Des objectifs largement dépassés
Transcription
Des objectifs largement dépassés
Dossier Le comité d’agrément, au cœur du modèle La lettre du réseau Initiative Des femmes et des hommes mobilisés 14 400 bénévoles des plateformes se mobilisent chaque jour, au sein d’Initiative France pour accompagner les créateurs vers la réussite de leurs projets. Cet engagement est l’un des atouts majeurs du réseau. Aux côtés des 861 salariés, ces bénévoles, chefs d’entreprise, cadres salariés actifs ou jeunes retraités, anciens créateurs bénéficiaires, apportent leur concours à l’action des plateformes. Qu’il s’agisse de s’impliquer au sein des plateformes de leur région, de contribuer à la réflexion stratégique sur l’avenir du réseau ou plus généralement sur le statut de bénévole (lire p. 2), ou encore en s’impliquant dans les comités d’agrément des plateformes, les bénévoles sont essentiels à la vie du réseau. Les comités d’agrément du réseau Initiative, composés d’experts (chefs d’entreprise, banquiers, experts-comptables, avocats…) décident du financement et de l’accompagnement du porteur de projet. Leur professionnalisme et leur indépendance contribuent à la crédibilité des plateformes sur leur territoire. Crédibilité auprès du créateur qui, au-delà du prêt, obtient un avis autorisé sur son projet ; crédibilité auprès des réseaux bancaires ; crédibilité, enfin, auprès des partenaires (lire dossier de ce numéro). En 2012, 7 900 bénévoles se sont mobilisés au sein des comités d’agrément. Il s’agit d’un engagement significatif. Ce ne sont pas moins de 4 500 réunions de ces comités qui ont été organisées cette même année. N o 191 - février 2014 Transmission et reprise d’entreprise Des objectifs largement dépassés Le fonds Île-de-France Transmission fête ses quatre ans et aborde l’avenir avec confiance. L e 12 décembre dernier, Initiative Île-de-France et Réseau Entreprendre Ile-de-France ont célébré quatre années de collaboration fructueuse au travers du dispositif Île-de-France Transmission en présence de 120 participants. Lancé en 2010 avec le concours de la Région et de la Caisse des Dépôts (CDC), ce fonds de prêt d’honneur à taux zéro est dédié spécifiquement au financement de la reprise et de la transmission de TPE et PME à potentiel en Île-de-France. Initialement, les protagonistes s’étaient fixé des objectifs modestes comme le rappelle Édouard de Penguilly, président d’Initiative Île-de-France. Quatre ans plus tard, Île-de-France Transmission a contribué à la reprise de 223 entreprises, sauvegardant ainsi plus de 2 600 emplois. Rien qu’en 2012, 56 entreprises ont été reprises, ce qui a permis de créer et de maintenir 619 emplois. Les partenaires présents ont salué ces résultats à l’instar de Christophe Brezillon, expert développement économique de la CDC. Celui-ci a rappelé toute l’utilité de ce dispositif dans un contexte où la transmission d’entreprise est une réelle problématique tout en assurant que Édouard de Penguilly, président d’Initiative Île-de-France (à droite), aux côtés de Jean-Philippe Christoph, président de Réseau Entreprendre Île-de-France (à gauche). la CDC continuera à soutenir ce fonds dans les années à venir. Île-de-France Transmission compte désormais un nouveau partenaire : l’Institut du mentorat entrepreneurial (IME) qui intervient dans le développement des entreprises à fort potentiel de croissance en proposant à l’entrepreneur d’être accompagné par un mentor sur une durée de 12 à 18 mois. Île-de France Transmission propose à ses bénéficiaires un accompagnement adapté à leur besoin, complémentaire du suivi effectué par les plateformes locales. Ainsi, les repreneurs à fort potentiel de développement sont identifiés et orientés vers l’accompagnement que propose l’IME. Enfin, la globalité des repreneurs ont la possibilité de rejoindre le Club des repreneurs d’Île de France Transmission. Lancé au cours de la soirée, il réunira l’ensemble des repreneurs soutenus. Chacun pourra ainsi partager son expérience et agrandir son réseau professionnel. Cet espace révélera également les synergies possibles entre entrepreneurs qui conduiront peut-être à l’établissement de partenariats commerciaux. Marion Fournier actus Les bénévoles, forces vives du réseau La première Université régionale du bénévolat économique d’Initiative Indre s’est tenue le 29 novembre dernier. C ette université est née d’une volonté