Lambeau en ilot homodigital à contre courant
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Lambeau en ilot homodigital à contre courant
Chirurgie de la main 29 (2010) 249–254 Article original Le lambeau en îlot homodigital à contre-courant : à propos de 28 cas The reversed homodigital island flap: About 28 cases M.F. Hamdi a,*, M.A. Sbai b a Service d’orthopédie, hôpital universitaire F. Bourguiba, 5000 Monastir, Tunisie Service d’orthopédie, hôpital universitaire T. Maamouri, 8000 Nabeul, Tunisie b Reçu le 8 octobre 2009 ; reçu sous la forme révisée 2 février 2010 ; accepté le 27 mars 2010 Résumé Le but de l’étude. – L’évaluation des résultats de la couverture des pertes de substance distales des doigts longs par le lambeau en îlot homodigital à contre-courant et le comparer aux autres lambeaux. Patients et méthode. – Il s’agit d’une étude rétrospective de 28 cas de lambeaux en îlots homodigitaux à contre-courant réalisés chez 28 patients, dans le but de couvrir une perte de substance cutanée distale d’un doigt long. L’âge moyen était de 29 ans avec une nette prédominance masculine (sex-ratio = 0,17), la variante à pédicule exclusivement vasculaire a été la plus utilisée (89 %). La nécrose partielle du lambeau a été constatée dans 7 %. Six critères d’évaluation de cette autoplastie ont été utilisés tenant compte de la qualité du lambeau, la zone donneuse, la présence ou pas de névrome, l’intolérance au froid, la mobilité digitale et la satisfaction du patient. Un score final a été attribué pour chaque cas. Résultats. – Au terme d’un recul moyen de dix mois les résultats étaient bons chez 89 % des patients et moyen dans 11 %. Conclusion. – Le lambeau en îlot homodigital est une technique qui offre de multiples avantages et constitue une intéressante alternative devant les pertes de substance distales d’un doigt long. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Lambeau homodigital ; Lambeau à contre-courant ; Perte de substance ; Amputation ; Doigt Abstract Aims. – The purpose of the study is to evaluate the coverage of the distal tissue defect of long fingers using reversed homodigital island flap and comparison with other flaps. Patients and method. – It was a retrospective study of 28 cases of reversed homodigital island flap practiced in 28 patients to cover skin finger distal loss. The mean age was 29 years, the sex ratio was 0.17. The variety of à pédicule exclusivement vasculaire was the most used (89%). Partial necrosis of the flap was noticed only in two cases (7%). Six criteria were used to evaluate this coverage: the quality of the flap, the donor site, the neuroma formation, the cold intolerance, the mobility of the finger, and the satisfaction of the patient. A final score for every case was attributed. Results. – At the middle last follow-up, the results were good in 89% and average in 11%. Conclusion. – The reversed homodigital island flap is a safe method offering multiple advantages and constitutes an interesting alternative in front of the distal tissue defect of the long finger. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Homodigital flap; Reversed-flow flap; Tissue loss; Amputation; Finger 1. Introduction * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.F. Hamdi). Les pertes de substance (PDS) digitales distales sont de pratique courante, la reconstruction reste un véritable défi technique pour le chirurgien de la main. Depuis l’avènement de la microchirurgie et la naissance de nouvelles générations de 1297-3203/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2010.03.004 250 M.F. Hamdi, M.A. Sbai / Chirurgie de la main 29 (2010) 249–254 lambeaux en îlots, l’arsenal thérapeutique s’est progressivement enrichi, le choix de la technique s’est tellement élargi que chaque PDS cutanée digitale a son lambeau. Le souci de la couverture est d’éviter le raccourcissement, la déformation et la raideur du doigt. Le lambeau en îlot homodigital à contre-courant (LIHCC) décrit par Oberlin [1] en 1988 et repris par Brunelli et Mathoulin [2] en 1991 est une alternative thérapeutique face à une telle situation. 