du vertige à l`éblouissement del vértigo al

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du vertige à l`éblouissement del vértigo al
DU VERTIGE À L’ÉBLOUISSEMENT
DEL VÉRTIGO AL DESLUMBRAMIENTO
Gabrielle Schmeyer
Du vertige à l’éblouissement
Del vértigo al deslumbramiento
Traduit du français par Myrtille Gasparutto
Édition bilingue
Essais Sc. Humaines, Philosophie
Éditions Persée
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© Éditions Persée, 2016
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A vos, que fuiste mi ‘tan cercano’
À toi, qui fus mon « très proche »
EL VÉRTIGO
Al salir del sueño es cuando está más presente a sí misma. Cada
despertar ve la vuelta al puerto, la vuelta del alma al puerto de su
cuerpo. Navegación misteriosa en aguas profundas que suele traer
su botín de entendimientos.
Aquella mañana de domingo, en su cama del otro lado del planeta,
se despertó con un mareo, tambaleada. Él, su amor, que la deja, que
la deja lentamente desde hace meses, hace algo peor que eso, niega
el pasado de ambos o no lo reconoce. He aquí esa sensación terrible:
en lugar de poder respaldarse en algo firme, debe mantenerse en el
vacío para cerrar su historia.
Cuando apoyó un pie en el piso para levantarse, todo vaciló a su
alrededor. Primero pensó en una debilidad pasajera o un movimiento
demasiado brusco. Entonces se acostó de nuevo, para volver a
levantarse luego de unos instantes, con cautela. El vértigo seguía
ahí, igual de poderoso. La acompañó durante meses, haciendo
que el suelo bajo sus pasos oscilara o se inclinara peligrosamente.
Muchas veces tropezó, se cayó también, una sola vez. Tuvo que
luchar contra la náusea, adaptar su pedalear, en alguna ocasión
aprender a sostenerse en las paredes cercanas, arrimarse a su pareja
en el baile, no dejar notar nada.
Las pocas personas que supieron se preocuparon por ella. Hizo
exámenes médicos, recibió tratamientos. Pero había entendido, sin
lugar a duda, que era su mal de corazón que alcanzaba su cuerpo.
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LE VERTIGE
C’est lorsqu’elle sort du sommeil qu’elle est la plus présente à
elle-même. Chaque réveil voit le retour au port, le retour de l’âme
au port de son corps. Navigation mystérieuse en eaux profondes qui
ramène souvent son butin d’entendements.
Ce dimanche matin, dans son lit de l’autre bout de la planète,
elle s’éveille avec un haut-le-cœur, chavirée. Lui, son amour, qui
la quitte, qui la quitte lentement depuis des mois, il fait pire que
cela, il nie leur passé ou ne le reconnaît pas. C’est là cette sensation
terrible : au lieu de pouvoir prendre appui sur du ferme, elle doit se
tenir sur du vide pour clore leur histoire.
Lorsqu’elle a mis un pied par terre pour se lever, tout a vacillé
autour d’elle. Elle a d’abord cru à une faiblesse passagère ou un
mouvement trop brusque. Elle s’est donc recouchée pour se relever
quelques instants plus tard, précautionneusement. Le vertige était
toujours là, aussi puissant. Il l’a accompagnée des mois durant,
faisant osciller ou pencher dangereusement le sol sous ses pas. Elle
a trébuché souvent, elle est tombée aussi, une seule fois. Elle a
dû lutter contre la nausée, adapter sa conduite à vélo, apprendre à
l’occasion à se soutenir sur les murs environnants, s’arrimer à son
partenaire dans la danse, ne rien laisser paraître.
Les quelques personnes qui ont su se sont inquiétées pour elle.
Elle a fait des examens médicaux, elle a reçu des médicaments. Mais
elle avait compris, sans aucun doute possible, que c’était son mal
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Hasta se maravilló ante tal limpidez del significante: ¡su amor, en
la negación, volteaba su representación del mundo! ¿Qué podría ser
más vertiginoso?
Quizás estaba preparada de larga data para la separación, para su
dolor intenso, o al menos lo había intentado. Pero no estaba preparada
para la negación, el revisionismo. Él revisaba su historia compartida
vaciándola de su sustancia, negando sus propios impulsos, siendo
infiel a sí mismo, acaso en un esfuerzo tenaz para arrancarse de ella.
“Es más fácil renegar… que vivir sin olvidar” 1
Empezó a dudar de sí misma, una duda insidiosa. ¿Todo aquello
había realmente existido entre ellos? Todo ese deseo, toda esa
intensidad, toda esa profundidad y esa belleza, ¿las había inventado?
¿Qué valor tienen los recuerdos si no se comparten? Si sólo
ella se acuerda, todo toma aires de irrealidad. Una historia negada,
denegada que la lleva hacia la pendiente de una locura dulce y
mareadora, y la deja aun más sola, sin ninguna referencia confiable.
Ella, que suele avanzar en la vida a paso firme, perdió apoyo,
siente que vacila. A la ruptura exterior, su separación con él, se suma
la vivencia interior de una ruptura identitaria y más aun, una ruptura
de sentido. El sentimiento de una falsificación en algún lugar que la
deja insegura y extraviada en un mundo que perdió su coherencia.
Desorientada, arfa, casi aliviada de que su mal del alma pueda
encontrar un exutorio orgánico a través de sus vértigos cotidianos.
1.En castellano en el texto original. (N. de la T.)
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au cœur qui atteignait son corps. Elle s’est même émerveillée de la
limpidité du signifiant : son amour, dans le déni, faisait basculer sa
représentation du monde ! Quoi de plus vertigineux ?