commune de la Direccte Centre et d’Initiative Indre de démontrer aux plateformes Initiative tout l’intérêt de recruter des bénévoles prêts à s’engager au sein de ces structures. La plupart font appel à des bénévoles membres des associations comme EGEE et ECTI, notamment dans le cadre du parrainage. Et cela fonctionne bien. Toutefois, souligne Jeannine Pierre, chargée de mission à Initiative Indre, « un bénévole qui dépend d’une plateforme s’implique davantage, il devient un véritable ambassadeur de la structure en promouvant le parrainage autour de lui. Il participe au recrutement de nouveaux parrains qui à leur tour vanteront autour d’eux les mérites de la plateforme ». Plus de 130 participants – bénéficiaires d’un prêt d’honneur, bénévoles et salariés des plateformes – ont répondu présent. Initiative Indre avait demandé à chacun de ses bénévoles de venir accompagné d’un chef d’entreprise de leurs réseaux. Cette journée a été marquée par l’intervention d’Agnès Bricard, Présidente d’honneur des experts-comptables, sur l’importance du suivi post-création, ainsi que par la présence de Gyl Coppey, délégué général adjoint d’Initiative France, qui s’est exprimé sur la valeur socio-économique du bénévolat. Les 26, 27 et 28 mai 2014 à Saint-Malo se tiendra la prochaine Université du réseau Initiative au cours de laquelle aura lieu l’Assemblée générale. 2 l no 191 l février 2014 Gyl Coppey, délégué général adjoint, lors de son intervention. Débat virtuel pour initiative france La deuxième édition des Assises du parrainage et de l’accompagnement s’est tenue le 5 décembre dernier autour du thème : « Comment innover et améliorer l’accompagnement des créateurs ? ». Pour la première fois, ces assises ont été organisées de façon virtuelle sur un site Web dédié. Elles se sont ouvertes par un débat filmé en direct et retransmis en ligne. Réunis autour d’une table ronde animée par une journaliste, quatre intervenants – une entrepreneure soutenue par Initiative Dombes Val de Saône, le délégué général adjoint d’Initiative France, une chargée d’affaires d’Initiative Indre et un parrain référent d’Initiative Sud Hautes-Alpes – ont, au travers de leur témoignage, introduit le thème central de ces assises. Puis, cinq débats thématiques animés par des membres du réseau sélectionnés pour leur expérience de terrain en matière de parrainage se sont tenus en simultané sous la forme de tchats écrits. Ces assises ont attiré plus de 200 personnes qui ont posté 160 contributions tout tchat confondu. I n i t i at i v e P r ov e n ce -A l p e s - C ôt e d ’ A z u r Vers une plus grande cohésion Les 90 salariés des 22 plateformes d’Initiative ProvenceAlpes-Côte d’Azur (PACA) et leurs présidents, auxquels se sont ajoutés leurs nombreux bénévoles, se sont réunis le temps d’un séminaire de deux jours. Les 25 et 26 novembre 2013, les deuxièmes Universités régionales des plateformes de la région PACA se sont tenues en présence de 130 participants. Chacun a ainsi pu mesurer l’ampleur du réseau auquel il appartient mais également échanger sur ses pratiques liées au cœur de métiers des plateformes. Ces deux journées s’inscrivaient également dans la réflexion autour du projet stratégique national 2014-2018 du réseau. Les participants ont été amenés à réfléchir sur les trois axes qui le composent au travers d’une dizaine d’ateliers. Afin que ces universités répondent aux attentes de chacun, et notamment à celles des salariés, les thématiques ont été fixées collégialement en amont. Une réunion des 22 présidents de plateforme s’est tenue en parallèle. Elle a permis de dégager les principaux axes du futur projet stratégique régional. Jean-Roch Boyer, président d’Initiative Provence-Alpes-Côte d’Azur, a conclu ces Universités en appelant de ses vœux la pérennisation et le développement du réseau régional par plus de croissance, plus de cohésion et plus de performance. dossier par Violette Queuniet Grand oral La mairie du 20e arrondissement a accueilli dans ses locaux un comité d’agrément de Paris Initiative Entreprise. Le comité d’agrément, au cœur du modèle Composés d’experts bénévoles, les comités d’agrément décident du financement et de l’accompagnement du porteur de projet. Leur professionnalisme et leur indépendance contribuent à la légitimité des plateformes sur leur territoire. S ix à dix personnes réunies autour d’une table : chefs