DIETER MEIER adepte de la transformation

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DIETER MEIER adepte de la transformation
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performance
DIETER MEIER
adepte de la transformation
interview par Clo’e Floirat
Artiste protéiforme, conceptuel et
performeur, mais aussi agitateur,
milliardaire, joueur de poker professionnel, écrivain, pionnier des
vidéo-clips MTV, chef d’entreprise
aux États-Unis, agriculteur biologique en Argentine, industriel interdisciplinaire en Suisse, Dieter Meier
est surtout connu pour sa voix profonde de crooner, superposée aux
nappes synthétiques et industrielles
du groupe de musique électronique
zurichois Yello, qu’il forme depuis
plus de trente ans avec Boris Blank.
Deux expositions lui ont été consacrées à l’automne dernier : In Conversation, à la Aargaeuer Kunsthaus de
Zurich, et Dieter Meier and the Yello
Years, au Watermill Center, dirigé
par Robert Wilson à Long Island, où
artpress l’a rencontré.
I Vous êtes issu d’une famille de riches banquiers suisses. Que faire quand tout vous
est offert et que le mot « impossible »
n’existe pas ?
Mon père était un millionnaire zurichois autodidacte et un père indulgent. Il ne se souciait pas de mon avenir professionnel, il
disait qu’il aurait été très heureux que je
ne fasse rien. Ce confort peut être un avantage, mais peut aussi être un frein. Si l’on sait
que l’on peut survivre sans rien produire, on
se dit que chaque chose entreprise doit
vraiment en valoir la peine. C’est la raison
pour laquelle, à l’âge de dix-huit ans, je suis
devenu joueur de poker professionnel. C’était
une fuite vers un monde parallèle ! Trouver
une raison de vivre est devenu une vraie
question existentielle.
En 1952, dans le réfectoire du Black Mountain College, John Cage orchestre Theater
Piece No.1, considéré comme le premier
happening de l’histoire de l’art. En 1959,
Yves Klein jette des petits lingots d’or dans
la Seine. En 1964, à Tokyo, Yoko Ono joue
« Jump », 1974. (Toutes les photos Archive Dieter Meier)
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sa performance Cut Piece. À la fin des années 1960, vous attirez alors l’attention
avec vos propres actions situationnistes radicales aux a accents conceptuels et subversifs, qui prônent également cette même
forme d’art de l’immatériel, basée sur l’espace-temps. Aviez-vous conscience de ce
phénomène ?
Je me suis toujours senti indépendant, voire
ignorant de toutes influences. Faire de l’art
n’a jamais été une vocation, ne pas en faire
non plus. La musique, la vidéo et l’art étaient
des coïncidences absolues. En 1969, j’ai
commencé à faire des représentations
d’actes sans but et inutiles dans les rues de
Zurich. Five Days consistait à compter
100 000 pièces de métal, puis à les répartir
par 1 000 dans des sacs en plastique, sur une
place publique, devant la Kunsthaus, et pendant cinq jours, de 8 heures à midi puis de
13 heures à 18 heures. C’était totalement
vide de sens, tout le monde aurait pu le
faire. L’année suivante, en 1970, toujours à
Zurich, ce fut Walking. J‘ai annoncé dans le
journal que le 13 juillet 1970, de 18 à 19
heures, sur Bellevueplatz, je marcherais sur
une distance de vingt mètres en une heure.
Puis, en 1972, à New York, ce fut Yes and No :
je donnais un dollar à tous les piétons qui me
disaient yes ou no. On a qualifié cela d’art,
puis des commissaires et des conservateurs se sont intéressés à mon travail. C’est
ainsi qu’est née ma première exposition au
Kunstmuseum de Lucerne en 1970. Puis
en 1972, je fus invité à la Documenta, où j’ai
installé une plaque dans la station ferroviaire de Cassel, le 27 juin 1972 : Datum I. Elle
stipulait : « Le 23 mars 1994, entre 3 et 4
heures de l’après-midi, Dieter Meier se tiendra debout sur cette plaque. » Après cela, j’ai
réalisé beaucoup de photographies, pour
lesquelles je composais mes propres mises
en scène, quand je ne m’y mettais pas en
scène moi-même : Behind Flowers, Flying
Sculptures, Jump. En 1977, après une exposition personnelle à la Kunsthalle de Zurich,
j’ai décidé de tout arrêter et de quitter ce que
j’appelais l’art race. Si tout ce que je faisais était très intuitif, c’était aussi très existentiel. Malgré une carrière plutôt réussie, et
la succession des expositions toujours plus
importante, j’ai détesté être jugé sur mon travail et j’ai compris que je ne pouvais pas faire
partie de ce système.
