La gestion du changement prend son envol chez Bombard i e r
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La gestion du changement prend son envol chez Bombard i e r
Un vent de changement La gestion du changement prend son envol chez Bombardier par Benoît Gowigati, CMA et Benoît Grenier A u cours de la dernière décennie, nombre d’entreprises ont implanté un progiciel de gestion intégré (PGI ou système ERP pour Enterprise Resource Planning ). Même si le bogue de l’an 2000 a joué un rôle important dans la course à la modernisation des systèmes informatiques, la tendance à se tourner vers les systèmes intégrés se poursuit. Il y a quelques années, l’entreprise qui investissait dans un progiciel ERP s’assurait un avantage concurrentiel grâce à un meilleur accès à l’information et à l’intégration des processus. De nos jours, un tel système est indispensable à la plupart des grandes entreprises comme Bombardier Aéronautique, qui veulent demeurer concurrentielles dans un environnement où les décisions doivent se prendre plus rapidement, en ayant accès facilement aux bonnes données, et où chacun doit à tout prix se tailler une place dans l’industrie du commerce électronique. Une part importante du marché des progiciels ERP s’est développée au cours des dix dernières années dans l’effervescence du passage à l’an 2000 et d’un boum économique exceptionnel. Cette période a permis de tirer de nombreuses leçons des défis que pose la mise en œuvre d’un système ERP. Des sociétés comme Bombardier Aéronautique, qui se trouvent aujourd’hui au cœur de cette aventure, ont la chance de profiter de ces leçons. Actuellement, le défi principal de l’implantation de la solution ERP chez Bombardier se trouve dans la gestion du changement. Son programme touchera plus de 10 000 employés de divers services : finances, fabrication, approvisionnement, marketing, ressources humaines, ingénierie et même les centres de maintenance des avions. C MA MA M ANA NA GE ME N T 35 35 Novembre 2001 Intégrer des gens, des processus et des systèmes La plupart des projets ERP sont difficiles, surtout à l’étape de leur mise en œuvre. Dans la plupart des cas, les gestionnaires des grandes entreprises qui ont vécu la mise en œuvre d’un tel système conviennent que les problèmes liés aux enjeux politiques et organisationnels sont les plus difficiles à cerner et à résoudre. En fait, la gestion des changements de matériel informatique, de logiciels et de bases de données est relativement simple comparée à celle des problèmes organisationnels, par exemple : qui sera le maître des processus et comment il s’y prendra pour les gérer, comment mesurer le rendement de l’entreprise et quelle structure organisationnelle adopter. Autrement dit, la plupart des défis que pose la mise en œuvre d’un progiciel ERP ne sont pas de nature technique, ils relèvent plutôt des facteurs humains et des changements organisationnels, et de la résistance à ces changements qui est inévitable. Les avantages de la mise en œuvre d’un système ERP, notamment les suivants, sont bien connus : ● Les systèmes intégres de planification d’entreprise visent essentiellement les processus d’affaires (ou processus d’entreprise) interfonctionnels et permettent un partage horizontal de l’information, entre les fonctions et les unités de travail, et vertical, entre les niveaux opérationnels et stratégiques. ● Les processus d’affaires et les données deviennent uniformisés et normalisés. ● Les cloisons organisationnelles se désintègrent. ● Des unités d’affaires indépendantes sont intégrées. ● Un accès accru à l’information permet l’enrichissement des tâches. ● Les postes sont redéfinis et de nouveaux sont créés. ● La disponibilité de l’information donne plus d’autonomie au personnel de première ligne. La plupart des implantations de système ERP nécessitent une reconfiguration des processus. Les sociétés qui éprouvent le plus de difficultés lors de la mise en œuvre de systèmes intégrés de planification d’entreprise sont celles qui agissent comme si l’implantation d’un système ERP n’était rien de plus qu’une installation de matériel informatique et de logiciels. Pour réussir un tel programme, il faut le traiter comme une initiative stratégique menée par des dirigeants influents et non comme un projet technique dirigé par des spécialistes des systèmes et des technologies de l’information. Investir dans la gestion du changement Les résultats du sondage annuel CIO mené par Deloitte & Touche en 1998 indiquent la nécessité d’investir de façon majeure dans la gestion du changement. Cette étude a permis de questionner, entre autres, les cadres et dirigeants, sur les principaux obstacles rencontrés lors de l’implantation de pro- Les dix principaux obstacles aux changements importants Principaux obstacles au changement Résistance de l’organisation au changement Direction organisationnelle déficiente Attentes irréalistes Piètre gestion de projet Faible motivation au changement Manque de compétences dans l’équipe du projet Évolution de la portée / incertitude Pas de programme de gestion du changement Pas d’examen horizontal du processus Manque