CLOTILDE COURAU EST IRMA LA DOUCE
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CLOTILDE COURAU EST IRMA LA DOUCE
Interview de Marion Ruggieri. Elle N°2837 Mai2000. CLOTILDE COURAU EST IRMA LA DOUCE Si être ingagnable est le comble dit chic, alors Clotilde Courau atteint des sommets d'élégance. Il ne faut pas moins d'une douzaine de coups de fil pour arriver à voir la miss. Et encore... quelques minutes volées, alors qu'elle se fait maquiller, juste avant de monter sur la scène du Théâtre de Chaillot, où elle joue « Irma la Douce », jusqu'au 1er Juillet. Clotilde Courau est pressée, comme un citron. « J'ai mal dormi, j’ai le trac ». Elle a les yeux qui pétillent, un peu fiévreux. De très beaux yeux. La comédienne assure en même temps la promo de son dernier film, « La Parenthèse enchantée », et le premier rôle de sa première comédie musicale, « Irma la Douce », mise en scène par Jérôme Savary. L'histoire (en)chantée d'une gentille gagneuse de la rue Caulaincourt et de son amoureux de maquereau, Nestor le Fripé qui, rongé par la jalousie, décide de se il dédoubler pour devenir le seul et unique client du sa bien-aimée. Perchée sur des talons interminables, la taille cintrée, les cheveux relevés, Clotilde Courau colle au rôle, avec sa tête de piaf, et sonne juste. Dans la salle, le public, qui connaît parfois par cœur le répertoire, est aux anges. La môme a un joli filet de voix, ses partenaires du « Bar des Inquiets » aussi, sans oublier « le Fripé », l'excellent Arnaud Giovaninetti. Bref, y’a que du talent là-dedans. Dit Paname et du panache... même pour ceux qui ne connaissent pas ce classique créé en 1956 par Alexandre Breffort et Marguerite Monod, d'abord interprété par Colette Renard et Michel Roux, puis par Shirley MacLaine et Jack Lemmon. Donc, Clotilde Courau est pressée. Elle a vite enfilé un peignoir blanc sur ses bas noirs filés. La première a été un vrai succès. Natacha Régnier, Gaspard Noé, Rosy De Palma (qui avait oublié d'éteindre son portable) : tous les branchés étaient la. Ça chantait, ça reprenait en chœur, ça tapait dans les mains... mais, pour Clotilde, le trac revient. Dans une heure, elle sera sur les planches, ce qui nous laisse un ton quart d'heure pour une conversation à bâtons (de rouge à lèvres) rompus dans la loge de maquillage. ELLE. Alors ? Cloilde Courau : D’après Jérôme Savary, c’est bien. D'après Colette Renard, c'est bien. D’après Gérard Daguerre (NDLR : le responsable des arrangements musicaux), c'est bien. D’après le public, c'est bien. ELLE ... d'après vous ? Cloilde Courau : Jamais assez bien ! ELLE. Comment avez-vous été choisie? Cloilde Courau : Sur audition, sans travailler, sons réfléchir. Gérard Daguerre, qui a longtemps collaboré avec Barbara et d'autres chanteurs, m’a auditionnée. J'ai chanté les textes d'Irma sans connaître les airs. C'était maladroit, mais il devait y avoir un certain timbre de voix, une émotion ... Puis je me suis lancée dans l'aventure sans me rendre compte de l'ampleur du projet. Et en y repensant; c'était un peu inconscient d'avoir accepté. ELLE. Pourquoi ? Cloilde Courau : Parce que c'était un risque énorme ! J'aurais pu aller droit dans le mur Mon inconscience m'a protégée (« Et puis d'avoir confiance en Jérôme, parce que, lui, il te connaît », ajoute la maquilleuse). C’est vrai, Jérôme est un magicien. C’est en partie pour lui que j’ai accepté, pour retrouver cette famille que j'avais déjà côtoyée il y a cinq ans dans « L’Importance d'être constant». ELLE. A la fin, quand le rideau tombe, vous avez l'air de ne pas y croire. Cloilde Courau : C'est bizarre de découvrir qu'on a une voix, de chanter devant 1 200 