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LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE DANS LA SPHÈRE D'INFLUENCE DU TRAVAIL POLICIER
AU COURS DE LA PÉRIODE 1990-1994{CONVGEGEVENS }
Article publié
Version draft : s.v.p. toujours référer à la version publiée :
DE HERT, P., 'La jurisprudence européenne dans la sphère d'influence du travail policier au
cours de la période 1990-1994. Partie 2: La privation de liberté au niveau policier, la lutte contre
le terrorisme, la perquisition, la saisie et la confication', Vigiles Revue de droit de police, 1997,
vol. 3, nr. 2, 32-47
Partie 2 la privation de liberté au niveau policier, la lutte contre le terrorisme, la perquisition, la saisie et
la confiscation
Paul DE HERT*
Dans le dernier numéro de 1996 de la revue Vigiles, un aperçu détaillé des décisions prises par la
Commission européenne et par la Cour européenne des Droits de l'Homme, liées au travail policier, a
été publié. Dans cette deuxième partie qui porte sur la jurisprudence de la période 1990-1994, Paul
De Hert s'attache aux jugements portant sur la durée de la privation de liberté au niveau policier, sur la
lutte contre le terrorisme et sur la mise en oeuvre de la saisie, de la confiscation et de l'assignation à
domicile dans la lutte contre la grande criminalité.
LES FORMES INJUSTIFIÉES DE PRIVATION DE LIBERTÉ
L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) porte sur le droit à la liberté.
Les motifs sur base desquels ce droit peut être limité par une privation de liberté sont énumérés dans
un certain nombre de sous-paragraphes. La détention préventive est ainsi possible lorsqu'il y a des
raisons plausibles de soupçonner qu'une personne a commis une infraction ou qu'il y a des motifs
raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après
l'accomplissement de celle-ci (art. 5, § 1 sub c). Dans le cadre d'une détention préventive de ce type,
l'appareil judiciaire procède à une privation de liberté des citoyens sur la base de soupçons
déterminés relatifs à des infractions commises. Par la privation de liberté, un long train judiciaire est
mis en marche. Ce n'est qu'à la fin, à savoir lors du jugement définitif prononcé par le juge, que la
culpabilité de la personne détenue peut être considérée comme prouvée.
Lors de chaque privation de liberté, un ensemble de droits sont en jeu. Un des ces droits consiste à
être présumé innocent jusqu'à ce que la culpabilité ait été légalement établie (cf. art. 6 par. 2 CEDH).
La privation de liberté a également une répercussion sur le droit au respect de la vie privée et familiale
(art. 8 CEDH). La police qui interdit à une personne détenue préventivement d'informer un membre de
*
Collaborateur scientifique, V.U.B.
1
sa famille de sa détention au bureau de police, viole ce droit . Toute privation de liberté doit pour ainsi
dire toujours être envisagée sous l'angle des droits procéduraux contenus dans la convention.
La pensée selon laquelle l'appareil judiciaire doit respecter au mieux le droit de chacun à la liberté et
surtout mettre fin à la privation de liberté est essentielle dans le cadre de ces droits procéduraux.
L'article 6 CEDH attribue dès lors le droit au suspect à une durée raisonnable de son procès2. L'article
5 CEDH énonce spécifiquement au sujet de la phase préliminaire du procès que toute personne
arrêtée ou détenue a le droit “d'être aussitôt traduite devant un juge et d'être jugée dans un délai
3
raisonnable ”. Dans l’article 5 CEDH, il n'y a pas que le droit à la célérité qui apparaît mais également
le droit à être traduit devant un juge4.
La personne en détention a donc le droit d'être jugée dans un 'délai raisonnable'. Une délimitation
précise entre délais raisonnables et délais non raisonnables n'existe pas. Dans une affaire suisse
datant de 1993, une détention préventive de quatre ans a même été considérée comme raisonnable5.
Le caractère raisonnable est examiné par la Cour dans chaque cas concret sur la base de critères
qu'elle a développés: la complexité de l'affaire, le comportement de l'intéressé et la manière dont les
autorités de poursuite ont traité l'affaire6. Ces critères apparaissent tant lors du jugement de la durée
raisonnable d'une privation de liberté (art. 5 CEDH) que lors du jugement de la durée raisonnable du
7
procès (art. 6 CEDH) . On doit tenir compte à chaque fois qu'une procédure doit non seulement être
rapide mais également équitable et respectueuse des garanties procédurales, ce qui peut impliquer un
8
certain délai .
1
Comm. eur.D.H., 19 mars 1981, plainte n° 8027, D.R., invoquée in JOUBERT, C., “Nieuwe rechten voor de
verdachte tijdens de garde à vue in de Code de procédure pénale: een overzicht van de herziening van de franse
strafvordering”, Del. en Delinkw., 1994, n° 3, p. 253.
2
Cf. DEN HARTOG, A., Artikel 6 EVRM: grenzen aan het streven de straf eerder op de daad te doen volgen,
Anvers, Maklu, 1992, pp. 1-24. Art. 6 par. 1 CEDH énonce: "Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". L'article 6 CEDH a toutefois une double fonction et
vise notamment à garantir qu'il ne soit pas procédé à la häte à un procès. Pour une discussion récente et complète
de la jurisprudence: GEKIERE, A., “De redelijke termijn van artikel 6 EVRM - Een stand van zaken”, TBP, 1996, pp.
511-518; ERGEC, R. et VELU, J., 'La notion de délai raisonnable dans l'article 5 et 6 de la Convention des droits de
l'homme - Essai de synthèse', RTDH, 1991, 137 et svts. Un seul exemple: dans Messina c. Italie, une période de 7
ans et 4 mois a été considérée comme violation de l'article 6 par. 1 CEDH, en dépit du fait que l'affaire était quelque
peu compliquée (Cour eur.D.H., Messina c. Italie, 26 février 1993, Série A, vol. 257-A). Pour une affaire belge: Cour
eur.D.H., Boddaert c. Belgique, 12 octobre 1992, Série A, vol. 235-D. Voyez à ce sujet: SWART, B., “The Case-Law
of the European Court of Human Rights in 1992”, E.J.C.C.L.C., 1993, n°2, p. 174: ERGEC, R. et SCHAUS, A., “La
convention européenne des droits de l'homme. Examen de jurisprudence 1990-1994', R.C.J.B., 1995, p. 389.
3
Une analyse très précise de l'article 5 CEDH est donnée par: MURDOCH, J., “Safeguarding the liberty of the
person: recent Strasbourg jurisprudence”, I.C.L. Quaterly, 1993, pp. 494-522; sous le terme 'privation de liberté', la
Cour comprend la période qui débute au moment de l'arrestation jusqu'à la privation de liberté au cours de l'enquête
préliminaire ou jusqu'au jour de la condamnation en première instance (Cour eur.D.H., B. c. Autriche, 28 mars 1990,
Série A, vol. 175, par. 34-40). Dans cette affaire, la Cour a jugé qu'une détention préventive au cours de la période
du 1er juillet 1980 au 16 novembre 1982 ne constituait pas une violation de l'article 5 par. 3 CEDH. L'intérêt du
jugement se situe toutefois ailleurs: au cours de la période avant 1990, la question du moment où la détention
prend fin n'était pas claire, notamment dans les pays où le droit interne prévoit que l'exécution d'une peine ne
débute qu'au moment où le jugement est définitif et où aucune voie de recours devant une instance supérieure n'est
plus possible. La Cour rappelle sa jurisprudence ancienne, selon laquelle la détention devient une peine le jour du
jugement en première instance. A ce sujet: SCHOKKENBROEK, J. et VAN DER VELDE, J., “Rubriek EVRM”,
NJCM, 1990, p. 498; MURDOCH, J., l.c., pp. 510-511, avec renvois.
4
MURDOCH, J., l.c., p. 509.
5
Cour eur.D.H., W. c. Suisse, 26 janvier 1993 (infra).
6
SWART, B., l.c., p.174; ERGEC, R. et SCHAUS, A., l.c., p. 365. Comparer: MURDOCH, J., l.c., pp. 510-515.
7
Le délai de l'art. 5, § 3 est interprété de manière plus rigoureuse par les juges européens que celui dont il est
question dans l'article 6 CEDH. Au sujet de la différnece dans l'approche; ERGEC, R. et VELU, J., l.c., p. 137 et en
particulier 159; RENUCCI, J.-F., “Droit européen des droits de l'homme”, Rec.D.Sir., 1992, p. 329. Voyez également
SPIELMANN, D., “L'exigence du délai raisonnable des articles 5, 3° et 6, 1° de la Convention européenne des droits
de l'homme et la jurisprudence luxembourgeoise”, R.T.D.H., 1991, p. 75.
8
ERGEC, R. et VELU, J., l.c., p. 137 et svts; MURDOCH, J., l.c., p. 519.
LES MOTIFS PERTINENTS DE PROLONGER UNE DÉTENTION
Pour une détention, les soupçons sérieux de l'implication d'une personne dans une infraction
constituent une condition sine qua non mais ils ne suffisent pas9. En l'absence de motifs pertinents et
10
suffisants (infra), il importe, après un certain temps, de mettre fin à la détention . La question cruciale,
surtout en matière de détention préventive, est de savoir si les autorités ont fait montre d'une vigilance
appropriée pour faire progresser l'enquête. Leur vigilance doit s'accroître au fur et à mesure que le
temps s'écoule. L’écoulement du temps et la durée de l'enquête rendent en effet douteux les motifs de
11
détenir quelqu'un . Cette implication des instances de poursuite dans la progression de l'enquête est
entre autres perçue à travers les motifs avancés lors de leur demande de prolongation de l'enquête.
Les motifs pertinents et suffisants de prolonger une détention peuvent être les suivants: la complexité
ou la gravité de l'affaire, la réaction sociale ou le trouble de l'ordre public que l'infraction cause, la
possibilité de récidive ou la fuite, la pression exercée sur les témoins ou la collusion12. Si une affaire
n'est pas trop complexe et si les retards dans l'enquête ne sont pas causés par le suspect, il est plutôt
vite admis que le délai n'est pas raisonnable, pour autant que les instances de poursuite n'ont pas fait
montre d'activité13.
Kemmache, soupçonné de faux monnayage, a été mis quatre fois en détention à partir de février
198314. Les motifs invoqués par la France ont été scrupuleusement examinés par la Cour et ont été
considérés comme moins crédibles dans une phase ultérieure de l'enquête. La Cour a en effet conclu
qu'il n'existait plus, à partir de 1986, de motif important pour la (prolongation de la) détention et
reproche aux juges français d'avoir apprécié la détention de Kemmache de manière purement
abstraite, sans avoir vérifié si la prolongation de la détention s'imposait réellement en raison
d'impératifs d'ordre public. En fait, les juges français ont mâché la besogne à la Cour. Ils avaient ainsi
même fait comprendre qu'il existait peu d'émoi dans les milieux financiers à propos de délits de ce
type, commis par de petits poissons comme Kemmache. Ils ont en outre déclaré que le risque de fuite
en cas de libération de Kemmache n'était pas très important. Sur la base de ces données, la Cour n'a
donc eu aucune peine à rejeter les arguments avancés a posteriori par la France pour justifier la
longue détention. L'argument invoqué par le Gouvernement français, selon lequel une libération aurait
permis à Kemmache de mettre sous pression des témoins et des co-accusés n'a pas amené la Cour
à changer d'avis. La France a été condamnée pour violation de l'article 5 CEDH. L'arrêt fait clairement
comprendre qu'aux yeux de la Cour, la vraie raison des retards dans le dossier de Kemmache doit
être imputée à l'inactivité des instances françaises de recherche. Une année plus tard, il y a encore eu
15
une condamnation des autorités françaises de poursuite en raison de leur inactivité . La détention de
Tomasi a traîné pendant cinq ans et sept mois. La France invoque à nouveau en vain un certain
nombre de motifs pertinents pour justifier la longue détention, motifs qui ont toutefois été considérés
par la Cour comme trop légers. L'existence de longues périodes d'inactivité ressortait de manière
incontestable du dossier. La violation de l'article 5 CEDH et du droit à un jugement immédiat était
irréfragable.