d’entreprise, banquiers, experts-comptables, avocats… Au centre, un porteur de projet. Au terme d’un dialogue d’une trentaine de minutes, destiné à cerner l’adéquation homme (ou femme)-projet-territoire et la viabilité de l’entreprise, le comité décidera ou non d’attribuer un prêt d’honneur qui renforcera les fonds propres du créateur. Tel est le fonctionnement du comité d’agrément des plateformes Initiative France. Un modèle unique en son genre, comme l’explique Sabine Hamot, responsable du pôle appui aux stratégies territoriales à Initiative France : « Il s’agit d’un modèle totalement atypique qui combine le regard de professionnels (les acteurs institutionnels ne siègent pas), la présence systématique du porteur de projet et la pluralité des compétences. L’intérêt ? Il permet une analyse qui n’est pas uniquement financière, offre un temps de conseil à l’entrepreneur, ce qui enrichit son dossier et aide à définir l’offre d’accompagnement qui lui sera proposée. » Les deux piliers du comité d’agrément : indépendance et souveraineté. Deux principes inscrits dans la charte éthique d’Initiative France et dans le référentiel métier. « Le comité d’agrément doit être indépendant de toute pression institutionnelle et économique, et cela doit se manifester dans la présidence, dans le règlement et dans le fonctionnement. Et il doit être souverain, c’est-à-dire que sa décision s’applique à tout le monde, au président de la plateforme comme à nos financeurs. Ces principes sont à l’origine de la crédibilité dont jouit le comité d’agrément et, au-delà, la plateforme », souligne Michel Lefèvre, président de la Commission Qualité du réseau Initiative France. Crédibilité auprès du créateur qui, au-delà du prêt, obtient l’avis autorisé d’experts sur son projet ; crédibilité auprès des réseaux bancaires qui, très souvent, s’appuient sur l’analyse du comité pour accorder des février 2014 l no 191 l 3 prêts aux porteurs de projet ; crédibilité, enfin, auprès des bénévoles et partenaires de la plateforme dont les compétences sont reconnues. Ce modèle de comité d’agrément, les plateformes le font vivre et l’enrichissent en permanence. Cela passe notamment par la préparation du porteur de projet, afin de favoriser sa réussite et de mieux éclairer les membres du comité ; par la composition équilibrée des comités pour garantir une vision pluridisciplinaire ; par un travail de médiation bancaire auprès des banques partenaires de la plateforme ; par le soin apporté à préserver l’indépendance des décisions. Revue de ces bonnes pratiques à travers l’exemple de cinq plateformes. Michel Lefèvre préside la Commission Qualité du réseau Initiative. Les bonnes pratiques à la loupe Faire progresser la vision des banquiers Initiative Saône et Loire couvre quatre bassins d’emploi et a choisi de constituer un comité d’agrément différent pour chacun d’entre eux. Lorsqu’il a pris la direction de la plateforme en 2008, Michel Andrès a constaté une meilleure dynamique dans les comités qui comptaient plusieurs banquiers. « Il y règne une certaine émulation : les remarques sont constructives, positives, les banquiers apprennent beaucoup les uns des autres et cela rejaillit sur les dossiers. Ils portent un autre regard sur le financement des TPE, en prenant en compte à la fois l’aspect humain et financier ». Il entreprend alors de faire venir davantage de banques aux comités. Un travail de longue haleine mais qui a bien abouti. Dans le comité de Charolles, par exemple, au nord du département, la Banque populaire était la seule représentée. Aujourd’hui, BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Caisse d’Épargne l’ont rejointe. Chargé de clientèle entreprise à la Banque populaire Bourgogne Franche-Comté, Alain Bouillot apprécie « l’approche complémentaire » de chaque banque : proche des artisans dans son cas, des agriculteurs pour le Crédit Agricole, des professions libérales pour BNP Paribas. « Nous avons chacun nos spécialités ainsi qu’une bonne connaissance de notre territoire. Cela permet des échanges très riches et profite aux porteurs de projet ». La vision des « non-banquiers » autour de la table – expert-comptable, chef d’entreprise, expert de la CCI, – enrichit également son point de vue. Depuis dix ans au comité d’agrément, il apprécie aussi l’évolution dans la présentation des dossiers : « Avant, nous n’examinions que les dossiers papier. Maintenant, les