rapport sur le rapprochement avocats et conseils en propriete

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rapport sur le rapprochement avocats et conseils en propriete
RAPPORT SUR LE
RAPPROCHEMENT AVOCATS
ET
CONSEILS EN PROPRIETE INDUSTRIELLE
Ce rapport est un travail commun de :
Maître André BOYER
Ancien Bâtonnier
Membre du Bureau
Maître Philippe TUFFREAU
Ancien Bâtonnier
Commission Prospective
Maître Pierre LAFONT
Président Commission Formation
CNB
Rapprochement Avocats / CPI
AG 15-11-2003
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Rapport sur le
RAPPROCHEMENT AVOCATS / CPI
1 – LES MOTIFS DU RAPPROCHEMENT
1.1. – Nécessité d'une offre de services globale
Le rapprochement entre les Avocats et les Conseils en Propriété Industrielle (CPI) est
une question récurrente qui est soumise à la réflexion des deux professions depuis
une dizaine d'années, étant précisé que la profession de conseil en propriété
industrielle a été reconnue et organisée par la loi du 26 novembre 1990 complétée
par le décret n° 92-360 du 1er avril 1992 modifié et le décret n° 2002-215 du 18
février 2002.
"Dans le contexte d'une concurrence internationale accrue sur le marché des
prestations de propriété intellectuelle et d'une intégration communautaire croissante,
la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle (CNCPI) a fait du
renforcement des liens avec les avocats l'un des axes de sa politique" (1).
Les CPI estiment devoir offrir à l'avenir de nouvelles prestations pour remplacer
celles qui risquent de disparaître telles que : suivi purement administratif, validations
/ traductions, titres purement nationaux, etc…
Ils s'interrogent sur la forme des cabinets européens dans les dix ans à venir face à
l'intégration de l'offre de services de conseil en propriété industrielle à l'échelle
communautaire. Les CPI sont en concurrence directe avec les Patent Attorneys
britanniques et les Patentanwälte allemands.
Ils estiment que la compartimentation des professions intervenant dans le domaine du
droit en général s'oppose à la globalisation de la demande des entreprises.
Sensible à la structuration communautaire des questions touchant à la propriété
industrielle, aux enjeux économiques liés aux dépôts des brevets et à leur défense, à
la compétition internationale et intra-communautaire, les pouvoirs publics sont
attentifs à la demande des CPI de voir aboutir un rapprochement avec les avocats
spécialisés dans ce domaine de la propriété industrielle et y semblent favorables.
Ils estiment qu'ensemble :
- Ils pourront mieux résister à la concurrence internationale : 85% des brevets
déposés en France le sont par des entreprises étrangères souvent par l'intermédiaire
de cabinets anglo-saxons implantés à l'étranger.
(1) – Bulletin de la CNCPI.
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- Ils répondront au souhait des entreprises clientes de traiter avec un professionnel
unique ou un cabinet unique capable de prendre en charge tous les aspects de leur
dossier.
Les CPI font valoir que les grands déposants et de plus en plus de PME innovantes
intensifient leurs stratégies juridiques et judiciaires en matière de propriété
industrielle et sélectionnent des cabinets intégrés réunissant des spécialistes de la
"prosecution" et des spécialistes du "litigation", ce qui donne un avantage
concurrentiel aux cabinets intégrés.
Toutefois, selon l'AAPI, force est d'observer que cet argument manque en fait : En
France, comme dans les autres pays d'Europe, les "litigators" qui tiennent le haut du
pavé appartiennent à des cabinets spécialisés dans cette activité et non à des cabinets
intégrés.
La nouvelle organisation judiciaire en Europe, en ce qui concerne le règlement des
litiges relatifs à la validité et à la contrefaçon de brevets par la création de la Cour
Européenne spécialisée, renforce les CPI dans leur volonté de coopérer, notamment
avec les avocats, et de soutenir, au nom de la complémentarité indispensable des
deux professions, une démarche vers l'interprofessionnalité.
Ils considèrent que si les professionnels de la propriété industrielle ne savent pas
s'organiser, notamment en cabinets interprofessionnels, ils seront de moins en moins
attractifs pour la clientèle européenne et mondiale. Par contre coup les avocats
spécialisés dans ce domaine seront à leur tour touchés par cette restriction du marché.
En outre, l'imminence de l'institution d'un brevet communautaire faisant suite à
l'accord politique du 3 mars 2003 entre les Etats de l'Union Européenne et la
finalisation du projet de Traité Européen destiné à harmoniser le contentieux du
brevet européen en centralisant ce contentieux dans quelques juridictions avec une
Cour d'Appel unique poussent à la mise en place, dans les meilleurs délais, d'une
organisation de nature à rendre plus attractifs dans la compétition européenne les
professionnels français intervenant dans le domaine de la propriété industrielle.
1.2. – Les accords avec les avocats et les experts comptables
A ce jour les protocoles suivants ont été signés :
1.2.1. - Avocats / CPI
Convention sur la question du maintien de la confidentialité dans les relations entre
avocats et CPI signée avec le Barreau de PARIS en 1998 puis successivement avec
les Barreaux de LYON, MARSEILLE et LILLE.
Un projet de collaboration sous forme d'un protocole d'accord a été discuté entre le
Barreau de PARIS sous le Bâtonnat de Maître TEITGEN et la CNCPI. Il aurait dû
être régularisé lors des 3èmes Rencontres Internationales de la Propriété Industrielle
en septembre 2001. L'accord final n'a jamais été concrétisé par une signature car il
semble que, sans en avertir leurs partenaires de la Commission Mixte et les y
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associer, la CNCPI a entrepris auprès des industriels des démarches aboutissant à un
sondage dont les avocats ont estimé que les réponses pouvaient être guidées par le
sens des questions posées.
La CNCPI tirait, notamment, les réflexions suivantes de cette enquête auprès des
entreprises :
- L'ensemble des sociétés a plébiscité l'interprofessionnalité au sein des mêmes
cabinets afin de répondre à une demande de plus en plus globale.
- Les CPI doivent pouvoir apporter à leurs clients des services de plus en plus larges
afin de cerner sous différents angles (juridique, judiciaire et comptable) les questions
de propriété industrielle qu'ils sont amenés à résoudre (1).