DES DÉLAIS ABSOLUS POUR CLÔTURER UNE ENQUÊTE?
9
Cour eur.D.H., Kemmache c. France, 27 novembre 1991 et 2 novembre 1993, Série A, vol. 218 et 270-B; Cour
eur.D.H., Clooth c. Belgique, 12 décembre 1991, Série A, vol. 225.
10
Cour eur.D.H., Tomasi c. France, 27 août 1992, Série A, vol. 241-A; Cour eur.D.H., Letellier c. France, 26 juin
1991, Série A, vol. 207. Mme Letellier est restée du 8 juillet 1985 au 10 mai 1988 (jour du jugement) en détention
parce qu'elle était soupçonnée de complicité dans l'assassinat de son époux. Dans cette affaire, la Cour était d'avis,
à l'instar de la Commission, qu'il y avait une violation de l'article 5 al. 3 CEDH parce qu'une certaine partie de la
détention préventive ne reposait plus sur des motifs pertinents et suffisants. Le risque qu'elle soit en mesure de
mettre des témoins sous pression en cas de libération était peut-être réel mais a disparu au fil du temps.
11
Cf. Cour eur.D.H., Kemmache c. France, 27 novembre 1991, Série A, vol. 218.
12
ERGEC, R. et SCHAUS, A., l.c., pp. 363-364.
13
ERGEC, R. et SCHAUS, A., l.c., p. 365.
14
Cour eur.D.H., Kemmache c. France, 27 novembre 1991 et 2 novembre 1993, Série A, vol. 218 et 270-B.
15
L'affaire de Tomasi qui était soupçonné d'être impliqué dans le Front de libération corse et qui a été victime, au
cours de sa détention, de violence policière, a été discutée dans Vigiles, 1996, 4, p. 34.
L'obligation d'examiner dans chaque affaire le caractère raisonnable d'un délai fait qu'il n'existe pas de
délais absolus. Une détention de deux ans peut constituer, dans certains cas, une transgression du
délai raisonnable et dans d'autres, non16. Le bandit suisse W. est demeuré plus de 4 ans en détention,
ce qui constitue une longue période. Ce délai n'a toutefois pas été qualifié à Strasbourg de non
raisonnable, étant donné le risque de fuite, le danger de collusion et surtout l'activité réelle des
enquêteurs dans une affaire dont la complexité n'a pas été contestée. L'enquête suisse relative aux
délits économiques commis par W. a en effet débouché sur un dossier judiciaire de plus de 120
17
mètres de long .
L'affaire Toth c. Autriche est une affaire caractéristique des conséquences de l'inactivité des instances
18
de poursuite . L'Autrichien Toth était soupçonné de fraude. Sa détention a duré deux ans et un mois
et a été prolongée quatre fois. Il a interjeté à chaque fois appel, ce qui a fait traîner son affaire.
L'Autriche ne connaissait apparemment pas l'existence des photocopieuses. Au lieu de continuer
l'enquête et de travailler à l'aide de photocopies dans la procédure de détention, le dossier original a
transité, au cours de la bataille procédurale portant sur la détention, d'une juridiction à l'autre.
L'enquête était entre-temps au point mort. Tant d'amateurisme a rencontré peu de sympathie à
Strasbourg qui invoqua à l'unanimité l'article-couperet 5, § 3 CEDH19.
Le Belge Clooths a été enfermé parce qu'il était soupçonné d'être impliqué dans un assassinat. Sa
détention a duré plus de trois ans. La Belgique a invoqué en vain à Strasbourg un certain nombre de
motifs pertinents. Ici également l'enquête a subi des retards à cause entre autres du remplacement
répété des juges d'instruction. Tout comme dans l'affaire Kemmache, on a en outre constaté un
examen trop abstrait des demandes de prolongation. La détention a été à chaque fois motivée par des
formules stéréotypées20. Le danger de fuite en cas de libération de Clooth n'a été avancé qu'après 2
ans et 7 mois, sans que ce danger ne soit fondé sur de solides arguments. L'argument selon lequel
Clooth récidiverait en cas de libération est quelque peu plus crédible. Cet argument est, selon la Cour,
le plus sérieux et peut constituer un motif pertinent pour prolonger la détention21. L'argument échoue
toutefois dans le cas de Clooth. L'avis d'un expert visant à faire traiter au plan psychiatrique Clooth a
en effet été négligé par les juges belges. Il en ressort donc qu'il n'a pas été pris au sérieux et que le
risque de récidive était considéré comme minime. Il en découle que l'affaire de Clooth a traîné de
manière non raisonnable. La violation de l'article 5, § 3 CEDH par notre pays a été considérée comme
prouvée.
LA DÉTENTION PRÉVENTIVE ET LA RÉCIDIVE (PAYS-BAS)
Aux Pays-Bas, fin 1994, le problème de la récidive, spécifiquement dans le domaine des fréquentes
22
atteintes aux biens, a conduit à une adaptation de la réglementation . Avant la loi, la détention
préventive était admise en cas de soupçon d'un fait puni d'une peine d'emprisonnement de quatre ans
ou plus et en cas de risque de récidive (risque que le suspect commette une nouvelle infraction
16
Cour eur.D.H., B. c. Autriche, 28 mars 1990, Série A, vol. 175 (la détention préventive du 1er juillet 1980 au 16
novembre 1982 n'est pas une violation de l'article 5 par. 3 CEDH); Cour eur.D.H., Letellier c. France, 26 juin 1991,
Série A, vol. 207 (la détention de deux ans et neuf mois constitue une violation).
17
Cour eur.D.H., W. c. Suisse, 26 janvier 1993, Série A, vol. 254.
18
MURDOCH, J., l.c., p. 513.
19
"Aboutissant en pratique à suspendre l'instruction durant l'examen de la question du maintien de la détention (...)
il se conciliait mal avec l'importance du droit à la liberté garanti par l'article 5, § 1 de la Convention." (Cour eur.D.H.,
Toth c. Autriche, 12 décembre 1991, Série A, vol. 224, par. 77). Cf. MARCUS-HELMONS, “La durée de la détention
provisoire et la nécessité d'une procédure contradictoire lors des demandes d'élargissement”, R.T.D.H., 1993, p.
544.
20
Cour eur.D.H., Clooth c. Belgique, 12 décembre 1991, Série A, vol. 225; SCOUFLAIRE, I., “Le délai raisonnable
de la détention provisoire”, R.T.D.H., 1992, p. 517.
21
Comparer à l'affaire Herczegfalvy, discutée dans Vigiles, 1996, 4, p. 31.
22
Wet van 21 december 1994 tot partiële wijziging van het Wetboek van Strafvordering (herziening bepalingen
inzake gevallen waarin en gronden waarop voorlopige hechtenis kan worden toegepast), Stb., 1995, n° 31. Entrée
en vigueur à la date prévue par A.R., à savoir le 1er avril 1994 (Inwerkingtredingsbesluit van 7 maart 1995, Stb.,
1995, n° 131). Voyez également “Gronden voor voorlopige hechtenis uitgebreid”, N.J.B., 31 mars 1995, p. 504 et
N.J.B., 1995, n° 5, p. 224.
sanctionnée d'une peine de six ans ou plus). L’application de la détention préventive en cas de
récidive a donné lieu à des problèmes pratiques. Beaucoup d’atteintes aux biens moins importantes
sont notamment soumises à une peine éventuelle de quatre ans maximum, de sorte que la police ne
pouvait pas garder un suspect récidiviste en détention préventive et qu'elle devait le laisser en liberté
après la rédaction du procès-verbal. La nouvelle loi introduit dès lors la détention préventive pour un
certain nombre d'atteintes aux biens qui auparavant n'étaient pas concernées (vol, recel). Les
suspects récidivistes des fréquentes atteintes aux biens, telles les vols à l'étalage, peuvent désormais
être placés en détention préventive. Ces délits doivent être commis endéans les cinq ans après que le
suspect a été condamné sans appel pour un même délit; il doit également y avoir un risque de
récidive. L'extension de la détention préventive offre en outre la possibilité de contraindre cette
catégorie de toxicomanes, qui témoignent d'un comportement combiné de commission fréquente
d'atteintes aux biens et qui provoquent une surcharge en raison d'une détention préventive suivie
d'une suspension probatoire, à suivre un traitement23.
LA PRIVATION DE LIBERTÉ FONDÉE SUR DES OBJECTIFS POLICIERS
Nous avons déjà dit que l'article 5 CEDH énonce les motifs sur base desquels une privation de liberté
est possible. Un de ces motifs permet la privation de liberté dans le cadre des missions de police
judiciaire, plus en particulier en vue de poursuites devant le juge (art. 5, § 1 sub c). Dans cette forme
de détention, l'intéressé dispose non seulement du droit d'être jugé dans un délai raisonnable, mais
également de celui d'être conduit 'aussitôt' devant un juge ou devant toute autre autorité habilité par la
loi à exercer des fonctions judiciaires (art. 5, par. 3)24. Ce droit ne vise pas tant à accélérer la
détention préventive mais plutôt à permettre le contrôle judiciaire 'aussitôt' après la limitation du droit à
25
la liberté par la police . Le concept 'aussitôt' doit être compris de la manière la plus littérale possible
et n'autorise à Strasbourg que peu de marge26. Le maximum semble être quatre jours27, ce qui
indique que l'exigence d'immédiateté se révèle plutôt positive pour la police.
Même au sein de cette marge large, la police militaire néerlandaise paraît être un très mauvais élève.
Après trois condamnations en 1984 pour des détentions sans intervention judiciaire de six à quatorze
28
jours , une nouvelle condamnation a suivi en 1991 dans l'affaire Koster. Koster, un milicien
récalcitrant, n'a été conduit devant un juge militaire néerlandais que cinq jours après sa détention, ce
qui, selon la Cour, est en contradiction avec la condition d'immédiateté contenue dans l'article 5, § 3
CEDH29. Les Pays-Bas ont invoqué un argument déjà utilisé en vain dans les trois affaires de 1984. Il
n'aurait pratiquement pas été possible de conduire, pendant des exercices militaires tenus au cours
d'un week-end, immédiatement le milicien récalcitrant devant un juge. Cet argument douteux (à la
guerre comme à la guerre) n'a pas été jugé, tout comme en 1984, sérieux par la Cour.
La condition d'immédiateté ne devient réellement intéressante que lorsqu'on la confronte aux pays qui,
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée, prévoient volontairement de
longues détentions policières. Le Prevention of Terrorisme Act britannique de 1984 tendait à permettre
une privation de liberté policière pour une période de sept jours. Une telle compétence est clairement
en contradiction avec la condition d'immédiateté. Quatre Irlandais britanniques (Terence Brogan,
Dermot Coyle, William McFadden et Michael Tracey) séjournant en Irlande du Nord sont soupçonnés
d'être impliqués dans des faits de terrorisme et sont arrêtés en 1984. Quatre à six jours plus tard, on
23
La loi contient également la possibilité pour le ministère public de compléter ou de modifier les faits pour lesquels
la détention préventive est ordonnée. On évite ainsi que différentes détentions préventives existent côte à côte. Elle
offre également la possibilité au juge de traiter plus de faits en même temps ou joints.
24
Au sujet de la relation étroite entre § 3 et § 1 de l'article 5 CEDH et l'application du § 3 à d'autres formes de
détention que celles prévues dans le § 1: MURDOCH, J., l.c., pp. 507-508.
