Contactologie en 2004 : vers plus de confort et de
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Contactologie en 2004 : vers plus de confort et de
p07CDO86 24/04/06 16:13 Page 7 Contactologie Contactologie en 2004 : vers plus de confort et de sécurité 17e session des AOP n contactologie, l’année 2004 a été riche en nouveautés. Au moment d’en faire le bilan, les orateurs présents lors des AOP nous ont proposé un coup d’œil rétrospectif. Matériaux, solutions d’entretien, gammes de lentilles : autant de domaines qui se sont enrichis. Remarquables également sont certains progrès qui portent en germe des modifications dans la façon de pratiquer la spécialité : c’est ainsi, par exemple, que la notion de flux d’oxygène commence à se substituer au Dk/e ou que la notion nouvelle de flexibilité du port s’associe à certaines lentilles. La grande tendance actuelle est d’optimiser la sécurité des équipements. E Résistance à la déshydratation et flux d’oxygène conditionnent la tolérance L’inconfort en lentilles de contact est le plus souvent lié à une déshydratation de l’équipement qui se manifeste en fin de journée, et qui dépend des conditions de port et de travail. La mouillabilité est indispensable à la bonne tolérance. En lentilles rigides, la mouillabilité est très liée au matériau et à l’état de surface. Le confort en lentilles souples dépend quant à lui de l’hydrophilie des polymères. La recherche en contactologie a pour but de fidéliser les porteurs en leur assurant le meilleur confort possible, tout en leur offrant une sécurité optimale. Si l’on reprend une partie de l’historique des lentilles souples, voici ce que l’on constate. Comment les fabricants s’y sont-ils pris pour faire progresser les choses ? Afin d’augmenter l’hydrophilie des lentilles souples hydrogels (copolymérisation de monomères hydrophiles et hydrophobes), le nombre de monomères hydrophiles a été augmenté dans un premier temps. Cela a cependant abouti à des équipements épais et sensibles à la déshydratation (température ambiante…). La diminution de l’épaisseur a ensuite fait connaître ses limites, du fait notamment d’un risque accru de déchirure. Il a donc fallu trouver des compromis entre la finesse et l’hydrophilie. La première génération de lentilles silicone-hydrogel (port journalier) a fait son apparition peu avant l’an 2000. L’année 2004 aura pu saluer l’arrivée de la deuxième génération. La perméabilité à l’oxygène de ces copolymères d’hydrogel et de monomères de silicone est en effet bien supérieure à celle des hydrogels. La bonne transmissibilité des lentilles à l’oxygène est elle aussi un facteur de meilleure tolérance (a contrario, l’hypoxie chronique diminue la tolérance). Des études très récentes publiées en 2004 nous montrent qu’il convient maintenant de modifier le regard que l’on portait sur le Dk/e. Depuis une trentaine d’années, Dk et Dk/e étaient les seuls indicateurs qui permettaient de se faire une idée de l’apport en oxygène de la cornée sous lentilles. Mais il s’agit de valeurs théoriques, calculées in vitro et peu transposables in vivo (conditions de température précises…). C’est pourquoi on en est venu à parler du flux d’oxygène, c’est-à-dire de la quantité d’oxygène que reçoit réellement la cornée sous lentille. Du fait d’un gradient de pression, l’oxygène traverse la lentille pour se retrouver entre la lentille et la cornée. Le flux est donc le Dk/e que multiplie le gradient de pression. Le flux d’oxygène des lentilles hydrogel est inférieur à celui des silicone-hydrogel. Quand on compare ces dernières, qu’elles soient de première ou de deuxième génération, on constate en revanche qu’elles assurent un flux très voisin, en dépit de Dk/e différents. La question actuelle est : quelle quantité d’O2 faut-il pour maintenir les