Le film sur "l`homme qui répare les femmes" interdit en RDC

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Le film sur "l`homme qui répare les femmes" interdit en RDC
Le film sur "l'homme qui répare les femmes" interdit en RDC
Par Tatiana Chadenat avec AFP | Le 09 septembre 2015
Le documentaire L’homme qui répare les femmes : la colère d'Hippocrate sur le
docteur Denis Mukwege, prix Sakharov 2014 pour son action en faveur des
femmes victimes d’exactions en République Démocratique du Congo, est
aujourd'hui interdit de diffusion dans le pays. L'ONU juge cette interdiction «
inadmissible ».
Le film dérange les autorités de la République Démocratique du Congo (RDC).
L’homme qui répare les femmes : la colère d'Hippocrate, du réalisateur Thierry
Michel et de la journaliste Colette Braeckman, évoque l’action du docteur Denis
Mukwege qui, depuis une quinzaine d'années, soigne physiquement et
psychologiquement les femmes victimes de viols et mutilations dans l'hôpital
qu'il a ouvert à Panzi, dans la province du Kivu, à l’est de la RDC, région où les
violences à l'encontre des femmes sont commises à grande échelle depuis 1998
(date du début de la deuxième guerre du Congo). Son engagement lui a valu le
prix Sakharov pour la liberté de l'esprit en 2014.
Le documentaire, largement diffusé dans le monde à la rentrée (1), devait être
présenté à l'Institut français de Kinshasa le mercredi 9 septembre. Le ministre de
l’information Lambert Mende, qui aurait initialement donné son accord à la
diffusion du long-métrage, s’est finalement rétracté, interdisant la
projection. Une censure jugée « inexplicable » par le réalisateur, qui s’exprime
dans un communiqué publié sur le site du film. Il invoque notamment le fait
qu’il ne sera pas montré « à la population congolaise », pourtant la première
concernée, « pas plus qu'au personnel de l'hôpital de Panzi et à tous ceux qui ont
eu le courage de témoigner dans ce film ».
C'est une manière de bâillonner la parole des victimes des guerres depuis 20 ans.
De son côté, le ministre de l’information de la RDC, cité dans le communiqué
affirme que « les forces armées estiment avoir été calomniées dans ce
documentaire sur les viols de femmes congolaises et sur l’action du Docteur
Denis Mukwege au Kivu ». Joint par Jeune Afrique, il confirme : « Nous
connaissons des soldats qui sont morts dans les combats, nous ne pouvons pas
accepter qu’ils soient accusés de viols. » Le réalisateur également interrogé par
le journal affirme n’avoir accusé personne, mais simplement donné la parole aux
victimes.
Le sujet des exactions envers les femmes en RDC a récemment fait l’objet d’une
enquête de la Revue XXI, qui questionne la véracité des chiffres avancés
par certaines ONG. L'article accuse les organisations de créer un business du
viol en gonflant artificiellement le nombre de violences. Des violences qui
existent toutefois bel et bien dans le pays.
Pour le réalisateur, l'interdiction du film est une manière « de bâillonner sa
parole (celle de Denis Mukwege, NDLR) et celle des victimes des guerres et
tragédies que le pays vit depuis 20 ans. »
Le gynécologue a quant à lui estimé jeudi que le boycott du film était un signe
du « climat d'oppression, de dégradation de la situation des droits humains et de
rétrécissement de l'espace des libertés fondamentales » qui règne dans le
pays, alors qu'une série d'élections auront lieu en octobre.
Le chef de la Mission de l'ONU en RDC Martin Kobler a condamné mercredi
dans un communiqué l'interdiction du documentaire - « une atteinte inadmissible
à la liberté d'expression » - et demandé instamment aux autorités congolaises «
de revenir sur leur décision. »