25
MURDOCH, J., l.c., p. 518. Voyez également le quatrième paragraphe de l'art. 5 CEDH.
26
Cour eur.D.H., Brannigan et McBride c. Royaume Uni, 26 mai 1993, Série A, vol. 258-B.
27
MURDOCH, J., l.c., 509, avec renvoi à la jurisprudence.
28
Cour eur.D.H., De Jong, Baljet et Van Den Brink; Cour eur.D.H., Van Der Sluijs, Zuiderveld et Klapp; Cour
eur.D.H., Duinhof et Duif, tous c. Pays-Bas 22 mai 1984, Série A, (resp.) vol. 77, par. 52-53; vol. 78, par. 49; vol. 79,
par. 41.
29
Cour eur.D.H., Koster c. Pays-Bas, 28 novembre 1991, Série A, vol. 221.
30
plus tard, on les libère chacun individuellement sans les conduire devant un juge . En 1989, le
Royaume-Uni est condamné à Strasbourg pour cette privation de liberté de Brogan et des trois autres
Irlandais. Selon la Cour, les périodes de quatre à six jours dépassent les délais stricts qui peuvent être
compris sous le terme 'aussitôt'. Le droit à être conduit immédiatement devant un juge perdrait son
sens si l'on juge ces longues périodes compatibles avec l'article 5, § 1, sub c CEDH. En 1989, Peter
Brannigan et Patrick McBride sont pris et arrêtés environ pendant cinq jours. Au cours de ces cinq
jours, Brannigan est interrogé 43 fois et McBride, 22. Lorsque leur affaire passe en 1993 devant la
31
Cour, aucune condamnation ne s'est ensuivie . Bien que les faits soient à plus d'un égard apparentés
à l'affaire Brogan, la Cour n'a pas conclu à une violation de l'article 5, § 3 CEDH. Comment peut-on
expliquer ce changement d'orientation dans la jurisprudence de la Cour relative à la condition
d'immédiateté de l'article 5 CEDH?
Dans l'article 15, la CEDH permet aux Etats, par le biais d'une procédure particulière 'en cas de guerre
ou en cas d'autre danger public’ à déroger à quasi toutes les dispositions de la convention et à limiter
ou même à supprimer les droits fondamentaux qu'elle contient. Cette disposition énonce que des
circonstances particulières comme la guerre, le terrorisme et la mafia mettent gravement l'Etat de
droit à l'épreuve et peuvent justifier l'engagement de mesures particulières. Etant donné que les Etats
32
recourent parfois en cas de nécessité à des moyens illégaux , l'article 15 CEDH impose des limites
aux mesures possibles en cas de situation d'urgence. Tout Etat qui invoque un état d'urgence pour
écarter certains droits fondamentaux ou pour les limiter fortement doit en informer le Secrétaire
Général du Conseil de l'Europe et lui donner les motifs qui inspirent ce choix (cf. art. 15 CEDH in fine).
La disposition tranche en tant que telle entre les moyens légaux et les moyens illégaux: tous les droits
fondamentaux ne peuvent pas être limités33 et les mesures prises ne peuvent aller plus loin que ne
l'exigent la situation et doivent être limitées dans le temps pour que les dispositions de la convention
puissent à nouveau être entièrement appliquées.
Après la condamnation dans l'affaire Brogan, le Royaume-Uni a de nouveau déposé une déclaration
34
d'état d'urgence de ce type pour que la privation de liberté policière de sept jours, prévue dans le
Prevention of Terrorisme Act britannique, puisse quand même être utilisée, malgré la condition
d'immédiateté de l'article 5, § 3 CEDH35. C'est cette déclaration qui explique le changement
d'orientation de la Cour dans l'affaire Brannigan et McBride. Après que la Cour a constaté la violation
de l'article 5, § 3 CEDH et a donc indiqué que Brannigan et McBride n'ont pas été conduits
immédiatement devant un juge, elle a examiné si l'état d'urgence invoqué (et la déclaration déposée)
justifiait la violation de la convention. Cela semble le cas: le Royaume-Uni n'a pas invoqué à la légère
la situation d'exception et a entouré autant que possible la détention policière de garanties (possibilité
de contrôle ministériel (habeas corpus) et assistance d'un avocat et d'un médecin). Plus d'un
commentateur s'est étonné de l'absence de critique de la Cour à l'égard des arguments invoqués par
les Britanniques pour expliquer une détention policière de longue durée. Les Britanniques ont expliqué
30
Cour eur.D.H., Brogan e.a. c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988 et 30 mai 1989, Série A, vol. 145-B et 152-B;
TANCA, A., 'Human Rights, Terrorism and Police Custody', EJIL, 1991, n° 2, 269-277.
31
Cour eur.D.H., Brannigan et McBride c. Royaume-Uni, 26 mai 1993, Série A, vol. 258-B, LOOF, J-P., “Brogan en
de staatsnood van artikel 15 EVRM, of hoe het Europees Hof Noord-Ierland een noodtoestand bezorgde”, NJCM,
1993, n ° 7, 793-810; LEDURE, Ch., “Garanties minimales contre la détention arbitraire et pour le droit à un procès
équitable en période d'exception”, RBDI, 1994, n ° 2, pp. 632-690.
32
Cf. les affaires suivantes discutées dans un numéro précédent de Vigiles: Castells c. Espagne: (sanction en
raison de l'information sur les assassinats policiers commis sur des dissidents basques): Vigiles, 1996, 4, p. 35 et
Tomasi c. France (violence policière en raison de l'implication supposée dans le Front de libération corse): Vigiles,
1996, 4, p. 34. Dans cette dernière affaire, la Cour a souligné que ni les nécessités de l'enquête, ni les difficultés
indéniables dans la lutte contre la criminalité terroriste ne portent atteinte au droit de la personne à l'intégrité
physique, contenu dans l'art. 3 CEDH (par. 115 de l'arrêt).
33
Cf. art. 15, § 1 CEDH. Certains droits ne permettent aucune atteinte, selon l'art. 15, § 2 CEDH. Il s'agit du droit
absolu à la vie, à l'intégrité physique, l'interdiction de la torture, le traitement inhumain ou dégradant, le fait d'être
tenu en esclavage ou en servitude, le principe de légalité en droit pénal ainsi que le droit non bis in idem (cf. art. 15,
§ 2 CEDH).
34
Le Royaume-Uni avait déjà, à plusieurs reprises dans le passé, fait usage de l'article 15 afin d'écarter certaines
garanties de la Convention dans la lutte contre le terrorisme d'Irlande du Nord. Lorsqu'il a levé l'état d'urgence en
1984, la condamnation dans l'affaire Brogan a rapidement suivi à Strasbourg.
35
L'explication a été déposée le 23 décembre 1988.
que les mesures comme l'arrestation administrative prolongée et l'interrogatoire policier intensif sont
nécessaires parce que la police agit souvent sur la base d'informations dont ni la nature ni la source
ne peuvent être communiquées au suspect ou à son avocat, à peine de risques pour les informateurs
de la police et de perte d'informations futures importantes. Dans une procédure judiciaire, telle qu'elle
est exigée par l'article 5, § 3 CEDH, des informations de ce type seraient communiquées au suspect
ou à sa défense, ce qui doit être évité36.
LA CENSURE DE LA PRESSE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Il ressortait déjà de l'affaire Castells c. Espagne - le député qui a été poursuivi au plan pénal parce
37
qu'il avait évoqué dans la presse les commandos de la mort protégés par la police espagnole - que
les Etats, dans la lutte contre le terrorisme, étaient irrités par la place et le rôle d’information et de
contrôle de la presse. Dans l'affaire Brind c. Royaume-Uni de 1994, un ordre donné par le Secretary of
State for the Home Departement britannique à la BBC (Britisch Broadcasting Corporation) et à la IBA
(Independent Broadcasting Authority) a fait l'objet de discussions. Les deux radios ont reçu l'ordre de
ne plus donner la parole aux membres d'associations terroristes et aux membres du Sinn Fein (l'aile
politique de l'IRA). L'interdiction de diffusion ne s'appliquait pas aux informations relatives aux activités
des membres du parlement du Sinn Fein. La Commission a refusé de considérer cet ordre comme
une violation de l'article 10 CEDH qui contient un droit à la liberté d'expression. Etant donné la grande
liberté dont disposent les Etats dans le choix des moyens dans la lutte contre le terrorisme et étant
donné le caractère proportionnellement limité et équilibré de l'ordre, la demande de condamnation de
l'ordre britannique, formulée par Brind et d'autres journalistes, a été rejetée38.
LES TECHNIQUES POLICIÈRES DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
La lutte contre le terrorisme, telle qu'elle est conçue dans certains milieux, exige une rupture par
rapport aux principes traditionnels de la recherche de la vérité et à un ensemble de droits procéduraux
contenus dans la CEDH. Nous avons déjà vu une première technique au sein de laquelle un droit
procédural est sacrifié: elle consiste à retarder l'intervention du juge lors d'une privation de liberté et
39
même à l'éviter . Une deuxième technique est présente dans l'affaire Brannigan et McBride, où l'on
reconnaît, dans la lutte contre le terrorisme, le droit à protéger les sources policières, non seulement à
l'égard du suspect et de la défense mais également à l'égard de la magistrature: "On ne peut
qu'admettre, avec la Cour et dans la ligne de sa jurisprudence Klass, que l'utilisation d'informations
confidentielles est primordiale pour lutter contre le terrorisme et que la poursuite des infractions
terroristes a des exigences spéciales40”.
Une troisième rupture par rapport à la tradition découle du travail sur base de suppositions, de
soupçons vagues, de soupçons ou renseignements non vérifiés. La police se fonde ici sur des
informations qui permettent rarement de conduire avec succès une personne devant le juge et qui, en
raison de leur nature, ne sont pas aptes à être actées dans des procès-verbaux. Ces informations
n'en sont pas pour autant sans valeur. Aux mains de la police, elles peuvent représenter d'éventuelles
pistes et une source de connaissances qui peut être utile dans l'avenir et sur base de laquelle on peut
examiner le passé de certaines personnes. Cette 'technique' est étroitement liée aux deux exemples
précédents.
C’est à nouveau l'article 5 CEDH qui pose problème dans le cadre de telles techniques. Cette
disposition exige, en premier lieu, qu'il y ait, pour une privation de liberté judiciaire, des motifs
36
Un autre argument britannique qui a fait impression sur la Cour porte sur la position vulnérable de la
magistrature. Son intervention entacherait son blason d'indépendance au sein de la population; le risque
d'intimidation psychique est également présent, ce qui moins pertinent pour la police.
37
Vigiles, 1996, 4, p. 35.
38
Comm.eur.D.H, Brind e.a. c. Royaume-Uni, mai 1994, plainte n ° 18714/91, EHRR, (Commission Supplement),
vol 18, 76-93.
39
Nous reviendrons sur une question relative à l'affaire Brogan, à savoir la question de savoir si l'art. 5, § 1 sub c
CEDH contient l'obligation d'amener la personne faisant l'objet d'une arrestation judiciaire devant le juge.
40
MASSIAS, F., 'Droits de l'homme', Rev.sc.crim., 1995, avril-juin, p. 386.
plausibles de soupçonner qu'une personne a commis une infraction ou qu'il y a des motifs
41
raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction (art. 5, § 1 sub c) .
42
L'article 5 CEDH ne permet pas une privation de liberté arbitraire et contraint la police à objectiver
d'une certaine manière sa décision à procéder à la détention d'une personne: il doit y avoir des indices
43
suffisants et raisonnables de soupçonner une personne d'une infraction . Le fait de travailler sur base
d'informations douces et vagues et de soupçons est également problématique et ne donne que
rarement lieu à une action policière immédiate. Le paragraphe cité dans l'article 5 CEDH exige ensuite
que les actions policières qui conduisent à une limitation de la liberté dans le cadre des missions de
police judiciaire aient lieu dans le but de conduire l'intéressé devant le juge. La technique consistant à
reporter ou même à éviter l'intervention du juge ne paraît donc pas possible.
