Chronique EC 2015-48

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Chronique EC 2015-48
Chronique
Commission des études comptables
COMPTES ANNUELS
Bail commercial - Indemnité versée à un nouveau locataire pour couvrir
l’indemnité de résiliation de son bail en cours - Comptabilisation
(EC 2015-48)
Une société civile immobilière (SCI), propriétaire d’un immeuble, accepte de verser à un nouveau
locataire (le preneur P) une indemnité ayant pour finalité de financer l’indemnité de résiliation que ce
dernier doit verser à son ancien bailleur pour mettre un terme à son bail en cours.
Les principaux termes du bail commercial entre la SCI et le preneur P sont les suivants ;
- il s’agit d’un bail « 3/6/9 » avec renonciation du preneur P à sa faculté de résilier le bail à l’issue
de chaque période triennale. En raison de cet engagement contractuel, la durée du contrat est
donc de 12 ans fermes ;
- le preneur P peut lever l’option d’achat soit de l’immeuble pour un prix fixé net vendeur, soit des
parts de la SCI sur la base de la même valeur de l’immeuble ;
- une franchise de loyer est accordée sur la première période triennale, une seconde franchise
étant accordée sur la période des trois années suivantes ;
- la SCI verse au preneur P une indemnité à titre de compensation du préjudice à subir par le
preneur P en raison de l’indemnité de résiliation de son bail actuel. Dans l’hypothèse où le
montant de l’indemnité serait supérieur à celui de l’indemnité versée par P à son ancien bailleur,
l’excédent s’imputera sur le montant de la franchise de loyer de la première période. Cette
indemnité est mise en séquestre et ne sera versée qu’à la date d’effet du bail ou à toute autre
date ultérieure à première demande du preneur P (sous réserve que le preneur P se soit acquitté
du premier terme du loyer). Cette indemnité ne serait pas restituable au bailleur pour cause de
résiliation anticipée et est acquise au preneur P sous les seules conditions énoncées au bail
(notification du montant exact par le preneur et prise d’effet du bail) ;
- les règles de droit commercial s’appliquent au preneur P en cas de résiliation anticipée du bail, à
savoir le paiement des loyers, hors déduction de l’indemnité versée, jusqu’à son terme.
Question :
Quel est le traitement comptable de l’indemnité versée au preneur P dans les comptes annuels de la
SCI établis selon les dispositions du Plan comptable général ?
***
*
Rappel des textes applicables
Règlement n° 2014-03 de l’Autorité des normes comptables du 5 juin 2014 relatif au Plan
comptable général
Art. 211-1 : « Un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive
pour l’entité, c'est-à-dire un élément générant une ressource que l’entité contrôle du fait d’évènements
passés et dont elle attend des avantages économiques futurs ».
Art. 211-2 : « L’avantage économique futur représentatif d’un actif est le potentiel qu’a cet actif de
contribuer, directement ou indirectement, à des flux nets de trésorerie au bénéfice de l’entité. […] ».
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Art. 211-8 : « Les charges constatées d’avance sont des actifs qui correspondent à des achats de
biens ou de services dont la fourniture ou la prestation interviendra ultérieurement ».
Art. 511-1 : « Les dépenses qui ne répondent pas aux conditions cumulées de définition et de
comptabilisation des actifs et qui ne sont pas attribuables au coût d’acquisition ou de production tels
que définis aux articles 211-1 à 211-8 et 212-1 et suivants, doivent être comptabilisées en charges
sous réserve des dispositions prévues aux articles 212-9 à 212-11 ».
Art. 511-2 : « Les charges comprennent :
- les sommes ou valeurs versées ou à verser :
• en contrepartie de marchandises, approvisionnements, travaux et services consommés par l'entité
ainsi que des avantages qui lui ont été consentis ;
• en exécution d'une obligation légale ;
• exceptionnellement, sans contrepartie ;
[…] ».
Art. 944-48 : « […] Le compte 486 "Charges constatées d'avance" enregistre les charges qui
correspondent à des achats de biens et de services dont la fourniture ou la prestation interviendra
ultérieurement. Il est débité, en fin d'exercice, par le crédit des comptes de charges intéressés. Il est
crédité, à l'ouverture de l'exercice suivant, par le débit de ces mêmes comptes. Un autre procédé de
comptabilisation consiste, lors de l'enregistrement initial de la facture, à affecter directement au
compte de régularisation 486 la quote-part des charges se rapportant à un exercice ultérieur. […] ».
Avis n° 29 du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables relatif à la comptabilisation
1
des contrats de location
« 7/ Contrat de location ayant des échéances de loyer inégales dans le temps
Lorsque les loyers stipulés au contrat sont inégaux de période en période, sans qu'une raison
technique ou économique puisse justifier une telle variation, il y a lieu de répartir les charges ou
2
produits de loyer de manière à rendre compte correctement des avantages économiques procurés
par le bien de période en période. La méthode linéaire est retenue en l'absence d'une autre méthode
plus pertinente ».
Extraits de la réponse de la Commission des études comptables relative à la comptabilisation
des redevances de crédit-bail (EC 2010-69, Bulletin CNCC n° 162, juin 2011, p.277 et s.)
« La Commission des études comptables a tout d’abord rappelé sa position antérieure (Bulletin CNCC
n° 103, septembre 1996, EC 1996-32, p. 509-510) selon laquelle :
« […] les redevances de crédit-bail représentatives, pour une période donnée, du coût du contrat
devaient être comptabilisées en charges conformément aux dispositions prévues au contrat.
Il convient ainsi de procéder à une analyse de ces dispositions afin de déterminer notamment si le
montant des redevances correspond bien, pour la période que chacune couvre, au coût effectivement
prévu au contrat ou au contraire si ce montant reflète des modalités de paiement de ce coût.