1.2.2. -Experts Comptables / CPI
Un protocole d'accord signé le 24 septembre 2001 entre le Conseil Supérieur de
l'Ordre des Experts Comptables et la CNCPI, constat étant fait "de la
complémentarité de leur compétence respective et donc de leur domaine
d'intervention" et une demande des clients pour des prestations "qui se trouvent au
croisement de leurs disciplines, notamment le conseil en stratégie, les questions
financières et fiscales liées à la propriété immatérielle ou encore la gestion
économique et financière des questions juridiques se posant à l'entreprise".
Ce protocole d'accord se fixe pour objet "une coopération progressive comprenant,
d'une part, des actions d'information mutuelle et, d'autre part, des actions de
concertation sur les sujets d'intérêt commun".
1.3. – Le choix de l'interprofessionnalité
1.3.1. - "Notre conviction est forte : il faut aller vers l'interprofessionnalité" (2)
Les CPI ont, depuis longtemps, fait le choix de l'interprofessionnalité, notamment
avec les avocats, les enjeux de la relation Avocats/CPI étant, selon eux, déjà
clairement identifiés :
- Comment travailler ensemble de manière plus intégrée sans qu'aucun des
professionnels ne perde son identité ?
- Quelles formes de mise en réseau ou de mise en commun de moyens et de
compétences seraient les mieux adaptées à une coopération structurée entre avocats
et CPI ?
(1) – Comptes rendus des 3èmes Rencontres Internationales de la Propriété Industrielle : lundi 24
septembre 2001
(2) – Extrait du dossier de presse des 3èmes Rencontres préparées par ALLIANTIS.
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- Comment aboutir à une harmonisation complète des règles professionnelles et
déontologiques afin d'offrir aux clients une protection totale et cohérente de leurs
intérêts ?
- Comment organiser devant les futures instances communautaires de propriété
industrielle l'intervention respective des différents professionnels ?
- Comment permettre aux professionnels français de former ensemble une force
puissante qui s'adapte et résiste à la concurrence des prestataires étrangers et des
grands réseaux transnationaux ?
1.3.2. - De son côté, l'Association des Avocats de Propriété Industrielle est opposée à
l'interprofessionnalité ainsi qu'elle l'a rappelé lors de son assemblée générale le 6
février 2003 en adoptant la résolution suivante :
- "La préservation de la mission de l'avocat exige le maintien de son statut et interdit
par conséquent d'envisager l'exercice de l'activité professionnelle d'avocat au sein
d'une structure juridique ou économique commune à l'autre profession.
- En conséquence l'Association des Avocats de Propriété Industrielle s'oppose à
l'interprofessionnalité entre les avocats et les conseils en propriété industrielle".
A ce stade il n'est pas inutile de présenter en chiffres la profession de CPI puis de
rappeler les domaines d'intervention privilégié de chaque profession.
2 – LA PROFESSION DE CPI EN CHIFFRES
2.1. – Les composantes de la profession
La profession compte environ 160 Cabinets principaux et environ 40 Cabinets
secondaires. Plus de 550 Conseils en Propriété Industrielle sont inscrits à l'Institut
National de la Propriété Industrielle. Au-delà des mentions de spécialisation, on
estime que la moitié des CPI exerce dans le domaine des brevets tandis que l'autre
moitié exerce dans le domaine des marques, modèles, droit d'auteur et autres
domaines juridiques connexes.
Chaque CPI fait travailler entre 3 et 5 collaborateurs.
A titre de comparaison on dénombre en Grande-Bretagne 1.000 Patent Agents
exerçant à titre libéral et plus de 1.800 Patentanwälte indépendants en Allemagne.
2.2. – Les structures
Parmi environ 200 cabinets (en ce compris les cabinets secondaires) répertoriés en
avril 2002 :
- 138 (68,5) sont organisés en société : 58 SA (42%), 39 en SARL (28%), 22 en SC
(16%), 7 en SCP, 7 en SELARL, 3 en EURL, 1 en SAS et 1 en SELAFA.
- 63 (31,5%, près de 1/3) sont organisés en profession libérale (1).
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Bon nombre de CPI associés d'une société sous forme commerciale ont un statut de
professionnel libéral.
2.3. – La répartition régionale
Les cabinets en propriété industrielle sont principalement représentés à PARIS et en
Ile-de-France :
- 91 à PARIS et 34 en Ile de France, soit un total pour la région de 62,5%, ce qui
représente presque les 2/3 du nombre total de cabinets.
Les autres cabinets sont installés en province, notamment :
- 20 en Rhône-Alpes (10%)
- 11 en Bretagne-Pays de Loire
- 11 en région PACA
- 11 en Alsace-Lorraine
- 8 en Aquitaine – Midi-Pyrénées
- 4 en Nord-Pas-de-Calais
2.4. – Le poids économique
Les Conseils en Propriété Industrielle créent et gèrent l'essentiel le patrimoine
immatériel protégeable des entreprises françaises.
Cette fonction est une fonction clé dans l'économie nationale et comprise comme
telle par les Pouvoirs Publics.
Selon une enquête menée il y a trois ans, à la demande de la CNCPI, les CPI français
gèrent les deux tiers des brevets déposés par les entreprises françaises (plus des ¾
des brevets détenus par les PME, et la moitié de ceux des grandes entreprises).
A cet égard, on peut dire que la France ne dépose pas assez de brevets. 28 sociétés
françaises déposent à elles seules 30% des brevets de l'industrie. Au classement
européen de la croissance annuelle moyenne des dépôts de brevets depuis 1995 la
France est au 15ème rang, l'Irlande occupant la première place (Source Commission
de Bruxelles).
On estime généralement que les CPI gèrent également une large majorité des dépôts
de marques.
Le chiffre total de la profession est estimé à environ 500 millions d'euros.
(1) – Chiffres fournis par la CNCPI.
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En première approximation, on peut décomposer les cabinets de CPI de la façon
suivante :
- 10 cabinets réalisent plus de 10 millions d'euros de chiffre d'affaire
- 40 cabinets réalisent entre 2 et 10 millions d'euros de chiffre d'affaire
- les autres cabinets réalisent moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaire (1)
Si on dénombre en France environ 550 conseils en propriété industrielle, il faut
précisé qu'à PARIS quatre cabinets ont un effectif d'une centaine de personnes et
qu'en province existent des cabinets significatifs par la taille comparés à celle des
cabinets d'avocats très spécialisés exerçant quasi exclusivement dans le domaine de
la propriété industrielle. On dénombre une dizaine de cabinets d'avocats plaidant
régulièrement en matière de brevets et environ quatre vingt dix cabinets intervenant
fréquemment dans le domaine des marques et des modèles.