Nous allons toutefois voir que les deux garanties abordées et contenues dans l'article 5 CEDH ont
perdu de l'importance. Tant la Commission que la Cour se sont en effet montrées dans le passé
souples à l'égard des corps de police qui, sur la base d'instincts professionnels subjectifs, procèdent à
l'interception de citoyens. En raison de l'importance qu’il y a à 'contrôler les mouvements
internationaux de terroristes', la Commission a accepté, en 1981, la détention frontalière de plus de
deux jours de McVeigh, O'Neil et Evans, voyageant d'Irlande vers la Grande-Bretagne44. Un recours à
l'article 5, § 1 sub c CEDH a été évité sur une base contestable, de sorte que la détention ne doive
45
pas être examinée sous l'angle du caractère raisonnable .
La Cour s'est également montrée très souple dans l'affaire Brogan datant de 1988. Bien que le
Royaume-Uni n'ait pas déposé, conformément à l'article 15 CEDH, de déclaration d'état d'urgence au
cours de l’année 1988, la Cour va quand même tenir compte, lors du jugement de l'affaire, de la
gravité du terrorisme irlandais. Il a été reproché aux quatre Irlandais d'être impliqués dans des actes
de terrorisme, ce qui a conduit à leur privation de liberté. Le fait que l'implication dans des actes de
terrorisme soit un chef d'accusation très vague ne semble pas avoir touché la Cour, bien qu'elle
reconnaisse elle-même qu'il ne s'agit pas d'une définition précise de délit. A l'opposition avancée par
Brogan et ses camarades, selon laquelle leur arrestation n'a pas eu lieu en vue de la conduite devant
un juge, ce qui est contraire à l'art. 5, § 1 sub c CEDH, la Cour répond que la disposition citée
n'impose pas une obligation de résultat: le manque de preuves suffisantes ou le danger pour la
sécurité de tiers en cas de présentation des preuves peuvent constituer des motifs pour ne pas
présenter l'affaire devant le juge. L’article 5, § 1 sub c CEDH "does not presuppose that the police
should have obtained sufficient evidence to bring charges, either at the point of arrest or when the
applicants were in custody46”. En l'espèce, rien n'indiquait que la privation de liberté ne tendait pas à
parachever l'enquête de police en vue de compléter ou d'infirmer les soupçons concrets qui étaient à
l'origine de la privation de liberté. La privation de Brogan était donc initialement légitime47. L'affaire
Brogan nous apprend que la police peut, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mettre
quelqu'un en détention sur la base de soupçons concrets, même s'il est établi que ces soupçons
doivent être examinés davantage au cours de la détention. Somme toute une marge étendue. Comme
nous l'avons vu, Brannigan et McBride ont été interrogés 20 à 40 fois en quelques jours, ce qui montre
que bon nombre de recherches sont parfois encore nécessaires.
41
Jan DE MEYER paraît admettre que les concepts utilisés 'délais raisonnables' et 'motifs raisonnables' dans le
sous-paragraphe c. présentent le même contenu (DE MEYER, J., “Article 5, § 1”, in PETTITI, L.-E., DECAUX, E. et
IMBERT, P.-H., La convention européenne des droits de l'homme, Paris, Economica, 1995, pp. 194-195
42
Cour eur.D.H., Wassink c. Pays-Bas, 27 septembre 1990, Série A, vol. 185-A.
43
Cour eur.D.H., Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990 et 27 mars 1991, Série A, vol. 182.
44
Cour eur.D.H., McVeigh, O'Neill et Evans c. Royaume-Uni, plainte n° 8022/, 8025/ et 8027/77, D.R., 15, par. 192.
45
MURDOCH, J., l.c., 496 et 502. Le Royaume-Uni a eu recours à un des cinq autres sous-paragraphes de l'article
5 CEDH relatif aux différents motifs pour la privation de liberté. Il a été plus particulièrement fait appel à l'article 5,
par. 1 sub b CEDH qui permet la privation de liberté en vue d'assurer le respect d'une obligation prescrite par la loi,
en l'espèce le contrôle frontalier et la constatation de l'identité et des antécédents. L'ensemble de l'opération était
toutefois une exécution de la législation sur le terrorisme, de telle sorte qu'il n'existe pas de doute quant à
l'application de l'article 5, par. 1 sub c CEDH, ce que la Commission ne semble d'ailleurs pas attaquer.
46
Cour eur.D.H., Brogan e.a. c. Royaume-Uni, l.c., par. 53.
47
La Cour a toutefois constaté une violation de la condition d'immédiateté contenue dans l'article 5, par. 1 sub c
CEDH (supra).
Nous avons vu que l’arrestation d’une personne suspecte (n')est possible (que) '“orsqu'il y a des
raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction (art. 5, § 1, sub c CEDH)”. La
question relative à l'existence de tels soupçons est à l'ordre dans l'affaire de principe Fox, Campbell et
Hartley c. Royaume-Uni48. En 1968, les plaignants sont sortis de leur voiture, ont été arrêtés et mis en
sûreté parce qu'ils étaient soupçonnés de terrorime. Fox et Campbell avaient déjà été condamnés
auparavant pour des faits de terrorisme. Tous les trois ont été interrogés au sujet de faits terroristes
spécifiques. Ils ont été libérés deux jours plus tard sans avoir été conduits devant un juge. Le Northern
Ireland Emergency Provisions Act de 1978 permet à la police d'arrêter quelqu'un en cas de soupçon
'sincère' ou 'honnête' d'implication dans le terrorisme (art. 11 de la loi). A Strasbourg, la Cour qualifie
ce point de la loi d’insuffisant. De tels soupçons ne peuvent certainement pas être mis sur le même
pied que les 'soupçons raisonnables' au sens de l'article 5 CEDH. Il n'y a que les soupçons
raisonnables qui soient conformes à la Convention. L'article 5, § 1 sub c est violé lorsque, aux yeux
d’un observateur extérieur, les indices raisonnables sont insuffisants pour soupçonner une personne
d'une infraction. On peut maintenant se demander si ceux-ci étaient présents dans le cas de Fox,
49
Campbell et Hartley . En d'autres termes, la Cour n'examine pas la base légale mais l'application
concrète pour voir si le droit de la convention est respecté.
Lors de l'examen au fond, l'attitude souple de la Cour ressort à nouveau. Le caractère raisonnable
d'un soupçon dépend, selon la Cour, de l'ensemble des circonstances. En cas de soupçons
d'implication dans des faits terroristes, on ne peut en outre pas toujours attendre de la police qu'elle
diffuse des informations ou même des faits susceptibles de conduire à la divulgation de sources
confidentielles. La Cour exige toutefois la présentation d'au moins quelques faits ou informations pour
que l'on puisse examiner les événements à la lueur du caractère raisonnable de l'article 5 CEDH50.
Cette motivation minimale de la privation de liberté de Fox et de ses compagnons paraît toutefois être
trop exigeante aux yeux des Britanniques. Etant donné que les faits avancés par le Gouvernement
britannique sont insuffisants pour conclure à l'existence de soupçons raisonnables à l'égard de Fox,
Campbell et Hartley, la Cour est contrainte de constater une violation de l'article 5, § 1, sub c CEDH.
Le passé judiciaire de Fox et de Campbell ne constitue pas un motif suffisant pour conférer aux
soupçons sincères de la police un caractère raisonnable.
En dépit du déroulement concret de l'affaire, on doit constater sur le plan des principes que la boucle
est bouclée: les soupçons concrets peuvent être établis par des interrogatoires de police et s'ils ne
livrent aucun résultat, la libération est possible sans procédure devant le juge. L'esprit découle de
l'article 5 et de son sous-paragraphe c.
UNE INTERDICTION DE LA PRIVATION DE LIBERTÉ PUREMENT PROACTIVE
Cherchons-nous midi à quatorze heures? Il n'y a en effet pas eu de condamnation des compétences
britanniques en matière de terrorisme, ni dans l'affaire Brogan, ni dans l'affaire Fox. Les
condamnations sont en partie dues aux faits établis. Les jugements antérieurs de la Cour et de la
Commission indiquent plutôt une attitude indulgente de Strasbourg à l'égard des compétences en
matière de terrorisme51, ils incitent à les développer effectivement. Dans les affaires McVeigh, O'Neil
et Evans, on a également souligné l'importance qu’il y a pour les Etats de 'contrôler les mouvements
internationaux de terroristes' (supra). Dans l'affaire Fox, Campbell et Hartley, on dit que la convention
ne peut pas créer d’obstacles disproportionnés dans le chef des Etats qui doivent tenir tête au
terrorisme52. Ce qui nous semble fondamental dans tous les jugements pertinents sont les points
suivants: la prise en considération du terrorisme lors de la condamnation des violations CEDH dans
des affaires où il n'est pas fait usage de l'article 15 CEDH (Klass, Brogan), le fait ne de pas rendre
obligatoire dans tous les cas le contrôle judiciaire (Brogan), le droit qu'a la police de masquer les
48
Cour eur.D.H., Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990 et 27 mars 1991, Série A, vol. 182 et 202.
La Cour considère qu'il ne lui incombe pas d'évaluer de manière générale la législation contestée, contraire à
l'art. 5 CEDH, mais elle en examine l'usage dans le cas d'espèce (§ 29 à 32 de l'arrêt).
50
En l'espèce, ce point est d'autant plus nécessaire que le droit britannique n'exige pas de soupçons raisonnables
pour une détention et que des soupçons 'sincères' ou 'honnêtes' suffisent déjà.
51
Cf. Cour eur.D.H, Lawless c. Irlande, 14 novembre 1960, 7 avril 1961 et 1er juillet 1961, Série A, vol. 1, 2 et 3;
Cour eur.D.H., McVeigh, O'Neill et Evans c. Royaume-Uni (supra); MURDOCH, J., l.c., 496.
52
Cour eur.D.H., Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, l.c., par. 34.
49
informations pour le suspect, la défense et la magistrature (Brannigan et McBride; Fox, Campbell et
Hartley).
Certains auteurs avancent qu'il y a eu, en six ans (via Brogan en passant par Fox à Brannigan et
Murray) une évolution dans le sens d'une attitude plus souple de la Cour à l'égard de la lutte contre le
terrorisme53. Le passé nous apprend plutôt que la Cour et la Commission se sont toujours montrées
autant que possible souples et ont posé les jalons au sein desquels les Etats membres pouvaient
créer, dans la lutte contre le terrorisme, conformément à la convention, des compétences de police
autonomes.