Ainsi, en l’absence de disposition particulière […] permettant de justifier l’ajustement du paiement des
redevances au montant de la charge effectivement supportée, la Commission a estimé que les
redevances prévues au contrat devaient être comptabilisées en charges.
1
Avis approuvé par décision du Conseil Supérieur le 15 novembre 1995.
2
Selon une lettre du Secrétaire Général de la Commission Bancaire à l’Association Française des Sociétés Financières, en
date du 20 février 1990, « l’intégration anticipée dans le compte de résultat de loyers non encore juridiquement acquis ne peut
être admise ».
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La Commission a également souligné que, à la différence d'un contrat de location simple, les
redevances déterminées dans un contrat de crédit-bail sont la contrepartie non seulement de la mise
à disposition d'un bien mais également d'éléments financiers ayant fait l'objet d'une renégociation et
reflétés dans les modalités de paiement convenues des redevances ».
Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables a également pris position sur le traitement
comptable des contrats de location ayant des échéances de loyers inégales dans le temps. Le § 7 de
l’avis n°29 du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables relatif à la comptabilisation des
contrats de location, approuvé par décision du Conseil supérieur le 15 novembre 1995, dispose en
effet :
« Lorsque les loyers stipulés au contrat sont inégaux de période en période, sans qu’une raison
technique ou économique puisse justifier une telle variation, il y a lieu de répartir les charges ou
produits de loyer de manière à rendre compte correctement des avantages économiques procurés par
le bien de période en période. La méthode linéaire est retenue en l’absence d’une autre méthode plus
pertinente ».
Dans le cadre d’une saisine de l’Autorité des normes comptables, la Commission des études
comptables a rappelé la teneur de l’avis n°29 du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables
et a souhaité que l’Autorité des normes comptables étudie la possibilité de modifier le Plan comptable
général, afin qu’il soit requis de répartir dans le temps les loyers conformément à l’utilisation réelle du
bien et non conformément à la lettre du contrat.
Les positions de la Commission des études comptables de la Compagnie nationale des commissaires
aux comptes et du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables ont été exprimées en
l’absence de texte publié par les organismes comptables compétents sur le traitement, dans les
comptes annuels, des contrats de location ayant des échéances de loyers inégales dans le temps.
Ces positions constituent une source doctrinale, dont l’application est certes encouragée mais ne
saurait être rendue obligatoire, dans la mesure où, à la différence des dispositions issues du Plan
comptable général, elles ne présentent pas un caractère réglementaire.
La Commission constate que les deux méthodes préconisées par la Compagnie nationale des
commissaires aux comptes et le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables sont reconnues
dans la pratique. […] ».
Réponse de la Commission des études comptables
Sur la base des éléments transmis, la Commission relève que l’indemnité versée par la SCI au
nouveau locataire, le preneur P, constitue l’un des éléments de calcul du loyer net.
En effet, en l’absence du versement de cette indemnité au preneur P, les alternatives suivantes
auraient pu être retenues, à savoir ;
- soit une franchise de loyer accordée au preneur P pendant une période initiale correspondant à
celle sur laquelle ce dernier aurait eu à continuer de payer les loyers à son ancien bailleur jusqu’à
l’échéance du bail en cours,
- soit une réduction complémentaire du loyer brut de façon à permettre au preneur P d’absorber la
charge complémentaire qui aurait résulté de l’obligation pour ce dernier de continuer de payer les
loyers à son ancien bailleur jusqu’à l’échéance du bail en cours.
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Cette indemnité ne semble, à ce titre, pas pouvoir être analysée isolément comme une sortie de
ressources sans contrepartie pour la SCI. Elle apparaît en effet comme l’une des composantes du
bénéfice net tiré par la SCI dans la transaction conclue avec le preneur P, à savoir disposer
immédiatement d’un nouveau locataire lui assurant un revenu de loyer pour une période de 12 ans
minimale.
Par ailleurs, il ressort des dispositions du contrat conclu entre la SCI et le preneur P que cette
indemnité ne serait pas restituable au bailleur pour cause de résiliation anticipée et est acquise au
preneur P. Néanmoins, en cas de résiliation anticipée du bail, les loyers résiduels jusqu’au terme du
bail de 12 ans restent dus par le preneur P.
De plus, la Commission relève, au cas particulier, que cette indemnité et la franchise de loyer sont
étroitement liées. En effet, le contrat conclu entre la SCI et le preneur P précise que dans l’hypothèse
où le montant de l’indemnité versé par la SCI à P serait supérieur à celui de l’indemnité versé par P à
son ancien bailleur, l’excédent s’imputera sur le montant de la franchise de loyer de la première
période triennale du bail.
En l’espèce, la Commission estime que l’étalement de l’indemnité versée au preneur P dans les
comptes annuels de la SCI sur la durée pendant laquelle le bail ne peut être résilié, soit 12 ans, est la
manière la plus appropriée de traduire l’économie globale de la transaction au regard des avantages
économiques qui en sont tirés par la SCI.
De fait, la prestation de services à rendre par le bailleur dans le cadre du contrat, dont le versement
de l’indemnité au preneur a rendu la signature possible, s’effectue a postériori sur la durée du bail.
Aussi, dans les comptes annuels de la SCI, cette indemnité est comptabilisée en charges constatées
d’avance et rapportée de manière linéaire au résultat sur la durée pendant laquelle le bail ne peut être
résilié, soit 12 ans.
La Commission attire néanmoins l’attention sur le fait qu’au regard des textes comptables en vigueur,
la comptabilisation de cette indemnité immédiatement en charges dans les comptes annuels de la SCI
peut également être retenue.
Enfin, une information appropriée sur le traitement comptable de l’indemnité versée au preneur P est
à mentionner dans l’annexe des comptes annuels.
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