LES DIARRHÉES CHRONIQUES
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LES DIARRHÉES CHRONIQUES
LES DIARRHÉES CHRONIQUES Professeur Jean-Marie REIMUND, Service d’Hépato-gastro-entérologie et d’Assistance Nutritive, Hôpital de Hautepierre INTRODUCTION De multiples causes et mécanismes peuvent aboutir à la survenue d’une diarrhée chronique. Leur connaissance est d’une aide essentielle au médecin confronté à cette situation clinique. Combinée à une anamnèse minutieuse et à un examen clinique systématique, elle facilite l’établissement du diagnostic étiologique en étant le plus économe possible d’examens complémentaires inutiles. DÉFINITIONS Elle se définie par la fréquence et la consistance des selles (« diarrhée ») et la durée du symptôme (« chronique »). La diarrhée est une émission de selles trop fréquentes, trop abondantes, et de consistance anormale (liquides ou très molles). Selon l’OMS on parle de diarrhée lorsqu’il y a au moins 3 selles très molles à liquides par jour. D’un point de vue plus scientifiquement mesurable, on parle de diarrhée quand le poids quotidien des selles dépasse 200 g/jour. Elle est appelée « chronique » lorsqu’elle évolue depuis plus de 4 semaines. LES PRINCIPAUX MÉCANISMES ET LEUR IMPACT SUR LA PRÉSENTATION CLINIQUE Une diarrhée peut résulter (i) d’une accélération du transit (diarrhée « motrice »), (ii) d’une malabsorption (diarrhée « par malabsorption »), (iii) d’une sécrétion intestinale dépassant les capacités d’absorption d’aval (diarrhée « sécrétoire »), ou (iv) d’un effet osmotique entrainant un afflux liquidien dans la lumière digestive (diarrhée « osmotique »). Diarrhée motrice Les patients ayant une diarrhée motrice ont souvent une première selle matinale avant le lever et/ou le petit-déjeuner (parfois appelée selle « réveille-matin »), les autres selles de la journée étant essentiellement voire exclusivement post-prandiales précoces ou survenant en fin de repas. Elles sont souvent émises en plusieurs fois de façon rapprochée et sont habituellement de petit volume (en salve). Habituellement, elles sont impérieuses (ne peuvent pas être différées de plus de 15 minutes), voire urgentes (ne peuvent pas être différées de plus de 1 à 5 minutes), ou encore ne peuvent pas être retenues. Parfois, la présence de résidus alimentaires non digérés dans les selles (souvent d’origine végétale) est signalée par les patients (c’est la lientérie). Habituellement une diarrhée motrice ne s’accompagne pas d’altération de l’état général, et l’efficacité des ralentisseurs du transit est souvent remarquable. Diarrhée par malabsorption A l’inverse, la diarrhée par malabsorption est fréquemment associée à une altération de l’état général (en particulier un amaigrissement), et/ou est responsable de carences (malgré le fait que les apports nutritionnels quantitatifs et qualitatifs alimentaires sont souvent conservés). Ces carences concernent en premier lieu certains électrolytes (calcium, magnésium), les vitamines (vitamines liposolubles : A, D, E, K ; certaines vitamines hydrosolubles, en particulier la vitamine B12 ou les folates ou vitamine B9), ou enfin certains minéraux ou des oligo-éléments comme le fer, le zinc ou encore le sélénium. Deux grands mécanismes peuvent conduire à une malabsorption : la maldigestion et la malabsorption « vraie » par « insuffisance intestinale ». Malabsorption par maldigestion Dans cette situation, les capacités d’absorption sont conservées. L’intestin est sain mais la maldigestion quelle qu’en soit l’origine (le mécanisme le plus fréquent étant une insuffisance pancréatique exocrine chez les malades ayant une pancréatite chronique) place l’intestin face à des nutriments incomplètement digérés. De ce fait, les transporteurs entérocytaires sont incapables de faire franchir la barrière épithéliale à certains nutriments (mal digérés donc trop « volumineux ») et/ou les enzymes de la bordure en brosse entérocytaire ne peuvent achever le processus de digestion intraluminale, et de ce fait ne peuvent être transportés de la lumière intestinale vers la circulation mésentérique. Malabsorption par « insuffisance intestinale » Dans cette situation, le processus de digestion (enzymes salivaires, gastriques, et/ou pancréatiques) n’est