Prévention et contrôle des listérioses
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Prévention et contrôle des listérioses
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1987, 6 (3), 809-813. Prévention et contrôle des listérioses N . VIDEAU * Résumé : Listeria monocytogenes, l'espèce la plus pathogène du genre Listeria, est à l'origine d'infections graves chez l'homme et les animaux. L'auteur fait le point des connaissances actuelles et des recherches qui s'imposent sur ces maladies, leur épidémiologie et les mesures à prendre pour leur prévention et leur contrôle. MOTS-CLÉS : Epidémiologie - Hygiène alimentaire - Listeria - Maladies bactériennes - Prophylaxie - Zoonoses. Les listérioses, maladies encore mal connues de l ' h o m m e et des animaux, préoccupent de plus en plus les services de santé et les spécialistes de l'hygiène alimentaire. C'est p o u r q u o i l ' O M S a organisé à Berlin-Ouest, du 10 au 12 décembre 1986, une réunion de consultation, à laquelle l'auteur a représenté l'OLE, avec p o u r objectifs de faire le point des connaissances actuelles sur ces maladies, d'indiquer des orientations pour les recherches futures et de recommander les mesures de prévention jugées nécessaires. Il est donc a p p a r u utile de présenter ici une brève mise au point sur ces problèmes. LISTERIA MONOCYTOGENES Le genre Listeria comprend deux espèces virulentes : - Listeria animaux ; monocytogenes est l'espèce la plus pathogène pour l ' h o m m e et les - Listeria ivanovii est responsable d'avortements chez les brebis, les vaches, les chèvres et peut provoquer la maladie chez l ' h o m m e . Les autres espèces sont : L. seeligeri (isolée une fois d ' u n e méningite humaine), L. innocua, L. welshimeri, L. grayi et L. murrayi (espèces non pathogènes). La différenciation des espèces se fait à l'aide de l'hémolyse et d ' u n petit n o m b r e de tests biochimiques. Il existe 16 sérovars définis par 14 antigènes somatiques et 5 antigènes flagellaires. Toutefois, trois sérovars seulement — l / 2 a , l / 2 b et 4b — sont responsables de la plupart des cas de listériose humaine et animale. La lysotypie joue u n rôle important dans les études épidémiologiques. Il existe des centres de lysotypie en France, dans quelques autres pays européens et en Amérique du N o r d . * Laboratoire départemental de la Haute-Vienne, avenue du Professeur Joseph-de-Léobardy, 87000 Limoges, France. 810 LA MALADIE Chez l'homme La listériose se présente sous des formes diverses : méningites, méningoencéphalites, septicémies, infection intra-utérine du fœtus chez la femme enceinte conduisant à des avortements, des mortinatalités ou des infections néonatales. Les sujets immunodéficients ou immunodéprimés sont particulièrement réceptifs à la listériose, mais des individus de tout âge, apparemment en bonne santé, peuvent aussi être atteints. Les souches de L. monocytogenes sont sensibles à l'ampicilline ; les échecs de l'antibiothérapie peuvent s'expliquer par la localisation intra-cellulaire des bactéries. Dans le cas d'une atteinte du système nerveux central, il est important de faire un diagnostic rapide (par coloration de G r a m et examen bactériologique du L C R ou par hémoculture). Lors d'épisodes fébriles chez la femme enceinte, il convient de faire une hémoculture éventuellement suivie d'une antibiothérapie adaptée. Chez les animaux L. monocytogenes a été isolée chez de nombreuses espèces animales. La maladie est économiquement importante chez les bovins, les ovins et les caprins. Chez les bovins, la forme prédominante est l'avortement ; de nombreuses souches de L. monocytogenes ont été isolées à partir du contenu stomacal des avortons. Les cas d'encéphalite observés chez les animaux n o n gestants ont en général une issue fatale. Chez les ovins, on observe des avortements dans la plupart des régions. Des métrites et des septicémies consécutives aux avortements entraînent la mort des brebis. Cependant, la localisation cérébrale est la forme la plus fréquente de la listériose ovine. Elle est observée chez les brebis et les agneaux, avec un taux de mortalité de 60 % environ. É P I D É M I O L O G I E D E L A L I S T É R I O S E C H E Z L ' H O M M E E T LES A N I M A U X Surveillance et collecte des données E n E u r o p e , la collecte des données épidémiologiques est en général insuffisante pour la listériose humaine comme pour la listériose animale. Dans certains pays, les souches isolées sont envoyées à u n laboratoire central. Dans les pays qui possèdent u n système de surveillance, on note une progression de la maladie humaine au cours des dernières années. A u x Etats-Unis, l'incidence annuelle est de 4 à 7 cas par million d'habitants. Vingt pour cent des cas sporadiques sont mortels. La listériose frappe surtout les enfants de moins d ' u n mois. L'origine de trois épidémies survenues en Amérique du Nord a été attribuée à la consommation de salade de chou cru, de fromage à pâte molle et de lait pasteurisé. 811 Transmission de la listériose L'étude du m o d e de transmission des Listeria a peu progressé pour trois raisons principales : - L. monocytogenes est souvent présente dans l'environnement ; le portage intestinal sans maladie clinique est également fréquent. - J u s q u ' à une période récente, il n'existait pas de système de typage satisfaisant. Encore a u j o u r d ' h u i , une seule méthode (la lysotypie) a été validée en ce qui concerne L. monocytogenes. - L'incidence de la listériose est en général peu élevée et les systèmes de surveillance restent insuffisants. Selon la population étudiée et les méthodes d'isolement utilisées, la proportion des porteurs sains chez l ' h o m m e varie de 0,5 % à 91,6 % . De plus, les résultats de ces études sont difficiles à interpréter car ce n'est que très récemment que L. monocytogenes a pu être différenciée des espèces n o n virulentes. Il convient de poursuivre les études pour préciser la fréquence du