Les effectifs de ces cabinets excèdent rarement une dizaine de personnes.
On constate ainsi une nette disproportion, mesurée en termes de poids économique,
entre les cabinets de CPI et les cabinets d'avocats liée directement au mode de
fonctionnement de chacun, lui-même induit par le domaine d'intervention de chaque
profession.
3 – LES DOMAINES D'INTERVENTION RESPECTIFS
3.1. – Les avocats
Les avocats interviennent dans le domaine de la procédure et de la plaidoirie visant à
la contestation de la validité d'un brevet ou sa défense contre toute contrefaçon.
Les avocats spécialisés dans le droit de la propriété industrielle ne déposent pas ou
très peu de brevets.
En revanche, ils sont présents dans le domaine des marques, dessins et modèles tant
au niveau du dépôt que de la procédure.
3.2. – Les CPI
Le CPI s'est vu reconnaître par la loi précitée du 26 novembre 1990 le droit "d'offrir
à titre habituel et rémunéré, ses services au public pour conseiller, assister ou
représenter les tiers en vue de l'obtention, du maintien, de l'exploitation ou de la
défense des droits de propriété industrielle".
Les CPI interviennent donc dans le domaine de la constitution et de l'exploitation des
droits de propriété industrielle mais pas dans celui de la défense devant les
juridictions étatiques, réservées à l'avocat.
(1) – Chiffres fournis par la CNCPI.
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Les CPI interviennent également dans des domaines connexes tels que,
principalement :
- La propriété littéraire et artistique.
- Le droit de la concurrence et les procédures en concurrence déloyale.
- Les droits des salariés.
- La fiscalité des revenus de la propriété industrielle.
La profession estime néanmoins que "les activités d'exploitation des droits de
propriété industrielle et plus encore les activités connexes connaissent encore un
développement insuffisant dans la profession alors que la plupart d'entre elles
comportent un potentiel de croissance important".
"La baisse du nombre de dépôts et des extensions devra nécessairement être
compensée par de nouvelles prestations" (1).
Parmi celles-ci, les prestations issues de pratiques d'interprofessionnalité avec les
avocats et la possibilité de plaider devant certaines administrations et à terme
devant des juridictions spécialisées sont citées comme l'une des directions
possibles et complémentaires pour le développement des CPI.
L'institution par la Convention sur le Brevet Européen de 1973 d'un brevet européen,
l'établissement par l'Union Européenne de la marque communautaire en 1996
(règlement CE n° 40/94) et la création des dessins et modèles communautaires en
avril 2003 (règlement CE n° 6/2002) conduit tout naturellement à dresser le
panorama de la situation en Europe tant en ce qui concerne la répartition du marché
et son évolution que celle de la représentation des parties dans un procès de propriété
industrielle et des rapports entre les avocats et les CPI.
4 – LA SITUATION EN EUROPE
4.1. – La répartition des parts de marché des titres de propriété industrielle
européens
La modestie des effectifs français s'explique, notamment, par les statistiques de
dépôts des demandes de brevets à l'Office Européen des brevets, savoir :
- 65% des demandes de brevets européens sont effectuées en langue anglaise,
majoritairement par l'intermédiaire de mandataires anglais et allemands.
- 26% en langue allemande, par des mandataires allemands dans la plupart des cas.
(1) – Rapport 2000 du Conseil Consultatif sur l'avenir de la profession de Conseil en Propriété
Industrielle.
- 7% seulement en langue française.
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Ces chiffres sont corrélés avec les statistiques de la représentation des déposants
d'oppositions à des brevets européens :
- 44% des déposants choisissent un mandataire allemand
- 22% un mandataire britannique
- 7% un mandataire français
- 4% un mandataire hollandais
En matière de contentieux de brevet, trois fois plus d'actions en contrefaçon sont
engagées en Allemagne (646 nouvelles affaires en 2000) qu'en France (environ 200
nouveaux cas par an).
4.2. – L'évolution en cours
La restriction de marché dont souffrent les professionnels français de la Propriété
Industrielle (avocats et CPI confondus) aurait sa source dans l'insuffisance de l'offre
globale de service sur le territoire national.
Ceci explique, notamment, qu'un nombre significatif de cabinets d'avocats d'origine
anglo-saxonne se soient récemment installés sur le territoire français, dans ce créneau
du Droit (Baker et Mackenzie, Bird & Bird, Ernst & Young, Linklaters, Lovells,
Oppenheim, etc …) en bénéficiant totalement de la force des réseaux et d'une
implantation internationale.
Une évolution symétrique est en gestation en ce qui concerne les cabinets de
Conseils en Propriété Industrielle.
Le regroupement des avocats et des CPI français, sous une forme appropriée,
devraient leur permettre de mieux résister à cette évolution et de reconquérir des
parts de marché du Droit Européen de la Propriété Industrielle en offrant à la
clientèle qui le souhaite toute la palette des prestations (du dépôt au contentieux en
passant par le conseil) telles qu'elles sont proposées par les professionnels anglais et
allemands.
4.3. – La représentation des parties
L'Association des Avocats de Propriété Industrielle (AAPI) a demandé à notre
Confrère Fernand de VISSCHER, Secrétaire de l'EPLA (European Patent Lawyers
Association) et Président du groupe belge de l'Association Internationale pour la
Protection de la Propriété Industrielle une enquête sur la question de la représentation
des parties et sur les rapports entre la profession d'avocat et celle de CPI.
Une personne qui n'est pas membre du barreau peut-elle représenter seule la partie
dans tous les actes écrits et oraux de la procédure ? Qu'en est-il en particulier du
conseil en brevet ?
La réponse est négative en Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg, en Autriche,
en Irlande, en Espagne, au Portugal, en Italie, au Danemark, en Grèce et en Suisse.
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La réponse est également négative aux Pays-Bas, avec la nuance qu'en vertu de
l'article 82 de la loi sur les brevets, le mandataire agréé a le droit de présenter une
défense orale de l'affaire, nonobstant le rôle obligé du "procureur". En Allemagne, la
réponse négative s'entend des procédures en contrefaçon devant les cours et
tribunaux, étant rappelé que pour les procédures en nullité de brevet, relèvent des
juridictions à caractère administratif et que les agents en brevets y représentent
valablement les parties.