pas altéré. En revanche, l’intestin grêle, soit du fait d’une réduction majeure de la surface d’absorption (« grêle court anatomique », par exemple suite à une résection étendue du grêle compliquant un infarctus mésentérique), soit du fait d’une maladie diminuant fortement ses capacités d’absorption (l’exemple typique est celui de la maladie cœliaque), n’est plus en mesure d’assurer suffisamment sa fonction d’absorption. Dans ces deux situations, les selles sont classiquement abondantes, volontiers boueuses, parfois graisseuses (auréole huileuse sur le papier hygiénique). Leur fréquence peut être normale. La diarrhée est souvent dépendante de l’alimentation (ne persiste pas à son arrêt). Diarrhée sécrétoire Normalement, les entrées liquidiennes orales ajoutées aux sécrétions liquidiennes des différents étages du tube digestif (gastriques, pancréatiques, biliaires, etc.) excèdent les pertes fécales grâce aux capacités absorptives de l’eau et des électrolytes du grêle et du côlon. Typiquement, la diarrhée est abondante (> 500 ml/jour si elle est mesurée), les selles sont le plus souvent complètement liquides. Elles sont réparties sur le nycthémère, et des selles nocturnes sont possibles. La diarrhée persiste au moins en partie lors du jeûne. Diarrhée osmotique Elle est due à l’effet osmotique (impliquant une rétention d’eau) dans l’intestin grêle puis dans le côlon, de molécules ingérées qui sont peu ou ne sont pas absorbées dans le grêle. Les selles sont liquides, leur horaire et leur rythme sont dictés par l’ingestion des molécules osmotiques. La diarrhée cesse lors du jeûne ou de l’éviction des molécules responsables. APPROCHE DIAGNOSTIQUE La présentation clinique et plus particulièrement les caractéristiques de la diarrhée constituent une aide essentielle au diagnostic étiologique, et doivent être précisées par l’anamnèse. D’autres éléments nécessitent d’être systématiquement recherchés. Anamnèse Elle s’attache à préciser les antécédents (personnels et familiaux, médicaux incluant les prises médicamenteuses et chirurgicaux), les caractéristiques de la diarrhée, ainsi que les symptômes digestifs ou généraux associés à la diarrhée. Parmi les antécédents personnels on cherchera l’existence de voyages avant le début de la diarrhée (même si cet antécédent concerne davantage les diarrhées aiguës ou prolongées), une irradiation abdomino-pelvienne, une maladie endocrinienne (affection thyroïdienne, diabète) ou rhumatologique chronique (spondylarthropathies HLA B27 ou non), ou encore un antécédent de résection intestinale. Il est aussi indispensable de connaître l’ensemble des médicaments qui ont été pris au cours des 3 mois précédents l’apparition de la diarrhée (en particulier les anti-inflammatoires non-stéroïdiens, les antibiotiques, l’olsalazine, la colchicine, les biguanides, ou les médicaments responsables des colites microscopiques), et de savoir s’il existe des habitudes alimentaires particulières (consommation excessive de certains aliments sucrés pouvant entraîner une diarrhée osmotique). Il est important de savoir s’il existe des antécédents familiaux de maladie inflammatoire chronique intestinale [MICI : maladie de Crohn (MC) ou rectocolite hémorragique (RCH)], de maladies auto-immunes, ou de cancers (en particulier coliques ou rectaux). L’anamnèse précise ensuite les caractéristiques de la diarrhée : mode de début (soudain ou plus progressif) ; durée et survenue antérieure d’épisodes de diarrhée ; aspect des selles incluant la présence d’aliments non digérés, de glaires et/ou de rectorragies, leur fréquence et leur moment de survenue ; degré d’impériosité et éventuelle incontinence ; horaire des selles (plutôt regroupées le matin au lever / post-prandiales précoces voire parfois avant la fin du repas / réparties sans horaire précis dans la journée / diurnes et/ou nocturnes) ; facteurs aggravants (alimentation, etc.) ou améliorants la diarrhée (jeûne, prise de ralentisseurs du transit comme le lopéramide, etc.) ; symptômes digestifs (douleurs abdominales, nausées et/ou vomissements), extradigestifs (douleurs articulaires, manifestations cutanées ou oculaires), et généraux (en particulier l’amaigrissement – qui doit être systématiquement recherché -, l’asthénie ou la fièvre, des flushs) associés. Examen clinique L’estimation de la perte de poids éventuelle et l’examen abdomino-pelvien (recherche d’une sensibilité et/ou d’une masse abdomino-pelvienne, examen de la région périnéale et toucher rectal) sont essentiels. L’examen clinique doit aussi s’attacher à chercher des signes orientant vers certaines causes, en particulier au niveau des téguments et de la cavité buccale, de la glande thyroïde, ou encore des aires ganglionnaires (Tableau 1). Tableau 1. Signes cliniques orientant vers certaines causes en cas de diarrhée chronique. Examens complémentaires ► Examens complémentaires systématiques ●● Des examens biologiques systématiques (de première intention) sont habituellement demandés à la recherche de signes carentiels ou d’un syndrome inflammatoire biologique, l’existence de signes carentiels orientant vers une diarrhée par malabsorption, celle d’un syndrome inflammatoire vers une MICI, en particulier si le patient est jeune. Ils comprennent : (i) une NFS avec numération plaquettaire (la thrombocytose est un signe biologique d’inflammation, une anémie pouvant être inflammatoire et/ou carentielle – carence martiale – quand elle est microcytaire, ou refléter une carence en vitamine B12 en cas d’iléite terminale au cours de la MC – quand l’anémie est macrocytaire -), (ii) le dosage de la protéine C-réactive (syndrome inflammatoire), (iii) un ionogramme sanguin (syndrome carentiel par exemple en cas d’hypocalcémie ou encore témoin de l’importance des pertes fécales en cas d’hypokaliémie), (iv) la détermination de la fonction rénale (témoin de l’importance de la diarrhée), (v) un bilan martial, (vi) le dosage de l’albumine plasmatique (syndrome carentiel ou perte d’albumine par entéropathie exsudative, sauf s’il existe une insuffisance hépatocellulaire, ou signe négatif d’inflammation), et (vii) le dosage de la vitamine B12 (malabsorption par atteinte de l’iléon terminal). Souvent, la TSH est demandée au cours de ce bilan de première intention. (vii) Bien qu’une diarrhée chronique est exceptionnellement d’origine infectieuse, il est habituel de demander une coproculture et la recherche de parasites dans les selles (ne serait-ce que pour éliminer une surinfection ; par exemple à Clostridium difficile en cas de suspicion de MICI). ●● Les examens endoscopiques sont très souvent nécessaires. Une coloscopie totale avec iléoscopie si possible est indiquée à la recherche d’une lésion organique. Il est indispensable, même en cas de coloscopie normale, de demander des biopsies étagées systématiques (surtout au niveau du caecum/côlon droit, du sigmoïde et du rectum) à la recherche d’une colite microscopique (lymphocytaire ou collagène). Souvent, une oeso-gastro-duodénoscopie (endoscopie haute) est réalisée en particulier s’il existe des signes carentiels. Elle recherchera une atrophie villositaire par la réalisation systématique de biopsies duodénales (D2 ou D3). ●● D’autres examens complémentaires ne sont en principe nécessaires qu’en cas d’orientation clinique particulière. Néanmoins, une échographie abdominale - examen simple, peu coûteux et non invasif -, peut apporter des informations importantes (épaississement de la paroi intestinale en cas de MICI, anomalies échographiques pancréatiques en cas de pancréatite chronique, localisations secondaires hépatiques en cas de tumeur neuroendocrine sécrétante comme une tumeur carcinoïde par exemple, adénopathies mésentériques inflammatoires ou tumorales, etc.). ► Examens complémentaires de seconde intention ou orientés en fonction du contexte clinique Certains examens biologiques pourront être demandés en fonction du contexte clinique (Tableau 2). Notons que certains examens ne sont plus réalisés ou le sont exceptionnellement comme le test au rouge carmin, la mesure de la clairance de l’ 1-antitrypsine, le test respiratoire au glucose ou encore le calcul du trou osmotique fécal. Tableau 2. Examens sanguins et urinaires utiles au diagnostic dans un contexte clinique particulier. Ceci est aussi le cas pour certains examens morphologiques. En cas de suspicion de MC de l’intestin grêle, quand l’iléoscopie est normale ou techniquement impossible, une entéro-IRM peut-être