porteurs de projet viennent le défendre et c’est vraiment un plus : la façon dont le créateur défend son dossier change notre regard ». En 2013, les quatre comités d’agrément ont étudié près de 160 dossiers et accordé 120 prêts d’honneur. Selon Michel Andrès, la présence de banquiers bon connaisseurs du tissu économique local a un impact non négligeable dans la sécurisation des entreprises à leur démarrage. Préparer les porteurs de projet en amont du comité Les porteurs de projet qui se présentent devant le comité d’agrément de l’agglomération du Grand Rodez (l’un des huit centres de décision d’Initiative Aveyron) arrivent bien armés. Depuis maintenant près de vingt ans, une procédure de préparation au comité a été mise en place. Deux membres du comité, de profils différents, rencontrent systématiquement chaque porteur de projet quelques semaines avant le comité. Ils lui présentent la plateforme et le réseau puis examinent son projet, son bilan prévisionnel, discutent avec lui de sa politique commerciale, etc. L’entretien dure entre une et deux heures et, dans la mesure du possible, se déroule sur le site de l’entreprise ou de la future entre- 4 l no 191 l février 2014 prise. Un rapport est ensuite rédigé pour le comité. Lors de l’entretien, les rapporteurs jouent aussi un rôle de conseil. « Nous sommes là pour aider le porteur de projet à créer ou à reprendre une entreprise dans les meilleures conditions », souligne Gérard Boissins, ancien chef d’entreprise bénévole depuis quatre ans à Initiative Aveyron. Cela conduit de temps à autre les créateurs à différer leur projet, mais pour mieux réussir. Tels ces deux jeunes qui voulaient ouvrir une chocolaterie destinée aux particuliers dans la périphérie de Rodez. « Nous leur avons dit : personne ne viendra vous voir. Ils nous ont écoutés, sont revenus quatre mois plus tard en ayant trouvé un local en centre-ville. Aujourd’hui, ils rencontrent beaucoup de succès alors qu’ils n’auraient pas tenu six mois dans l’autre local », témoigne Gérard Boissins. Cette préparation est également utile pour les membres du comité. Connaissant déjà le projet grâce au rapport, ils peuvent poser des questions ciblées et laisser le porteur de projet s’exprimer. Porteur qui est en outre rassuré par la présence des rapporteurs qu’il connaît déjà. En 2013, le comité du Grand Rodez a examiné une trentaine de dossiers et engagé 300 000 € de prêt d’honneur. La majorité des autres comités d’Initiative Aveyron ont adopté cette procédure d’accompagnement et les autres sont en passe d’y adhérer. dossier Le comité d’agrément, au cœur du modèle à savoir Comment gérer les non votants projet à la loupe Le comité d’agrément d’Initiative Haute-Provence auditionne une porteuse de projet. Impliquer davantage de chefs d’entreprise À Initiative Haute-Provence, les comités d’agrément sont volontairement resserrés : six à sept personnes maximum, dont systématiquement deux chefs d’entreprise. « S’il y avait plus de participants, les chefs d’entreprise seraient en minorité car moins disponibles que les banquiers ou experts-comptables. Or, nous voulons préserver cet équilibre pour garantir une approche complémentaire des dossiers », explique Barbara Bernadès, directrice de la plateforme. Les chefs d’entreprise, a-t-elle constaté, ont une meilleure approche de la gestion de l’entreprise, un avis éclairé sur l’adéquation personneprojet et connaissent bien leur environnement économique. Thomas Dufour, dirigeant d’une entreprise agroalimentaire (découpe d’agneaux pour la grande distribution), estime apporter au comité son « expérience de la réalité de l’entreprise : en tant que chefs d’entreprise, nous sommes au contact des fournisseurs, des clients, nous nous frottons à la gestion quotidienne. On sait de quoi on parle. C’est notre plus ». Ses points de vigilance ? Le réalisme du projet, l’expérience qu’a le créateur de l’activité dans laquelle il se lance, ses motivations. Il apprécie aussi de confronter son point de vue avec celui des autres membres du comité, banquiers et experts-comptables, toujours dans l’optique d’aider le créateur. Pour enrichir son vivier de chefs d’entreprise, la plateforme fait de plus en plus appel aux porteurs de projet qu’elle a aidés. C’est le cas de Gérard Violin, qui a obtenu un prêt d’honneur en 2007 quand il a repris une entreprise de fournitures de bureautique. De