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Véronique Alunni
LA BALLADE
DE KASSANDRE
Roman
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Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com
Copyright © 2013 Editions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-03279
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À mon mari et mes enfants.
Je vous aime.
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Bluenn venait de fêter ses vingt ans quand elle débarqua
fraîche et pétillante dans la célèbre ville d’Azenor. Accompagnée de sa tendre amie Noyale, elle déambulait avec
entrain dans les ruelles bruyantes et encombrées de la
cité royale. Originaire du comté d’Aouergwenn, une
province reculée au nord de l’Archipel des Anges, Bluenn
ne connaissait rien des coutumes de la chrétienté. Issue
d’une famille de hautes prêtresses, elle avait grandi dans un
univers baigné de magie. Le respect et le culte de la nature
lui avaient été inculqués dès sa plus tendre enfance. C’était
la raison pour laquelle la visite d’Azenor la fascinait autant
qu’elle la choquait. Jamais, au grand jamais, personne dans
son pays n’aurait eu l’audace de profaner le sanctuaire sacré
des forêts pour y ériger une ville, aussi belle fût-elle.
Ce voyage était une idée de son père, le comte Zavier
d’Aouergwenn. Converti aux idées nouvelles qui prétendaient que l’homme ne pouvait trouver le salut en adorant
de fausses divinités païennes, il avait souhaité que sa fille
l’accompagnât afin de la soustraire à l’influence néfaste de
sa femme. À peine arrivés en ville, il s’était excusé auprès
de Bluenn prétextant un rendez-vous d’affaires de la plus
haute importance. Depuis deux jours bientôt, il n’était pas
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réapparu. Tout à sa joie de découvrir les fastes de la cité,
elle n’avait pas pris la peine de s’inquiéter de cette absence
prolongée.
À dire vrai, le célèbre tournoi des chevaliers de l’Archipel, qui devait débuter dans moins d’une heure maintenant, était devenu sa seule préoccupation. Avec une
impatience non dissimulée, elle trépignait devant une
échoppe à la devanture attrayante à l’intérieur de laquelle
sa chère Noyale s’approvisionnait en friandises et autres
spécialités de la région. Gracieuse jusque dans sa manière
de remplir leur panier de victuailles, sa fidèle dame de
compagnie avait immédiatement séduit le boutiquier et
sa bande de commis. Bluenn soupira. Le charme de son
amie était indéniable ! L’éclat de ses grands yeux bleus,
associé à la blondeur insolente de ses cheveux étaient un
véritable guet-apens pour tous les hommes qui croisaient
son chemin. Nul doute qu’elle en aurait pour un bon
moment avant de parvenir à décourager ses nouveaux
prétendants.
— Noyale, hâtons-nous, je t’en prie ! Toute la ville est
en ébullition. Nous ne trouverons jamais de places si nous
ne partons pas tout de suite ! Te rends-tu compte ? Un
tournoi ! Un vrai ! Comme dans les récits des bardes. Oh,
comme j’ai hâte ! Penses-tu que ce soit dangereux ?
— Cessez de vous agiter, Bluenn ou je n’y arriverai
jamais ! répondit Noyale en riant de la hâte que mettait un
tout jeune rouquin à la servir. N’ayez crainte, votre père a
pris soin de nous réserver les meilleures places dans les
tribunes. Et non, je ne crois pas que ce soit dangereux. Il
ne s’agit que d’épreuves pacifiques ! À l’issue du tournoi,
le plus courageux et le plus habile des chevaliers sera sacré
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champion de l’Archipel des Anges et recevra un prix au
nom du roi Stefan.
— Le roi Stefan, dis-tu ? Il sera là ? questionna la jeune
femme au comble de l’excitation. Je croyais qu’il défendait
les frontières sud. Il est donc revenu !
— Je n’ai rien entendu de tel. Les combats en mer sont
plus sanglants que jamais. Non ! C’est sa fille qui présidera
le tournoi.