conditions physiologiques de la cornée en port diurne et prolongé ? Les Cahiers 7 p07CDO86 24/04/06 16:13 Page 8 Contactologie De l’attention accordée tout d’abord au Dk, puis à la valeur du Dk/e, après avoir pris conscience de l’influence de l’épaisseur des lentilles sur le passage de l’oxygène, voilà qu’avec les nouveaux matériaux, le Dk/e n’apparaît donc plus comme un facteur aussi important ! La recherche de l’hydrophilie ne semble par conséquent plus être la priorité, ce d’autant que la diminution de la proportion en eau des lentilles silicone-hydrogel réduit le risque de déshydratation : un ensemble de facteurs qui sécurisent le port, et dont la mise au point des nouveautés (ci-dessous) a dû tenir compte. Des lentilles modifiées et des silicone-hydrogel de deuxième génération Acuvue Advance with Hydraclear (Johnson & Johnson Vision Care) contient l’agent mouillant interne Hydraclear, un composant mis au point et utilisé pour son fort pouvoir hydratant. Cette nouvelle lentille silicone-hydrogel de deuxième génération (disponible depuis la fin du second semestre 2003) est conçue pour un port journalier avec renouvellement bimensuel. Il s’agit de proposer au porteur plus de confort et de sécurité, par l’intermédiaire d’un matériau naturellement mouillable, aux propriétés hydratantes et lubrifiantes, et donc une lentille souple et hydrophile dont la transmissibilité à l’oxygène est élevée. Ses caractéristiques sont les suivantes : deux rayons disponibles : 8,30 et 8,70 (rappel : comme il s’agit de silicone, il convient de commencer l’adaptation par 8,30, même sur cornée plate), puissances – 6 à + 4, lentille de groupe 1 non ionique dont le Dk/e n’est pas très élevé mais qui assure un bon flux en oxygène. O2 Optix (Ciba Vision) est sortie au dernier trimestre de l’année 2004. Il s’agit d’une lentille à renouvellement mensuel fabriquée à partir d’un nouveau matériau silicone-hydrogel breveté. Elle est destinée au port journalier et au port continu occasionnel. Le haut niveau de sa transmissibilité à l’oxygène lui a valu d’obtenir le marquage CE pour une utilisation continue jusqu’à six nuits, ce qui convient à des porteurs qui préfèrent enlever leurs lentilles chaque soir sauf situations particulières. Avec son traitement de surface, elle réalise un concept différent de celui de la lentille Acuvue Advance with Hydraclear. La flexibilité du port est elle aussi une nouveauté. Cela se traduit en pratique par la possibilité de faire la sieste avec les lentilles ou de les porter au maximum six jours et six nuits consécutifs (dans ce cas de figure, le laboratoire 8 Les Cahiers recommande en effet de profiter par exemple du week-end pour suspendre le port pendant 24 heures consécutives). Caractéristiques : Lotrafilcon B, 33 % d’hydrophilie, rayon de courbure unique : 8,60, puissances : –1,00 à –6,00, par 0,25 dioptries, Dk/e : 138. On précise qu’en termes de qualité et de fabrication, ces lentilles sont semblables. Si la fréquence du renouvellement diffère (15 ou 30 jours), c’est pour permettre à la prescription de s’adapter aux utilisateurs. En effet, la durée de port autorisée est notamment fonction du sérieux et du terrain des porteurs, des précautions qu’ils prennent et de leur tendance à fabriquer des dépôts. Complete Aquavision (AMO), compte elle aussi parmi les nouveautés. Cette lentille hydrogel modifiée (à port uniquement journalier et à renouvellement mensuel) est fabriquée par moulage à partir d’un copolymère non ionique qui combine du glycérol méthacrylate (GMA) et de l’hydroxyéthylméthacrylate (HEMA) : le GMAqua. La stabilité de son hydratation a pour but de maintenir le taux d’hydratation de la lentille pendant le port, quel que soit le degré d’hygrométrie ambiant. Elle vise donc à résoudre les problèmes de sensation