son passage au comité d’agrément, il se souvient « d’avoir eu l’impression d’être évalué par ses pairs ». C’est ce qu’il cherche à perpétuer maintenant qu’il est de l’autre côté de la barrière. « La création d’entreprise, c’est une affaire d’hommes et de femmes. Les chiffres sont importants mais il faut aussi apprécier la motivation du candidat ». Les chefs d’entreprise ont le jugement sûr : le taux de pérennité des entreprises aidées est de 81 % au bout de trois ans et 100 % des prêts d’honneur ont donné lieu à un prêt bancaire, avec un effet levier de 10. Le signe, comme le souligne Barbara Bernadès, que « la plateforme est reconnue en tant qu’expert du territoire et de l’entreprise ». Les comités d’agrément accueillent fréquemment des invités non-votants : nouveaux bénévoles, journaliste, expert, technicien CCI ayant accompagné le porteur de projet, etc. Pourtant, le règlement intérieur des plateformes ne dit rien à leur sujet. Pour permettre aux plateformes de faire face à certaines demandes ambiguës – telle une collectivité locale imposant d’être systématiquement invitée en échange de sa contribution financière à la plateforme –, le comité d’éthique d’Initiative France a formulé une recommandation dans sa session du 18 septembre 2013 : que chaque plateforme ajoute un paragraphe à son règlement intérieur portant sur les conditions d’invitation dans son (ou ses) comité(s) d’agrément. Par exemple, l’impossibilité d’accueillir des invités permanents. Il rappelle aux plateformes l’obligation de faire signer à chaque invité un engagement de confidentialité et de leur préciser que les données liées aux projets présentés doivent être détruites à l’issue du comité (en conformité avec la Charte éthique et le référentiel métier). Enfin, il propose, en lien avec la commission qualité, la création d’une fiche sur le sujet. Présidé par Jean Aubineau, le comité d’éthique veille au respect de la charte éthique du réseau. février 2014 l no 191 l 5 dossier Le comité d’agrément, au cœur du modèle Assurer l’indépendance du comité d’agrément Sur le papier, toute plateforme doit « garantir son indépendance décisionnelle et institutionnelle ». Dans la vraie vie, les pressions existent. Comment y résister, surtout lorsqu’elles émanent de collectivités locales finançant la plateforme? Sophie Fourquin, directrice d’Initiative Vallée de la Drôme Diois, a trouvé la parade : « Dans un territoire très rural, avec des enjeux politiques forts, nous parvenons à garder l’indépendance décisionnelle des comités d’agrément grâce à leur composition. Le premier président de la plateforme était le directeur de la Coopérative Jaillance de la Clairette de Die, la plus grosse entreprise du territoire. Avoir un leader économique assoit votre position », explique-telle. Elle reconnaît aussi être aidée par le fonctionnement local de l’aide à la création d’entreprise. La porte d’entrée, ce sont les chargés de mission des intercommunalités. Les élus locaux connaissent donc les projets avant même la plateforme, ce qui limite leur ingérence. Par courtoisie et volonté de transparence, la plateforme invite chaque nouveau président chargé de l’économie d’une des trois intercommunalités à assister à un comité d’agrément. Par ailleurs, le chargé de mission de l’intercommunalité qui a accompagné le porteur de projet en amont assiste lui aussi au comité, sans droit de vote, bien entendu. « C’est l’occasion pour lui de faire passer un message s’il y a lieu, par exemple que le projet est vraiment indispensable pour la vie économique de la commune. Ce qui n’empêche pas le comité de prendre sa décision en toute indépendance », indique Sophie Fourquin. Dans l’immense majorité, les élus jouent le jeu. Les récalcitrants sont renvoyés au règlement d’Initiative France. Ce fut le cas il y a quelques années : un élu s’opposait à ce que le comité d’agrément statue sur un dossier porté par un créateur membre d’un syndicat professionnel qui lui déplaisait. Le comité a passé outre et a accordé le prêt. Et l’élu n’a jamais mis à exécution sa menace de quitter la plateforme… Faciliter la médiation bancaire Depuis la crise financière de 2008, la directrice de Paris Initiative Entreprise (PIE), Laurence Jones, constate un durcissement des conditions d’octroi de crédit aux créateurs d’entreprise. Aussi a-t-elle accentué le rôle de médiation bancaire de la plateforme. Le comité