— Oh, ma chère amie ! Je n’en puis plus. Laissons là
tous tes achats, je t’en prie, et allons-y !
— Partez devant, suggéra Noyale. Je vous rejoindrai au
plus vite. J’ai vu quelques galettes de son qui feront un
dîner parfaitement honorable. Vous serez bien contente
d’avoir quelque chose à vous mettre sous la dent quand
viendra midi ! ajouta-t-elle en souriant.
La jeune femme ne se le fit pas dire à deux fois. Elle
embrassa rapidement sa compagne et se hâta de rejoindre la
foule des curieux qui se pressait contre les barrières. Jouant
des coudes, elle réussit à se faufiler jusqu’aux tribunes. Des
tentures chatoyantes ornaient chacune d’elles. Admirative,
Bluenn stoppa un moment sa course. Le vent faisait claquer
les tissus avec grâce. Les armoiries brodées en leur centre
scintillaient sous les rayons du soleil et la jeune femme ne
put s’empêcher d’exprimer son admiration. L’une d’entre
elles retint particulièrement son attention. Deux serpents
bleus enlacés le long d’une épée semblaient la fixer de
manière étrange. Intriguée, la jeune femme tenta de se
rapprocher davantage. Tout à sa réflexion, elle n’aperçut
pas un amas de cordes qui traînaient sur le sol. Son pied
s’enroula dans l’une d’elles. Soudain déséquilibrée, elle
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allait gravement se blesser quand un bras secourable vint
la redresser fermement.
— Oh là ! Belle damoiselle ! Laissez-moi vous aider !
Redressant la tête, Bluenn se retrouva nez à nez avec un
jeune et séduisant chevalier.
— Bien le pardon, monsieur ! Vous venez de me sauver
la vie, bégaya Bluenn confuse de sa maladresse.
— Me voilà le plus heureux des hommes, charmante
damoiselle ! Riwall de Boscat, pour vous servir ! Puis-je
connaître le nom de celle qui vient de conquérir mon
cœur ?
Flattée par l’ardeur du jeune homme, la jeune femme
ne put s’empêcher de lui rendre son sourire.
— Bluenn ! Bluenn d’Aouergwenn.
Visiblement conquis, le jeune Riwall s’inclina respectueusement devant la comtesse.
— Permettez-moi de vous guider ma damoiselle. Il me
semble que vous cherchiez une place.
— Effectivement, monsieur. Mais j’ai bien peur de
m’être perdue. J’ignore parfaitement où je dois me rendre.
— Laissez-moi vous expliquer ! Chaque famille siège
sous ses armoiries. Il nous suffit donc de repérer les vôtres.
Auriez-vous l’obligeance de me les décrire ?
— Oh, mais très certainement ! répondit Bluenn
soulagée. Il s’agit d’un dragon. Un dragon rouge.
Riwall la regarda interloqué.
— Un dragon rouge ? Vraiment ? N’est-ce pas là un
symbole impie ?
— Impie ? Que voulez-vous dire par là ? interrogea
surprise la jeune femme. Je ne comprends pas.
Le chevalier la fixait à présent d’une manière étrange.
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Mal à l’aise, Bluenn détourna les yeux. Mais Riwall se
reprit.
— Je devine que vous venez de très loin, damoiselle et
vous êtes, de toute évidence, ignorante de nos lois. Quant
à moi, je ne suis qu’un sot de vous questionner de la sorte.
Venez, je sais où se trouve votre place. Je suis passé devant
tout à l’heure.
D’un air engageant, il tendit son bras à Bluenn. Elle
hésita un moment puis lui rendit son sourire et accepta
de se laisser guider. Riwall était un adorable compagnon.
Tout en se dirigeant vers les armoiries de l’Aouergwenn,
il s’appliquait à lui expliquer les différentes épreuves
de la journée. Le tournoi commencerait par des joutes.