La Suède et le Royaume-Uni constituent des cas particuliers.
En Suède la représentation des parties est libre dans les procédures civiles.
Au Royaume-Uni, les solicitors et les conseils en brevets enregistrés peuvent
représenter les parties.
En Allemagne, les CPI ne peuvent pas représenter les parties devant les cours et les
tribunaux dans les procédures en contrefaçon. Les CPI ont la possibilité de
représenter les parties dans les procédures en nullité de brevets mais cela tient au fait
que ces procédures se déroulent devant des juridictions à caractère administratif.
Enfin, dans la plupart des pays il est admis que le conseil en brevets puisse intervenir
à côté de l'avocat, pour présenter oralement des arguments ou des explications en
complément des plaidoiries, soit à titre d'"expert" de la partie soit comme "témoin".
4.4. – Rapports entre la profession d'avocat et celle de CPI
La mise en commun de la clientèle et le partage des bénéfices et des pertes sont
interdits dans la plupart des Etats : Belgique, Royaume-Uni, Grèce, Danemark,
Portugal, Autriche, Grand-Duché de Luxembourg, Irlande, Pays-Bas et Suède. Au
Royaume-Uni cette interdiction est discutée et pourrait être levée prochainement.
En Suisse, dans certains cantons (de langue allemande essentiellement), l'association
est possible pour autant que les avocats contrôlent l'ensemble.
En Espagne et en Allemagne, il est permis aux membres du Barreau de s'associer
avec des agents en brevets ou en marques, sans qu'il soit exigé que les avocats aient
un pouvoir particulier de contrôle de l'ensemble.
La situation en Italie paraît incertaine, l'interdiction ayant été abrogée mais des règles
d'application n'ayant pas encore été adoptées.
Le partage de moyens (ressources matérielles ou humaines, "groupements") est
permis sans condition particulière en Grèce, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en
Irlande, aux Pays-Bas et en Suisse et il semble l'être également au Danemark et au
Portugal.
En Suisse, la mise en commun de moyens est permise dans certains cantons, mais
sous la condition que les avocats contrôlent la structure mise en place.
La situation n'est pas claire en Autriche ni au Royaume-Uni.
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L'interdiction est de règle au Grand-Duché de Luxembourg et elle l'est également en
Belgique.
En France, la mise en commun de moyens n'est pas interdite, que ce soit sous la
forme de SCM ou de GIE, ou encore de GEIE.
Ajoutons que rien n'interdit aux avocats d'employer des ingénieurs dans leur Cabinet
mais les CPI ne peuvent s'attacher les services d'avocats au sein même de leurs
Cabinets.
5 – LA FORME DE LA COOPERATION
La demande des entreprises consommatrices de droit de la propriété industrielle, la
structuration européenne des procédures, l'internationalisation des affaires, la
complémentarité des compétences et la volonté exprimée par les pouvoirs publics de
voir les professionnels intervenant dans le domaine de la propriété industrielle se
rapprocher, devraient conduire à rejeter le statu quo pour faire le choix de l'évolution.
Parmi les professions réglementées, la profession d'avocat est certainement celle qui
a connu les plus grands bouleversements au cours de ces trente dernières années. Elle
a, chaque fois relevé le défi, fait face aux difficultés, su adapter ses structures et sa
formation tout en sauvegardant les valeurs spirituelles qui la fondent et en font son
originalité et sa raison d'être.
Si elle n'est pas, par nature, opposée au changement la profession d'avocat se doit de
demeurer prudente face au changement et analyser les conséquences prévisibles de
celui-ci au regard des principes fondamentaux qui la gouvernent tels que,
notamment, l'indépendance et le respect du secret professionnel.
Dès lors que l'on ne maintient pas le statu quo il faut définir la forme que doit
prendre la coopération entre les deux professions d'avocat et de CPI.
Ce ne peut être que l'interprofessionnalité ou l'unification des professions de CPI et
d'avocat.
5.1. – L'interprofessionnalité
On sait que les CPI sont favorables à l'interprofessionnalité. Elle constitue pour eux
la forme institutionnalisée de coopération la plus adéquate.
Unis dans la société interprofessionnelle, les avocats et les CPI afficheraient leur
complémentarité et répondraient aux besoins du marché.
Sous l'impulsion de notre Confrère E. DELAMAZE, alors Délégué interministériel
aux professions libérales, cette délégation a travaillé en concertation avec les
professionnels libéraux pour établir un projet de décret sur l'interprofessionnalité
visant l'ensemble des professions libérales.
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Mais cette démarche n'a pas connu de consécration réglementaire.
La réflexion menée à cette époque a montré les difficultés d'un tel projet.
a – La société interprofessionnelle doit-elle regrouper :
- Que des professions réglementées ?
- Que des professions réglementées mono-professionnelles appartenant à une même
famille : juridique, médicale, etc… ?
A cet égard, dans le rapport d'étape sur la SELI (1), il est indiqué que "la SELI au
sein de laquelle exerce un avocat ne pourra accueillir dans son capital des
personnes morales dont une partie du capital est détenue par des professionnels non
réglementés".
Il est donc affirmé qu'un avocat ou une société d'avocats ne pourra pas participer à
une SELI dont l'autre membre serait une société de CPI dont le capital peut n'être
détenu qu'à concurrence de 25% par un conseil en propriété industrielle dès lors que
la société a pour objet de regrouper un ou plusieurs conseils en propriété industrielle
avec d'autres prestataires de services exerçant l'une des activités suivantes :
construction de prototypes, rapprochement entre offres et demandes de licence,
création de marques, financement de l'innovation.
Un cabinet d'avocat lié à un cabinet de CPI au sein d'une SELI pourrait se retrouver
indirectement associé avec une profession non réglementée.
L'interprofessionnalité supposera donc une modification des textes relatifs aux
sociétés d'exercice des conseils en propriété industrielle. L'ouverture du capital des
sociétés d'exercice des CPI à d'autres professionnels non réglementés est
incompatible avec l'interdiction d'ouverture du capital des sociétés d'avocats à des
non avocats.
b – Comment faire cohabiter des professionnels dont les règles de déontologie ne
sont pas les mêmes, dont les uns sont des auxiliaires de justice et d'autres pas ?
Ainsi, l'interprofessionnalité n'emportera-t-elle pas un partage du secret professionnel
de l'avocat avec des non avocats. Dans un rapport daté du 17 octobre 1998 le CNB a
marqué son opposition à la notion de secret partagé entre les associés.