de soi
En novembre 1971, Chris Burden se met en
scène dans Shoot, une performance au
cours de laquelle il se fait intentionnellement tirer dessus par son assistant. Neuf
mois plus tôt, lors d’une réception au centre culturel de New York, vous vous tenez
debout, immobile, un pistolet à la main et,
à vos pieds, un écriteau sur lequel on pouvait lire : This man will not shoot. Ce qui en
émane me semble presque plus alarmiste
que ce qui se passe avec Chris Burden. En
ce sens que la menace est plus inquiétante
que l’acte lui-même.
Ce fut un petit scandale car, pendant les
premières vingt minutes, les gens n’osaient
pas rentrer, ils pensaient qu’il y avait un
cinglé qui allait tirer. La suggestion peut
être plus violente que l’exécution. Ce geste
a presque plus de sens aujourd’hui qu’à
l’époque, car, face à la menace terroriste, il
serait impossible de faire une telle action.
Mais cela n’a rien à voir avec Chris Burden.
Le geste qui consiste à se faire mal en tant
qu’œuvre d’art relève du malentendu, du
blasphème. Mon travail est une représentation du rien, volontairement dépouillé de
sens. Les gens ne peuvent s’empêcher de
donner du sens à tout. La quête du sens rend
la vie insupportable.
UNE REPRÉSENTATION DU RIEN
Vous tournez le dos à la scène artistique.
J’imagine qu’il vous faut rapidement trouver une nouvelle raison de vivre. Est-ce à
ce moment-là que la vidéo et la musique
entrent dans votre vie ?
Un jour, je me suis retrouvé avec une caméra
16 mm dans les mains et j’ai commencé à
composer des petits films expérimentaux, qui
ont eu un certain succès. J’utilisais la caméra
comme une brosse, je composais mes décors avec toutes sortes de choses que je fabriquais, et cela donnait des fresques
mouvantes interminables. Puis j’ai rencontré Boris Blank, avec qui j’ai créé Yello en
1978. Ces films ont servi de fonds d’écrans,
devant lesquels les musiciens performaient,
et de mises en scène à tous les vidéo-clips
de Yello. MTV a commencé à les produire
pour la télévision, ce nouveau format s’est
appelé vidéo-clip. Et puisqu’à l’époque Yello
ne jouait jamais en live, c’était notre unique
moyen d’exposer notre groupe au public.
La musique et les vidéo-clips de Yello
sont d’une qualité presque parfaite.
Ma philosophie a toujours été de prendre au
sérieux le fait de ne pas se prendre au sérieux. Donc, même si nous travaillions avec
légèreté, cela ne nous empêchait pas de
produire notre musique avec un perfectionnisme obsessionnel. Cela nous donnait
l’impression d’être très professionnel, alors
que nous n’avions a priori aucune compétence en la matière. Notre approche relevait
de l’invention personnelle. Nous avons fait
du sampling avant que cela ne soit possible
par ordinateur. On enregistrait des sons tel
celui produit par une boule de neige jetée
contre un mur, pof ! Puis on mettait la bande
en boucle, pof ! pof ! pof !… Ça devenait
alors le rythme de base. Nous étions de
« Two Words (Yes - No) ».
25 février (Feb.) 1971, New York.
vrais dilettantes. Les gens ont dû apprécier
cette originalité. Si l’on ne sait pas jouer
d’un instrument, il faut trouver d’autres manières de l’utiliser.
HEUREUX MALENTENDU
Beaucoup vous considèrent comme les
godfathers of techno, avec près de quatorze millions de disques vendus. Allezvous me dire encore une fois que le succès
de Yello est une pure coïncidence ?
Certainement, et c’est d’ailleurs une drôle
d’histoire. Frankie Crocker, une star DJ de la
radio new-yorkaise hyper branchée des années 1980, WBLS, a repris nos titres sur ses
ondes. Les auditeurs américains pensaient
que nous étions deux DJ afro-américains
avant-gardistes de la côte Ouest. Et cet
heureux malentendu nous a conduits à notre
premier gros hit. Nous figurions dans tous les
top ten, toutes les discothèques latino- et
afro-américaines jouaient notre musique.