2. Anatomie Au niveau de l’articulation métacarpophalangienne chacune des artères digitales communes se divise en deux artères digitales ulnaire et radiale. Elles longent la face latérale du doigt accompagnée par le nerf digital et se terminent au niveau de la pulpe par un riche plexus vasculaire [3]. Les artères digitales sont en communication entre elles à travers trois arches anastomotiques (Fig. 1). Ces anastomoses ont été décrites pour la première fois par Brockis [4,5], puis Edwards [6]. L’arche anastomotique proximale se trouve immédiatement avant l’articulation interphalangienne proximale, la moyenne avant l’interphalangienne distale en regard de la tête de la deuxième phalange, et la distale en aval de l’interphalangienne distale et forme l’arche pulpaire [7]. L’arche anastomotique moyenne qui est à la base du LIHCC est environ une fois et demi plus grande que l’arche proximale [7]. Il est possible de prélever un lambeau en îlot à partir de la base du doigt centré par le pédicule digital, ce lambeau s’alimente à contre-courant à partir de l’artère digitale controlatérale par l’intermédiaire de l’arche anastomotique moyenne située en regard de la tête de la deuxième phalange (Fig. 2). Fig. 1. Disposition des trois arches anastomotiques, l’arche moyenne se projete en regard de la tête de la deuxième phalange. Fig. 2. Levée du lambeau homodigital en îlot à contre-courant, son arc de rotation de 1808 lui permet d’atteindre l’extrémité digitale. 3. Patients et méthode 3.1. La série Trente-sept lambeaux en îlots homodigitaux à contrecourant ont été réalisés chez 37 patients sur une période de dix ans (1998–2008) ; les critères d’inclusion étaient : une perte de substance cutanée distale d’un doigt long avec exposition osseuse et/ou tendineuse ; la surface de la perte de substance cutanée ne devait pas dépasser 5 cm2 ; l’intégrité des deux artères digitales ; un suivi postopératoire supérieur à trois mois. Neuf cas ont été exclus de notre étude, soit par manque d’informations médicales ou par recul insuffisant (malades n’ayant pas répondu à la convocation). L’étude a comporté 28 cas seulement de lambeaux en îlots homodigitaux à contrecourant. Il s’agissait de 24 hommes et quatre femmes, l’âge moyen était de 29 ans (quatre à 60 ans), le lambeau a été réalisé dans 71 % des cas au niveau de la main dominante, le majeur était le doigt le plus touché (11 fois) suivi de l’index (neuf fois), l’annulaire (cinq fois) et l’auriculaire (trois fois). La perte de substance cutanée était souvent d’origine traumatique (86 %) ou septique après excision d’un panaris (14 %). Les lésions associées à cette perte de substance digitale étaient : une avulsion de l’ongle chez trois malades, une fracture non déplacée de la phalange distale dans deux autres, une perte osseuse au dépens de la houppe phalangienne à deux reprises et une effraction articulaire de l’interphalangienne distale une fois. Aucun cas d’ostéite ou d’arthrite n’a été M.F. Hamdi, M.A. Sbai / Chirurgie de la main 29 (2010) 249–254 251 Fig. 3. a. Dessin du lambeau en îlot homodigital à contre-courant destiné pour couvrir un defect pulpaire massif de l’index gauche ; b. Le nerf digital collatéral est séparé de l’artère, la dissection du lambeau s’arrête au niveau du col de P2 ; c. L’arc de rotation de 180˚ permet au lambeau d’atteindre l’extrémité du doigt, la zone donneuse est immédiatement comblée de peau totale ; d et e. Résultat de la couverture au recul de 5 mois. constaté. La reconstruction était réalisée en urgence (dans les premières 24 heures) pour les PDS post-traumatiques, alors qu’elle était différée de 48 heures en moyenne pour les formes d’origine septique après un premier temps d’excision du tissu infecté. La dimension du lambeau était en moyenne de 3,2 cm2 (1,5 cm2–5 cm2). La reconstruction a intéressé la pulpe dans la moitié des cas (Fig. 3), la face dorsale du doigt dans 46 % des cas (Fig. 4) et un moignon digital en vue d’un matelassage chez un patient (Fig. 5). La variété à pédicule exclusivement vasculaire a été la plus réalisée (89 %) et plus rarement la variante neurovasculaire (11 %). 3.2. Technique chirurgicale Tous nos patients ont été opérés par le même chirurgien et selon le même principe : un test d’Allen au doigt en préopératoire est systématique pour s’assurer que la vascularisation résiduelle est suffisante. Le lambeau est prélevé sur la face latérale du doigt. L’opération se déroule sous anesthésie générale ou sous bloc axillaire avec garrot pneumatique à la Fig. 4. Couverture d’une perte de substance (PDS) dorsale de l’index droit (exposant le système extenseur) par un lambeau en îlot homodigital à contre-courant. 252 M.F. Hamdi, M.A. Sbai / Chirurgie de la main 29 (2010) 249–254 La zone donneuse est, soit laissée en cicatrisation dirigée, soit couverte en même temps opératoire par une greffe de peau totale à partir du pli de flexion du poignet homolatéral. 