin, les prescriptions de séances de kinésithérapie respiratoire n’ont pas été répertoriées dans la base de données.Or, cette pratique est recommandée par la Haute autorité de santé, notamment pour les jeunes enfants souffrant de bronchiolite (HAS, 2000). Aussi, il serait intéressant d’analyser ces données pour mesurer l’importance du report de la prescription d’expectorants vers la kinésithérapie respiratoire, et ainsi d’évaluer l’impact financier d’un éventuel report de ce type pour l’Assurance maladie. Institut de recherche et documentation en économie de la santé - 10, rue Vauvenargues 75018 Paris Tél. : 01 53 93 43 02/17 - Fax : 01 53 93 43 50 - Site : www.irdes.fr - Email : [email protected] Directrice de la publication : Chantal Cases - Rédactrice en chef technique : Nathalie Meunier Relecteurs : Philippe Le Fur, Anna Marek, Thomas Renaud Correctrice : Martine Broïdo - Maquettistes : Khadidja Ben Larbi, Franck-Séverin Clérembault ISSN : 1283-4769 - Diffusion par abonnement : 60 e par an - Prix du numéro : 6 e - 10 à 15 numéros par an. boursement du produit disponible chaque mois. Cette estimation ne correspond pas au coût réel pour l’Assurance maladie car certains patients sont pris en charge à 100 %, notamment les patients en affection longue durée (ALD). Les médicaments prescrits dans le cadre de cette ALD sont alors pris en charge à 100 %. Cette information n’étant pas disponible dans nos données, l’évaluation du coût pour l’Assurance maladie est minorée ; le biais est toutefois le même avant et après le déremboursement et n’a pas d’impact sur l’interprétation de la variation de la dépense engendrée. Pour en savoir plus • Commission des comptes de la Sécurité sociale (2007), Déremboursements et reports de prescriptions, fiches éclairage de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, consulté le 20/11/07 sur http://www.securite-sociale.fr/ comprendre/dossiers/comptes/2007/ ccss200710_fic_9-3.pdf • Eco-Santé 2007 : http://www.EcoSante.fr • HAS (2006), Liste officielle des médicaments déremboursés au 1er mars 2006, consultée le 11/12/07 sur http://www.has-sante.fr/portail/types/ FileDocument/doXiti.jsp?id=c_514379 • HAS (2000), Prise en charge de la bronchiolite du nourrisson, consulté le 20/11/07 sur http://www.has-sante. fr/portail/upload/docs/application/pdf/ bronc.pdf • INSEE (2006), Revenu disponible brut des ménages en 2003 par région, consulté le 11/12/07 sur http://www. insee.fr/fr/ffc/chifcle_fiche.asp?ref_ id=CMRSOS04238&tab_id=486 • Medic’AM (2006), consulté le 20/11/07 sur http://www.ameli.fr/fileadmin/ user_upload/documents/Tableau_ medicaments_rembourses_2002__2005.xls • Mutualité française (2007), Impact économique de la modification des conditions de remboursement des SMRi en 2006 consulté le 20/11/07 sur http://www.mutualite.fr/content/ download/18608/314391/file/EtudeSMRi.pdf Questions d’économie de la santé n° 128 - Décembre 2007