(1) – L'interprofessionnalité : rapport d'étape de la DIPL de juillet 1998.
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Il y aura nécessité d'établir un code de déontologie interprofessionnel définissant
notamment l'autorité appelée à trancher les conflits déontologiques pouvant survenir
entre les avocats et les CPI membres d'une structure interprofessionnelle d'exercice
et, le cas échéant, avec les membres des professions non réglementées membres de
celles-ci.
c – L'avocat devra s'assurer, avant d'intervenir dans une mission, que les conditions
dans lesquelles son intervention est envisagée ne sont pas susceptibles de porter
atteinte à son indépendance.
On a vu que le poids économique des CPI est plus important que celui des cabinets
d'avocats spécialisés en droit de la propriété industrielle et surtout les CPI, parce
qu'ils interviennent lors de la constitution et l'exploitation des droits de propriété
industrielle, "maîtrise" la clientèle.
L'interprofessionnalité pourrait se réduire à une simple sous-traitance auprès de
l'avocat membre de la structure. La relation actuelle client / avocat risque fort d'être
dénaturée, l'avocat apparaissant comme subordonné à la relation client / CPI.
Il est à craindre qu'en raison du déséquilibre économique entre les cabinets d'avocats
et les cabinets de CPI, les avocats se trouvent ainsi en état de dépendance
incompatible avec leur mission.
A cet égard, le rapport du CNB précité préconisait en 1998 de :
- Instaurer un droit de veto de chaque profession pour toute décision intéressant son
exercice.
- Interdire pour une profession de disposer, directement ou indirectement, et en toute
hypothèse, de plus de la moitié des droits de vote.
d – En outre, l'avocat sera-t-il libre de fixer ses honoraires ?
Dès lors qu'il exercera dans une structure interprofessionnelle il lui faudra bien
obtenir l'accord du CPI sur le coût de sa prestation auprès du client de ce dernier.
En conclusion, même si une approche constructive de la question commande de ne
pas rejeter a priori et d'emblée l'interprofessionnalité, on pressent, par les problèmes
qu'elle pose, que sa mise en place ne sera pas aisée, car elle devra obligatoirement
s'articuler autour de trois principes fondamentaux.
- Le respect des textes régissant la profession d'avocat dans sa fonction d'auxiliaire
de justice et de la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL.
- La pleine application des règles déontologiques de la profession d'avocat et le
respect de son secret professionnel.
- La sauvegarde de l'indépendance de l'avocat.
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Le Conseil de l'Ordre du Barreau de PARIS a, le 14 octobre 2003, entendu le rapport
de Maître Jean-Michel DARROIS relatif à l'interprofessionnalité. Il est ressorti du
débat d'orientation "le souhait de voir encouragé le travail en commun des
professionnels au service d'un même client, sans pour autant privilégier l'exercice
interprofessionnel dans le cadre d'une structure commune",
Et le rapporteur d'estimer "Pourtant, en l'absence de décret d'application et de
solution claire aux problèmes déontologiques, de conflits d'intérêt, de concurrence et
de responsabilités soulevés par l'interprofessionnalité, celle-ci n'a pas vu le jour",
et de conclure : "… l'interprofessionnalité constitue aujourd'hui davantage un
principe qu'une réalité concrète d'organisation de la profession".
5.2. – L'unification des deux professions
Les CPI voient dans l'interprofessionnalité un moyen d'offrir un service complet et,
notamment, la défense en justice qui relève de l'intervention de l'avocat.
Rien n'interdit aux avocats de s'attacher les compétences d'ingénieurs pour les dépôts
de brevets et d'ailleurs certains ont recours à ces professionnels. Mais, ce type de
prestations supposent une organisation de type commercial à laquelle les avocats ne
sont pas formés et souvent répugnent.
Mais, la législation permet à l'avocat, à condition qu'il en ait la compétence
technique, de faire tout ce que fait le CPI tandis que ce dernier ne peut pas plaider.
En fait, on se retrouve dans la situation antérieure à la réforme avocats / conseils
juridiques.
Le choix à l'époque n'a pas été celui de l'interprofessionnalité mais de la création
d'une nouvelle profession d'avocat qui a permis de réunir les deux activités juridique
et judiciaire.
Or, on assiste depuis cette réforme à un renforcement des cabinets d'avocats au sein
desquels on trouve les deux activités autrefois séparées : l'activité juridique et
l'activité judiciaire exercée par des avocats appartenant tous à la même profession,
soumis à la même déontologie, dépendant d'un Ordre.
Pourquoi ne pas envisager l'unification de la profession des CPI avec la profession
d'avocat ?
Elle permettrait aux cabinets de CPI et d'avocats de se structurer entre confrères
ayant la même déontologie sous le contrôle des Ordres.
La clientèle d'entreprise trouverait l'ensemble des compétences regroupées dans la
même structure.
La mise en place pourrait, probablement, être moins problématique que celle de
l'interprofessionnalité.
CNB
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L'expérience positive de l'unification des deux anciennes professions d'avocat et de
conseil juridique augure bien de la réussite de celle des avocats et des CPI alors que
nous n'avons, en France, aucune expérience de l'interprofessionnalité institutionnelle.
A ce stade, il convient donc d'examiner les conditions d'entrée des CPI dans la
profession d'avocat.
Deux séries de questions, au moins, se posent liées, d'une part, à l'entrée des actuels
CPI dans la profession d'avocat et, d'autre part, à la formation initiale des futurs
avocats spécialisés dans la propriété industrielle. Il faut, en outre, s'interroger sur
l'accès à la mention de spécialisation.
Mais les solutions à ces questions supposent réglée au préalable celle de
l'identification des objectifs de ces modalités d'accès.
6 – IDENTIFICATION DES OBJECTIFS DE L'ACCES A LA PROFESSION
D'AVOCAT
La profession du conseil en propriété industrielle (CPI) est actuellement organisée
autour de la constitution de deux listes :
La liste des personnes qualifiées en propriété industrielle (art L 421-1 Code
PI) : cette liste est affirmative de la compétence.
La liste des conseils en propriété industrielle (art L 422-4 même code) ; cette
liste est affirmative de l'exercice.
Les deux listes sont établies par le directeur de l'INPI.
L'article L 422-4 réserve aux CPI le monopole de la représentation dans les
procédures devant l'INPI.