3.3. Méthode de révision Fig. 5. Amputation distale du médius gauche, matelassage du moignon par un lambeau en îlot homodigital à contre-courant. racine du membre supérieur. Le dessin du lambeau est réalisé en regard de la phalange proximale, centré par le pédicule digital. Après repérage du pédicule digital en proximal, le nerf est séparé de l’artère (variante à pédicule exclusivement vasculaire) permettant la conservation de la sensibilité du doigt, la dissection de l’artère s’arrête au niveau de la moitié de la deuxième phalange respectant l’arche moyenne, l’inclusion du tissu sous-épidermique permet d’inclure quelques veines ; le lambeau est soulevé de proximal en distal, l’arc de rotation de 1808 lui permet d’atteindre l’extrémité digitale. La vitalité du lambeau est vérifiée par le lâchage du garrot. Dans la variante neurovasculaire le nerf est pris avec l’artère. Le bout proximal du nerf ainsi sectionné est enfoui au niveau de la paume de la main. Tableau 1 Score d’évaluation des résultats. Qualité du lambeau Zone donneuse Trophicite + Intégration + Rétraction + Dyschromie + 1 0 1 0 0 1 0 1 Intolérance au froid Absente Présente 1 0 Névrome Présent Absent 0 1 Mobilité du doigt TAM > 2408 TAM < 2408 1 0 Satisfaction du patient Satisfait Insatisfait 1 0 Bon résultat : score de huit à sept points ; résultat moyen : score de six à quatre points ; mauvais résultat : score inférieur à quatre points ; TAM : Total active motion. Les résultats ont été évalués sur des critères cosmétique et fonctionnel (Tableau 1). Ce score d’évaluation tient compte de six paramètres : la qualité du lambeau (trophicité et intégration), la rançon cicatricielle au niveau de la zone donneuse (rétraction, dyschromie), l’intolérance au froid, l’existence ou non d’un névrome, la mobilité du doigt et la satisfaction du patient. Le score total correspondait à la somme des scores attribués pour chaque critère, selon ce score le résultat a été considéré bon lorsqu’il était de huit ou sept points, moyen lorsqu’il était entre six et quatre points ; enfin mauvais lorsqu’il était inférieur à quatre points. 4. Résultat Les suites opératoires ont été simples en dehors de deux cas (7 %) de nécrose partielle du lambeau dans sa variante à pédicule exclusivement vasculaire, la nécrose ne dépassait pas la moitié du lambeau. Après excision, la cicatrisation dirigée a permis la guérison du doigt. La congestion du lambeau par mauvais retour veineux a été constatée chez 14 % des lambeaux, tous de type à pédicule exclusivement vasculaire, ce problème a été spontanément résolu. Nos malades ont été revus après un recul moyen de dix mois (cinq à 27 mois). Les résultats étaient : bons 25 fois, soit un taux de 89 % (un score de huit à sept points) ; moyens chez trois malades (11 %), dont deux opérés selon la variante neurovasculaire. Le score était de six à quatre points. Au cours de cette évaluation on n’a pas noté d’intolérance au froid ou la présence d’un névrome. La resensibilisation du lambeau était obtenue pour tous nos patients, avec au minimum une sensibilité de protection (S2 ou S3). Les bons résultats sensitifs correspondaient aux sujets les plus jeunes et avec un recul postopératoire plus important. 5. Discussion Les PDS cutanées digitales distales sont fréquentes touchant surtout l’adulte jeune, cela est en rapport avec la fréquence des accidents de travail [8]. La reconstruction de ces PDS permet le bon matelassage de l’extrémité digitale, la mobilisation précoce du doigt, la reprise précoce du travail, et évite le raccourcissement digital. Le lambeau idéal serait un lambeau sensible sans morbidité de la zone donneuse et conservant la longueur du doigt [5]. Pour les petites PDS cutanées sans exposition d’éléments nobles (os, tendon, nerf) le traitement est la cicatrisation dirigée [9], dans les autres cas la couverture doit se faire par un lambeau. Le choix thérapeutique se fait habituellement vers les M.F. Hamdi, M.A. Sbai / Chirurgie de la main 29 (2010) 249–254 solutions locales. En effet, pour les PDS pulpaires, les lambeaux d’avancement (Kuttler, Atasoy) sont fiables, faciles à réaliser et offrent une peau sensible ; mais leur distance d’avancement limitée de quelques millimètres [7,10] et leurs surfaces de couvertures réduites [11] rendent leurs indications limitées. Ils trouvent leur meilleure indication dans l’amputation digitale distale type II d’Allen. Le lambeau en îlot pulpaire homodactyle reste une