Longtemps, votre nom a résonné avec le
groupe Yello ; aujourd’hui, il est l’écho de
votre travail d’artiste. Robert Wilson vous
a invité ici, au Watermill Center, à présenter vos années Yello ; l’Aargauer Kunsthaus, à Zurich, vous consacre, pour la
première fois en Suisse, une vaste rétrospective. Comment cela est-il arrivé ?
Quitter l’art race ne m’a pas empêché de
continuer à produire mon art. Pendant près
de quarante ans (1976-2010), j’ai exposé
dans une petite galerie totalement inconnue
à Zurich. C’était une motivation pour finir mes
projets. En 2010, j’étais sur le point d’envoyer
tout mon travail et toutes mes archives
dans un endroit perdu dans la province de
Mendoza, en Argentine, où j’ai un ranch et
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de l’espace pour stocker. Puis Harald Falckenberg, un collectionneur allemand, m’a invité
à présenter mon travail dans un immense
musée à Hambourg en 2010. Et encore une
fois, cela est venu comme une grande surprise. Les gens n’avaient aucune idée de ce
que j’avais fait pendant quarante-quatre ans.
La quête de la reconnaissance n’est-elle
finalement pas votre motivation ? N’estelle pas plus forte que l’argent, le succès ?
J’ai une définition de l’art qui est très simple,
elle vient d’une publicité pour la bière Heineken : « Heineken rafraîchit ce que les autres bières ne peuvent pas atteindre. » Je
dirais : « L’art rafraîchit les parties de votre esprit que les autres choses ne peuvent atteindre. » Si votre travail est exposé dans
des musées et qu’il rencontre des milliers de
personnes, oui évidemment, c’est très satisfaisant ! Le fait que mon travail refasse surface est une vraie surprise. Peut-être aussi
parce ce qu’aujourd’hui, j’ai une distance
que je n’avais pas alors. C’est toujours flatteur, mais aussi rassurant que les gens aiment votre travail. Si je deviens un crétin
abruti à cause de toutes ces nouvelles expositions, et bien ce sera comme cela.
Voyons ce qui va se passer ! Mon avantage
en effet, c’est que je ne peux pas être impressionné ou influencé par l’argent du succès. Mais, paradoxalement, j’ai toujours
voulu fabriquer quelque chose et le vendre ;
il y a en moi un entrepreneur raté.
PUNK AVANT TOUT
L’entrepreneur raté a pourtant bien réussi.
Vous avez un ranch en Argentine – Ojo de
Agua – où vous cultivez du vin biologique
et élevez des bovins ; des produits que l’on
peut d’ailleurs acheter dans votre magasin
éponyme à Zurich, ou déguster dans votre
restaurant, le Bärengasse. Vous possédez
aussi une société de technologies spécialisées dans les montages audio et vous écrivez pour divers journaux. La marque Dieter
Meier est synonyme de créativité débridée
et de subtilité subversive, mais aussi d’esprit entrepreneurial et de sens des affaires.
Quels sont vos nouveaux projets ?
Je travaille sur un projet d’écriture de nouvelles depuis longtemps. J’ai toujours eu cette
idée un peu folle et abstraite de finir ce livre à
Calcutta. Alors je vais partir là-bas cet hiver, et
je n’en reviendrai qu’une fois mon histoire terminée. En attendant, je travaille avec la Technical School ITA à Zurich ; ensemble, nous
développons une méthode pour la préservation du goût du cacao dans le chocolat, afin
d’éviter l’ajout insensé de beurre et de sucre.
Je travaille maintenant à l’élaboration de sa
commercialisation. Je continue la musique,
j’écris des livres pour enfants. Mais, surtout,
j’aimerais réaliser plus de films, car c’est là
que je me sens le mieux, que je doute le moins.
cours de laquelle j’ai doré onze objets quotidiens, dans le centre-ville de Zurich, tels que
des balustrades des ponts, des panneaux de
signalisation, des poteaux ou encore des
gouttières. La présentation de la Boule d’or
centenaire, le 9 mai 2008 dans la gare centrale de Zurich, constituait d’ailleurs le point
d’orgue de cette installation, qui avait pour
vocation d’interpeller les voyageurs sur le rien
et l’inutile. La boule d’or roulera huit fois en
cent ans sur une planche de bois à des
dates déterminées.
« This Man Will Not Shoot ». 23 février 1971, 21-23 h.