utile. Des examens comme la vidéocapsule de l’intestin grêle, une entéroscopie ou encore un Octréoscan® ne sont utiles que dans des situations particulières. PRINCIPALES CAUSES DE DIARRHÉE CHRONIQUE Diarrhée motrice La cause la plus fréquente de diarrhée motrice est le syndrome de l’intestin irritable (SII ; on parle aussi de « trouble(s) fonctionnel(s) intestinal(aux) ») au cours duquel il n’y a pas de retentissement sur l’état général. Les causes organiques sont plus rares. Dans le SII, il n’y a pas d’anomalie biologique et les examens endoscopiques sont normaux. Dans certaines circonstances, en particulier quand la diarrhée motrice est isolée (dans le SII, la diarrhée est accompagnée d’autres symptômes digestifs comme les douleurs abdominales et/ou les ballonnements), il convient d’éliminer une cause endocrinienne telle que l’hyperthyroïdie (en dosant la TSH) et beaucoup plus rarement d’autres tumeurs endocriniennes comme les tumeurs carcinoïdes (dosage de l’acide 5-Hydroxy Indole Acétique urinaire des 24 heures) ou encore les cancers médullaires de la thyroïde (sécrétant la thyrocalcitonine). Une diarrhée motrice peut aussi exister en cas de diabète insulino-requérant ancien et mal équilibré ou en cas d’amylose, ces maladies occasionnant une dysautonomie intestinale. En général, le diabète ou l’amylose sont déjà connus lorsque la diarrhée apparaît. Diarrhée par malabsorption Malabsorption par maldigestion La cause la plus fréquente est la pancréatite chronique. Là encore, le diagnostic est en général connu lorsque la diarrhée survient. Habituellement, il existe aussi un amaigrissement, parfois des douleurs abdominales de type « douleurs solaires », voire un diabète insulinodépendant. Le bilan biologique montre rarement des signes de malabsorption et les enzymes pancréatiques sont le plus souvent normales. Lorsqu’elle est recherchée, une stéatorrhée est fréquente. Habituellement, les examens radiologiques (échographie, TDM ou IRM) montrent des anomalies de la glande pancréatique et des canaux pancréatiques, et souvent des calcifications pancréatiques. Malabsorption par « insuffisance intestinale » La cause la plus fréquente est la maladie cœliaque. Il s’agit d’une maladie auto-immune qui se développe chez des sujets génétiquement prédisposés (dans 99 % des cas, ils sont de groupe HLA DQ2 ou DQ8), caractérisée par une intolérance à la gliadine, une protéine contenue dans le gluten (blé, seigle, orge). Assez souvent, la maladie cœliaque survient chez des patients atteints de dermatite herpétiforme ou d’autres maladies auto-immunes (diabète, thyroïdite, cirrhose biliaire primitive, vitiligo), mais les formes pauci-symptomatiques ne sont pas rares, les malades se présentant alors comme ceux ayant un SII. En cas de suspicion de maladie cœliaque, le dosage des anticorps anti-transglutaminases (de type IgA) est habituellement positif (sauf chez les malades ayant un déficit en IgA, auquel cas une demande spécifique de dosage des anticorps anti-transglutaminases de type IgG est utile au diagnostic) et conduit à la réalisation d’une endoscopie haute avec biopsies de D2 et/ou D3. Celles-ci montrent une atrophie villositaire sub-totale ou totale, une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux et un infiltrat inflammatoire du chorion, permettant d’affirmer le diagnostic. L’histologie duodénale reste l’élément essentiel du diagnostic. Le dosage des anticorps anti-gliadine n’est plus utilisé, et celui des anticorps anti-endomysium très rarement nécessaire. Le génotypage HLA est exceptionnellement nécessaire. D’autres maladies peuvent être responsables d’une malabsorption occasionnant une diarrhée chronique. Ceci peut être le cas de la MC lorsqu’elle touche l’intestin grêle. Dans ce cas, la diarrhée est rarement le seul symptôme. Elle est souvent accompagnée de douleurs abdominales, parfois d’un amaigrissement (lorsque l’atteinte est étendue), et dans certains cas des symptômes extradigestifs sont signalés à l’anamnèse (qui doit s’attacher à les chercher), ceux oculaires (uvéites à répétition), cutanéo-muqueux (aphtes buccaux, érythème noueux) et/ou rhumatologiques (arthralgies périphériques et/ou axiales) étant les plus fréquents. Sur le plan biologique, la plupart