Chirurgie du myome associée à l`embolisation des artères

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Chirurgie du myome associée à l`embolisation des artères
Chirurgie du myome associée à
l’embolisation des artères utérines
H. MARRET 1 *, D. H ERBRETEAU 2
(Tours)
Résumé
L’association de l’embolisation des artères utérines à la chirurgie du myome est une
question où la littérature nous apporte peu de réponses et il n’y a pas d’ « evidence-basedmedicine » permettant des niveaux de preuve élevés. L’indication principale semble être
dans le traitement des myomes symptomatiques lorsque l’embolisation ou la chirurgie
seule ne permettraient pas l’amélioration suffisante de la symptomatologie ; dans les
mêmes conditions, lorsque la morbidité du geste peut être réduite par l’association
thérapeutique, pour réduire l’hémorragie de la chirurgie ou éviter les douleurs persistantes
ou la morbidité des embolisations des gros myomes. La myomectomie se prête assez
facilement à cette association car parfois cela permet d’éviter une hystérectomie.
Avant hystérectomie, il n’y a pas assez d’arguments dans la littérature pour définir
les indications qui doivent rester ponctuelles, et au cas par cas.
* CHU Tours - Hôpital Bretonneau - 2 boulevard Tonnellé - 37044 Tours cedex
1 - Pôle de gynécologie-obstétrique - Médecine fœtale - Reproduction humaine et
génétique
2 - Pôle d’imagerie médicale - Service de radiologie interventionnelle
Correspondance : [email protected]
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L’infertilité ou le désir de grossesse immédiat ne sont pas des bonnes indications de
l’embolisation et il peut alors être proposé une ligature peropératoire des artères utérines.
Dans tous les cas, la patiente doit être informée que s’il est possible d’obtenir une synergie
d’efficacité, il est aussi possible de cumuler les complications des deux procédures. Ces
indications restent au mieux posées lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire
avec gynécologues et radiologues interventionnels.
Mots clés : myome, hystérectomie, myomectomie, embolisation des artères utérines
Déclaration publique d’intérêt
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt avec les sociétés
responsables des produits pouvant intervenir dans cet article.
Introduction
La myomectomie est une intervention qui a pour objectif principal
de retirer les fibromes utérins tout en laissant en place l’utérus,
conservant de ce fait la fertilité de la patiente. Après 45 ans ou après
la ménopause, la patiente n’ayant généralement plus de désir de grossesse, il n’y a plus cette justification à la myomectomie et l’hystérectomie prend tout son intérêt, permettant une guérison à 100 % des
fibromes symptomatiques ou non sans récidive possible [1]. Un certain
nombre de fibromes sont très volumineux (plus de 10 cm/12 cm) ou
très mal situés, isthmiques, paramétriaux ou très vascularisés. Cela est
valable aussi pour l’utérus, certains utérus font plus d’un kilogramme
et l’hystérectomie peut être difficile car l’utérus est parfois très peu
mobile, enclavé dans le pelvis et très volumineux ; une myomectomie
première peut être nécessaire pour accéder aux artères utérines et à
l’hystérectomie.
Cette myomectomie est souvent très hémorragique, avec nécessité
de transfusion sanguine pour des saignements dépassant 1 000 ml.
Ginsburg et al. [2] ont montré que la quantité de saignement lors d’une
myomectomie est liée à la taille de l’utérus, au nombre de fibromes à
retirer et au temps passé à opérer à la fois total et sur l’utérus ; la
quantité de saignement étant proportionnelle, semble-t-il, au volume
des myomes retirés : 600 ml pour les plus de 600 cm3.
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Il peut être alors utile d’avoir recours à des artifices pour réduire
ces saignements. L’embolisation préopératoire immédiate fait partie des
techniques pour faciliter le geste chirurgical.