personne tous les soirs. ELLE. Avez-vous songé à laisser tomber? Cloilde Courau : Si, j’avais abandonné, je serais mal aujourd'hui. Mais, c'est vrai qu'il y a une angoisse terrible. II y a des colères intérieures, des combats démentiels avec soi-même, avec le sommeil, avec la fièvre, avec tout ça. Quand arrive enfin la première, on se dit « Merde, ça passe. Mais, bon, c'est une première. » A la deuxième, on constate « Merde, ça passe encore. » A la troisième, où vous avez l’impression d'avoir tout foiré, ça passe toujours Là, vous vous dites: « Bon, ben j'ai plus qu'à me faire confiance. » ELLE. Et là, vous êtes en confiance? Cloilde Courau : Un peu, doucement, ça va venir. Le fait d'apporter un peu de bonheur, de ne pas penser à soi, d'incarner un personnage - même si à l'intérieur c'est la tempête - et de voir ressortir les gens avec la banane, c'est agréable. (« Y’en a même qui pleurent », ajoute la maquilleuse) Ah bon ? Ça, j’ai pas vu. ELLE. Aviez-vous vu la version Broadway, puis celle filmée, avec Shirley MacLaine ? Cloilde Courau : Non. Mais j’ai parlé d'Irma autour de moi. Tout le monde m’a dit : « C’est génial. » Les textes de Breffort sont magnifiques, les chants aussi. ELLE. Ça s'est bien passé avec votre partenaire, Arnaud Giovaninetti, le Fripé, qui, d'ailleurs, n'est pas mal non plus ? Cloilde Courau : Formidable. Un plaisir fou. On se regarde droit dans les yeux et on fonce. ELLE Chanter tous les soirs, ça doit impliquer une certaine discipline... Cloilde Courau : La, c'est difficile. Parce que c'est les premières, parce que c'est nouveau, parce que j’ai la voix enrouée, parce qu'il y a «La Parenthèse enchantée » qui est sortie, parce qu'il v a beaucoup d'interviews, beaucoup de choses en même temps. Cette pression-là est parfois lourde. Y'a des moments comme ça dans la vie où tout se bouscule. ELLE. Préfériez-vous votre époque « traversée du désert » ? Cloilde Courau : Quand c’était plus calme ? Si je me réfère au passé, non. Mais peut-être faut-il vivre les deux, le désert et l'hyper-activité, pour arriver à une certaine maturité. Grâce à ça, aujourd'hui, je sais quel genre de femme je suis. ELLE Vous étiez, paraît-il, bien énervée lors d'une récente émission d'Ardisson... Cloilde Courau : J'ai tout simplement posé quelques questions à un homme politique (NDLR : Bernard Bled, adjoint au maire de Paris) J'étais dans mon état naturel. Quand quelque chose me choque, je le dis. Plus on est à l'affiche, plus les gens sont exigeants. Avant le spectacle, c'est un peu ambiance « Ohhh, il parait qu'elle est fooonrmidable!.» ELLE. C'est à dire ? Cloilde Courau : Je ne peux pas m'empêcher de tout ressentir. Je ne peux pas tricher. Quand je suis sur scène, j'essaie de vivre Irma pendant une heure cinquante... (Silence). Pour en revenir à la notoriété, c'est très agréable et, en même temps, je sais pas trop quoi en dire je n'ai pas de grandes phrases sous la main. J'aimerais juste que ça me rende heureuse et que ça ne fasse pas trop de dégâts. ELLE Pourquoi ? Est-ce le cas ? Cloilde Courau : Non, mais ça pourrait l'être, je ne sais pas bien. ELLE Etes-vous toujours très amoureuse ? Cloilde Courau : Très. Mais je ne dirai rien, je ne dirai rien. C'est comme dans la chanson d'Irma : « Y'a rien à s’dire, y'a qu’à s'aimer. Les phrases, ça fait du tort a l'extase » ELLE Et les enfants, y songez vous? Irma a des jumeaux. Cloilde Courau : L'autre jour, Hélène de Fougerolles m'a demandé: « Quand est ce que tu fais un bébé, que je puisse travailler ? » (« Mais, elle disait ça pour rigoler », demande la maquilleuse.). Elle plaisantait, bien sûr. Un enfant? Disons, plein, mais je ne sais pas quand.