A tous égards, on constate une certaine accoutumance au renforcement de l'arsenal répressif et ce,
également chez les juges, ce qui ressort de l'affaire Murray datant de 1984, déjà discutée
antérieurement54. En 1982, Madame Murray a été emmenée pour un interrogatoire de deux heures,
également sur la base du Northern Ireland Emergency Provisions Act (supra). Elle a ensuite été
relâchée sans avoir été conduite devant un juge. Le fait que la dame en question ait été relâchée
après deux heures conduit à s'interroger sur le sérieux des soupçons qui étaient à la base de la
détention. La relation des faits - le fait de prendre des notes en pénétrant dans l'habitation de Murray,
le fait de prendre sa photo et le fait de compléter un screening proforma - indique qu'il n'y avait pas
d'éléments concrets, mais que c'était plutôt la soif d'informations de la police qui constituait le motif de
l'arrestation. L'examen de la légitimité de cette privation de liberté sous l'angle de l'article 5 CEDH par
la Cour est carrément formel. La Cour accepte sans les critiquer les constatations du juge anglais, qui
55
a estimé que des soupçons concrets étaient présents . Madame Murray avait un casier judiciaire
vierge et la police ne disposait que d’une donnée: elle appartenait à la famille de deux membres de
l'IRA. La prise de notes, de photos et le screening proforma, tous ces actes ont été peu pris au sérieux
par la Cour, alors qu'il s'agit pourtant là de l'essentiel de l'affaire: la police qui tente de compléter son
information et qui juge que des moyens extrêmes sont nécessaires. Il est clair que la Cour accorde
une marge importante à la police qui, en tant que telle, est habilitée à entreprendre des actions sur la
56
base de données douces . Que cette attitude n'est pas due au hasard ressort de l'affaire Lüdi de
1992, qui a été discutée antérieurement et dans le cadre de laquelle la Cour a, pour des raisons
contestables, légitimé le recours suisse à des agents undercover dans l'intention à peine déguisée de
ne pas empêcher l'application des techniques spéciales de recherche par la police57. Ce qui paraissait
déjà implicite dans l'affaire Brogan se voit, selon nous, conforté dans l'affaire Murray: l'interdiction
contenue dans l'article 5, § 1 sub c CEDH et portant sur une privation de liberté policière purement
proactive, détachée de toute procédure pénale, est remise en question en raison de l'intérêt public
58
dans la lutte contre le terrorisme .
LES TECHNIQUES DANS LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE (SAISIE,
CONFISCATION, ASSIGNATION À RÉSIDENCE, CONTRAINTE PAR CORPS)
La jurisprudence de l'article 5 CEDH portant sur le terrorisme britannique rompt avec la jurisprudence
de l'article 5 CEDH portant sur la criminalité organisée italienne (mafia). Dans les affaires Guzzardi
(1980) et Ciulla (1989), la Cour souligne que l'article 5 CEDH est d'interprétation stricte et qu'il ne
53
DECAUX, E. et TAVERNIER, P, 'Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
(année 1994)', JDI, 1995, n° 3, p. 786.
54
Cf. Vigiles, 1996, 4, pp. 27-28.
55
Un certain nombre de juges de la Cour ont pris leurs distances, dans une dissenting opinion, par rapport au point
de vue de la majorité de la Cour. Ils relèvent à juste titre, selon nous, que la Cour a laissé trop de marge aux juges
nationaux. Ces derniers avaient en effet examiné la privation de liberté sous l'angle de la condition des soupçons
'sincères' (Emergency Act) et non sous celle des soupçons 'raisonnables' (art. 5 CEDH). La rupture par rapport à la
jurisprudence dans l'affaire Fox, Campbell et Hartley, quatre ans plus tôt, est incontestable.
56
MASSIAS, F., l.c., p. 386.
57
Voyez Vigiles, 1996, 4, pp. 28-29. Comparer "Les juges européens sont vraisemblablement conscients que
l'ampleur prise par ces techniques rendrait une telle condamnation difficilement acceptable par les pays du Conseil
de l'Europe" (DE VALKENEER, C., “L'infiltration et la Convention européenne des droits de l'homme”, note dans
Cour eur.D.H., 15 juin 1992, arrêt Lüdi c. Suisse, Rev. trim. dr. h., 1993, p. 332).
58
Comparer VELU, J. et ERGEC, R., 'La convention européenne des droits de l'homme', RPDB, 1990, octobre, pp.
244-245.
permet d'intervenir qu'en cas d’infractions concrètes et spécifiques et non à titre de mesure préventive
générale contre des personnes ou des groupes de personnes qui représentent un danger à la suite
d'une tendance constante à un comportement délictueux59. Dans l'affaire Ciulla, une assignation à
résidence de Ciulla, soupçonné d'être impliqué dans des activités mafieuses, a été considérée comme
contraire à l'article 5, § 1 sub c CEDH parce qu'elle reposait sur un simple soupçon.
Les mesures (de police) exceptionnelles ont toutefois tendance à se généraliser. Cela découle de
l'accoutumance au sein de l'opinion publique et de l'intérêt public qui supporte mal les restrictions qu'il
s'impose lui-même. L'augmentation de la criminalité organisée conduit les Etats à prendre de
nouvelles mesures préventives qui viennent compléter la répression pénale classique60. Une
généralisation des techniques policières contre le terrorisme n'est pas irréelle. La Belgique a déjà
61
accompli le pas en généralisant la privation de liberté administrative . Aux Pays-Bas, on a complété la
législation sur la privation de liberté par trois nouveaux moyens de contrainte, repris dans le Code de
procédure pénale62. Ceux-ci visent les cas où une personne anonyme est soupçonnée d'une
infraction, pour laquelle la détention préventive n'est pas autorisée. Selon l'art. 61b C.proc.pén., cette
personne anonyme peut être arrêtée pendant six heures pour être identifiée (à augmenter du laps de
temps situé entre 24 et 9 heures). L'art. 61a C.proc.pén. détermine que le suspect anonyme peut être
soumis à des mesures d'identification. Selon l'art. 61c C.proc.pén., il peut en outre faire l'objet d'une
fouille au niveau des vêtements pour être identifié.
Il semble que Strasbourg ne contrera pas cette généralisation des techniques en matière de
terrorisme à l'ensemble du travail policier de terrain. Sur le plan des jugements de valeur et des prises
de position, il n'y a pas de différence entre l'attitude de la Cour et de la Commission dans les affaires
britanniques de terrorisme et les affaires italiennes liées à la mafia. On avance ainsi dans le jugement
63
de Ciulla que la lutte de l'Italie contre la criminalité organisée ne doit pas être sous-estimée . De telles
prises de position ne sont jamais innocentes, elles influencent l'interprétation juridique et l'application
des droits de l'homme. Cinq ans après l'affaire Ciulla, apparaît l'affaire Raimondo64. Ce dernier est
jugé de manière totalement différente. Raimondo a été poursuivi en 1985 parce qu'il était soupçonné
d'être impliqué dans des activités mafieuses. Il est demeuré pendant huit mois en détention
préventive, suivis ensuite de six mois d'assignation à résidence, rendue possible par le paiement
d'une caution et l'obligation de se présenter à des jours déterminés à la police. Au cours de cette
période, on a saisi dix terrains, six bâtiments et un certain nombre de véhicules. La même année, en
1985, les biens immeubles et les véhicules ont été confisqués. En janvier 1986, Raimondo est
toutefois acquitté par manque de preuves. L'acquittement est confirmé en appel (4 juillet 1996),
l'assignation à résidence est déclarée nulle et on ordonne la restitution de la caution et des biens
saisis et confisqués. La Cour d'appel se montre irritée par la nonchalance inquiétante avec laquelle
Raimondo a été anéanti économiquement à la suite de l'intervention de la justice. En dépit de ces
mots encourageants, le calvaire de Raimondo ne prend pas fin. La restitution et l'inscription de la
nullité des mesures restrictives du droit de propriété dans le registre public ont traîné jusqu'en 1991.
L'affaire Raimondo est surtout importante parce que la Cour a examiné les techniques financières
dans la lutte contre la criminalité organisée sous l'angle de la convention, plus particulièrement du
droit à la jouissance de ses biens (art. 1 Protocole 1 de la CEDH). En l'espèce, la législation italienne
autorise la saisie (préalable à une condamnation) et la confiscation préventives, sur (simple) requête
du parquet au tribunal. Le jugement de la Cour est encourageant pour les partisans des techniques
financières de recherches. En ce qui concerne la saisie, la Cour considère qu'il s'agit d'une mesure
provisoire qui doit mettre en sécurité la confiscation ultérieure des bénéfices illégaux. Tenant compte
du pouvoir économique très dangereux de la mafia, la mesure ne peut pas être considérée comme
prématurée. Dans le même sens, la Cour considère que la confiscation est un moyen effectif et
59
Cour eur.D.H., Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, Série A, vol. 39, par. 102; Cour eur.D.H., Ciulla c. Italie, 22
février 1989, Série A, vol. 148, par. 37-42.
60
PETTITI, L.-E., “Droits de l'homme”, Rev.sc.crim, 1994, juillet-sept., p. 615.
61
Celle-ci a été introduite sans beaucoup d'opposition dans les lois de police. Au sujet de la compatibilité avec la
convention: VELU, J. et ERGEC, R., “La convention européenne des droits de l'homme”, l.c., 251.
62
CORSTENS, G.J.M., “Nieuwe wetgeving strafprocesrecht”, Trema, 1994, n° 4, pp. 156 et svts.
63
Voyez à ce sujet: MURDOCH, J., l.c., 496, note 16.
64
Cour eur.D.H., Raimondo c. Italie, 22 février 1994, Série A, vol. 281-A.
nécessaire contre les mouvements suspects de capitaux, étant donné les capitaux énormes que la
mafia investit dans le secteur des biens immobiliers.
La remarque accessoire de la Cour portant sur le dommage causé par vandalisme aux biens saisis et
confisqués de Raimondo et dû à la surveillance policière insuffisante est intéressante. Toute saisie ou
confiscation, selon la Cour, entraîne immanquablement des dommages. Rien n'indique que le
dommage causé est plus important que celui qui était inévitable65. Dans cette affaire, l'assignation à
résidence n'est pas examinée sous l'angle de l'article 5 CEDH mais sous celui du droit de libre
circulation, contenu dans l'article 2 du quatrième protocole de la CEDH. Il a été jugé que la
surveillance policière et l'assignation à résidence étaient au départ légitimes parce que ces mesures
étaient nécessaires, étant donné la menace qui émanait de la mafia et qui pesait sur la société
démocratique.
LA CONFISCATION, LA CONTRAINTE PAR CORPS ET L'ARTICLE 7 CEDH
La confiscation élargie des bénéfices d'activités criminelles est une arme relativement récente dans la
lutte contre le crime. A la suite des conventions internationales qui appellent les Etats membres à
66
permettre cette mesure, différents Etats ont récemment adapté leur droit interne . En Belgique, la
confiscation spéciale des patrimoines d'origine criminelle a été introduite par la loi du 17 juillet 199067.
Dans l'affaire Raimondo, la Cour a en principe ouvert la porte à la confiscation. Un problème
68
particulier se pose lors de l'application de telles mesures dans le temps . Dans l'affaire Welsch c.
Royaume-Uni, présentée devant la Commission, un élément de cette problématique entre en ligne de
compte. L’article 7 CEDH interdit aux Etats d'infliger des peines plus lourdes que celles qui étaient
d'application au moment où l'infraction a été commise. Peter Welsch a été arrêté le 3 novembre 1986
et a été condamné deux ans plus tard pour trafic de drogue. Ses biens, parmi lesquels une villa au
Portugal, dont il ne pouvait pas justifier l'origine, ont été confisqués. Cette confiscation a eu lieu sur la
base du Drug trafficking Act britannique de 1986. Welsch s'est plaint auprès de la Commission d'une
69
violation de l'interdiction d'appliquer rétroactivement les lois pénales (art. 7 CEDH) . Les faits avaient
en effet été commis avant l'entrée en vigueur de la loi. A une petite majorité, la Commission a décidé
65
En dépit de ce qui précède, l’Italie a quand même été condamnée. Le long laps de temps dont les autorités ont
eu besoin pour réintégrer Raimondo dans ses droits, après le jugement qui lui était favorable, constitue une
violation de son droit à la libre circulation et à la propriété.