d’investissements en TI % de répondants 82 % 72 % 65 % 54 % 46 % 44 % 44 % 43 % 41 % 41% Source : Deloitte & Touche, sondage CIO, 1998. C MA MA NA GE ME N T grammes de reconfiguration ou de progiciels de gestion intégrés. Des dix principales réponses énumérées, seule la dernière touche à la technologie. Tous les autres problèmes sont liés aux employés et à la gestion du changement. De plus, les enjeux liés au personnel et à l’organisation sont au sommet de la liste des facteurs clés de succès du changement. Un autre sondage effectué auprès de 259 cadres de grandes sociétés américaines et exécuté par la « American Management Association » (AMA) révèle un faible taux de succès à tous les niveaux de la gestion du changement au sein de leur organisation. On a demandé aux cadres d’évaluer l’importance des différentes facettes de la gestion du changement par rapport au succès des initiatives de changement. On leur a également demandé quel avait été le niveau de succès de leur entreprise par rapport à ces questions. Les résultats ont démontré la piètre performance des programmes de gestion du changement au sein de ces sociétés. Point de vue des cadres sur l’importance et le succès de l’effort consenti à la gestion du changement Aspects de la gestion du changement Aspect très important Leadership du changement Gestion du changement organisationnel Communication du changement Travail d’équipe Formation Restructuration organisationnelle Participation des parties intéressées Engagement des RH Gestion de projet Redéfinition des tâches Gestion de la mutation de la main-d’œuvre 92 % 84 % 75 % 64 % 60 % 56 % 53 % 53 % 53 % 44 % 36 % Gestion très réussie 27 % 24 % 23 % 25 % 18 % 30 % 9% 17 % 22 % 10 % 9% Source : AMA, 1995 Ces données indiquent que les cadres évaluent l’importance de leur propre rôle dans les initiatives de changement à un niveau plus élevé que celui de leur taux réel de réussite. Quand on leur demande les principales raisons de l’échec de certains aspects de la gestion du changement, la plupart des répondants soulignent le manque de compréhension et d’intérêt par rapport aux enjeux humains et organisationnels. Beaucoup trop souvent, les éléments de gestion du changement et de la formation sont relégués aux dernières étapes du cycle de vie du projet. Dans certaines entreprises, ils ne sont pas prioritaires et sont considérés comme des facteurs négligeables. Néanmoins, d’après Hammer and Co., dans un projet ERP type, on alloue environ 35 % du budget global à la gestion du changement, dont 15 % à la formation. Gestion du changement : un modèle de travail pratique Manifestement, l’une des responsabilités les plus exigeantes à assumer lors de l’implantation d’un progiciel de gestion inté36 Novembre 2001 gré est la gestion efficace de l’intégration des gens, des processus et des systèmes. Une telle démarche est possible grâce à un cadre efficace de gestion du changement, basé sur deux grands principes directeurs : ● La prise en charge du changement par les gestionnaires — L’organisation touchée par le programme ERP doit faire preuve de leadership tout au long de l’implantation. Il est crucial que les employés touchés voient les cadres de leur organisation mener la mise en application des nouveaux processus d’affaires et prendre part à toutes les phases de la mise en œuvre, y compris la planification, la formation et l’implantation elle-même. ● Une démarche structurée et intégrée — La pratique de la gestion du changement doit offrir une combinaison de processus prédéfinis qui sont planifiés, gérés et mesurés. Il ne s’agit pas d’une série d’événements réactifs aléatoires. Gestion du changement chez Bombardier Chez Bombardier Aéronautique, nous avons défini la gestion du changement liée aux implantations de ERP comme un domaine de compétences multidisciplinaires qui fournit une approche systémique afin d’orchestrer tous les aspects de la transformation de l’entreprise (employés, organisation, technologie et processus). Cela permet la mise sur pied et le soutien d’un réseau complet de leaders à tous les niveaux de l’organisation, de la haute direction aux employés spécialisés. Pour Bombardier, la dimension multidisciplinaire de la gestion du changement est nécessaire pour s’assurer du succès de l’implantation du système ERP. Dans nombre d’organisations, la gestion du changement est perçue comme étant la seule responsabilité du service des ressources humaines, du développement organisationnel ou des communications de l’entreprise. Il s’agit certes d’éléments importants, critiques pour la gestion du changement, mais on risque d’obtenir des résultats mitigés dans le cadre d’une implantation ERP si on traite ces éléments en vase clos. La clé du succès est de réussir l’intégration de toutes les disciplines touchées par le processus de transformation de l’entreprise. En fait, une telle démarche est le fondement même de ce que vise un programme ERP : supprimer les barrières fonctionnelles pour se concentrer sur les processus. Par conséquent, la psychologie industrielle, le développement organisationnel, la gestion des ressources humaines, la formation et les