Peut-être était-elle préparée de longue date à la séparation, à sa
douleur intense, ou du moins elle l’avait tenté. Mais elle n’était pas
préparée à la négation, au révisionnisme. Imán revisitait leur histoire
commune en la vidant de sa substance, en reniant ses propres élans,
en étant infidèle à lui-même, probablement dans un effort acharné
pour s’arracher d’elle.
« Es más fácil renegar… que vivir sin olvidar »
Elle se mit à douter d’elle-même, d’un doute insidieux. Tout cela
avait-il bien existé entre eux ? Tout ce désir, toute cette intensité,
toute cette profondeur et cette beauté, les avait-elle inventées ?
Quelle valeur ont les souvenirs s’ils ne sont pas partagés ? Si
elle seule se rappelle, cela prend des allures d’irréalité. Une histoire
niée, déniée qui l’amène sur la pente d’une folie douce et nauséeuse,
et la laisse plus seule encore, sans aucun repère fiable.
Elle qui avance habituellement d’un pas assuré dans la vie, elle
n’a plus d’assise, elle se sent vaciller. À la rupture extérieure, sa
séparation d’avec lui, s’ajoute le vécu intérieur d’une rupture identitaire et plus encore d’une rupture de sens. Le sentiment d’une
falsification quelque part qui la laisse incertaine et égarée dans un
monde qui a perdu sa cohérence.
Désorientée, elle tangue, presque soulagée que son mal de
l’âme puisse trouver un exutoire organique à travers ses vertiges
quotidiens.
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LA NEGACIÓN
“Todo lo que excita y estimula nuestro interés es real;
desde el momento en que un objeto nos atrae lo suficiente
como para que nos orientemos hacia él y llenemos con él
nuestra mente, entonces nos parece real y creemos en él. Al
contrario, si lo ignoramos, si no logramos considerarlo, si
lo despreciamos, lo rechazamos, lo olvidamos, entonces nos
parece irreal y no creemos en él.”I
William James
Muy temprano ella pudo observar, con fascinación, esa capacidad
que Imán a veces tiene de recusar una realidad o transformarla hasta
volverla irreconocible.
Lo vio desmentir su último amor, enojarse por confesiones que
consideraba sin fundamento.
A veces llegó a sospechar que él negaba la evidencia de los
sentimientos pasados. Y sin embargo Imán tiene muy buena memoria.
Pero, en algunas circunstancias, de tanto olvidar, consigue olvidarse
de que olvida.
Ella es, hoy, a su vez, presa de ese depredador de memoria. Imán
le ofrece una negación equívoca, en la que oblitera el embeleso,
el deseo, el amor amoroso. Esparcidos, aquí y allí, vagan algunos
recuerdos sexuales o familiares.
Él la desaprobó como amante y le confirió una función de ‘guía
de vida’ a su lado. A ella le llevó mucho tiempo tomar consciencia
de ese deslizamiento fatal.
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LE DÉNI
« Tout ce qui excite et stimule notre intérêt est réel ; dès
qu’un objet nous attire suffisamment pour que nous nous
tournions vers lui, que nous en remplissions notre esprit, alors
il est réel pour nous et nous croyons en lui. À l’opposé, si
nous l’ignorons, si nous échouons à le considérer, si nous le
méprisons, le rejetons, l’oublions, alors il est pour nous irréel
et nous n’y croyons pas. »I
William James
Elle a pu observer très tôt, avec fascination, la faculté qu’a parfois
Imán de refuser une réalité ou de la transformer jusqu’à la rendre
méconnaissable.
Elle l’a vu démentir son amour précédent, se mettre en colère
contre des aveux qu’il estimait sans fondement.
Elle l’a parfois soupçonné de nier l’évidence des sentiments
passés.
Et pourtant, Imán a une très bonne mémoire. Mais, dans certaines
circonstances, à force d’oublier, il arrive à oublier qu’il oublie.
Elle est aujourd’hui, à son tour, la proie de ce prédateur de
mémoire. Imán lui offre un déni équivoque, où il oblitère l’émerveillement, le désir, l’amour amoureux. Épars, de-ci de-là, traînent
quelques souvenirs sexuels ou familiaux.
Il l’a désavouée comme amante et l’a investie d’une fonction
de « guide de vie » auprès de lui. Elle a mis longtemps à prendre
conscience de ce glissement fatal.
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Y luego llegó el rechazo, el reverso de la negación…
En la denegación no se acepta reconocer como propios
pensamientos, deseos, sentimientos, vivencias. La realidad está
escondida, enmascarada, disfrazada, o hasta evacuada en un intento
de hacerla desaparecer. Se trata de esquivar una realidad incómoda
o dolorosa. La negación brinda una protección ficticia: el ‘yo’ no se
interroga, lo que se cuestiona es el mundo exterior. La negación se
apoya en la discrepancia y/o la ambivalencia.
¿En qué medida no estuvo ella misma en la negación?
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Et puis, est venu le rejet qui est le revers du déni…
Dans la dénégation il y a refus de reconnaître comme siens des
pensées, des désirs, des sentiments, des vécus. La réalité est cachée,
masquée, déguisée ou même, évacuée dans une tentative de la faire
disparaître. Il s’agit d’esquiver une réalité dérangeante ou douloureuse. Le déni procure une protection factice : le « moi » n’est pas
interrogé et c’est le monde extérieur qui est remis en question. Le
déni prend appui sur le clivage et/ou l’ambivalence.
Dans quelle mesure n’a-t-elle pas été dans le déni elle-même ?
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