des malades présentent un syndrome inflammatoire, parfois des carences (une hypoalbuminémie – qui peut aussi être un reflet négatif du syndrome inflammatoire -, une carence martiale – qui peut aussi être liée à l’inflammation -, une hypocalcémie, et quand la MC concerne l’iléon terminal, une carence en vitamine B12). La coloscopie avec iléoscopie permet la plupart du temps d’en faire le diagnostic en montrant des signes endoscopiques typiques. Elle permet aussi le plus souvent de faire le diagnostic différentiel avec une RCH (dans ce cas la diarrhée, glaireuse comme dans la MC est souvent accompagnée de rectorragies ce qui est rare dans la MC). Plus rarement, la malabsorption complique une entérite radique ou survient chez un malade ayant eu une ou plusieurs résections de l’intestin grêle (ce qui compte étant la longueur du grêle restant et non pas la longueur de grêle réséqué). Dans ces deux situations, l’anamnèse oriente rapidement le diagnostic. Enfin, une diarrhée par malabsorption peut survenir en cas de lymphome étendu du grêle, d’entéropathies médicamenteuses, d’une ischémie intestinale chronique, d’une pullulation microbienne chronique ou encore d’une maladie de Whipple. Ces diagnostics sont rares. Diarrhée sécrétoire Les causes de diarrhée chronique dont le mécanisme est au moins en partie sécrétoire sont toutes les colites, en particulier les MICI (MC et RCH), et les colites microscopiques. Les colites microscopiques – la colite collagène et la colite lymphocytaire – se manifestent le plus souvent par une diarrhée chronique sécrétoire (une fois sur deux elles peuvent débuter de façon aiguë), aqueuse, abondante, sans glaires ni rectorragies, parfois accompagnée d’un amaigrissement et sur le plan biologique d’une hypokaliémie. Dans ces deux maladies la coloscopie est généralement normale, le diagnostic étant posé à l’examen histologique des biopsies coliques qui doivent donc être réalisées de manière systématique. Elles touchent préférentiellement les femmes après 50 ans, et sont associées dans 50 % des cas à des maladies auto-immunes ou à des maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde. Elles sont soit d’origine médicamenteuse (veinotoniques, lansoprazole, ticlopidine, etc.) et dans ce cas, elles sont le plus souvent réversibles à l’arrêt du traitement responsable de la colite microscopique, soit idiopathiques. Beaucoup plus rarement, certaines parasitoses chroniques peuvent être responsables d’une diarrhée chronique sécrétoire, comme par exemple les infections à Giardia intestinalis, Isospora belli, ou Cryptosporidium pouvant survenir chez des sujets immunodéprimés. Enfin, il existe de très rares causes de diarrhées sécrétoires pures parmi lesquelles les tumeurs sécrétant la gastrine (dans le cadre d’un syndrome de Zollinger-Ellison) ou celles sécrétant le VIP (Vasoactive Intestinal Peptide). Diarrhée osmotique Elles sont rares. Leurs principales causes sont (i) les diarrhées après ingestion de grandes quantités de lactose (à l’âge adulte l’activité lactasique de la bordure en brosse des entérocytes diminuent fortement, réduisant la capacité de l’intestin grêle à absorber de grandes quantités de lactose) ou de sucres-alcools (ingestion de grandes quantités de boissons sucrées par exemple), (ii) ou encore consécutives à la prise de magnésium. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS Les principaux sont : (i) les émissions afécales glairo-sanglantes qui doivent orienter davantage vers un syndrome dysentérique que vers une diarrhée chronique. Le syndrome dysentérique associe habituellement des faux besoins (émissions afécales de glaires, de sang, et de pus) et des douleurs à type d’épreintes (coliques sigmoïdiennes ou rectales précédant les émissions glairo-sanglantes) et/ou de ténesmes (douleurs ano-rectales à type de pesanteur, et/ou sensation de corps étranger intra-rectal, précédant ou succédant aux faux besoins). Elles doivent impérativement conduire à chercher une lésion organique ano-rectale ou un envahissement rectal (par exemple un cancer de la prostate chez l’homme), (ii) la « fausse diarrhée » du constipé (fécalome) (iii) la diarrhée induite par la prise occulte de laxatifs (il s’agit habituellement d’une diarrhée de