de sécheresse et de gène oculaire qui constituent les principaux freins à la poursuite du port de lentilles. Caractéristiques : 50 % d’hydrophylie, rayon de courbure : 8,70, Dk/e : 26, puissances : – 8 à + 8. Des solutions d’entretien qui modifient leurs formules Contrairement aux années passées, 2004 a été marquée par l’arrivée de plusieurs solutions d’entretien réellement innovantes pour les lentilles. Dans le but de maintenir une bonne hydratation jusqu’en fin de journée, des formules déjà présentes sur le marché ont été améliorées et de nouveaux concepts ont été créés. En modifiant la formule de Complete, AMO a sorti Complete Moisture plus. Il contient de l’hydroxypolypropyl méthyl cellulose (HPMC), et du propylène glycol (PG). L’HPMC est une molécule de grande taille qui se comporte comme un bouclier d’hydratation entre la cornée et la lentille. Le PG se retrouve quant à lui dans la matrice de la lentille pour en assurer la saturation en eau (il agit en profondeur pour capter l’eau). Nouvelle aussi est l’adjonction de taurine, un acide aminé qui agit comme antioxydant. p07CDO86 24/04/06 16:13 Page 10 Contactologie Ce produit est par ailleurs associé au système Complete RapidCare. Cette unité de nettoyage produit des vibrations qui, en agitant les lentilles dans leur étui, assurent l’élimination mécanique des germes et autres dépôts. En association à la solution Complete Moisture plus, le nettoyage demande deux séances successives d’une minute chacune, en ayant soin, bien sûr, de vider la solution usagée et de remplir l’étui avec de la solution propre entre ces deux étapes. L’efficacité de ce mode d’entretien contre les acantameoba a été démontrée. Solo-Care Aqua (Ciba Vision) est une solution multifonctions pour lentilles souples, mise au point dans le but de maintenir l’hydratation de la lentille pendant le port. Elle contient du dexpanthenol, un agent mouillant, et du sorbitol, capable de s’opposer à la déshydratation. Elle s’associe à Microblock, un étui conçu pour être antibactérien. Les ions argent de son additif sont en effet destinés à détruire les germes en continu, un système intéressant par exemple pour les porteurs qui n’utilisent pas leurs lentilles tous les jours. Renu Moisture Loc (Bausch & Lomb) fait suite à Renu Multiplus. Il contient deux agents dont l’association a pour but d’améliorer l’hydratation et la lubrification de la lentille. Ils induisent par ailleurs la formation d’un bio-film protecteur autour de la lentille et une stabilisation des protéines. Ce sont en effet les protéines dénaturées qui, en se fixant sur la lentille, sont à l’origine de la formation de dépôts et d’opacifications. Nouveau également est le décontaminant : l’Alexidine, un biguanide aux performances intéressantes. Avec Regard, Horus pharma crée un nouveau concept. Le mode d’action de ce produit tout en un (sans neutralisation) pour lentilles souples est nouveau. Le peroxyde d’hydrogène y est dosé à 0,01 %, une concentration très inférieure à celle des autres solutions contenant des peroxydes (qui sont à 3 %). La solution contient aussi du chlorite de sodium, qui se transforme en dioxyde de chlore au niveau de la membrane cellulaire des bactéries (désinfectant très puissant utilisé dans l’industrie pour rendre l’eau potable). La combinaison du dioxyde de chlore et du peroxyde d’hydrogène permet d’améliorer la qualité de la décontamination. Cette association aboutit par ailleurs, la production d’eau, d’oxygène et de chlorure de sodium (réaction chimique), liquide physiologique. Entre autres composant, cette solution d’entretien contient aussi des produits tensio-actifs et lubrifiants. 