Mais ce monopole est partagé avec les avocats (art L 422-4, alinéa 2).
Dès lors que les CPI seraient intégrés à la profession d'avocat, le titre en tant que tel
de CPI serait appelé à disparaître dès lors que l'on écarterait la création d'une
profession parallèle d'avocat-conseil en propriété industrielle, et que les CPI
deviendraient des avocats soumis à l'ensemble des règles régissant notre profession.
Cela étant, il est absolument nécessaire que les anciens CPI conservent un signe
d'identification. Cet objectif pourrait être atteint par l'usage d'une mention de
spécialisation : Avocat suivi de la mention Conseil en Propriété Industrielle ou
Conseil en Brevet, comme il est aujourd'hui possible de faire suivre le mot Avocat de
la mention de Conseil en Droit Social ou en Droit des Sociétés, ou encore en Droit
Fiscal.
Mais la question se pose, alors, des conséquences de la suppression du titre de CPI
sur le monopole de représentation devant l'INPI : c'est la question des modifications
à introduire dans l'article L 422-4 du Code PI :
CNB
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Soit la modification procède de la seule suppression des CPI, et l'article
consacre un monopole de représentation aux avocats, sans mention de
spécialisation.
Soit la modification procède de la suppression des CPI, mais l'article organise
un monopole de la représentation aux seuls avocats titulaires d'une mention
de spécialisation.
Il n'est pas certain que la deuxième branche de l'alternative soit acceptable : ce serait,
en effet, consacrer un monopole d'exercice aux avocats titulaires d'une mention de
spécialisation, ce qui n'existe aujourd'hui pour aucune de ces mentions.
La question des modifications à apporter à l'article L 422-4 est évidemment
essentielle pour approcher celle de l'accès à la profession.
Sans présumer des évolutions futures de l'article L 422-4, on se bornera au stade de
ce rapport, à constater qu'il est hautement probable et tout à fait nécessaire que ces
futurs avocats exercent sous une mention de spécialisation comme indiqué ci-dessus
et que la représentation des parties devant les Tribunaux et les Cours soit réservée
aux avocats avec ou sans cette mention de spécialisation.
C'est donc dans cette perspective que peuvent être abordées les questions relatives à
la formation : d'abord sur l'intégration dans la profession des actuels CPI, ensuite sur
l'adaptation de notre formation initiale afin de l'adapter aux besoins de cette partie de
la profession d'avocat.
6.1. – L'application des dispositions réglementaires actuelles
L'article 98 du décret du 27 novembre 1991 permet actuellement l'intégration des
CPI dans la profession d'avocat, selon le schéma suivant :
Dispense du CAPA.
Inscription sur la liste du stage, pendant un an, avec dispense de certaines
obligations (participation à la Conférence du stage et stage pédagogique dans
un cabinet d'avocat).
Cependant ce schéma est nécessairement appelé à connaître des modifications dès
lors que le stage de l'article 12 de la loi est supprimé dans le volet FORMATION du
projet de LOI PROFESSION actuellement en cours de discussion au Parlement.
En effet, le maintien de ces dispositions malgré la suppression du stage aboutirait à
appliquer aux CPI le même régime d'intégration au barreau que celui que l'article 97
organise pour les membres du Conseil d'Etat, magistrats de la Cour des comptes,
magistrats, professeurs de droit, avocats aux Conseils, avoués, anciens avocats ou
anciens conseils juridiques.
Ceci est-il concevable, en raison du différentiel de formation juridique ?
CNB
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Si l'on prend en compte le déficit de formation qui serait identifié s'agissant du cursus
actuel des CPI on ne peut raisonner par simple adaptation de l'actuel article 98.
Il y a donc lieu d'examiner deux questions sauf à considérer que tout CPI inscrit sur
la liste au jour de l'unification des deux professions peut devenir avocat au titre d'une
mesure transitoire comme examiné ci-après :
Un besoin de formation complémentaire est-il nécessaire aux actuels CPI
pour devenir avocat ?
Ce besoin de formation doit-il être vérifié par un contrôle de connaissance, ou
simplement prescrit et effectué dans des conditions voisines de celles de
l'actuel article 98 ?
Peut-on retenir la solution de l'intégration automatique des CPI dès le vote de
la loi d'unification ?
6.1.1. – Sur le besoin de formation complémentaire
Le besoin de formation complémentaire peut s'exprimer sur les matières juridiques et
sur la déontologie.
a) – Matières juridiques
La recherche d'un déficit de formation juridique doit s'analyser par rapport aux
dispositions de l'article R 421-1 qui réglemente les conditions d'inscription sur la liste
des personnes qualifiées en propriété industrielle de l'article L 421-1.
Le point 1°) de cet article mentionne la possession d'un diplôme de deuxième cycle
juridique, scientifique OU technique.
Certaines personnes sont donc admises sur la liste sans posséder un diplôme de
deuxième cycle juridique.
Cependant, ces personnes doivent également être titulaires d'un diplôme du Centre
d'Etudes Internationales de la Propriété Industrielle (CEIPI) de STRASBOURG.
Se pose donc la question du comblement de ce déficit de formation juridique par le
CEIPI.
Ne doit pas être examiné ici le DEA délivré par le CEIPI, les étudiants qui y accèdent
devant nécessairement être titulaires d'une maîtrise en droit.
Le CEIPI organise un enseignement long et un enseignement accéléré. Ces deux
enseignements ont un programme identique. Ils correspondent à une année
universitaire.
Il organise également un DU, mais son contenu est différent et semble allégé par
rapport aux deux autres enseignements : il ne sera donc pas pris en compte dans cette
présentation.
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Il ressort que sont susceptibles d'un déficit de formation juridique les personnes
qualifiées en propriété industrielle dès lors qu'elles ne sont pas titulaires d'un
diplôme de deuxième cycle juridique, et dans la seule mesure où ce déficit n'est
pas comblé par la formation "cycle long" ou "cycle accéléré" du CEIPI.
Les déficits principaux semblent être le droit constitutionnel, le droit administratif, le
droit pénal, le droit des personnes, le droit processuel. Les enseignements de droit
commercial (commerçants, sociétés, procédures collectives) sont probablement
abordés dans le cours de droit des affaires, et il y aurait lieu de connaître la durée et
le contenu de ce cours pour mesurer les écarts éventuels.