66
Cf. Convention unique du 30 mars 1962 en matière de stupéfiants, faite à New York, approuvée par loi du 20
août 1969 (M.B., 27 novembre 1969) et Protocole du 25 mars 1972 portant amendement de la Convention
unique sur les stupéfiants, fait à Genève, approuvé par loi du 8 décembre 1983 (M.B., 14 septembre 1984);
Convention des Nations Unies du 20 décembre 1988 contre le trafic illicte de stupéfiants et de substances
psychotropes (Une version française peut être trouvée dans Gazette du Palais, 24-26 mars 1991, pp. 274-284);
Convention du Conseil de l’Europe en matière de blanchiment, de recherche, de saisie et de confiscation des
bénéfices des infractions, signée à Strasbourg le 8 novembre 1990, International Legal Materials, 1991, n° 1,
148-180; E.T.S., n° 141. Au sujet de ces conventions: TROLAND, M., MARRERO, J. et SAMUEL, L.,
“Introduction à la coopération en matière de confiscation”, Rev. Int. Pol. Crim., 1992, mai-juin, 6-14; DE HERT,
P., “Internationale samenwerking inzake fiscale delicten en verbeurdverklaring voor en na Schengen” in ROZIE,
M. (ed.), Fiscaal straf-en strafprocesrecht, Gand, Mys en Breesch, 1996, pp.119-124 et pp. 130-135.
67
Loi du 17 juillet 1990, M.B., 15 août 1990; VANDEPLAS, A.,”De verbeurdverklaring van
vermogensvoordelen”, in Liber Amicorum M. Châtel, Anvers, Kluwer, 1991, pp. 383-406.; ROZIE, M., “De
bijzondere verbeurdverklaring van vermogensvoordelen toegepast op fiscale delicten” in Fiscaal straf-en
strafprocesrecht, o.c., pp. 209-217; JAKHIAN, G., “L'infraction de blanchiment et la peine de confiscation en
droit belge”, R.D.P., 1991, pp. 765-788; MESSINNE, J., “La loi du 17 juillet 1990 modifiant les articls 42, 43 et
505 du Code pénal et insérant un article 43bis dans ce même code”, J.T., 1991, pp. 489-493; BERKMOES, H.,
VANDAELE, R. et DE BIE, B., Misdaad loont niet (meer?), De bijzondere verbeurdverklaring van
vermogensvoordelen en de bestrijding van het witwassen in België, Bruxelles, Politeia, 1994; DE SWAEF, M.,
“De bijzondere verbeurdverklaring van de vermogensvoordelen uit misdrijven”, R.W., 1990-1991, pp. 491-493.
68
Voyez à ce sujet surtout DE NAUW, A., “De verschillende luiken van het wettelijk systeem tot bestraffing en tot
voorkoming van het witwassen van gelden en de fiscale fraude” in Fiscaal straf-en strafprocesrecht, o.c., pp. 220236.
69
Cour eur.D.H., Welsch c. Royaume-Uni, plainte n° 17440/90, in Conseil de l'Europe, Feuille d'information n° 34,
Strasbourg, 1995, p. 71; SCHERMERS, H., “Toekomstige uitspraken van het Europese Hof voor de Rechten van de
Mens”, Ars Aequi, 1994, cahier 43, p. 734.
qu'il n'était pas question d'une peine complémentaire et que la confiscation ne constituait pas une
70
violation de l'article 7 CEDH . La petite majorité indique que ce jugement n'est pas dépourvu de
critique. En Belgique, il est admis que la confiscation spéciale constitue une peine complémentaire71.
Ladite contrainte par corps ou prise de corps est une technique française utilisée dans la lutte contre
la criminalité grave ou organisée. Contrairement à une peine d'emprisonnement subsidiaire, la
contrainte par corps ou prise de corps ne libère pas le condamné de son obligation de payer les
amendes. Ce type de prise de corps permet par exemple de contraindre des dealers, condamnés à
des amendes très élevées, à payer celles-ci (art. 749 à 762 C. proc. pén. français). Jamil a été
condamné en 1987 à une lourde amende pour trafic de drogue, associée à une contrainte par corps
de quatre mois (à l'époque, le maximum). En appel, l'amende a été confirmée. Le juge tire en même
temps profit d'une nouvelle loi de 1987 portant sur la contrainte par corps pour porter cette dernière,
dans le cas de Jamil, à deux ans. Jamil s'est adressé à la Commission et a invoqué une violation de
l'article 7 CEDH. La prolongation de la contrainte par corps n'était pas prévue au moment des faits et
constitue par conséquent une aggravation de la peine. La Commission l'a suivi dans cette voie. La
prolongation de la prise de corps constitue une nouvelle peine qui a été imposée rétroactivement72.
TROIS AFFAIRES FRANÇAISES DE DOUANE TOUCHANT AUX PERQUISITIONS
Le 25 février 1993, la Cour européenne prononce trois arrêts en matière d'affaires de douane contre la
73
France. Il s'agit des arrêts Funke, Crémieux et Miailhe . Dans ces trois affaires, l'action publique était
éteinte (par prescription, transaction, classement sans suite et décès de l'intéressé). La Cour estime
toutefois nécessaire de se prononcer, ce qui montre l'importance de ces affaires. La Cour s'oppose
très exceptionnellement, dans les trois affaires, au point de vue de la Commission qui n'avait pas
établi de violation de la Convention74. Un des trois éléments qui reviennent dans les trois affaires
concerne la perquisition et la saisie, fondées sur l'article 64 du Code de douane français75. Cette
disposition est plutôt de nature générale et, en ce qui concerne la perquisition et la saisie, à peine
détaillée ('dans le cadre de ses compétences, la douane peut ...'). L'article 64 ne prévoit aucun
mandat du juge d'instruction. La présence d'un officier de police est toutefois exigée. Gustave Funke,
un représentant de commerce allemand, résidant en France, a été interpellé sur base de la législation
de l'époque relative à l'exportation d'argent à l'étranger. Trois agents de douane, accompagnés d'un
officier de police judiciaire, font irruption, le 14 février 1980, chez lui et saisissent des extraits de
compte et des chéquiers de banques étrangères. Tout cela sur base de l'article 64 du code de
douane.
Chez William Miailhe et sa famille, les fonctionnaires de la douane ont accompli au total quatre
perquisitions (5, 6, 21 et 28 janvier 1983), suivies de la saisie de 15000 documents. Les documents
ont été en partie restitués plus tard. La perquisition et la saisie constituent une partie de l'enquête
portant sur le statut précis de Miailhe ayant un double passeport (français et philippin) et sur des
indices liés à une infraction à la loi sur les transactions financières avec l'étranger. Cette même
législation sur l'exportation illégale de capitaux est à la base des visites de la douane chez Paul
Crémieux, un chef d'entreprise. Dans l'entreprise de Crémieux, une première perquisition est faite en
octobre 1967, suivie d’une saisie de documents relatifs à des transactions professionnelles avec des
firmes étrangères. Sur une période de trois ans, il y a encore eu 83 perquisitions, dont quelques-unes
au domicile de Crémieux. Funke, Crémieux et Miailhe invoquent à Strasbourg une violation de leur
70
L’affaire a été soumise à la Cour; elle est, en d’autres termes, poursuivie.
ROZIE, M., 'De bijzondere verbeurdverklaring van vermogensvoordelen toegepast op fiscale delicten', l.c., 210.
72
Cour eur.D.H., Jamil c. France, 10 mars 1994, plainte n°. 15917/89 in Conseil de l'Europe, Feuille d'information n°
34, Strasbourg, 1995, p. 72; invoquée par SCHERMERS, H., l.c., p. 734.
73
Cour eur.D.H., Funke c. France, 25 février 1993, Série A, vol. 256-A; Cour eur.D.H., Crémieux c. France, 25
février 1993, Série A, vol. 256-B; Cour eur.D.H., Miailhe c. France, 25 février 1993, Série A, vol. 256-C. Au sujet de
ces affaires, on lira: PETTITI, L.E., “Chronique Internationale de Droits de l'homme”, Rev. Sc. Crim., 1993, p. 581;
YERNAULT, D., “Les pouvoirs d'investigation de l'administration face à la délinquance économique: les locaux
professionnels et l'article 8 de la Convention européenne”, note dans Miailhe c. France, R.T.D.H., 1994, p. 121.
74
DE MELLO, K., “Droit de la concurrence et droits de l'homme”, RTD eur., 1993, oct.-déc., p. 629.
75
Cet article a été entre-temps modifié et prévoit, dans sa forme actuelle, un contrôle judiciaire des perquisitions de
la douane. La Cour européenne n’a donc pas envisagé cette nouvelle disposition dans son jugement.
71
droit au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance (art. 8 CEDH). Nous rappelons
que cette disposition conduit à trois critères d'examen: y a-t-il une base légale pour l'acte contesté de
l'autorité? Cette dernière poursuit-elle un but légal? Est-il nécessaire ou proportionnel dans une
société démocratique? La Cour contourne le premier critère. Dans le cadre de l’examen du troisième
critère, on ne doit pas vérifier si l'article 64 du Code de douane peut être considéré comme une base
légale donnant qualitativement satisfaction. L'examen du deuxième critère est bref: les perquisitions
avaient pour but la lutte contre la criminalité et le bien-être économique du pays. Ces objectifs
légitimes de l'autorité constituent un motif péremptoire pour porter atteinte à l'article 8 CEDH.
L'examen du troisième critère conduira toutefois dans les trois cas à une condamnation de la France.
Funke, Crémieux et Miailhe obtiennent donc gain de cause. Funcke, par exemple, avait avancé, en ce
qui concerne la perquisition et la saisie, que: "the interference could not be regarded as 'necessary in
a democratic society'. Their scope was unlimided and they went well beyond what they had not only
taken place in the abscence of any flagrant offence, circumstantial evidence or presumption but had
also been carried out in an improper manner"76. La France, par contre, a souligné l'absolue nécessité
de la perquisition et de la saisie. La Cour est d'accord pour dire que des perquisitions et des saisies
extrêmes peuvent être utiles dans la lutte contre certains délits fiscaux (de douane) où il est difficile de
fournir des preuves matérielles ou physiques. Lors d'actes d'enquête de ce type, les 3 garanties sont
toutefois nécessaires contre les abus. Celles-ci faisaient défaut dans l'article 64 qui, comme nous le
77
disions, présentait un intitulé trop général . Dans les trois cas, une violation de l'article 8 CEDH a été
constaté. Les perquisitions de la douane n'ont pas été jugées nécessaires dans une société
démocratique.
LA PERQUISITION EXIGE-T-ELLE DANS TOUS LES CAS UN MANDAT DU JUGE?
Les trois affaires de douane font fortement penser à l'affaire Huvig et Kruslin, relative aux écoutes
téléphoniques. Il y a ainsi le caractère abstrait des jugements qui dépassent l'intérêt des affaires
concrètes et qui formulent en tant que tels des conditions auxquelles les règles légales en général
78
doivent satisfaire . Dans les jugements relatifs aux écoutes téléphoniques, la législation française
lacunaire relative aux écoutes téléphoniques a été condamnée pour son mode d'application dans
l'affaire Huvig et Kruslin. L'article 8 CEDH a été considéré comme violé parce que la législation sur les
écoutes utilisée contre Huvig et Kruslin était trop générale, trop peu accessible et prévisible (examen
sous l'angle du premier critère relatif à la légalité). L'importance de cet examen de la légalité a déjà
été soulignée dans cette revue79. Tous les litiges relatifs à l'article 8 CEDH sont en général d'abord
examinés sous l'angle de la condition de légalité. En cas de résultat négatif, la Cour conclut
immédiatement à une violation de l'article 8 CEDH. L'examen sous l'angle des deux autres critères
est, dans ce cas, jugé superflu. Dans les présentes affaires de douane, la Cour refuse toutefois
d'aborder la condition de légalité, sans doute à cause de la complexité de la discussion en France, où
la jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la Cour constitutionnelle ne semblent pas
concorder sur ce point. En n'effectuant pas l'examen de la légalité, la Cour néglige de préciser
clairement les conditions qualitatives qui doivent être respectées dans une législation relative aux
80
perquisitions . Aucune réponse définitive n’est donnée à la question de savoir si une perquisition
76
Cour eur.D.H., Funke c. France, 25 février 1993, Série A, vol. 256-A, par. 53.
