Le lambeau en « cerf-volant

Transcription

Le lambeau en « cerf-volant
Chirurgie de la main 26 (2007) 31–34
http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/
Article original
Le lambeau en « cerf-volant » de Foucher (À propos de 12 cas)
The Foucher’s “kite-flap” (12 cases)
Y. El Andaloussi*, S. Fnini, A. Labsaili, A. Garch, M. Ouarab, A. Largab
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, pavillon 32, CHU Ibn-Rochd, 202, boulevard Zerktouni, Casablanca, Maroc
Reçu le 9 juillet 2006 ; accepté le 25 janvier 2007
Résumé
Introduction. – Le lambeau « cerf-volant » de Foucher représente un lambeau en îlot cutané comportant un triple pédicule vascularisé par
l’artère intermétacarpienne dorsale du premier espace. L’objet de ce travail est de rappeler les bases anatomiques, la technique chirurgicale, les
indications et les complications de cette technique de couverture à travers l’étude d’une série analysée à la lumière de la littérature.
Patients et méthodes. – C’est une étude rétrospective de 12 patients traités par un lambeau de Foucher. La perte de substance concernait la
face dorsale de la deuxième phalange (P2) du pouce dans trois cas, la face dorsale de P1 et P2 du pouce dans quatre autres cas et enfin la face
palmaire de P1 du pouce chez cinq patients. Les lésions associées étaient dominées par une perte de substance osseuse traitée par greffe osseuse
et fixateur externe chez un patient et une arthrite de l’interphalangienne traitée par arthrodèse dans un autre cas.
Résultats. – Au recul moyen de deux ans, les résultats de notre série étaient satisfaisants. Nous n’avons noté aucun cas de nécrose du lambeau.
À chaque fois, la couverture était complète et le lambeau était viable. Cependant, nous déplorons quatre cas d’intolérance au froid, deux cas de
sepsis superficiels, et un cas de rétraction de la première commissure associée à une raideur fonctionnelle de l’interphalangienne.
Discussion. – Le lambeau en « cerf-volant » a révolutionné le problème de couverture des pertes de substances simples et complexes du
pouce. La maîtrise des bases anatomiques et de la technique chirurgicale est primordiale pour la réalisation de ce lambeau qui reste sensible et
fiable.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
The “kite-flap” is a cutaneous island flap containing a triple pedicle. It is harvested from the dorsum of the index and is intended to cover
skin-loss on the thumb. The purpose of our study was to evaluate 12 “kite-flaps” performed over the course of 11 years. The skin defects were on
the dorsum of the distal phalanx of the thumb in 3 cases, on the dorsum of both the distal and proximal phalanges in 4 cases and on the volar
aspect of the thumb in 5 cases. The associated lesions consisted of combined bone and skin in one case treated by bone graft with external
fixation, and one case of septic arthritis of the interphalangeal joint treated by arthrodesis. The results of our series are very good after an average
of 2 years follow-up. We have however had 4 cases of cold intolerance, 2 cases of superficial sepsis and one case of shrinkage of the first
commissure.
It appears that the “kite-flap” is the best solution for cover of simple or complex skin loss of the thumb. Its technical performance is easy, and
it gives durable, sensate and stable skin cover.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Lambeau en cerf-volant ; Perte de substance ; Pouce
Keywords: Kite-flap; Skin loss; Thumb
* Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (Y. El Andaloussi).
1297-3203/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.main.2007.01.005
32
Y. El Andaloussi et al. / Chirurgie de la main 26 (2007) 31–34
1. Introduction
Le lambeau en cerf-volant est un lambeau en îlot cutané
comportant un triple pédicule, vascularisé par l’artère intermétacarpienne dorsale du premier espace. Ce lambeau qui a été
décrit par Foucher en 1978, a permis de régler en grande partie
le problème des pertes de substance du pouce. Les bases anatomiques, les indications et la technique chirurgicale sont
étayés à travers l’étude de 12 cas analysés à la lumière de la
littérature.
2. Patients et méthodes
Notre étude rétrospective regroupe 12 patients tous opérés
pour une perte de substance du pouce traitée par le lambeau de
Foucher. L’âge moyen était de 30 ans avec des extrêmes allant
de 15 à 50 ans. Onze de nos patients étaient des hommes
contre une seule femme. Les étiologies ont été représentées
par des accidents de travail dans sept cas, l’imprudence dans
quatre cas et une morsure de serpent dans un seul cas. Le côté
dominant a été touché dans 50 % des cas. La perte de substance siégeait au niveau de la face dorsale de P2 du pouce
dans cinq cas (Fig. 1), et au niveau de P1 et P2 du pouce
dans deux cas. Les cinq autres patients présentaient une amputation traumatique de l’interphalangienne du pouce. Les dimensions de la perte de substance variait entre 2 sur 3 cm et 2 sur
4 cm.
Le bilan clinique était complété par la radiographie standard
qui a révélé une fracture articulaire de l’interphalangienne avec
perte de substance au niveau de P2, et une arthrite septique de
l’interphalangienne du pouce dans un autre cas.