10 Les Cahiers Boston Simplus (Bausch & Lomb), qui prend la suite de Boston Simplicity, est une solution d’entretien tout en un pour lentilles rigides. La déprotéinisation quotidienne est elle aussi assurée par un déprotéinisant. Les deux nouveaux agents lubrifiants visent à améliorer le confort des lentilles rigides. Rappel de quelques principes relatifs à l’entretien des lentilles – Les inadéquations et les sources d’inconfort ou d’abandon peuvent être favorisées par différents facteurs, comme le désintérêt de certains praticiens vis-à-vis du choix de la solution d’entretien, l’absence de formation des pharmaciens et des opticiens dans ce domaine, et le choix du moindre coût par le porteur. (C’est par dérogation que les opticiens ont obtenu le droit de vendre ces produits, la vente revenant normalement aux pharmaciens.) – Les solutions d’entretien pour lentilles de contact sont des dispositifs médicaux dont la prescription est un devoir légal qui revient à l’ophtalmologiste. Ce dernier doit en plus assortir son ordonnance des explications qui justifient son choix, pour mieux susciter l’observance du porteur. – Les différents produits disponibles sur le marché ne sont pas équivalents en efficacité, pH, ni adjuvants. – Les lentilles silcone-hydrogel ne sont pas compatibles avec n’importe quel produit. – Les solutions à base d’oxydants (peroxyde d’hydrogène à 3 %) disposent d’une bonne efficacité, tant sur le plan de la décontamination (à condition de respecter un certain délai d’action) que de la tolérance, et d’un moindre risque d’allergie. – L’entretien des lentilles rigides ne peut s’envisager qu’en utilisant des produits spécifiques, car ils contiennent des lubrifiants. C’est pourquoi il ne faut jamais rincer la lentille au sérum physiologique avant la pose. Sans produit spécifique, pas de mouillabilité. La déprotéïnisation hebdomadaire reste essentielle. – Pour être efficace, toute solution d’entretien quelle qu’elle soit doit impérativement être utilisée dans le respect des consignes établies par le fabricant, information qui doit être donnée au patient, sachant que quel que soit le produit, massage et rinçage sont des étapes qui augmentent considérablement l’efficacité sur l’élimination des germes. p07CDO86 24/04/06 16:13 Page 11 Contactologie En bref : des géométries qui changent Une autre tendance nouvelle enfin, est celle de la réduction les aberrations optiques en jouant sur la géométrie des lentilles. Biomedic 55 est devenue Biomedic 55 Évolution (Ocular Science). Sa face antérieure et ses bords ont été modifiés pour éliminer les aberrations sphériques et limiter les effets des interactions avec les paupières lors du clignement. Menicon a sorti Menisoft, une nouvelle lentille souple hydrophile à port journalier et à renouvellement mensuel. Le matériau est le même que celui de l’ancienne Menicon Soft, mais la géométrie est devenue biasphérique. Il s’agit à la fois d’améliorer l’harmonie avec la cornée et de diminuer les aberrations. PureVision Toric (Bausch & Lomb) est sortie. Cette lentille silicone-hydrogel de première génération qui permet le port permanent est disponible pour les myopies qui vont jusqu’à – 6 et en trois cylindres : – 0,75 ; – 1,25 et – 1,75 par 10°. Ophtalmic 55 Toric, lentille torique à renouvellement fréquent, devrait prochainement élargir sa couverture des astigmatismes. On attend en effet des lentilles adaptées aux forts cylindres : – 2,75, – 3,25 et – 3,75 (de 5 à 180°, par pas de 5°). Rappelons qu’elle dispose de trois systèmes de stabilisation : tore interne, prisme ballast et chanfrein périphérique. Quant aux laboratoires, rappelons la fusion de Bourgeois et Precilens d’une part et l’acquisition d’Ocular Sciences par Cooper Vision d’autre part. Sources : d’après les ateliers des Dr Franck Earith, Katherine Vis et Xavier Subirana, 17e session des Ateliers d’Ophtalmologie Pratique, 17 et 18 décembre 2004 Les Cahiers 11