"the customs authorities had very wide powers: in particular, they had exlusive competence to assess the
expedi cy, number length and scale of inspections. Above all, in the absence of any requirement of a judicial
warrant the restrictions and conditions provided for in the law (...) appear too lax and full of loopholes for the
interferences in the applicant's right to have been strictley proportionate to the legitimate aim pursued" (par. 57
(Funke), par. 38 (Miailhe) et par. 40 (Crémieux)).
78
Cf. Vigiles, 1996, 4, pp. 26-27; SWART, B., “The Case-Law of the European Court of Human Rights in 1993”,
E.J.C.C.L.C., 1994, n° 2, p. 194.
77
79
DE HERT, P., “Europese rechtspraak inzake dwangmiddelen, politietap, gevangenissen, politiegeweld,
terrorisme, voorlopige hechtenis, anonieme getuigen, etc”, Vigiles, 1996, n° 4, pp. 26-30.
80
SWART, A., “Bewijs leveren tegen zichzelf. Huiszoeking”, Ars Aequi, 1993, p. 679. Cette sécurité existe pour ce
qui est de la loi sur les écoutes téléphoniques. Lors de l’examen de la légalité de la législation française sur les
écoutes téléphoniques dans les affaires Kruslin et Huvig, la Cour a énoncé au moins dix éléments qui doivent
intervenir dans toute législation sur les écoutes téléphoniques.
81
exige dans tous les cas l'intervention du juge . Nous commentons ce point dans un paragraphe
suivant.
Il ressort sans aucun doute des affaires de douane que le contrôle judiciaire de la fréquence, du
moment et de l'intensité des contrôles et des perquisitions constitue la garantie la plus évidente lors de
chaque perquisition et saisie. La Cour ne va toutefois pas jusqu’à dire que celui-ci est exigé dans tous
les cas. Une procédure sans intervention du juge est envisageable, mais celle-ci doit alors contenir
suffisamment de garanties et fermer les autres issues afin d’éviter les abus. La France a adapté en
1986 et en 1989 son Code de douane. Désormais, les perquisitions faites par la douane nécessitent
une autorisation préalable du juge, sauf dans les cas de flagrant délit. Cela répond à la règle
habituelle, telle qu'elle existe dans la plupart des codes de procédure pénale.
Aux Pays-Bas également, l'autorisation du juge d'instruction est en général exigée. L'officier de Justice
peut, en cas d'urgence, donner l'ordre de faire une perquisition sans autorisation du juge. Dans une
note de politique récente, le ministre actuel de la Justice - à la suite des propositions de la
Commission Moons - plaide en faveur d'une autorisation préalable du juge-commissaire, même dans
le cas d'une perquisition d'urgence. Un renforcement du contrôle par le juge-commissaire en cas de
perquisition d'urgence d'une habitation est, selon le ministre Sorgdrager, souhaitable, en raison du fait
que la pénétration dans une habitation jouit tant en droit constitutionnel néerlandais que dans les
conventions internationales des droits de l'homme d'une protection particulière82.
En Belgique, il n'existe aucun projet dans ce sens. Au contraire, notre jurisprudence préconise de
livrer une explication aussi limitée que possible en cas de perquisition en liant celle-ci au concept de
domicile privé (infra). De ce fait, il est admis que les perquisitions et les saisies au sens large du terme
tombent sous la mission générale de la police, soit de la police judiciaire pour ce qui est de la
recherche des infractions et du rassemblement des preuves, soit de la police administrative, pour ce
qui est de la sauvegarde de la sûreté publique. Dans ce cadre et sans effraction ou contrainte, la
police peut effectuer légitimement la perquisition et la saisie83. Dans cette perspective, l'intervention du
juge constitue une exception qui s'applique seulement à la perquisition stricto sensu.
LES FRONTIÈRES DE LA PERQUISITION ET DE LA SAISIE
Les affaires de douane présentent une grande importance pour la police. Toute perquisition, toute
saisie doivent être nécessaires. Même une législation détaillée en matière de perquisition et de saisie
ne constitue pas un sauf-conduit. Même dans ce cas, il importe de travailler avec circonspection lors
de l'exécution de la mesure. Toute perquisition ou saisie concrète doit être proportionnelle. La décision
en la matière doit non seulement ne pas être prise à la légère mais l'exécution concrète d'une
perquisition nécessaire ou proportionnelle doit être nécessaire ou proportionnelle. Funcke, par
exemple, n'a jamais fait l'objet de poursuites devant le tribunal pour des transferts illégitimes d'argent
qui constituaient pourtant le début de l'affaire. La Cour avance cette constatation, en tant qu'élément
final dans son diagnostic portant sur le caractère disproportionné et inutile de la perquisition effectuée
(par. 58 de l'arrêt). Il est possible de lire dans ce paragraphe une interdiction de faire une perquisition
81
Ce point a précisément fait l’objet de la discussion lors de l’examen de la légalité. La Constitution française exige
pour chaque perquisition un mandat judiciaire. La Cour de cassation française a toutefois admis l’article 64 du Code
de douane. La Cour constitutionnelle française par contre avait déclaré de telles dispositions inconstitutionnelles. A
Strasbourg, Funke, Crémieux et Miailhe se sont fondés sur la Constitution et sur le jugement de la Cour
constitutionnelle, tandis que le Gouvernement s’est fondé sur la jurisprudence de la Cour de Cassation.
82
Cf. “Preventieve toets R-C bij spoeddoorzoeking”, N.J.B., 3 février 1995, 191-192. La Commission Moons
avait proposé d’obliger dans la mesure du possible l’officier de Justice à demander une autorisation préalable
au juge-commissaire. Le ministre de la Justice de l’époque, Hirsch Ballin, a toutefois plaidé en faveur d’une
autorisation ultérieure et non préalable. Il se demandait entre autres si l’organisation des juges-commissaires
permettait d’assurer la disponibilité permanente d’un juge-commissaire. Le ministre actuel ne partage pas cette
opinion. D’après lui, Hirsch Ballin tient insuffisamment compte de l’existence de moyens modernes de
télécommunications, tels que le téléphone portable.
83
Cass., 23 juin 1993, R.W., 1993-1994, p. 467 et JLMB, 1993, p. 1058. En l’espèce, la Cour de cassation a cassé
un arrêt de la Cour d’appel de Mons, qui avait désavoué la perquisition d’un garage loué par la gendarmerie, parce
que celle-ci ne pouvait pas prouver qu’elle disposait en la matière d’un titre légal ou d’un mandat du juge.
purement administrative et une interdiction d'organiser des perquisitions dans des habitations privées
84
au cours de ladite phase de contrôle .
Dans l'affaire Miailhe, nous trouvons un indice analogue. Miailhe avait soulevé des questions quant à
la nécessité de la saisie de 15000 de ses documents, parmi lesquels du matériel à caractère très
personnel (prescriptions de médecin, correspondance avec l'avocat). La Cour consacre à ce point un
paragraphe à part: cette saisie des avoirs de Miailhe est disproportionnée en raison de la manière
générale dont elle a été effectuée sans aucune distinction. "The seizures made on the applicants
premises were wholesale and, above all, indiscriminate, to such an extent that the customs considered
several thousand documents to be of no relevance to their inquiries and returned them to the
applicants" (par. 39 de l’arrêt).
Tous ces indices sont particulièrement pertinents pour l'appareil judiciaire belge qui ne craint pas le
travail grossier en matière de saisie et de perquisition mais qui devra désormais tenir compte, lors de
85
86
telles opérations , des balises posées par la Cour . L'absence de toute réglementation sérieuse en
matière de restitution de biens saisis et de règlement des droits des tiers constitue un handicap
supplémentaire pour le citoyen belge confronté à une perquisition ou une saisie. Le Code de
procédure pénale néerlandais contient déjà depuis des décennies une excellente réglementation en la
matière (art. 552a C.proc.pén. néerlandais). En raison des problèmes importants lors de la
conservation de certains types d'objets saisis, comme des produits stupéfiants, des munitions, des
voitures et des produits dangereux, on a promulgué, en 1993, un arrêté qui donne au parquet et à la
87
police plus de prise et qui élabore une nouvelle réglementation de conservation . En Belgique, on a,
dans le passé, testé différents instruments juridiques pour corriger certaines situations intolérables en
matière de saisie. La Commission Franchimont a formulé une proposition visant l'introduction d'un
88
référé pénal pour répondre à ces souhaits .
LES FRONTIÈRES DE LA PERQUISITION ET LE CONCEPT DE DOMICILE
En décembre 1985, un juge allemand reçoit une lettre mentionnant que publicité sera faite au sujet de
l'abus de pouvoir dont le juge fait montre dans l'exercice de sa fonction. Ce dernier avait, selon la
lettre, ordonné une enquête psychiatrique à l’encontre d'un employeur récalcitrant qui ne voulait pas
supporter l'impôt d'église pour ses employés. La lettre émanait d'un certain Klaus Wegner qui parlait
au nom du Antiklerikaler Arbeitskreis du Freiburg Bunte Liste. Environ un an plus tard (novembre 86),
la justice fait irruption dans le bureau de l'avocat Niemetz, étant à la recherche d'informations sur ce
Klaus Wegner. Le bureau postal de l'ex-président du Freiburg Bunte Liste, Niemietz, figure en effet sur
la lettre en question. Les enquêteurs sont allés à la recherche de 'documents au travers desquels
l'identité de Klaus Wegner' pourrait apparaître et ont dès lors fouillé les armoires et les dossiers de
Niemetz. Ce dernier n'en est pas resté là et s'est adressé, après avoir fait le tour des instances
nationales, à Strasbourg, en invoquant l'article 8 CEDH89.
84
Comparer: DE SMET, B., “La valeur de l'aveu en matière pénale”, R.D.P., 1994, 5, p. 641 et svts.
En 1990, lors d’une série impressionnante de perquisitions, plus d’une tonne de documents ont été saisis
dans différents sièges d’une entreprise de Flandre occidentale.(“Fraude-onderzoek Verlipack strop?”, De
Morgen, 20 avril 1991). D’autres opérations mammouth datent de l’époque des CCC et des affaires relatives à la
traite des femmes (“Mammoetoperatie in prostitutiemilieu”, De Morgen, 10 novembre 1993).
86
DE SCHUTTER, B., SPRUYT, B., BLONTROCK, P. et DE HERT, P., Informaticagebeuren en
strafvorderingsrecht, Anvers, Kluwer rechtswetenschappen, 1992, p.50.
87
Besluit van 6 augustus 1993 houdende vaststelling van een algemene maatregel van bestuur tot uitvoering van
artikel 116, tweede lid, en 117a van het Wetboek van Strafvordering, betreffende de bewaring van
inbeslaggenomen voorwerpen, Stb., 1993, n° 440; N.J.B., 2 septembre 1993, p. 1091.
88
Cf. Projet de loi relatif à l’amélioration de la procédure pénale au stade de l’information et de l’instruction, Doc.
Parl., Chambre, 1996-1997, n° 857/1. On lira entre autres ROZIE, M., “Meer tegenspraak in het vooronderzoek” in
Le second avant-projet de la Commission Droit de la procédure pénale- Het tweede voorontwerp van de Commissie
strafprocesrecht, Gand, Mys en Breesch, 1997, p. 56.
