Après l`interdiction de toute projection du documentaire "L`homme
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Après l`interdiction de toute projection du documentaire "L`homme
Après l'interdiction de toute projection du documentaire "L'homme qui répare les femmes - la colère d'Hippocrate", le réalisateur Thierry Michel réagit avec colère et amertume. Louise Pluyaud - 03 sep 2015 AP Photo/Steven Senne Le Dr Denis Mukwege reçoit du Vice Président de l’Université de Haward aux Etats-Unis un diplôme honoraire du prestigieux établissement en mai 2015 Le mercredi 2 septembre 2015, les réalisateurs Thierry Michel et Colette Braeckman apprenaient que leur documentaire sur le docteur Mukwege était interdit de toute projection publique en République démocratique du Congo. Une censure à laquelle Thierry Michel réagissait aussitôt par un communiqué : "Nous venons d'apprendre que le film "L'homme qui répare les femmes - La colère d'Hippocrate" est catégoriquement interdit de diffusion en RDCongo. (.../...)L'interdiction de la diffusion programmée de ce film est une manière de bâillonner en RDC sa parole et celle des victimes de ces guerres et tragédies que le pays vit depuis 20 ans." Les autorités doivent trouver que le film donne une mauvaise image du pays. Mais il donne une image réelle Nous l'avons interrogé pour tenter de comprendre les raisons de cette interdiction. Selon vous pourquoi le documentaire que vous avez co-réalisé avec Colette Braeckman, vient finalement d’être interdit de projection en RDC ? C’est incompréhensible. Jusqu’à hier, le film était autorisé. Oralement, mais de manière très affirmative. Lambert Mendé, le ministre de l’Information lui-même avait donné son accord. Le film était programmé à Kinshasa, à Bukavu en projection publique, et enfin à l’hôpital de Panzi pour que le docteur Denis Mukwege puisse le visionner avec ses collaborateurs et le personnel soignant. A la surprise générale, Lambert Mendé a interdit sa projection. Il estime qu’il y a calomnie envers l’armée congolaise (FARDC). Il vise en particulier un commentaire du documentaire selon lequel j’accuserais des soldats de viols. Or, ce n’est pas moi mais des rapports de l’ONU que je cite. Des exactions graves des droits de l’Homme avérées par les témoins qui parlent dans le film. Les autorités doivent trouver que le film donne une mauvaise image du pays. Mais il donne une image réelle. Le réalisateur belge Thierry Michel Thierry Michel, né le 13 octobre 1952 à Charleroi, est un réalisateur belge de cinéma. Il a essentiellement tourné des documentaires politiques et sociaux, grâce à sa société liégeoise, Les films de la passerelle, où il travaille en collaboration avec Christine Pireaux, productrice. Lors du tournage vous aviez pourtant obtenu toutes les autorisations pour filmer les témoins et les victimes de viol… Absolument. J’avais le sentiment que tout le monde voulait ce bilan de l’Histoire en plus de rendre hommage au « réparateur des femmes », prix Sakharov 2014. C’est un homme qui fait la fierté du Congo et de l’Afrique. Aujourd’hui, avec sa nomination au prix Nobel de la Paix 2015, on peut dire qu’il a la même stature qu’un Nelson Mandela ou d’un Martin Luther King. Cette interdiction est d’autant plus incohérente que depuis 2003 la justice congolaise poursuit et condamne d’anciens soldats des forces armées pour des violences sexuelles mais aussi des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Dans ce cas les verdicts rendus devraient être eux-mêmes considérés comme des « calomnies ». Comment le docteur Mukwege a-t-il réagi suite à l’interdiction ? Il est très affecté, et en colère. Dire qu’il y a mise en cause des forces armées congolaises est susceptible de poursuites judiciaires. C’est de l’intimidation. Car, il faut savoir que des rumeurs courent selon lesquelles il aurait des ambitions politiques. Le film intervient en effet dans un climat pré-électoral extrêmement tendu en RDC. Le président Joseph Kabila ne peut pas se représenter pour un troisième mandat, selon la Constitution. L’opposition craint qu’il ne cherche à garder le pouvoir. Dans cette ambiance pernicieuse, beaucoup prête (à tort) au docteur Mukwege la volonté de se porter candidat. Si l’interdiction n’est pas levée, le film sera-t-il au moins disponible en téléchargement libre ? Cela risque d’être très compliqué. Tout simplement parce que les lignes internet au Congo sont quasi archéologiques. Charger la bande-annonce qui dure seulement 2 minutes prend déjà une journée, alors le film entier… J’espère toujours un sursaut de lucidité, mais sans grand optimisme.