d’agrément constitue une étape cruciale. « C’est notre comité qui permet de déclencher le financement bancaire. Grâce à notre carnet d’adresses, nous envoyons le créateur vers nos partenaires bancaires. Souvent, les banques contactées par le créateur attendent l’avis du comité d’agrément pour se prononcer. Notre valeur ajoutée est là », indique Laurence Jones. La médiation bancaire est essentielle pour les porteurs de projet atypiques ou les entrepreneurs se lançant dans une activité non traditionnelle. Président du comité d’agrément création et reprise, Jean-Pierre Charasch a lui-même été banquier durant 35 ans. Il lui arrive souvent de donner des conseils aux porteurs de projet pour améliorer la présentation de leur dos- 6 l no 191 l février 2014 sier de demande de crédit. À condition que le projet soit solide. « Les banques connaissent notre expertise. À partir du moment où PIE soutient un créateur, c’est que l’on a estimé que l’opération était viable. Le comité est composé de personnes s’y connaissant en entrepreneuriat », précise-t-il. L’enjeu de la médiation bancaire est aussi de permettre au créateur de choisir la banque qui lui convient. « Avec peu de fonds propres, le porteur de projet se précipite vers la seule banque qui accepte de lui accorder un prêt. Le fait de regonfler ses fonds propres va lui permettre de faire le tri parmi les banques et d’avoir une relation bancaire de qualité », indique Jean-Pierre Charasch. À PIE, le montant moyen du prêt d’honneur s’élève à 11 000 €. L’effet de levier sur le prêt bancaire est de 6,4 pour la création et de 13 pour la transmission. Deux autres comités – un comité croissance et un comité innovation – ont vu le jour en 2013 et jouent eux aussi ce rôle de médiation bancaire (voir témoignage ci-contre). témoignage « Un jury connecté à notre réalité » Avec deux associés, Louis-Philippe Barban a créé en janvier 2013 geolocaux.com, un site Web dédié à la vente et à la location de biens immobiliers pour les professionnels. Sa valeur ajoutée : tous les biens sont géolocalisés, avec l’indication des transports en commun. Les annonceurs (conseils en immobilier d’entreprise) paient un abonnement mensuel. Le site leur adresse ensuite les clients potentiels. Fin 2013, pour accélérer la croissance de leur entreprise et la développer au-delà de l’Île-de-France, les trois créateurs ont présenté une demande de prêt d’honneur à Paris Initiative Entreprise (PIE). « Nous avions besoin de renforcer nos fonds propres pour obtenir un prêt bancaire. Or, avec moins d’un an d’existence, nous n’avions même pas un premier bilan financier à proposer au banquier », explique Louis-Philippe Barban. Avant de passer en comité d’agrément, les trois associés ont travaillé en profondeur leur dossier avec une chargée de mission de PIE, Clémence Dubosq. Devant le comité d’agrément, spécialisé dans l’innovation dans le domaine de l’Internet, ils se sont sentis en confiance. « On ne s’est pas heurté à des gens déconnectés de notre réalité. Il y avait autour de la table des chefs d’entreprise Web, des banquiers d’affaires. Cela donne de la crédibilité. Ils avaient une vraie volonté de comprendre le projet et de nous connaître, de vérifier l’adéquation homme-projet », constate Louis-Philippe Barban. PIE a accordé un prêt d’honneur de 18 000 € aux fondateurs de Géolocaux. Ils espèrent obtenir 30 000 € auprès de leur banque. Le dossier est en cours et ils sont confiants : « L’acceptation de PIE pèse beaucoup dans la décision de la banque. Et même si elle refusait, PIE a un pool de banquiers partenaires vers qui nous orienter. Nous nous sentons en position de force auprès de la banque : ce n’est pas souvent le cas ! ». outils Chaque mois, une innovation, une bonne pratique, un nouveau dispositif passé au crible Local Sécur’, un service gratuit qui rassure De quoi s’agit-il ? La fondation Entrepreneurs de la Cité a été la première organisation française à lancer le principe de micro-assurance. Reconnue d’utilité publique en 2008, elle a pour mission de protéger l’initiative entrepreneuriale des personnes exclues du monde du travail en s’appuyant sur les réseaux d’accompagnement à la création d’entreprise. Depuis avril 2009, Initiative France, tout comme France Active ou encore BGE, en est administrateur. En juillet 2011, cette fondation a lancé un nouveau service gratuit en partenariat avec le groupe Polyexpert : l’offre Local Sécur’ qui propose un audit des risques du local professionnel à tout entrepreneur. Futur occupant d’un local proFessionnel ? En quoi consiste cette offre ? Dans le cadre de sa démarche de Responsabilité sociale d’entreprise (RSE), Polyexpert, groupe leader dans la gestion et l’expertise des sinistres pour le compte des sociétés d’assurances et des entreprises, a souhaité mettre les compétences de ses experts au service des créateurs d’entreprise. 