communications, c’est-à-dire les éléments traditionnels de la gestion du changement, ajoutent de la valeur par leur intégration à l’ensemble des processus de définition et de mise en place des nouveaux processus d’affaires, dans un cadre de travail structuré procurant une valeur réelle. Cette approche constitue un important virage par rapport au « mythe de la gestion du changement » voulant que l’unique objectif soit un contrôle en vase clos des comportements humains. Chez Bombardier Aéronautique, nous avons fondé le cadre de gestion du changement sur une série de processus gravitant autour de quatre grands thèmes : leadership du changement, harmonisation de l’organisation, préparation au déploiement et communications. C MA M A NA GE M E NT Leadership du changement — Le leadership du changement a pour fonction de soutenir la vision du programme dans l’ensemble de l’organisation. Il s’agit d’entretenir un climat favorable au changement à tous les niveaux, par l’intermédiaire d’un réseau de leaders actifs et visibles et d’évaluer et de mesurer l’état de préparation de l’organisation. Cela comporte également l’application des processus de gestion de la participation, des communications et de l’engagement des principaux leaders. En dernier lieu, il faut aussi veiller à l’orientation des chefs de groupe et des superviseurs afin de mieux surmonter la résistance des employés au cours des différentes phases du processus de changement. Notre approche se fonde sur un vaste programme de leadership du changement élaboré pour l’ensemble de l’entreprise. Ce programme tient compte des particularités de Bombardier et des enjeux liés à la planification de sa croissance au cours des prochaines années. Positionnement de programme et communications — L’objectif du positionnement de programme, qui utilise des méthodes et des techniques de marketing éprouvées, est de sensibiliser l’organisation au programme. Celui-ci consiste à développer une identité centrée sur le cœur du projet en encourageant les différents participants à adopter et à appuyer l’implantation du système ERP. Il fournit également un cadre de travail complet et détaillé et il sert de guide pour le déploiement de la stratégie de communication des projets liés au système ERP. Harmonisation de l’organisation — L’harmonisation de l’organisation vise à coordonner les postes, les structures organisationnelles et l’environnement culturel en fonction des objectifs d’affaires, de la vision et du design fonctionnel du programme. Les nouveaux processus facilitent la préparation de l’organisation et des employés à l’utilisation optimale du système ERP et de ses processus. Il s’agit de notre principal levier d’intégration pour les équipes chargées de la conception des processus d’affaires et de la configuration des systèmes. L’équipe de gestion du changement acquiert ainsi une connaissance approfondie des processus d’affaires qui est essentielle à un soutien du changement valable pour l’organisation. Préparation au déploiement — La préparation au déploiement vise à fournir aux responsables des installations touchées par le changement les outils et l’orientation nécessaires à la réussite de l’implantation du système. On vise ici la préparation des gens, des données et de la technologie — on y regroupe donc tous les champs d’activité liés au processus de changement. Cela implique également l’évaluation de la préparation des installations avant la mise en service ainsi que la stabilisation des activités une fois l’implantation terminée. Ces mesures ne doivent pas se limiter aux aspects humains et organisationnels. Nous avons à ce sujet souligné l’importance d’intégrer tous les aspects de la transformation de l’entreprise. La prise en charge des processus — Comme nous l’avons mentionné, la prise en charge du changement par l’organisation concernée est un facteur déterminant du succès du programme — et les processus de gestion du changement atteindront les objectifs établis seulement si les organisations visées en ont la responsabilité. Chez Bombardier 37 Novembre 2001 Aéronautique, cette prise en charge s’effectue par l’établissement de trois structures : la structure de leadership du changement, la structure de gestion des processus et la structure locale de déploiement. Grâce au réseau de leadership du changement, on peut insuffler et communiquer, tant aux dirigeants qu’aux employés de l’organisation ciblée, un but, une orientation et un rythme Rôles clés en leadership du changement ● ● ● ● Leaders principaux du changement : Cadres supérieurs des unités d’entreprise et d’affaires qui ont le pouvoir de sanctionner les changements. Responsables du positionnement adéquat du projet dans leur organisation respective en créant un climat favorable au changement. Ils veillent à ce que le projet bénéficie de toutes les ressources nécessaires. Leaders du changement : Directeurs et vice-présidents gravitant dans l’entourage organisationnel, logistique et économique de ceux qui lancent les changements. Responsables du succès du projet dans leur domaine de responsabilité ou leur organisation respective. Ils veillent à affecter à