L’embolisation exclusive de volumineux fibromes est possible
comme seule thérapeutique, cela a été bien démontré même pour des
myomes de près d’1 kg [3, 4], en revanche pour cette taille le risque de
récidive est important et la diminution de volume, même si elle atteint
40 %, n’est parfois pas suffisante et il faut alors opérer les patientes
secondairement pour améliorer les symptômes algiques ou de compression liés au volume. Le risque de complication reste également un peu
plus important pour ces gros myomes souvent sous-séreux (algies
résiduelles, nécrose, sepsis), il faut en informer les patientes car il existe
un risque d’hystérectomie secondaire.
À l’inverse, les myomes sous-muqueux purs sont souvent une
mauvaise indication de l’embolisation du fait du risque de sepsis avec
expulsion du myome nécrosé. Il peut donc être utile de réséquer sous
hystéroscopie ces fibromes avant ou après l’embolisation.
La combinaison des deux techniques radio-interventionelle et
chirurgicale est donc parfois utile, voire nécessaire.
Concernant la myomectomie, il existe plusieurs « case reports »
et quelques séries de chirurgie en deux temps ; Paxton a décrit cette
technique combinée récemment sous forme de « case report » [5], en
pratiquant deux embolisations sélectives par des microsphères calibrées
pour de multiples fibromes interstitiels de 4 à 6 cm de diamètre
associés à une myomectomie unique d’un fibrome sous-séreux de plus
de 15 cm par laparotomie, 10 jours après dans un cas, et 15 semaines
après dans l’autre cas. Les patientes ont présenté une complète
résolution des symptômes sans traitement complémentaire à 3 ans.
Trois « case reports » sont décrits dans une étude roumaine et
confirment l’efficacité de cette double technique [6]. Récemment, un
article avec embolisation puis chirurgie immédiate par myomectomie
cœlioscopique d’un myome de 20 cm a été publié [7].
Très peu de séries sont publiées, seulement rétrospectives. Ravina,
le premier, a décrit en 1995 une série de 31 cas réduisant les pertes
sanguines en per et postopératoire [8]. Une étude clermontoise
rétrospective de 22 patientes confirme la diminution des saignements
en peropératoire, l’absence de transfusion, l’absence de difficulté de
plan de clivage [9]. Avec appariement à un groupe contrôle, Ngeh et
al. ont le même type de résultats sans difficulté opératoire [10]. L’équipe
de Baranger rapporte, elle, 12 patientes traitées avant une chirurgie,
que ce soit par myomectomie cœlioscopique (n = 6), laparotomique
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(n = 3) ou hystéroscopique (n = 2). Il en résulte une bonne efficacité
sans complication ni hystérectomie secondaire [11] ; la sélection des
patientes est rigoureuse, fibromes symptomatiques, multiples, plus de
10 dont un de grande taille (10 cm) ou mal localisés (sous-muqueux
type 0/1), avec contre-indication à myomectomie seule ou embolisation
seule. La dernière étude publiée est rétrospective et française [12] aussi,
comparant 43 myomectomies seules (groupe 1) à 30 embolisations
préopératoires (groupe 2) à 27 ligatures transitoires des artères utérines
préopératoires (groupe 3). Il y a plus de pertes sanguines dans le
groupe 1, le groupe 2 présente un allongement de la durée d’hospitalisation, le groupe 3 présente un temps plus long opératoire ; les
complications sont de 16,3 %, 23,3 %, 3,7 %, les synéchies de 9,3 %,
13,3 %, 0 %, les grossesses 8, 5, 6 respectivement dans les groupes 1, 2 et
3. Le coût des techniques associées n’a pas été évalué.
Cette étude introduit la ligature sélective des artères utérines
cœlioscopique ou non comme geste accessoire pour réduire les saignements peropératoires. Cette technique est utile pour une durée courte
d’intervention ou l’ablation d’un myome interstitiel. La revascularisation de l’utérus par les afférentes étant assez rapide, de l’ordre de
20 minutes, elle est néanmoins variable.