Le délai d’intervention était de sept jours en moyenne. La
dimension moyenne du lambeau était de 4 sur 2 cm, et la zone
donneuse était recouverte par une greffe de peau totale préle-
vée au niveau de la face interne du bras dans tous les cas sauf
chez un patient qui avait des écorchures cutanées étendues et
chez qui nous avons réalisé la greffe de peau à partir de la face
antérieure de l’avant-bras. Chez le patient qui présentait une
fracture articulaire de l’interphalangienne avec perte de substance osseuse, le lambeau était associé à un fixateur externe
avec autogreffe spongieuse prélevé de la crête iliaque
(Fig. 2). Dans le cas d’arthrite, un lavage avec arthrodèse définitive a été associé au geste de couverture. Les suites opératoires étaient simples, et tous nos patients étaient immobilisés par
une atelle plâtrée ouvrant la première commissure pendant
20 jours.
3. Résultats
Au recul moyen de deux ans, tous les patients se sont présentés avec une couverture totale, stable et sensible. Le test de
sensibilité de Weber était de 12 mm en moyenne, avec une
sensibilité de protection chez tous les patients. Aucune complication au niveau de la zone donneuse n’a été notée. Ainsi,
l’indice de satisfaction était bon chez tous nos patients.
Néanmoins, nous avons relevé quatre cas d’intolérance au
froid, deux cas de sepsis superficiel rapidement jugulés par
les soins locaux et l’antibiothérapie et un cas de rétraction de
la première commissure avec raideur fonctionnelle de l’interphalangienne du pouce.
L’hyperpigmentation de la greffe cutanée a été retrouvée
chez tous nos patients (Fig. 3).
4. Discussion
Les techniques de couverture des pertes de substances de la
colonne du pouce sont très variées. Nous citerons les lambeaux
provenant de l’artère intermétacarpienne dorsale du premier
Fig. 1. Perte de substance en sifflet dorsal de P1 du pouce couverte par un lambeau en cerf-volant pédiculé par le pédicule intermétacarpien dorsal du premier espace
et prélevé au niveau de la face dorsale de l’index. Le site donneur est couvert par une greffe de peau totale prélevée du bras.
Y. El Andaloussi et al. / Chirurgie de la main 26 (2007) 31–34
33
Fig. 2. Fracture ouverte de P2 du pouce avec perte de substance dorsale. Greffe spongieuse iliaque et fixateur externe associé à un lambeau de Foucher avec un bon
résultat à un an de recul.
Fig. 3. Perte de substance en saucisson de P1 du pouce traitée par un lambeau de Foucher avec un bon résultat à deux ans de recul malgré l’hyperpigmentation cutané
et l’intolérance au froid.
espace tel que le lambeau osseux ou encore le lambeau récemment décrit par Bakhach, et qui est vascularisé par la branche
dorsoradiale de l’artère radiale [1].
Le lambeau en cerf-volant est un lambeau neurovasculaire
qui est vascularisé par l’artère intermétacarpienne dorsale du
premier espace [2]. Des études cadavériques concernant
l’anatomie de cette artère ont été réalisées ultérieurement par
Early et Milner en 1987 [3]. Ainsi, cette artère qui naît du premier espace donne trois branches terminales : radiale, ulnaire et
intermédiaire. Une quatrième branche constante et souscutanée accompagne les branches superficielles du nerf radial
et se divise en plusieurs branches qui s’anastomosent avec la
branche ulnaire de l’artère au niveau de l’articulation métacar-
pophalangienne de l’index. Cette anastomose est la base même
du lambeau « cerf-volant » de Foucher [4–6].
Le dessin du lambeau repose sur une incision cutanée
sinueuse sur le trajet de l’artère dont le point d’origine est
palpé au niveau de l’angle formé par le premier et le deuxième
métacarpien. L’aponévrose du premier muscle interosseux dorsal est incisée et le pédicule peut ainsi être amené avec son
atmosphère graisseuse par une dissection menée de dehors en
dedans sans oublier la veine de drainage et le rameau nerveux.
