À l`école d`Alain Passard
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À l`école d`Alain Passard
tendances | 35 jdd | 2 novembre 2014 À l’école d’Alain Passard Le chef triplement étoilé de l’Arpège a formé de nombreux cuisiniers, devenus les emblèmes d’une génération, qu’il va retrouver pour Bagel contre pan bagnati. F. VEIGAS/TANA EDITIONS De l’originalité en cuisine Des livres décalés proposent des « batailles de recettes » ou transforment les produits industriels cultes en gourmandises faites maison des repas à quatre mains à l’invitation du Fooding. Charlotte Langrand Entretien sur le thème de la transmission Alain Passard devant son restaurant l’Arpège, rue de Varenne à Paris (75007). Julien DE FONTENAY POUR LE JDD Interview Charlotte Langrand Vous retrouvez aux fourneaux vos anciens « élèves ». Êtes-vous nostalgique ? Ils me manquent tous ! Nous avons passé des moments merveilleux en cuisine ensemble. Nous allons retrouver nos astuces, nos petits tours de main… Ils ont été importants pour moi car ils ont tous contribué à ce que l’Arpège est aujourd’hui. Que cherchez-vous à déceler chez les jeunes qui arrivent chez vous ? Je cherche à savoir où en sont leurs cinq sens. Le premier, c’est la main, qui fait la différence entre les grands chefs et les autres. Je regarde la beauté de leur geste, ce que j’appelle la grâce : comment ils posent les produits, comment ils vont lâcher une fleur de sel, leur agilité… Je scrute ensuite leur regard. J’aime quand leur œil accroche vite, qu’ils observent le fond de la casserole. Puis j’étudie leur oreille, pour voir s’ils savent écouter le chant du feu, d’une cuisson. Enfin, pour le goût et l’odorat, j’évalue leur façon de goûter, je leur demande de corriger un assaisonnement olfactivement. Ils doivent être déstabilisés… C’est volontaire ! À l’Arpège, il n’y a pas de cahier de cuisine, on improvise. J’aime ces moments de déstabilisation où il faut chercher dans sa créativité pour retrouver un ancrage dans sa cuisine. Je leur ai toujours dit que nous étions à la fois des peintres, des danseurs, des sculpteurs… La première fois que je leur parle de ça, ils sont un peu perdus. C’est à l’opposé des leçons très techniques enseignées ailleurs… Il y a malheureusement peu d’endroits où on leur parle des sens. J’essaye de faire passer ce message aux écoles hôtelières, où on leur explique plutôt la blanquette et le bourguignon. Chez moi, ils découvrent leurs cinq sens avec plaisir. L’Arpège, c’est la Comédie-Française : quand ils arrivent, on les met aux pluches pour voir leur main et un jour ils entrent en scène avec le premier service, leur premier rôle. En 1999, vous avez fait votre révolution en passant d’une « cuisine animale » à une « cuisine végétale ». Cette nouvelle génération a-t-elle compris que les légumes n’étaient pas qu’une garniture ? Ils ont tous compris qu’on ne peut pas faire une bonne cuisine sans respecter les saisons. Je leur dit toujours : « Avec moi, vous allez penser tomates ou aubergines trois mois par an. » Ainsi, chaque saison devient un rendez-vous : là, nous arrêtons les aliments « de branche » pour travailler les produits racinaires d’automne. J’emmène mes apprentis dans mes jardins pour toucher les légumes, la terre. Automatiquement, leur cuisine devient plus vivante, car cela oblige à chercher d’autres accords. Je leur dit : « Confiez votre créativité à la nature, elle a tout écrit. » Cet enseignement saisonnier est-il pour vous une mission en faveur de la cuisine santé ? C’est un sujet très important. Aujourd’hui, nos sens s’appauvrissent car on propose les mêmes produits toute l’année. C’est dramatique pour la santé et pour notre créativité de chef. Notre organisme a besoin de se désaltérer en été avec une salade de tomates, mais en hiver, il a besoin d’une soupe de céleri-rave, d’un gratin de topinambours… Je suis donc en guerre contre tous ces légumes hors sol, hors saison, avec pesticides et engrais chimiques. Pourquoi n’avoir pas cédé à la starification des chefs ? Je n’ai jamais voulu ouvrir d’autres Arpèges à l’étranger parce que j’ai envie d’être avec mes apprentis et de serrer la main de mes clients. Un grand chef doit passer du temps aux fourneaux, mettre les mains dans le fond de la casserole, montrer