portage h u m a i n et animal de L. monocytogenes au sens strict. Transmission par les aliments La transmission par les aliments a fait l'objet de discussions pendant de nombreuses années ; il est maintenant établi que l'alimentation du bétail avec de l'ensilage de mauvaise qualité, avec u n p H élevé, est liée à la listériose ovine, caprine et bovine. Aux Pays-Bas, une meilleure préparation de l'ensilage a permis de réduire les cas de listériose. La transmission de la listériose à l ' h o m m e par les aliments est de plus en plus souvent attestée. Cependant, pour prouver ce m o d e de contamination il faut : a) que les études des cas de maladie révèlent un lien significatif entre la consommation d ' u n aliment spécifique et l'apparition de la maladie ; b) que L. monocytogenes soit isolée à la fois dans l'aliment suspect et chez le malade, la lysotypie confirmant qu'il s'agit de la même souche ; c) que, dans les cas sporadiques avec isolement de la «souche responsable» dans des aliments consommés par les malades, il soit également possible d'isoler cette souche dans des lots d'aliments n o n manipulés par eux. Il est rare que ces conditions soient remplies. Importance de la listériose Chez l ' h o m m e surtout, c'est une maladie grave, avec u n taux de mortalité élevé. Les personnes immunodéprimées ou immunodéficientes sont les plus souvent atteintes, et o n peut prévoir une augmentation de la population menacée avec la consommation accrue de médicaments immunodépresseurs. PRÉVENTION ET CONTRÔLE Considérations générales Une meilleure connaissance de l'épidémiologie de la listériose chez l ' h o m m e et l'animal est nécessaire. L'éradication de la maladie est impossible, car tous les aliments 812 crus d'origine animale ou végétale sont potentiellement contaminés, soit à cause de leur m o d e de production soit à cause du portage fécal. L'utilisation du lisier et des litières animales p o u r la fertilisation des sols a contribué à augmenter la contamination de l'environnement dans certains pays. La prévention et le contrôle sont à envisager sous deux rubriques : la production animale et la transformation des denrées alimentaires. Production animale E n E u r o p e occidentale et aux Etats-Unis, aucune vaccination n ' a été étudiée. La prévention repose sur les mesures d'hygiène et sur une meilleure désinfection des surfaces contaminées après des avortements ou des mammites. De nombreux animaux sont des porteurs sains et les volailles sont aussi un réservoir de Listeria bien que la maladie n'existe pas chez cette espèce animale. Transformation des denrées alimentaires On doit tenir compte, d ' u n e part, de la présence de L. monocytogenes dans les aliments crus, et d ' a u t r e part des facteurs intrinsèques des produits, dans lesquels les techniques de transformation peuvent augmenter ou diminuer la multiplication des Listeria. a) Effet des facteurs intrinsèques mation et extrinsèques des produits et de leur transfor- Les effets du p H , de l'oxydoréduction, de l'activité de l'eau sont mal connus. Dans les milieux de culture, les Listeria se développent à des p H de 5 à 9,6 et à des températures de 1 à 45°C. Il est admis que la pasteurisation du lait à 71,6°C pendant 15 secondes détruit les Listeria ; cependant, la résistance des bactéries intra-cellulaires est actuellement étudiée. 0 L'aptitude des Listeria à se multiplier à basse température pose un problème important dans le cas des viandes réfrigérées. b) Importance des Listeria dans les aliments et analyse du risque Le risque de contamination est important pour les produits crus, par exemple les produits de charcuterie à consommer crus, les fromages, les salades fraîches et réfrigérées. Les produits consommés cuits présentent un risque moindre, à condition d'éviter une recontamination de ces aliments. c) Mesures préventives La prévention et le contrôle sont difficiles au niveau de l'élevage. L'industrie de transformation est confrontée au problème des matières premières contaminées et doit donc appliquer des méthodes d'assainissement de ces denrées, par exemple l'irradiation ou le traitement par l'acide lactique. Lorsque les différents paramètres d ' u n produit et de sa transformation, du point de vue de leur effet sur la croissance des Listeria, ne sont pas connus, ils doivent être déterminés afin d'appliquer la méthode du « H a z a r d Analysis Critical Control Point». 813 Il convient d'étudier les vecteurs de la contamination pour les produits à risque et d'appliquer des procédés appropriés pour éviter leur contamination. Des mesures d'hygiène doivent être mises en oeuvre dans les usines p o u r éviter la recontamination des aliments, et le personnel chargé de leur manipulation doit recevoir une formation adéquate en matière d'hygiène. Information des consommateurs Le public est encore insuffisamment averti des risques associés à la consommation d'aliments crus. Les personnes immunodéprimées ou immunodéficientes sont particulièrement vulnérables à la listériose et les professionnels de la santé doivent prendre conscience de ce risque. Surveillance La possibilité p o u r les Listeria de se multiplier dans les aliments au cours du stockage, des manipulations et de la distribution pose des problèmes. Les techniques de contrôle actuellement utilisées ne sont pas assez fiables et rapides. Des méthodes nouvelles paraissent prometteuses, mais il faudra encore du temps avant qu'elles soient tout à fait au point. * * * PREVENCIÓN Y CONTROL DE LAS LISTERELOSIS. - N. Videau. Resumen: Listeria monocytogenes, la especie más patógena del género Listeria, provoca infecciones graves en el hombre y en los animales. El autor recapitula los conocimientos actuales y las investigaciones necesarias sobre estas enfermedades, su epidemiología y las medidas que deben tomarse para su prevención y control. PALABRAS CLAVE: Control - Enfermedades bacterianas - Epidemiología Higiene alimenticia - Listeria - Zoonosis.