L’embolisation préopératoire utilise des particules résorbables ou
non en vue d’une chirurgie moins hémorragique ; cela pourrait
dépendre de la chirurgie, il serait possible d’utiliser des particules
résorbables pour l’hystérectomie ou les fibromes uniques, et des non
résorbables pour les utérus polymyomateux avec ablation des plus
volumineux myomes seulement. Il faut alors des particules qui obstruent de manière définitive les vaisseaux nourriciers des myomes
interstitiels qui ne seront pas enlevés lors de la chirurgie, la myomectomie ne concernant que le myome le plus volumineux ou sousmuqueux.
Aucune étude n’est publiée à ce jour sur le délai entre les interventions, d’autant que des difficultés opératoires ont été signalées par
certains après embolisation à distance [13]. Il semble néanmoins qu’il
faille opérer les patientes le plus vite possible pour minimiser les
douleurs liées à l’ischémie de l’embolisation. En pratique deux attitudes
sont possibles : soit un traitement en deux temps obligatoires avec
embolisation et chirurgie très rapprochée, objectif : assurer un traitement complet des myomes et minimiser la morbidité de l’acte
chirurgical, soit une embolisation première pour voir les résultats et
chirurgie ensuite si ceux-ci ne sont pas optimaux, en termes de
symptômes.
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Face à l’hystérectomie avec embolisation préalable à visée de
réduction des saignements, il n’y a pas de publication pour les fibromes
simples, quelques « case reports » pour des fibromes géants avec
embolisation préventive [14, 15]. Il n’est pas rare d’avoir, lors de volumineuses tumeurs, une vascularisation atypique avec néovascularisation
par l’épiploon, les vaisseaux digestifs ou de la paroi. L’artériographie
préopératoire avec embolisation peut être utile. Elle est rapportée pour
les tumeurs pelviennes cancéreuses [16] mais assez peu pour les
myomes. Il n’est pas rare d’avoir des saignements importants pour de
volumineux utérus et il faut alors mettre en balance le risque hémorragique et transfusionnel avec celui de l’embolisation préopératoire. Il
n’y a donc aucune règle ou recommandation à ce sujet.
Enfin, il ne faut pas oublier l’intérêt des analogues de la GnRH qui,
prescrit trois mois en préopératoire, permettent de diminuer la taille des
myomes et de l’utérus, de réduire les saignements peropératoires et de
limiter la voie d’abord (Pfannenstiel ou voie basse au lieu de médiane),
notamment pour les hystérectomies (Cochrane database 2001) [17].
Au total
Les règles pour l’association de l’embolisation des artères utérines
à la chirurgie du myome pourraient être les suivantes :
– indication dans le traitement des fibromes symptomatiques
lorsque l’embolisation ou la chirurgie seule ne permettraient pas
l’amélioration suffisante de la symptomatologie ;
– dans les mêmes conditions lorsque la morbidité du geste peut
être réduite par l’association thérapeutique, pour réduire
l’hémorragie de la chirurgie ou éviter les douleurs persistantes
ou la morbidité des embolisations des gros myomes.
La myomectomie se prête assez facilement à cette association car
parfois cela permet d’éviter une hystérectomie.
Avant hystérectomie, il n’y a pas assez d’argument dans la littérature
pour définir les indications qui doivent rester ponctuelles et au cas par cas.
L’infertilité ou le désir de grossesse immédiat ne sont pas des
bonnes indications de l’embolisation et il peut alors être proposé une
ligature peropératoire des artères utérines.
Dans tous les cas, la patiente doit être informée que s’il est possible
d’obtenir une synergie d’efficacité, il est aussi possible de cumuler les
complications des deux procédures.
Ces indications restent au mieux posées lors d’une réunion de
concertation pluridisciplinaire avec gynécologues et radiologues interventionnels.
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HERBRETEAU
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