89
Cour eur.D.H., Niemitz c. Allemagne, 16 décembre 1992, Série A, vol. 251-B. A ce sujet: LAMBERT, P.,
“Perquisition au cabinet d'un avocat et droit au respect de la vie privée, de la correspondance et du domicile”,
R.T.D.H., 1993, p. 470; RIGAUX, F., “Perquisition au cabinet d'un avocat et droit au respect de la vie privée, de la
85
Dans sa défense, le Gouvernement allemand a avancé que la convention ne protégeait que la vie
privée et le domicile et non la vie des affaires ou les bâtiments professionnels. Niemietz ne peut par
conséquent pas invoquer l'article 8 CEDH et la perquisition et la saisie ne doivent par conséquent pas
être examinées sous l'angle de cette disposition. La Cour rejette ce point de vue: la protection de la
vie privée au sens de l'article 8 CEDH est davantage que la protection de la sphère intime d'une
personne, elle concerne également les relations que celle-ci noue avec d'autres personnes90. C'est en
particulier le cas au sein des professions libérales où toute scission entre les activités professionnelles
et les autres activités est appelée à échouer et conduit à un traitement constitutionnel inégal, au profit
de ceux qui peuvent clairement séparer leur vie privée de leur vie professionnelle. En outre, l'article 8
CEDH ne protège pas seulement la vie privée mais également l'habitation. Le terme français de la
convention 'domicile' indique qu'il s'agit d'un concept large et qu'il peut également concerner les
bureaux ("for example, to a professional person's office"). Une interprétation stricte, restreinte pourrait
conduire également ici à un traitement inégal (par. 30). La Cour en déduit par conséquent que
certaines activités et espaces professionnels tombent sous l'application du droit à la protection de la
vie privée et du domicile. Elle ajoute d'un trait que ce point de vue n'empêche pas qu'à l'égard de tels
espaces et activités, certaines restrictions aux droits de l'article 8 CEDH dépassant celles relatives à
d'autres espaces et activités soient possibles (par. 31).
Le droit à la protection de la correspondance, contenu dans l'article 8 CEDH, est également
d'application. Etant donné que l'article 8 CEDH aborde de manière générale la protection de la
correspondance, il doit être admis que celle-ci s'applique à toute la correspondance, donc également
à la correspondance professionnelle (par. 32 de l'arrêt). Il n'existe donc aucun doute au sujet de la
protection de la correspondance professionnelle.
La perquisition dans le cabinet de Niemietz doit par conséquent être examinée sous l'angle des trois
critères contenus dans l'article 8 CEDH (base légale, but légitime et nécessité dans une société
démocratique). Tout comme dans les trois affaires de douane, l'examen sous l'angle du troisième
critère conduira à une condamnation de l'Allemagne pour avoir effectué la perquisition. Le soupçon qui
était à la base de la perquisition ne concernait en effet pas une infraction grave. Par ailleurs, le
mandat de perquisition était rédigé en termes très larges. La saisie était possible pour tous les
'documents' relatifs à l'identité de l’auteur de la lettre litigieuse et ce, sans aucune restriction. C'est
ainsi qu'on a fouiné dans les données qui tombent sous le secret professionnel d'un avocat. Cet
élément lié à l'absence en Allemagne de toute procédure spéciale susceptible d’entourer, à titre
complémentaire, la perquisition chez les avocats de garanties fait que la perquisition chez Niemietz
est disproportionnée et contraire à l'article 8 CEDH (par. 37 de l'arrêt).
Plus avant, lors de la discussion de l'affaire Funke, nous avons vu que l'existence d'une législation en
matière de perquisition ne constitue pas encore en soi une garantie pour une perquisition en règle,
selon la CEDH. L'affaire Niemietz nous apprend dès lors que la présence d'un mandat judiciaire en
exécution d'une législation ne constitue pas une garantie pour une perquisition conforme à la
91
convention . Il devient peu à peu clair qu'en ce qui concerne la perquisition et la saisie, une
jurisprudence aussi vaste et impérative qu'en ce qui concerne les écoutes téléphoniques92 se
développe. L'affaire Niemietz nous apprend également que le droit à la protection de l'habitation dans
l'article 8 CEDH va plus loin que la protection de l'habitation familiale privée. 'Certaines' activités et
espaces professionnels tombent sous l'application du droit à la protection de la vie privée et du
correspondance et du domicile”, R.T.D.H., 1993, p. 480; MYJER, E., “De getergde rechter en het
advocatenkantoor”, NJCM, 1993, 3, pp. 320-329.
90
"There appears, furthermore, to be no reason of principle why this understanding of the notion of private life
should be taken to exclude activities of a professional or business nature since it is, after all, in the course of their
working lives that the majority of people have a significant, if not the greatest, opportunity of developing relationships
with the outside world " (par. 29 de l’arrêt).
91
Cette leçon pouvait déjà être tirée de la condamnation de la France dans l'affaire Huvig et Kruslin, où il s'agissait
également d'actes d'enquête qui avaient été ordonnés par le juge (SWART, A., “bewijs leveren tegen zichzelf”, l.c.,
p. 680).
92
Dans l'affaire Murray de 1994 (Vigiles, 1996, 4, pp. 27-28), on a également invoqué une violation de l'article 8
CEDH due à la perquisition, dont la nécessité absolue faisait défaut. La Cour a toutefois estimé que la perquisition
et les moyens engagés n'étaient pas disproportionnés et elle a dés lors jugé qu'il n'était pas question d'une violation
de l'article 8 CEDH.
domicile (par. 31 de l'arrêt Niemietz). C'est après l'affaire Niemietz que la jurisprudence de la Cour
montre plus clairement les espaces professionnels qui sont protégés par l'article 8 CEDH. Dans
l'affaire Crémieux qui est de date plus récente que l'affaire Niemietz, on a perquisitionné tant dans
l'habitation privée qu'au siège de l'entreprise de Crémieux. Sans autre commentaire, la Cour va
considérer tant le droit à la protection de la vie privée que celui à la protection du domicile
d'application, (par. 31 de l'arrêt). Chez Miailhe, on a perquisitionné tant dans les bâtiments qui
faisaient fonction de siège pour ses entreprises que dans le bâtiment qui était utilisé comme consulat
philippin. Miailhe et sa famille n'habitaient pas dans ces espaces mais y faisaient parvenir toute leur
correspondance privée. La Commission en a déduit que tant le droit à la protection de la vie privée et
de la correspondance que celui du domicile étaient à l'ordre du jour. La Cour fait bizarrement un pas
en arrière et s'en tient seulement au droit à la protection de la vie privée et de la correspondance et
refuse de se prononcer sur la question de savoir si le droit à la protection du domicile est également
d'application93. Il faut apparemment attendre des affaires où la sphère privée et les bâtiments
concernés sont suffisamment séparés pour obtenir plus de clarté sur le domaine d'application du droit
à la protection du domicile.
Il ressort toutefois clairement de ce qui précède que le concept de perquisition est de plus en plus
écarté. Ce terme doit être remplacé par le terme plus général de 'fouille'. La protection de l'article 8
CEDH va en effet plus loin que celle de domicile privé. Même pour les perquisitions dans d'autres
espaces que l'habitation privée, les conditions de qualité de la convention doivent être prises en
94
considération . La jurisprudence de la Cour de Cassation qui juge uniquement d'application les
garanties contenues dans les règles sur la perquisition en cas de fouille du ‘domicile' au sens de
l'article 15 de la Constitution et de l'article 87 du Code Inst.crim.95, doit dès lors être appliquée avec
prudence par le praticien du droit. Pour les espaces dans les entreprises, il faut, d'après nous, en tout
cas un mandat du juge d'instruction.
CONCLUSION
Cet aperçu de la jurisprudence européenne de la période 1990-1994, réparti sur deux numéros de la
revue, ne constitue qu'une sélection. Tous les jugements n'ont pas été abordés; les rapports de la
Commission n'ont été traités que de manière sporadique et beaucoup de thèmes susceptibles
d'intéresser le lecteur de Vigiles n'ont pas été abordés par manque de place. On renverra en cette
matière à la jurisprudence relative à l'indépendance des autorités de poursuite96, aux soupçons de
97
culpabilité et au droit d'être présumé innocent et de ne pas collaborer à sa propre condamnation , à la
93
"The Court considers it pointless in this instance to ascertain whether the premises occupied by the applicants
could be considered as a home; it refers, mutatis mutandis, to the NIEMIETZ v. GERMANY judgement of 16
December 1992. In the present case, it is sufficient to note that there was an interference with the applicants' private
life and correspondance" (par. 29 de l'arrêt Miailhe).
94
Comparer: SWART, A., “Bewijs leveren tegen zichzelf”, l.c., p. 680.
95
Le terme 'domicile' doit être compris 'comme le lieu où la personne demeure (c'est le lieu habité) et où elle a droit,
à ce titre (parce qu'elle y demeure), au respect de son intimité, de sa tranquillité ... et plus généralement de sa vie
privée' (Cass., 21 octobre 1992, Arr. Cass., 1992, 1223 et Pas., 1992, I, 1180, concl. B Janssens de Bisthoven;
Cass., 23 juin 1993, R.W., 1993-1994, 467 et JLMB, 1993, 1058).
96
Entre autres: Cour eur.D.H., Saraivo de Carvalho c. Portugal, 22 avril 1994, Série A, vol 286-B; Cour eur.D.H.,
Pfeiffer et Plankl c. Autriche, 25 février 1992, Série A, vol. 227. Voyez à ce sujet: SWART, B., l.c., p. 183 et “The
Case-Law of the European Court of Human Rights in 1994”, E.J.C.C.L.C., 1995, n° 3, p. 284.
97
Cour eur.D.H., Pham Hoang c. France, 25 septembre 1992, Série A, vol. 243; Cour eur.D.H., Funke c. France, 25
février 1993, Série A, vol. 256-A; Cour eur.D.H., Sekanina c. Autriche, 25 août 1993, Série A, vol. 266-A; Cour
eur.D.H., K. c. Autriche, 2 juin 1993, Série A, vol. 255-B. Voyez à ce sujet: RENUCCI, J-F., “Droit européen des
droits de l'homme”, Rec.D.Sir., 1993, p. 387; KLEES, O., “De l'obligation de témoigner au droit au silence”,
R.T.D.H., 1994, p. 248; SCHALKEN, “noot bij H.R., 22 november 1994”, N.J., 1995, n° 240; 'T HART, “noot bij H.R.,
23 november 1994”, N.J., 1995, n° 239; MYER, E., “Zwijgen op aangeven van de douane”, NJCM, 1993, pp. 584592; SWART, A., “Bewijs leveren tegen zichzelf. Huiszoeking”, Ars Aequi, 1993, 672-680; GARNON, R. et
GARNON, A., “note”, La Semaine Juridique, 1993, II, n° 22073; REPIK, B., “Réflexions sur la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme concernant la présomption d'innocence”, in Liber amicorum Marc-André
Eissen, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 331-346.
98
la recherche et à la coopération internationale en matière pénale et à la rétention par la police
99
d'informations importantes pour la défense .
98
Drozd et Janousek c. France et Espagne, 26 juin 1992, Série A, vol. 240; RTDH, 1994, 87 et svts.; Cour eur.D.H.,
Farmakopoulos c. Belgique, 27 mars 1992, Série A, vol. 235-A; Cour eur.D.H., Kolompar c. Belgique, 24 septembre
1992, Série A, vol. 235-c.; Cour eur.D.H., Cruz Varas et autres c. Suède, 20 mars 1991, Série A, vol. 201. Voyez
entre autres: VANDE LANOTTE, J. et VAN DE PUTTE, M., “De verantwoordelijkheid van de uitwijzende staat: de
zaak Cruz Varas”, TBP, 1992, pp. 3-8; COHEN-JONATHAN, G. et FLAUSS, J.-F., “Convention européenne des
droits de l'homme et exécution des condamnations pénales prononcées à l'étranger”, note dans Drozd et Janusek,
R.T.D.H., 1994, p. 98.
99
Cour eur.D.H., Edwards c. Royaume-Uni, 16 décembre 1992, Série A, vol. 247-B; MYJER, E., “Edwards en de
achtergehouden gegevens”, NJCM, 1993, n° 4, pp. 449-453.

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