10 % des entrepreneurs assurés par la fondation connaissent un sinistre lié à leur local, ce qui fragilise fortement leur entreprise. Des sinistres qui, à 70 %, auraient pu être évités. Avec l’offre Local Sécur’, la fondation aux côtés de Polyexpert entend prévenir ces risques et protéger l’entrepreneur lors de la location de son local professionnel. Cette offre vise les micro-entrepreneurs assurés par la fondation tout comme les créateurs d’entreprise accompagnés par un réseau d’aide à la création d’entreprise. Ainsi, les plateformes du réseau Initiative peuvent faire bénéficier leurs porteurs de projet d’un diagnostic réalisé par un expert bâtiment de Polyexpert qui effectuera une visite de 30 à 45 minutes du local de l’entrepreneur afin de contrôler les installations et l’alerter sur les risques éventuels. Quelle est la démarche à suivre ? Le nombre de visites effectuées par Polyexpert est en constante augmentation : de 6 en 2011, il est passé à 35 en 2012 puis à 75 en 2013. Les réseaux d’accompagnement y contribuent fortement puisqu’en 2012, ils ont été les principaux prescripteurs d’audits (61 %). À compter du premier semestre 2014, Polyexpert couvrira la région Île-de-France, ainsi toutes les plateformes du réseau Initiative seront en mesure de proposer cette offre à leurs porteurs de projet. Le rapport d’audit qui découle du diagnostic peut se révéler particulièrement pertinent pour le comité d’agrément, si celui-ci est réalisé suffisamment en amont. Le comité pourra s’appuyer sur les conclusions et ajuster le plan de financement en conséquence. Comment procéder ? La fondation met à disposition des plateformes un flyer de présentation de Local Sécur’ afin qu’elles communiquent auprès de leurs bénéficiaires. Les porteurs de projet intéressés n’ont ensuite qu’à demander à leur plateforme de contacter la fondation pour être mis en relation avec un expert. Page réalisée par Marion Fournier E r r at u m Contrairement à ce que nous écrivions dans le dossier Entrepreneuriat féminin de notre numéro 189 de décembre 2013, la conférence mentionnée dans l’interview de Virginie Andrysiak a été organisée par la Fédération nationale des caisses d’épargne (FNCE) lors du Salon des micro-entreprises et non par le Salon des micro-entreprises. pour éviter les mauvaises surprises, Faites-le expertiser gratuitement avec l’oFFre LocaL Sécur’ Hayat Boaira, Déléguée générale de la fondation Entrepreneurs de la Cité Local Sécur’ est en adéquation totale avec les valeurs de la fondation que sont la protection des créateurs d’entreprise et la pérennisation de leur projet. Ce service constitue néanmoins une offre à part entière puisqu’il intervient spécifiquement dans la prévention des risques liés aux locaux. Je tiens à souligner que ce service ne s’adresse pas uniquement à notre cœur de cible habituelle que sont les micro-entrepreneurs. Il n’est pas nécessaire non plus d’avoir souscrit à une microassurance auprès de la Fondation. Ce service entièrement gratuit s’adresse à l’ensemble des entrepreneurs qui ont été soutenus par un réseau d’accompagnement à la création d’entreprise. Cela nous semblait évident d’associer ces réseaux qui font partie de l’ADN de la fondation. Au cours du premier semestre 2014, cette offre va s’étendre à la région Île-de-France, et couvrir ainsi toutes les régions de France. L’ensemble des plateformes Initiative sont donc en capacité de proposer en complément de leur action ce service à leurs porteurs de projet leur assurant ainsi de partir sur les meilleures bases possibles. » @ www.entrepreneursdelacite.org/section/actions/diagnos- tic-des-risques/ février 2014 l no 191 l 7 l’histoire Le premier entrepreneur « remarquable » L orsqu’Initiative France a lancé le prêt d’honneur Initiative Remarquable, Initiative Aveyron a fait remonter à la coordination nationale la candidature de Christophe Montourcy. Il faut dire que l’entreprise