Tout au long de la journée, les plus puissants et les plus
célèbres guerriers de l’Archipel s’affronteraient au cours de
rencontres arbitrées selon les lois de la chevalerie. Comme
Bluenn lui demandait s’il avait déjà remporté ce tournoi,
Riwall avoua un peu honteux que c’était la première fois
qu’il participait aux épreuves.
— Mais, si je portais vos couleurs, Bluenn, lui dit-il avec
fougue, je suis sûr que nul ne pourrait me vaincre !
— Vous voilà bien présomptueux, seigneur de Boscat !
éclata de rire la jeune femme.
— Ne vous moquez pas de moi, damoiselle ! Je suis tout
à fait capable de remporter le tournoi et je vous le prouverai !
— Très bien, très bien, monsieur. Je vous crois. Ne vous
emportez pas de la sorte ! Et laissez-moi me faire pardonner,
ajouta-t-elle doucement en lui tendant un foulard de soie
rouge.
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Comme ils venaient de parvenir aux tribunes, Riwall
s’inclina fièrement devant Bluenn. Sans un mot, il saisit le
tissu et le serra contre son cœur.
— Je vous offre ma victoire, Bluenn, lui murmura-t-il.
La jeune coquette le regarda s’éloigner avec amusement.
Mais comme elle allait s’installer, elle entendit derrière elle
une voix grave et rocailleuse s’esclaffer.
— Encore un jeune puceau prétentieux que je vais me
faire la joie de renvoyer dans les jupes de sa mère !
— Je vous fais confiance pour cela, mon cousin, lui
répondit une voix fourbe. Vous êtes le champion incontesté de l’Archipel. Et j’entends bien que vous le restiez !
— N’ayez crainte, Konogan ! Cette année encore, la fille
du roi se fera un plaisir de me distinguer.
— N’ayez aucune illusion, Gaël ! rétorqua ledit Konogan.
Cette garce n’a d’yeux que pour le seigneur Erwan de
Gevrog, m’a-t-on rapporté ! Mais qu’importe, elle finira par
se rendre à notre cause. J’y veillerai.
Scandalisée par ces propos, Bluenn fit volte-face et
découvrit un homme au visage sombre et sinistre. D’une
pâleur cadavérique qu’accentuait la couleur noir de jais de
sa chevelure, il la dévisageait, un sourire amer sur les lèvres.
— Eh bien, mon cher cousin, on dirait que vous avez
heurté les oreilles de cette gente damoiselle, ironisa-t-il.
Vous devriez surveiller davantage votre langage, si vous
espérez convoler un jour en justes noces.
Bluenn resta bouche bée devant une telle insolence.
L’homme la contemplait sans la moindre pudeur. Amusé,
son compagnon renchérit :
— Serait-elle muette ou est-ce votre charme ténébreux,
mon cher Gaël, qui lui fait perdre tous ses moyens ?
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Cette fois, Bluenn ne cacha pas son indignation. Le petit
vieillard hideux qui venait de s’adresser à elle la reluquait à
son tour sans la moindre vergogne quand son âge avancé et
la laideur de ses traits auraient dû lui commander de garder
une juste distance à l’égard de la gente féminine. Les deux
hommes s’esclaffèrent. Piquée au vif, Bluenn rétorqua :
— Encore faudrait-il pour cela posséder quelques
attraits propres à séduire une femme !
— Mmm, en tout cas, elle n’est pas muette, fit Konogan.
— Mais elle pourrait le devenir ! siffla Gaël entre ses
dents.
Il porta la main à son poignard. Bluenn ne cilla pas et
soutint le regard menaçant du chevalier. Fière et arrogante,
elle se tenait face à lui, prête à parer le coup, ses cheveux
rouges flamboyant dans la lumière du soleil. Ledit Gaël
ne put s’empêcher de la trouver formidablement belle et
désirable.
— Puis-je connaître votre nom, jeune impudente ? questionna-t-il.
— Mon nom ne vous dira rien, monsieur ! Mais il en est
un que je vous engage à retenir : celui du chevalier Riwall
de Boscat.