The New York Cultural Center, New York. (Feb. 23, 1971)
Vous avez récemment sorti un nouvel
album, Out of Chaos. Vous avez toujours
fait de la musique et réalisé des vidéos,
toujours fait de l’art, toujours écrit, jamais
cessé d’entreprendre. Chaque format
prédomine plus ou moins en fonction de
la symbiotique, comme vous dites !
Oui tout à fait, il n’y a jamais eu de réelle rupture dans aucune de mes activités. Même si
je prétendais quitter la scène de l’art, je
continuais à le faire chez moi, et je l’injectais
d’une manière ou d’une autre dans mes autres projets d’écriture ou de films. Chaque
activité a toujours nourri les autres. Par
exemple, une partie de ma production viticole
en Argentine sert à la création d’autres projets comme le Rien en or, une action au
Vos vignes existent-elles essentiellement
pour soutenir le bon déroulement de la
Boule d’or, ou est-ce la Boule d’or qui a été
créée pour donner un sens à votre vin ?
J’imagine que votre talent de touche-àtout de qualité doit rendre jaloux, dans
une société où l’on continue à catégoriser
les gens dans une case précise. Je suis
moi-même une grande adepte du débordement, et les gens ont tendance à y
soupçonner un manque d’expertise et
un résultat superficiel.
Je saisis les opportunités, mais je n’ai pas de
talents particuliers à la base. Je suis à la tête
d’un restaurant à Zurich, je produis du vin en
Argentine, je continue à faire de la musique,
mais je vous assure que je ne suis ni restaurateur, ni œnologue et pas non plus musicien. Je me suis toujours senti évoluer
dans une forme de chaos et d’anarchie, un
peu à la manière d’un jongleur d’assiettes
tournantes chinois, qui secoue en permanence ses baguettes pour maintenir un
grand nombre de choses simultanément en
orbite. Dans le fond, je suis resté un punk. I
Clo’e Floirat est architecte, dessinatrice et critique
d’art. Diplômée en Art & Design à l’ESAD de Reims et
en Design in context à la Design Academy de Eindhoven, elle se concentre aujourd’hui essentiellement à
l’écriture et au dessin.
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plate-spinning
Dieter Meier
Shape-shifting shaker-upper
A protean performer and conceptual artist—and an agitator, millionaire, professional poker player, writer, MTV video clip pioneer, CEO in the U.S., organic farmer in
Argentina and multidisciplinary industrialist in Switzerland—Dieter Meier is best known
for his deep, crooner’s voice floating over the layers of synthetic and industrial
sound in the Zurich electronic band Yello he founded more than 30 years ago with
Boris Blank. He was the subject of two exhibitions this last fall, In Conversation at
the Aargaeuer Kunsthaus in Switzerland and Dieter Meier and the Yello Years at Robert Wilson’s Watermill Center in Long Island, where artpress caught up with him.
like that. But it had nothing do with Chris
Burden. It’s a misunderstanding, if not
blasphemy, to think that doing harm to
yourself is an artwork. My work doesn’t represent anything; it is totally devoid of
meaning. People can’t help seeing meaning in everything. The search for meaning
makes life intolerable.
——
So you turned your back on the art scene. I
imagine you needed to find another reason to live pretty quickly. Is that when video
and music came into your life?
One day, I found myself with a 16 mm
camera in my hands and I began to make
short experimental movies that were well
received. I used the camera like a paintbrush and composed the settings with
all sorts of things I made, producing interminable moving frescos. Then I met
Boris Blank, with whom I later founded
Yello, in 1978. These films served as backdrops, with the musicians performing in
front of them. That’s how we staged all the
Yello video clips. MTV began to broadcast
them; this new format was called video
clips. Since at that time Yello never played
live, it was the only way to introduce our
band to the general public.
You’re the scion of a wealthy Swiss banking
family. What does one do when the world is
served up to you on a silver platter and the
word “impossible” isn’t in your vocabulary?
My father was a self-taught Zurich millionaire and an indulgent father. He wasn’t
worried about my professional future; he
used to say that he would have been very
happy if I didn’t do anything at all. That
level of comfort can be an advantage or an
obstacle. If you know that you can get
by even if you produce nothing, you say
to yourself that everything you take up
should really be worth it. That’s why, at the
age of 18, I became a professional poker
player. It was an attempt to escape into a
parallel world! Finding a reason to live
became a truly existential question.
