« François Bégaudeau, pourquoi aimez

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« François Bégaudeau, pourquoi aimez
« François Bégaudeau,
pourquoi aimez-vous Trois Contes ? »
Parce que la littérature d’aujourd’hui se nourrit de celle d’hier, la GF a interrogé des écrivains contemporains
sur leur « classique » préféré. À travers l’évocation intime de leurs souvenirs et de leur expérience de lecture, ils
nous font partager leur amour des lettres, et nous laissent entrevoir ce que la littérature leur a apporté. Ce
qu’elle peut apporter à chacun de nous, au quotidien.
Né en 1971, François Bégaudeau, romancier et chroniqueur, est notamment l’auteur d’Entre les murs
(Verticales, 2006), porté à l’écran en 2008 par Laurent Cantet, d’un Antimanuel de littérature (Bréal, 2008) et
de Vers la douceur (Verticales, 2009). Il a accepté de nous parler des Trois Contes de Flaubert, et nous l’en
remercions.
Quand avez-vous lu ce livre pour la première fois ? Racontez-nous les circonstances de
cette lecture.
Je ne sais pas situer la date exacte, quelque chose comme 1996. En tout cas, c’est tard.
Assez tôt curieux de Flaubert, j’aurais dû m’y pencher dès le lycée, au moins en lettres sup’,
éventuellement à la fac. Je ne l’ai lu qu’après mes études, à ma seule initiative.
Comment expliquer ce retard ? Livre moins connu, peu étudié, relégué dans l’ombre
de deux monuments, Madame Bovary et L’Éducation sentimentale. Et puis, drôle de
structure : les trois contes forment-ils un recueil de nouvelles, doit-on ressaisir une cohérence
entre ces récits apparemment hétérogènes, ou s’agit-il d’une ligature contingente, occasionnée
par leur rédaction à la même époque (1875-1876) ? En gros, j’attendais de savoir si c’était un
vrai livre pour me lancer.
Pourtant, j’avais entendu des flaubertiens farouches dire que c’était là le diamant de
l’œuvre. Je me souviens d’une émission où Michel Tournier tremblait d’émotion en évoquant
ce livre. Je savais que j’y viendrais un jour. Au risque de céder à une illusion rétrospective, je
crois même pouvoir dire que je pressentais qu’il se passerait là quelque chose de fort. J’y suis
venu à vingt-cinq ans.
Votre coup de foudre a-t-il eu lieu dès le début du livre ou après ?
Entre la rencontre avec un livre et ce phénomène étrange nommé « coup de foudre », il
n’y a qu’un trait commun : le sentiment d’une familiarité immédiate. Précédant le
déroulement de l’histoire et la caractérisation des personnages, elle est assurément d’ordre
purement textuel. Je ne sais quelle musique, vibration sourde, grain de sens, fait qu’on y est
tout de suite. Donc oui, ça commence dès l’incipit, dès la première phrase qui, reléguant
Félicité en fin, dit tout de son aliénation. Le personnage principal du premier conte est très
secondaire dans la maison de Mme Aubain. On a déjà tout compris.
Les textes avec lesquels se tisse instantanément ce genre de lien sont ceux que je lis le
plus lentement. Je m’arrête en permanence pour récupérer, sinon c’est trop d’un coup. C’est
pourquoi je dois avouer que j’ai laissé passer plusieurs jours, plusieurs semaines, avant de
passer à la lecture du deuxième conte. Aujourd’hui encore, mes affinités avec l’ensemble
reposent essentiellement sur Un coeur simple.
Découvrez la suite dans la nouvelle édition GF de Trois contes de Flaubert.