La levée du lambeau est réalisée en veillant à laisser en place le
périmysium du tendon extenseur. La mise en place du lambeau
est effectuée après sa tunnelisation sous-cutanée sans tension ni
plicature. Le centre de rotation correspond au fond de la pre-
34
Y. El Andaloussi et al. / Chirurgie de la main 26 (2007) 31–34
mière commissure, ce qui permet d’amener le lambeau jusqu’à
la partie distale du pouce, son indication idéale pour la couverture de la face dorsale, mais aussi pour la pulpe où il est utilisé
comme lambeau d’aide sensible [2,7–13]. L’innervation du territoire cutanée du lambeau est souvent assurée par une branche
sensitive du nerf radial [14]. Cependant, ce nerf est parfois très
grêle, dans ce cas, l’innervation peut provenir de la branche
dorsale du nerf palmaire collatéral digital radial de l’index qui
est constitué par des fibres du nerf médian [15]. La couverture
du site donneur est assurée immédiatement par une greffe de
peau totale sans tension, prélevée sur la face médiale du bras
ou du pli du coude [12]. Les indications lambeau de Foucher se
sont élargies, il permet la couverture de toute perte de substance cutanée située dans un rayon égale à la longueur de son
pédicule [2]. La face dorsale de la phalange proximale du
pouce peut être couverte par ce lambeau, mais au prix d’un
prolongement du prélèvement jusqu’à l’articulation interphalangienne distale de l’index. Yang [11] et Martinot [16] ont
étendu les indications du lambeau en cerf-volant pour la couverture des pertes de substance de la première commissure et
de la face dorsale de la main. Nos résultats concernant le site
donneur étaient satisfaisants, malgré l’hyperpigmentation cutanées la cicatrice chéloïde qui compliquait le résultat esthétique
chez les patients de notre série. Néanmoins, ces complications
sont retrouvées à un taux variable dans la plupart des séries (6,
10, 11). Braun [12] rapporte dans une série de 79 cas, cinq
limitations de la flexion de l’index dues à des adhérences du
tendon extenseur. Concernant la sensibilité, les résultats de nos
patients rejoignent ceux des autres séries publiées [10,11]. Si
Braum [12] dans sa série de 79 cas rapporte trois cas de
nécrose partielle et trois autres cas de nécrose totale, aucune
complication de ce type n’a été relevée dans notre série de 12
cas. L’intolérance au froid qui a été relevée chez quatre patients
de notre série, est une complication considérée comme banale
par rapport au bénéfice du lambeau [7,9].
5. Conclusion
Le lambeau en cerf-volant de Foucher procure une couverture efficace dans les pertes de substances du pouce. Une meilleure connaissance de l’anatomie de l’artère intermétacarpienne
dorsale du premier espace, ainsi que la simplicité de sa réalisation technique ont permis sa diffusion. Les résultats fonctionnels et esthétiques obtenus dans les différentes séries publiées,
nous encouragent à l’utiliser plus fréquemment et à élargir ses
indications.
Références
[1] Bakhach J, Sentucq-Rigal J, Mouton P, Boileau R, Panconi B, Guimberteau JC. Le lambeau dorsoradial : un nouveau lambeau pour la reconstruction des pertes de substance de la main. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet 2006;51:53–60.
[2] Foucher G, Braun JB, Merle M, Sibilly A. Le lambeau cerf-volant. Ann
Chir 1978;32:593–6.
[3] Earley MJ, Milner RH. Dorsal metacarpal flap. Br J Plast Surg 1987;40:
333–41.
[4] Sherif MM. First dorsal metacarpal artery flap in hand reconstruction. I.
Anatomical study. J Hand Surg [Am] 1994;19:26–31.
[5] Foucher G, Braun JB. A new island flap transfer from the dorsum of the
index to the thumb. Plast Reconstr Surg 1979;63:344–9.
[6] Tezcan M, Ozcan M, Kahveci R, Safak E, Akin S. A new flap from the
dorsum of the first intermetacarpal area: the first dorsal intermetacarpal
flap. Plast Reconstr Surg 1997;100:914–8.
[7] Ege A, Tuncay I, Ercetin O. Foucher’s first dorsal metacarpal artery flap
for thumb reconstruction: evaluation of 21 cases. Isr Med Assoc J 2002;
4:421–3.
[8] Gebhard B, Meissl G. An extended first dorsal metacarpal artery neurovascular island flap. J Hand Surg [Br] 1995;20:529–31.
[9] Germann G, Raff T, Schepler H, Wittemann M. Salvage of an avascular
thumb by arteriovenous flow reversal and a microvascular "kite" flap:
case report. J Reconstr Microsurg 1997;13:291–5.
[10] El-Khatib HA. Clinical experiences with the extended first dorsal metacarpal artery island flap for thumb reconstruction. J Hand Surg [Am]
1998;23:647–52.
[11] Yang JY. The first dorsal metacarpal flap in first web space and thumb
reconstruction. Ann Plast Surg 1991;27:258–64.
[12] Marin-Braun F, Merle M, Foucher G. Le lambeau cerf-volant. Ann Chir
Main 1988;7:147–50.
[13] Michon J. In: Kite flap in reconstruction of distal thumb. In: Foucher G
fingertip and nailberd injuries. First edition. Edinburg: Churchill Livingstone; 1991. p. 79–91.
[14] Earley MJ. The arterial supply of the thumb, first web and index finger
and its surgical application. J Hand Surg [Br] 1986;11:163–74.
[15] Sherif MM. First dorsal metacarpal artery flap in hand reconstruction. II.
Clinical application. J Hand Surg [Am] 1994;19:32–8.
[16] Martinot V. Couverture des pertes de substances cutanées du pouce. Ann
Chir Plast Esthet 1993;38:369–75.

Documents pareils