In 1952, in the Black Mountain College cafeteria John Cage orchestrated Theater
Piece No.1, considered the first happening
in art history. In 1959, Yves Klein threw little bars of gold into the Seine. In 1964, in
Tokyo, Yoko Ono did her performance Cut
Piece. In the late 1960s you attracted attention with your own radical Situationist actions, as subversive as they were conceptual,
similarly advocating an immaterial art form
based on space and time. Were you
conscious of all this at the time?
I’ve always seen myself as someone who
was not only independent of any influences but ignored them. I’ve never felt
I had a calling to make art, or to not make
it. Music, video and art were total coincidences. In 1969 I began performing
pointless and useless acts in the streets of
Zurich. Five Days consisted of counting out
100,000 pieces of metal, then filling plastic bags with 1,000 pieces each in the public square in front of the Kunsthaus, for
five days, from 8 am to noon and then 1
pm to 6 pm. It had absolutely no meaning;
anyone could have done it. Walking came
the following year, in 1970, still in Zu« Behind Flowers ». 29 décembre 1976 – 30 janvier
1977. Kunsthaus Zurich. Dec. 29, 1976–Jan. 30, 1977
rich. I put an ad in a newspaper saying that
on July 13, 1970, from 6 to 7 pm, at the
Bellevueplatz, I would walk a distance of
20 meters in one hour. Then, in New York
in 1972, I did Yes and No, giving a dollar
to every pedestrian who said yes or no to
me. That was called art, and curators and
museum people got interested in my work.
This brought about my first exhibition,
at the Lucerne Kunstmuseum in1970. Then
in 1972, I was invited to participate in Documenta. My piece, Datum I, was a sign I
put up in the Kassel railway station on
June 27, 1972. It stipulated, “On March 23,
1994, between three and four o’clock in the
afternoon, Dieter Meier will stand on this
plaque.” Following that I did a number of
staged photos, sometimes appearing in
them, like Behind Flowers, Flying Sculptures and Jump. In 1977, after a solo
show at the Zurich Kunsthalle, I decided
I’d had enough of the art race and just quit.
If everything I was doing was very intuitive, it was also very existential. Despite
a pretty successful career and a series
of increasingly major shows, I hated being
judged for my work and I realized I couldn’t
be part of that system.
A REPRESENTATION OF NOTHING
In November 1971, Chris Burden put on
Shoot, a performance where he deliberately
had a friend shoot him. Nine months later, at a
cultural event reception in New York, you
stood straight, motionless, with a gun in your
hand, and at your feet was a sign that said,
“This man will not shoot.” There’s something
about this that I find even more alarming than
what Burden did, in that the threat is more
disturbing than the act itself.
That piece provoked a minor scandal.
During the first 20 minutes no one dared
come back into the room because they
thought I was some nutcase who was
going to shoot. The suggestion can be
more violent than the execution. That action is even more meaningful today than
it was back then, since the terrorist threat
would make it impossible to do anything
A FORTUNATE MISUNDERSTANDING
In terms of quality, Yello’s music and video
clips are almost perfect.
My philosophy has always been to take seriously the fact that you’re not taking
yourself seriously. So even if our work was
frivolous, still we were obsessively perfectionist about the music. That made us
seem very professional, even though
theoretically we didn’t have any musical
skills. Our approach was more like a personal invention. We sampled long before
you could do that with a computer. We recorded sounds, like the sound of a snowball hitting a wall, poof! Then we would
loop the tape—poof! poof poof!… That
would be our beat. We were true dilettantes. People must have found that original. If you don’t know how to play an
instrument, you have to find another way.
Many people consider you the godfathers of
techno. You’ve sold almost 14 million records. Are you going to try to tell me again
that Yello’s success was pure coincidence?
Of course, and it happens to be a funny
story. Frankie Crocker, a popular DJ at
the New York radio station WBLS, considered very hip in the 1980s, played our
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of cacao in chocolate, so that there doesn’t
have to be an insane addition of butter and
sugar. Right now I’m working on a marketing plan. I’m still making music and writing books for children. But above all,
what I’d like to do would be to make more
films, because that’s where I feel most
comfortable, with the least self-doubt.
« Yello, Tied-Up ». 1988. Album « Flag »
tunes on air. American listeners thought
we were two avant-garde African-American DJs from the West Coast. And that fortunate misunderstanding brought us our
first big hit. We made it to the top ten. All
the Latino and African-American clubs
played our music.