type osmotique) (iv) l’incontinence fécale, qu’il est essentiel de distinguer d’une diarrhée chronique. SYNTHÈSE : STRATÉGIE DÉCISIONNELLE La démarche diagnostique en cas de diarrhée chronique est initialement relativement simple, si on se pose certaines questions de façon systématique. Comme déjà indiqué, elle repose essentiellement sur l’anamnèse, un des éléments essentiels étant la caractérisation précise de la diarrhée. La première question qu’il convient de se poser est : Quel est le type de la diarrhée ? S’agit-il d’une diarrhée glaireuse ou glairo-sanglante (à distinguer des émissions glairosanglantes du syndrome dysentérique – cf. ci-dessus -), d’une diarrhée graisseuse, ou d’une diarrhée hydrique ? S’il s’agit d’une diarrhée chronique glaireuse ou glairo-sanglante, un bilan biologique simple répond alors à deux autres questions : Y a-t-il un syndrome inflammatoire ? et, Y a-t-il un syndrome carentiel ? S’il y a un syndrome inflammatoire, il faut avant tout éliminer une MICI et réaliser une iléocoloscopie. En cas de MC, un syndrome carentiel peut aussi être associé au syndrome inflammatoire (soit carence isolée en vitamine B12 en cas d’atteinte iléale isolée, soit carences multiples en cas d’atteinte étendue du grêle). S’il y a un syndrome carentiel (en particulier une hypocalcémie et/ou une carence martiale) sans syndrome inflammatoire, on éliminera en premier lieu une maladie cœliaque en demandant un dosage des anticorps anti-transglutaminases et en faisant réaliser une endoscopie haute avec biopsies duodénales. S’il s’agit d’une diarrhée graisseuse, les deux causes essentielles sont la maladie cœliaque ou une insuffisance pancréatique exocrine du fait de l’existence d’une pancréatite chronique. Dans ces deux cas, on peut confirmer la nature graisseuse de la diarrhée en demandant un poids des selles avec recherche de stéatorrhée, mais ceci est rarement indispensable au diagnostic. En cas de maladie cœliaque, le diagnostic repose sur la recherche d’anticorps anti-transglutaminases et les biopsies duodénales. En cas de pancréatite chronique, l’anamnèse et l’existence d’autres signes cliniques de pancréatite chronique permettent en général de poser facilement le diagnostic qui sera confirmé par une imagerie du pancréas (échographie, TDM ou IRM). Dans ce cas, une iléocoloscopie n’est souvent pas nécessaire. S’il s’agit d’une diarrhée hydrique, la recherche de la cause est souvent plus difficile. Dans ce cas, on réalisera systématiquement dans le cadre du bilan initial : un bilan biologique simple incluant le dosage de la TSH, une iléocoloscopie avec biopsies coliques systématiques (à la recherche d’une colite microscopique), une endoscopie haute avec biopsies duodénales (à la recherche d’une maladie cœliaque), et une échographie abdominale pour vérifier l’absence de métastases hépatiques d’une éventuelle tumeur carcinoïde. Lorsque le bilan initial simple (bilan biologique de première intention avec dosage de la TSH, endoscopie haute, iléocoloscopie, échographie abdominale) est négatif, un avis gastroentérologique spécialisé est souhaitable. CONCLUSION Les causes de diarrhée chronique sont nombreuses. Toutefois, avec une anamnèse et un examen clinique minutieux, en particulier l’établissement d’une sémiologie fine de la diarrhée qui va guider la stratégie diagnostique, des examens biologiques de première intention simples, et le plus souvent des examens endoscopiques avec biopsies et une échographie abdominale, la cause de la diarrhée est le plus souvent assez facile à déterminer. Ce n’est que face à un diagnostic rare, ou encore lorsque la diarrhée s’inscrit dans le cadre d’un trouble fonctionnel intestinal que la recherche de la cause peut être plus complexe (ou nécessiter des explorations plus avancées pour poser par élimination le diagnostic de SII). Dans ce cas, un avis gastroentérologique est souvent utile. RÉFÉRENCES Les fondamentaux de la pathologie digestive. Collégiale des universitaires en hépato-gastroentérologie. Coordonné par Laurent Beaugerie et Harry Sokol. Elsevier Masson Ed., 2014. Hépato-gastro-entérologie. Collégiale des universitaires en hépato-gastro-entérologie. Coordonné par Philippe Marteau. Elsevier Masson Ed., 2012 (2ème édition).