— Oh ! Et j’imagine que ce preux chevalier vous a
promis de remporter le tournoi en votre honneur, n’est-il
pas ?
— Tout juste. Le seigneur Riwall de Boscat possède
toutes les qualités d’un vrai chevalier, lui. Préparez-vous à
mordre la poussière, messire. Je me tiendrai au premier
rang pour ne rien rater de votre chute !
Se détournant avec dédain, elle n’attendit pas la réponse
du sombre cavalier et gravit les gradins majestueusement.
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Gaël la suivait des yeux avec admiration. Konogan se
moqua :
— Fermez la bouche, cousin, où vous risquez de gober
une mouche !
Ignorant la remarque, Gaël se dirigea vers la tribune.
Bluenn fit mine de ne pas l’apercevoir.
— Votre nom, ma damoiselle ? redemanda-t-il d’une
voix rauque.
Devant le silence de la jeune femme, il s’inclina et partit
à regret rejoindre son cousin. Bluenn le regarda s’éloigner,
soulagée.
Les trompettes retentissaient bruyamment quand
Noyale arriva enfin, les bras chargés de victuailles. Bluenn
lui fit signe de la main et s’écarta pour lui laisser une
place. « Que faisais-tu donc ? Le tournoi va commencer.
Si tu savais… » commença la jeune femme. Elle ne put
poursuivre. Dans un vacarme assourdissant, des dizaines
de chevaliers s’avançaient déjà, fiers et puissants, sur leur
monture arnachée pour l’occasion. Le spectacle était grandiose. Noyale et sa maîtresse ne pouvaient quitter des yeux
les concurrents qui s’affrontaient avec acharnement au
cours de joutes aussi violentes que spectaculaires. Soudain,
Bluenn entendit clamer le nom de son cher Riwall. Pleine
d’admiration, elle se leva pour mieux voir. Le chevalier de
son cœur ressortit vainqueur de la première rencontre.
Applaudissant à tout rompre, elle ne vit pas le regard plein
de haine de Gaël qui l’observait dans l’ombre. Brûlant de
jalousie, ce dernier galopa vers sa place, décidé à écraser
le jeune avorton.
Quand Riwall de Boscat se retrouva en piste, il était
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loin de se douter des enjeux cachés qui sous-tendaient sa
rencontre avec le chevalier noir. Intrépide comme le sont
ceux de son âge, il ne douta pas un instant de sa victoire et
ce fut en toute confiance qu’il s’élança vers son adversaire.
Bien trop tard, il comprit son erreur ! Toute la foule des
spectateurs se leva, horrifiée, quand Riwall chuta de sa
monture. La violence du coup ne laissait que peu d’espoir
quant à l’état de santé du cavalier. Bouleversée, Bluenn
s’accrocha à Noyale. Les yeux embués de larmes, elle vit
le comte de Gweltaz chevaucher vers elle. Sur sa lance,
pendait le foulard de soie rouge. Arrogant, il le brandit
vers elle !
— Il me semble que c’est à vous, damoiselle.
Livide, Bluenn saisit le tissu taché de sang.
— Je me réjouis par avance de votre présence au banquet
de ce soir. Vous serez à coup sûr la reine du tournoi !
Trop émue pour répondre, Bluenn fit signe à Noyale de
l’aider à se relever. Aussi dignement qu’elle put, elle quitta
les tribunes non sans avoir auparavant jeté un regard de
mépris à ce seigneur aussi cruel que cynique.
Mais Gaël de Gweltaz n’était pas homme à se laisser
éconduire si aisément. Il regarda la jeune femme disparaître dans la foule, en se jurant intérieurement de la
retrouver par tous les moyens. Désormais obsédé par la
magnifique inconnue qui avait osé lui tenir tête, ce fut
avec réticence qu’il partit rejoindre son cousin Konogan.
— Eh bien, cousin, j’espère que vous appréciez les
joutes de ce jour ? ironisa-t-il en le voyant.