For a long time your name brought to mind
the band Yello; today it brings to mind your
work as an artist. Robert Wilson invited
you here to the Watermill Center for Dieter
Meier and the Yello Years; the Aargauer
Kunsthaus in Zurich is putting on the first
major retrospective of your work in
Switzerland. How did that happen?
Dropping out of the art race didn’t stop me
from continuing to produce art. For more
than forty years (1976-2010), I showed
my work in a totally unknown little gallery
in Zurich. That was what motivated me to
concretize my ideas. In 2010, I was about
to send the entirety of my work and archives to a remote location in the province of Mendoza, in Argentina, where I
have a ranch and space to store it all.
Then Harald Falckenberg, a major German
art collector, asked me to show my work
in a huge museum in Hamburg. Once
again, as always in my life, that came as
a great surprise. People had no idea of
what I had been doing for forty-four years.
In the end, isn’t your real motivation a quest
for recognition? Isn’t success more important than money?
My definition of art is very simple. It
comes from an ad for Heineken beer:
“Heineken refreshes the parts other beers
cannot reach.” I’d put it this way: “Art
refreshes the parts of your mind other
things cannot reach.” If your work is
shown in museums and seen by thousands of people, yes, obviously that’s
very satisfying. I’m really surprised that my
work is once again seeing the light of
day. Maybe that’s because now I have a
certain distance from my work that I previously lacked. It’s always flattering and,
what’s more, reassuring, when people
like your work. If all these new shows
turn me into a raving idiot, so be it. We’ll
see what happens! My advantage, of
course, is that I can’t be impressed or influenced by the money that success brings.
But paradoxically, I’ve always wanted to
make something and sell it. I have an
inner failed entrepreneur.
PUNK’S NOT DEAD
It seems that the failed entrepreneur has
done pretty well for himself. You have a
ranch in Argentina, Ojo de Agua, where
you make organic wine and raise cattle,
products that can be bought at your store of
the same name in Zurich or enjoyed at your
restaurant, the Bärengasse. You also own a
technology company specializing in audio
editing and you write for various newspapers.
The Dieter Meier brand is synonymous with
unrestrained creativity and subtle
subversiveness, and at the same time the entrepreneurial spirit and business smarts.
What’s next?
I’ve been working on writing short stories
for a long time. I’ve always had this slightly
crazy, vague idea of finishing the book in
Calcutta. So I’m going there this winter and
I won’t come back until my story is done.
In the meantime I’m working at the ITA
Technical School in Zurich. Together we’re
developing a method to preserve the taste
You recently put out a new album, Out of
Chaos. You’ve always made music and videos, always made art, always written,
never stopped growing your businesses.
What makes any format predominate is the
symbiosis, as you like to say.
Yes, that’s right. There’s never been much
of a separation between any of my activities. Even when I claimed to have left the
art scene I kept up my art practice at home,
and I injected it, in one way or another, into
my other projects like writing and films.
Each field has always fed into the others.
For example, I use some of the income
from the wine I make in Argentina for other
projects like Le Rien en or, an action where
I gilded 11 ordinary objects in downtown
Zurich, such as bridge railings, signs and
rainspouts. The highpoint of that installation was the Boule d’or centenaire presented on May 9, 2008 in the Zurich central
train station. The idea was to interrogate
travelers about nothingness and uselessness. The golden ball will roll down a
wooden plank eight times over a hundred
years at pre-determined dates.
Do your grape vines basically exist to support the Boule d’or project, or was the Boule
d’or created to give meaning to your wine?
I imagine that your talent as a high-quality
jack-of-all-trades makes people jealous in a
society where we continue to categorize
people into precise boxes. I’m a big fan of coloring outside the lines myself, and people
tend to suspect that it indicates a lack of expertise and superficial results.
I take advantage of opportunities, but
when you get down to it I don’t have any
particular talents. I run a restaurant Zurich,
produce wine in Argentina and still make
music, but I can assure you that I’m not a
restaurateur, enologist or musician. I’ve always felt that my personal growth is chaotic and anarchic, a bit like a Chinese
whirling plate juggler who has to keep
his sticks moving constantly to maintain
a lot of things in orbit simultaneously. In
my heart I’m still punk. I
Translation, L-S Torgoff
Clo’e Floirat is an architect, designer and art critic.
With a degree in art and design from the ESAD in
Reims and another in design in context from the Design Academy in Eindhoven, her current activities are
basically focused on writing and design.