On constate que les déficits de formation sont actuellement importants si l'on
compare le programme CEIPI aux exigences combinées des arrêtés organisant le préCAPA et le CAPA.
b) – Déontologie
L'enseignement de la déontologie est absent des cycles CEIPI.
Il y aura donc lieu de prévoir une formation particulière en déontologie et statut de
l'avocat.
6.1.2. – Sur le contrôle du comblement du déficit de formation
Deux techniques semblent pouvoir être utilisées :
L'intégration suivie de la formation
L'examen de contrôle des connaissances
L'organisation d'une formation postérieure à l'intégration pose deux séries de
difficultés : d'une part, cela suppose que l'on admette l'exercice d'avocats en déficit
de formation juridique pendant les premiers mois de leur accès au tableau ; d'autre
part, le contrôle de l'effectivité du suivi de cette formation doit être efficace. La
sanction disciplinaire semble inadéquate.
Il est rappelé qu'il faut raisonner dans la perspective de la suppression de la liste du
stage.
La conséquence de l'absence de suivi de la formation pourrait être l'omission, qui
n'est pas une sanction, mais la simple constatation que la personne ne remplit pas les
conditions pour être inscrite au tableau. Mais ce serait en réalité prévoir une sorte
d'inscription "provisoire" au tableau, sous réserve de la réalisation de l'obligation de
formation, ce qui revient à admettre une période intermédiaire pendant laquelle
l'avocat ne réunit pas encore les conditions légales d'exercice.
La solution de l'examen de contrôle des connaissances paraît plus simple à mettre en
œuvre. Elle est d'ailleurs cohérente par rapport à d'autres régimes d'admission (art 99
et 100 du décret).
CNB
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L'examen relèverait des CRFP mais il serait possible de regrouper les examens sur
un ou plusieurs centres. Le jury pourrait être celui de l'article 69 du décret.
Le programme de l'examen pourrait être :
Défini par la loi, et susceptible de dispenses : pourraient être prévues
certaines dispenses, sur examen du dossier individuel, par la Commission
formation (admission) du Conseil National des Barreaux si l'effectif concerné
est faible, par les jury d'examen CRFP si l'effectif est plus élevé.
Ou défini par le Conseil National des Barreaux de la même façon que pour
l'article 99, lorsque sont identifiés, dossier par dossier, des déficits de
formation précis.
En toute hypothèse, l'examen comprendrait une épreuve en déontologie.
6.1.3. – Sur l'intégration automatique à titre transitoire
Il sera sans doute très difficile d'imposer aux CPI actuellement inscrits sur la liste de
passer un examen de droit pour ceux qui ne seraient pas titulaires d'un diplôme de
deuxième cycle juridique. En effet, on ne peut pas, à la fois supprimer la profession
de CPI en l'unifiant avec celle d'avocat et faire courir le risque à certains de ses
membres de ne pas entrer dans leur nouvelle profession au motif qu'ils auraient
échoué à l'examen de contrôle des connaissances.
Ne conviendrait-il pas de procéder de la même manière que lors de la réglementation
du titre de conseil juridique en 1971 ? Toute personne justifiant qu'elle exerçait cette
activité avant le vote de la loi avait pu s'inscrire sur les listes établies par les
Procureurs de la République.
En fait, il s'agit d'une intégration automatique à caractère viager prenant en compte
les droits acquis.
Cette population de professionnels ira en diminuant au fil des années en raison de
départ à la retraite et de décès avant la cession volontaire d'activité.
Une modalité intermédiaire pourrait être retenue :
Tous les CPI inscrits sur les listes de l'INPI au jour de l'unification seraient intégrés
dans la profession d'avocat mais devraient, soit suivre obligatoirement un
enseignement en déontologie de 20 heures à 30 heures dans le cadre de l'obligation
de formation continue de l'avocat après la réforme, soit suivre cet enseignement
avant la loi d'unification, celui-ci étant dispensé par les CRFPA ou seulement
certains d'entre eux. A cet égard, il est rappelé que la loi d'unification des professions
de conseil juridique et d'avocat a été votée un an avant la date de sa mise en
application. S'il devait être procédé de la même manière, ce temps pourrait être mis à
profit pour mettre en place cette formation obligatoire en déontologie. Les CPI
devraient justifier avoir suivi cet enseignement par la délivrance d'une attestation
d'assiduité par les CRFPA ou certains d'entre eux.
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Quant à l'insuffisance en matière juridique pour certains CPI devenus avocats, elle
suscitera probablement des associations avec des avocats au sein des anciens cabinets
de CPI, ce qui répondra bien à l'objectif de complémentarité voulu par tous.
Il convient maintenant d'examiner comment organiser la formation initiale des
avocats pour intégrer, après l'unification des deux professions d'avocat et de CPI,
ceux qui souhaiteraient accéder à la profession d'avocat pour y exercer dans, toute sa
plénitude, l'activité de l'avocat, conseil en propriété industrielle ou conseil en brevet.
6.2. – Formation initiale
Après l'unification des deux professions de CPI et d'avocat la question d'une voie
d'accès parallèle maintenue après la phase d'intégration des actuels CPI appelle les
observations suivantes.
Cette voie d'accès parallèle est concevable de deux façons :
Soit il s'agit d'un "pont" permanent entre la profession de CPI et celle
d'avocats, et il ne s'agit plus d'intégration des CPI à la profession d'avocat. Il
s'agit simplement de perpétuer le système transitoire ébauché ci-dessus
(contrôle de connaissance en déontologie et sur des déficits identifiés en
formation juridique) ; cette solution n'est pas cohérente avec l'objectif
d'intégration dans la profession ; elle ne peut être qu'écartée.
Soit il s'agit de créer une voie d'accès différenciée ouverte à certains
scientifiques qui se destinent à devenir avocat pour dispenser du conseil en
propriété industrielle et particulièrement en matière de dépôt de brevets et de
marques. Cette solution est elle-même difficilement admissible : en effet, si
l'on admet (voir supra) l'impossibilité de créer une catégorie particulière
d'avocat, force est de constater que ces personnes seront avocats de plein
exercice, titulaires sous certaines conditions de mentions de spécialisation. Or
l'accès à la profession d'avocat s'effectue par l'admission au CAPA,
l'intégration par la voie de l'article 98, et l'admission des avocats
communautaires (art 99) ou des pays tiers (art 100). La création d'une autre
voie d'accès est bien sûr – au moins intellectuellement, mais sous réserve du
point de vue de la Commission formation – toujours imaginable mais ne peut
aboutir à ce que ses bénéficiaires soient "cantonnés" dans un type d'exercice
professionnel.