pendant des heures comment placer une main. Mes confrères ouvrent des restaurants à travers le monde, mais ils ne sont plus chez eux ! Comme un sculpteur, je travaille dans mon atelier tous les jours. Je déjeune et dîne tous les jours à l’Arpège et le week-end je suis dans mes jardins. g Parrain de L’Émile Chef, concours de cuisine bio Alain Passard a choisi de parrainer la deuxième édition du grand concours de cuisine bio organisé par l’huilerie Émile Noël, expert de produits biologiques. Ouvert à tous les amateurs (de plus de 18 ans), chaque participant doit proposer une recette originale sur le site du concours. Après sélection, cinq finalistes passeront une journée à Paris pour réaliser un plat d’Alain Passard, à ses côtés comme ses « arpégiens » ! Pour le vainqueur, une cave à huiles et un déjeuner pour deux à l’Arpège. C.L. Inscriptions jusqu’au 16 novembre sur lemilechef.com. Passard et les « arpégiens » L’événement est organisé, les 15 et 16 novembre, par le Fooding et San Pellegrino : huit chefs vont se succéder au côté d’Alain Passard dans un restaurant éphémère parisien : Sven Chartier, Bertrand Grébaut, David Toutain, Tatiana Levha, Mauro Colagreco, Ludo Lefebvre, Björn Frantzen et Marc Cordonnier. Réservation : www.fooding.com 100 € par personne. Souvenirs d’arpégiens David Toutain Second de cuisine à 21 ans, a ouvert son restaurant début 2014, à Paris (75007). « Le jour de mon entretien, je me souviens encore de l’odeur de l’aubergine à la flamme et des tomates confites posées sur le piano. Passard est un artiste, il nous transmet une réflexion sur le produit, son histoire, sur l’œil et le toucher du cuisinier. » Marc Cordonnier Chef de partie en 2010, va ouvrir Gare au Gorille, la semaine prochaine, à Paris (75017). « L’Arpège ne fonctionne pas comme les autres cuisines : il n’y a pas de mise en place, pratiquement pas de technicité. On nous apprend la sensibilité, la délicatesse, et à respecter le produit. Passard est un des rares chefs trois étoiles tous les jours aux fourneaux à travailler ses légumes, à surveiller ses viandes qui rôtissent… Le secret, c’est de le regarder faire ! » Ludo Lefebvre Chef de partie de 1990 à 1992, va bientôt ouvrir un troisième restaurant à Los Angeles. « Passard me disait souvent “cuis le poisson à l’oreille” et je me demandais ce qu’il racontait ! Son langage de cuisine est très romantique : il fallait écouter le beurre qui frétille, faire voyager sa main au-dessus du plat à assaisonner… Toutes les techniques qu’il m’a enseignées, je les transmets maintenant à mes cuisiniers. » C.L. Photos : Bernard BISSON pour le JDD ; ATELIER AAA ; maid Transformer sa cuisine en champ de bataille ? Pourquoi pas. Deux livres mettent en scène des matches culinaires, entre les recettes françaises et les américaines et entre les plats anciens et les modernes. Le premier, FranceU.S.A, 25 clashs culinaires, 50 recettes (Tana Éditions, 16,95 €), invite à cuisiner deux plats : une recette américaine et son équivalent français, ou l’inverse. Et de choisir sa préférence : chili con carne ou cassoulet, hot dog ou friand à la saucisse, tendron de veau aux carottes ou Yankee pot roast, madeleines ou muffins… Le second ouvrage, baptisé Tradi Trendy (Hachette Cuisine, 22,50 €), met en concurrence les recettes traditionnelles et leurs équivalents « revisités ». On choisit ainsi son camp entre l’authentique quiche lorraine et la moderne focaccia (poitrine-beaufort), l’indétrônable poulet rôti et les pilons croustillants façon bistrot ou encore les classiques poires au vin face à la très pointue « compotée de poire cardamome tonka ». Outre le côté ludique du match, le livre permet de cuisiner un même produit en fonction du goût de ses invités, classiques ou branchés. Dans le même registre décalé, Les Nouvelles Recettes de la super supérette (Tana Éditions, 16,95 €) donnent les clés pour réaliser chez soi 40 produits cultes de supermarché, sucrés et salés. Rebaptisés pour l’occasion, on retrouve les Ursinés, ces fameux oursons au chocolat et à la guimauve, les Bien-Aimés, ces friandises colorées à la cacahuète cachée, ou les Burlesques, ces raviolis fourrés à la viande. De petits plaisirs industriels qu’on s’autorise à nouveau grâce au fait maison. g