leurs installations des agents de changement et les utilisateurs avertis nécessaires. Agents de changement : Chefs de groupes et superviseurs responsables de créer une dynamique du changement et d’assurer un soutien aux utilisateurs. Ils nomment et appuient les utilisateurs experts, approuvent les plans de conversion, animent des séances de discussion sur le changement et veillent à ce que tous les employés reçoivent la formation et aient le profil de sécurité approprié. Utilisateurs experts : Employés choisis qui deviendront des experts dans leur domaine de responsabilité respectif. Ils participent à la revue de conception détaillée, à l’implantation du système et à la formation des utilisateurs. Après la mise en service, ils assurent le soutien aux utilisateurs. précis dans le processus de changement et en assurer la reconnaissance et le maintien. La structure du leadership du changement est le fer de lance de la démarche d’implantation du progiciel de gestion intégré; elle s’harmonise avec la structure organisationnelle formelle, généralement axée sur les fonctions. Son succès comme son efficacité reposent toutefois sur des décisions éclairées par rapport à l’objectif, c’est-à-dire ce que seront les processus, les rôles et les responsabilités à venir. Comme de telles décisions font souvent sauter les barrières fonctionnelles, elles ne peuvent être prises dans le cadre d’une structure organisationnelle traditionnelle. Il est donc crucial, avant de mettre sur pied le réseau de leadership du changement, de préciser la nature des décisions interfonctionnelles et la conception des processus d’affaires. On y parvient grâce à la mise en place d’une structure parallèle de gestion des processus. Cette structure com- prend des gestionnaires ayant la responsabilité des processus dans les fonctions. On veut ainsi intégrer la vision du programme aux nouveaux processus d’affaires et aux fonctionnalités du système ERP. En favorisant la mise en place des processus grâce à la structure organisationnelle formelle, la structure de leadership du changement complète la structure de gestion des processus. Cette structure de gestion des processus est associée à des processus et des fonctions spécifiques dans toutes les unités d’affaires, tandis que la structure de leadership du changement reflète la structure organisationnelle. Par exemple, un gestionnaire occupant le rôle d’agent de changement sera responsable de l’implantation dans sa fonction. Un gestionnaire responsable d’un processus sera responsable de la conception et de l’intégrité de ce processus à travers les fonctions touchées. Finalement, en plus de ces structures, des équipes locales d’implantation seront responsables des activités de déploiement tactique dans chacune des installations visées. Entre autres activités, on trouve la logistique de la formation, la conversion des données et la mise sur pied de l’infrastructure technique locale. L’équipe du projet ERP soutient généralement de telles activités. Ce modèle démontre clairement que le succès de la mise en œuvre d’un système ERP repose sur l’attribution de ressources suffisantes au sein de l’entreprise, distinctes de l’équipe du projet. On doit en tenir compte dès le début du processus et l’énoncer dans le dossier commercial. En conclusion, l’application d’un programme de gestion du changement structuré associé à un programme de formation des utilisateurs bien adapté constitue l’un des principaux facteurs de succès pour des entreprises telles que Bombardier Aéronautique, engagées dans un processus de mise en œuvre d’un système ERP. Une telle démarche entraîne inévitablement des remaniements importants des processus d’affaires et des tâches. Les projets ERP qui fonctionnent le mieux accordent autant d’importance à la gestion du changement qu’aux autres éléments du processus et en intègrent la méthode et les processus pendant tout le déroulement du projet. Tout au long de ce projet, l’équipe de gestion du changement du programme ERP de Bombardier Aéronautique veille à l’intégration de tous les éléments de transformation de l’entreprise, employés, organisation, technologie et processus, sans perdre de vue son objectif principal qui est d’aider les gens et les groupes de gens responsables de la conduite du changement dans leurs secteurs respectifs. À chacune des étapes, le cadre de gestion du changement du projet ERP de Bombardier Aéronautique fournit un ensemble d’outils, de techniques et de méthodes intégrés, prédéfinis et mesurables, conçus pour aider les organisations et les employés à comprendre la nécessité du changement, ainsi que ses conséquences, et à assumer leur responsabilité dans le cadre de l’implantation du système ERP. Benoît Gowigati ([email protected]), CMA, CRHA est chef, Gestion du changement SAP chez Bombardier Aéronautique. Il anime également des sessions interactives dans le cadre du Programme de leadership stratégique de CMA Canada. Benoît Grenier ([email protected]), MA, MBA est directeur, Transition des processus d’affaires et Préparation au déploiement SAP chez Bombardier Aéronautique. C MA M ANA GE ME N T 38 Novembre 2001