Dans ces conditions, il paraît préférable, plutôt que de créer une voie d'accès
parallèle, d'adapter la formation initiale de l'avocat.
Ceci rejoint d'ailleurs parfaitement les objectifs les plus généraux de la modification
en cours de notre formation initiale : créer la formation qui s'adaptera à l'origine
intellectuelle du futur avocat, et favorisera la réalisation de son projet professionnel.
L'adaptation de la formation initiale peut se concevoir sous deux formes :
CNB
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6.2.1. – L'adaptation des conditions d'accès à la formation initiale
Cette adaptation pose nécessairement des questions de principes, et deux
appréhensions du problème sont recevables selon que l'on privilégie l'un ou l'autre
des principes suivants :
Le principe d'intangibilité du pré-capa : la réforme aujourd'hui en cours de
discussion au Parlement limite la dispense de pré-capa aux docteurs en droit,
et il n'est pas envisageable d'étendre cette dispense à des personnes de
moindre niveau en droit, a fortiori à des scientifiques non formés en droit ; au
demeurant les ingénieurs (et probablement les titulaires de second cycle
scientifique) ont un accès possible en deuxième année des facultés de droit
(système dit de "l'année préparatoire"), et l'accès au pré-capa pourrait donc
leur être ouvert au terme de trois années de faculté de droit.
Le principe de nécessité : on considère de l'intérêt supérieur de la profession
d'y attraire des scientifiques orientés vers la propriété industrielle. On admet
que le risque d'un détournement de la voie traditionnelle du pré-capa n'existe
pas dès lors qu'un système nouveau s'adresserait exclusivement à des
scientifiques au moins titulaires d'un deuxième cycle juridique. Dès lors il
faudrait créer un nouveau cas de dispense de pré-capa. Cette dispense
pourrait être acquise aux personnes suivantes qui (ce qui serait cohérent avec
l'actuel art R 421-1) rempliraient, cumulativement, les conditions suivantes :
Etre titulaire d'un mastère scientifique (correspondant au niveau ingénieur et
d'autant plus nécessaire que le niveau second cycle disparaît dans le système
LMD).
Avoir suivi avec succès le cycle CEIPI, dont le programme serait complété
d'enseignements juridiques correspondant aux déficits identifiés supra).
Cette question est évidemment d'une portée suffisamment importante pour que le
Président de la Commission de la Formation réserve son point de vue personnel, et
surtout celui de la Commission Formation.
6.2.2. – L'adaptation de la formation initiale
L'adaptation de la formation initiale au sein du CRFP se fera sans difficulté.
De deux choses l'une.
- Soit nous avons dispensé certains étudiants du pré-capa et ceux-ci auront alors
nécessairement suivi avec succès les cours du CEIPI ; ils adapteront alors leurs
stages CAPA à l'apprentissage de la pratique des titres de propriété industrielle. Et
les cabinets pourront éventuellement les rémunérer pendant leur stage.
- Soit nous ne dispensons pas les étudiants du pré-capa, et les dix huit mois de
formation initiale qui seront inscrits dans la loi leur permettront de consacrer six
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mois à une formation externe en lien avec le projet professionnel ; ceci devrait
permettre (1) d'intégrer dans les dix huit mois le cycle accéléré du CEIPI (13
semaines) de façon à former des avocats de niveau identique aux actuels CPI.
7 – MENTION DE SPECIALISATION
La liste des mentions de spécialisation est actuellement fixée par décret, et il est
envisagé (amendement souhaité par la profession dans le projet de loi actuellement
en lecture parlementaire) qu'elle le soit par le Conseil National des Barreaux.
Dans les deux cas, il sera aisé de l'adapter – si besoin est – à l'intégration de cette
nouvelle profession. Les CPI souhaiteraient que deux mentions de spécialisation
soient retenues : Conseil en Propriété Industrielle et Conseil en Brevet. Il s'agit pour
eux d'une question essentielle afin de se positionner par rapport à leurs compétiteurs
étrangers et plus particulièrement européens. Il s'agit d'assurer la lisibilité de cette
spécialité à l'égard de la clientèle française et étrangère.
L'accès à la mention de spécialisation est acquis par une pratique professionnelle, et
le succès à un examen de contrôle de connaissance. Ceci est donc parfaitement
cohérent par rapport aux dispositions des 2°) et 3°) de l'art R 421-1 CPI.
Dans cet article, la pratique professionnelle est de trois ans ; elle est de quatre ans
dans notre décret mais cette question de l'appréciation de la pratique professionnelle
en vue des mentions de spécialisation fait actuellement l'objet de critiques et donc
devra être soumise à prochain réexamen.
S'agissant de l'examen d'aptitude du 4°) de l'art R 421-1, nous n'en connaissons pas le
programme ; mais l'adaptation de nos propres modalités d'examen "spécialisation" ne
devrait pas être difficile, dès lors que notre loi prévoit déjà que les modalités
d'organisation de cet examen relèvent de la compétence du Conseil National des
Barreaux.
Ainsi, au terme de la délivrance à l'avocat d'une mention de spécialisation adaptée,
serions-nous parvenus à "reconstruire", en cohérence avec nos règles, les objectifs de
formation théorique et pratique de l'article R 421-1 CPI relatif à la liste des personnes
qualifiées en propriété industrielle.
(1) – L'emploi du conditionnel est lié à ce que l'organisation de la "nouvelle" formation initiale fera
l'objet de décrets dont nous n'avons pas les projets ; donc la réflexion s'articule sur les propositions
du Conseil National des Barreaux en la matière.
CNB
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8 – CONCLUSION
Votre assemblée générale va devoir, après en avoir débattu, se prononcer clairement,
en marquant sa préférence, sur le mode de coopération entre les deux professions de
CPI et d'Avocat : unification ou interprofessionnalité.
Si vous choisissez la voie de l’unification des deux professions de Conseil en
Propriété Industrielle et d’Avocat, il conviendra, alors, de réserver, à titre subsidiaire,
celle de l’interprofessionnalité si des obstacles insurmontables se révélaient sur le
chemin de l’unification au cours des discussions à venir entre les deux professions.
La décision vous appartient.
PARIS, le 12 novembre 2003
CNB
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