— Ah ! Ah ! Ah ! Magnifique Gaël ! Magnifique ! s’esclaffa
le machiavélique seigneur Konogan. Ce jeune comte de
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Boscat n’est pas prêt de se relever, si jamais il se relève.
Bien joué, mon cousin, j’ai entendu dire que ce coquin se
plaisait à comploter derrière mon dos ! Voilà un ennemi
de moins ! Maudits soient ces chiens de renégats qui osent
s’allier contre moi !
— Vous n’avez qu’un mot à dire et je les réduirai en
poussière !
— Patience, patience. Le temps n’est pas encore venu.
Il faut nous assurer auparavant du soutien de mes barons.
Par ailleurs, je compte élargir mon influence. J’ai conclu,
il y a peu, une alliance inespérée, Gaël ! J’ai besoin de votre
aide afin de la sceller.
— Parlez, Konogan. Donnez-moi les noms de ceux que
je dois occire, répondit le comte un sourire cruel sur les
lèvres.
— Non, Gaël ! Aucun sang ne coulera cette nuit. Du
moins, ne coulera-t-il pas à flots… corrigea Konogan d’un
air mystérieux.
— Me direz-vous, à la fin, ce que vous complotez ?
Konogan planta son regard dans celui de son fidèle
lieutenant.
— C’est le sang d’une fière pucelle qui va couler sous
peu, mon cousin.
— Quoi ? s’étouffa le sieur Gaël.
— J’ai croisé tantôt le comte d’Aouergwenn. Le
connaissez-vous ?
— Jamais entendu parler ! Son nom résonne comme
celui d’un barbare, soupira Gaël en feignant de s’ennuyer.
Si vous me disiez plutôt où vous voulez en venir.
— Vous avez tort de ne pas vous intéresser à nos
provinces lointaines, mon cousin. Celle du comte regorge
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d’or, m’a-t-on dit. Assez d’or pour finir d’acheter les misérables gueux qui hésitent encore à me rejoindre.
— Eh bien, qu’attendons-nous pour nous soumettre ce
maudit barbare ? s’emporta le comte de Gweltaz en tirant
son épée.
— Tout doux, mon cousin. Je n’ai pas besoin de votre
bras dans cette affaire-là. Le comte vient librement de nous
offrir son appui. Ce barbare veut se racheter aux yeux du
roi Stefan et c’est pour cela qu’il s’est dirigé vers moi.
Gaël s’esclaffa.
— Quel idiot ! Il ne pouvait tomber plus mal !
— Évidemment, je me suis bien gardé de le détromper,
sourit Konogan. Ce paysan pense que marier sa fille à un
chevalier chrétien lui permettra de gagner les faveurs du
roi.
— Vous comptez prendre femme ? s’étonna Gaël.
— Non pas moi, susurra le seigneur Konogan. Je me
réserve un morceau bien plus tendre. Filomena, la fille de
Stefan sera bientôt mienne, j’en fais le serment ! Par ce
mariage, j’entrerai dans la famille royale et je m’emparerai
du trône !
— Dans ce cas, à qui allez-vous marier la fille de ce
gueux ? questionna Gaël méfiant.
Konogan le prit par le bras.
— Je pensais à vous, répondit-il sans détour.
Gaël se dégagea vivement.
— Plaisantez-vous, mon cousin ? Je ne suis pas homme
à m’encombrer d’une femelle. Donnez-la donc à un de vos
barons en mal d’amour ! Il en fera meilleur usage !
— L’affaire est déjà conclue, Gaël. Le comte d’Aouergwenn vous présentera sa fille au banquet de ce soir. Vous
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l’épouserez dans trois jours, à la clôture des jeux ! ordonna
Konogan sur un ton qui ne supportait pas la réplique.
Habitué depuis toujours à obéir au doigt et à l’œil à
son dangereux cousin, Gaël de Gweltaz s’inclina la mort
dans l’âme, loin de se douter de la faveur que lui réservait
le destin.
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