qu’il a créée est par essence même un projet à fort engagement responsable. Christophe Montourcy était chef d’une entreprise de construction de maisons à ossature bois employant quinze salariés, quand un fabriquant de cuisines, avec lequel il travaillait, a fait faillite en 2012. La commune d’Entraygues, située au Nord de l’Aveyron où est implantée l’usine, déplore 38 emplois détruits. Un pan entier de l’économie locale s’effondre alors. Très investi localement, Christophe Montourcy ne peut s’y résoudre. Aux côtés de ses deux associés, il dépose une offre de reprise auprès du liquidateur. Cette dernière est acceptée. Christophe Montourcy ambitionne alors de réutiliser un des bâtiments de l’ancienne usine pour recréer une unité de production de charpentes tout en réemployant les salariés qui ont été licenciés. Pari réussi puisqu’en mai 2013, la société Charpentes d’Olt voit le jour. Il s’agit d’une unité de fabrication de charpentes industrielles en bois (fermettes) comptant six salariés. L’aide d’Initiative Aveyron, qui avait déjà soutenu l’entrepreneur dans son premier projet de création d’entreprise, a été primordiale. 10 000 euros ont été octroyés à chacun des associés. Tout en s’inscrivant dans une démarche écologique, Christophe Montourcy a sauvé des emplois dans sa commune en reprenant en partie une entreprise condamnée. Christophe Montourcy et ses deux associés affichent fièrement leur récompense aux côtés du président d’Initiative Aveyron, Jean Thomas. que dans la gestion des déchets ou encore l’utilisation d’énergies renouvelables au sein de Charpentes d’Olt. Après examen de sa candidature, le comité Initiative remarquable d’Initiative France et le comité d’agrément d’Initiative Aveyron ont tous deux donné leur aval pour octroyer un prêt d’honneur Initiative Remarquable à Christophe Montourcy. En signant le contrat de prêt le 18 décembre dernier, Christophe Montourcy est ainsi devenu le premier entrepreneur remarquable depuis le lancement du prêt. Pour l’occasion une remise de chèque officielle a été organisée en présence notamment du maire d’Entraygues et du président d’Initiative Aveyron, Jean Thomas. Un chèque qui s’élève à 85 000 € – 10 000 € de prêts d’honneur octroyés à chacun des associés, 10 000 € de prêts attribués par le Crédit Agricole aux mêmes conditions que les prêts d’honneur pour chaque associé et 25 000 € de prêt Initiative remarquable affecté à Christophe Montourcy. « Diriger deux entreprises au quotidien n’est pas une chose évidente. Cela demande un investissement sans relâche. La confiance qui m’est accordée par Initiative France, mais surtout localement par Initiative Aveyron, et les différents acteurs économiques me conforte dans l’idée que j’ai pris la bonne décision », témoigne Christophe Montourcy. Marion Fournier Dans un premier temps, la secrétaire-comptable et un ouvrier qui travaillaient pour le compte du fabricant de cuisines ont été réembauchés. En 2014, ce seront trois anciens ouvriers qui intégreront Charpentes d’Olt. Ils seront au préalable formés à leur nouvelle fonction. Les salariés formés devront à leur tour prendre en charge les nouveaux arrivants. L’objectif à terme étant que chaque personne licenciée et volontaire retrouve un emploi au sein de Charpentes d’Olt, recréant ainsi une dynamique locale. Au-delà de la réindustrialisation du site d’Entraygues, Christophe Montourcy milite pour l’utilisation de bois certifiés PEFC (bois issus de forêts gérées durablement) provenant du Massif Central. Une exigence à laquelle s’astreint son entreprise. Il s’emploie également à faire en sorte que les scieries locales adoptent la même démarche. Cet engagement environnemental se traduit jus- La Lettre Initiative est cofinancée par l’Union européenne / directrice de la publication Anne Chatauret / rédacteur en chef Amine Moussaoui ([email protected]) / rédaction Marion Fournier ([email protected]) / a participé à ce numéro Violette Queuniet / maquette•réalisation Edire (Barbara Starita, Bernard Montelh, Félix Marciano) / photos Willy Vainqueur p. 1, DR. / impression SB Graphic, 93600 Aulnay-sous-Bois / initiative france 55, rue des Francs-Bourgeois 75181 Paris cedex 04 • tél. 01 40 64 10 20 • fax 01 43 20 58 34 / Signalez-nous vos changements d’adresse : [email protected] • www.initiative-france.fr ISSN 1951-9672 • Abonnement annuel 30 € • 3 € 8 l no 191 l février 2014