indication de choix devant les PDS pulpaires en sifflet palmaire ou latéral, grâce à son avancement important jusqu’à 17 mm [12], cependant cette technique doit être précise et les contre-indications sont celles habituellement rencontrées dans les lambeaux distaux et en particulier la contusion locale difficile à apprécier [13]. Le LIHCC permet malgré son caractère insensible une couverture des larges PDS pulpaires de préférence aux autres solutions locales déjà citées. Ce lambeau sera resensibilisé ultérieurement et la sensibilité discriminative objectivée par le test de Weber peut atteindre les 3 mm [14]. Au niveau de la face dorsale le lambeau de transposition homodigital de type Hueston prélevé au hasard permet une migration limitée et exige une intégrité de la peau adjacente (absence de contusion ou de cicatrice), il n’est destiné par conséquent qu’aux petites PDS cutanées. En revanche le lambeau en îlot avec un pédicule adipofascial prélevé sur la face dorsale de P1 ou P2 basé sur les perforantes dorsales de l’artère digitale permet de pallier à cette insuffisance [15–18]. Il est cependant techniquement difficile avec un risque important de congestion et de nécrose [19]. Le lambeau hétérodigital dans sa variété désépidermisée est un moyen de couverture des PDS dorsales au prix d’une position inconfortable aussi bien du doigt donneur que receveur, d’une nécessité de deux temps opératoires et d’un aspect esthétique disgracieux au site donneur. Ces inconvénients limitent le choix de cette technique. Le LIHCC permet grâce à son arc de rotation d’atteindre les zones les plus distales du doigt, de plus l’aspect esthétique du doigt dont l’ongle aurait été initialement avulsé peut être amélioré par une greffe secondaire du lit de l’ongle après une désépidermisation du lambeau [18]. Selon Oberlin [1], ce lambeau est utilisé pour la couverture des PDS cutanées dorsales au niveau de la deuxième et troisième phalange. Il n’est pas indiqué de première intention, mais il constitue une solution de sauvetage devant la contre-indication des solutions classiques. Devant une amputation digitale avec impossibilité de replantation, la confection d’un moignon s’avère indispensable, c’est dans une telle situation que le lambeau en îlot homodigital trouve sa place puisqu’il évite davantage le raccourcissement digital et offre un bon matelassage avec une resensibilisation ultérieure du moignon. La réalisation d’un tel lambeau sur le doigt à la fois site donneur et receveur permet une mobilisation précoce et permet de respecter l’intégrité des autres doigts. Dans l’atteinte pluridigitale, la réalisation de ce type d’autoplastie sur un doigt ne contre-indique pas sa réalisation au niveau des doigts adjacents. Une double utilisation de ce lambeau au niveau de deux doigts adjacents a été rapportée par Kaleli et al. [20] à propos d’une série de cinq cas, avec des résultats satisfaisants. 253 Le LIHCC présente quelques inconvénients et de multiples avantages. Il s’agit en faite d’une technique difficile, d’un temps opératoire relativement long et d’un risque de vasospasme de l’artère digitale surtout dans la variante à pédicule exclusivement vasculaire où le retour veineux est parfois insuffisant. 6. Conclusion Malgré ses quelques inconvénients (sacrifice d’une artère digitale, caractère insensible) comparés à ses multiples avantages, le LIHCC est une méthode intéressante pour la couverture des PDS cutanées digitales distales en particulier dorsales. La réalisation d’un tel lambeau exige l’intégrité des deux artères digitales et de leur anastomose moyenne. Au niveau pulpaire l’indication de ce lambeau n’est pas de première intension vue son caractère insensible. La possibilité d’une resensibilisation secondaire de cette autoplastie digitale pousse certains à l’utiliser dans la reconstruction pulpaire devant l’épuisement des autres solutions (lambeau sensible). Conflit d’intérêt Aucun. Références [1] Oberlin C. A reversed digital artery island flap the treatment of fingertip injuries. Letters to the editor. J Hand Surg 1994;19:342–3. [2] Brunelli F, Mathoulin C. Présentation d’un nouveau lambeau en îlot homodigital sensible à contre-courant. Ann Chir Main 1991;10:48–53. [3] Kwang Seog Kim. et al. Fingertip reconstruction using a volar flap based on the transverse palmar branch of the digital artery. Ann Plast Surg 2001;47:263–8. [4] Zbrdowski A, Gajisin S, Grodecki J. The anatomy of the digitopalmar arches. J Bone Joint Surg 1981;63:108–13. [5] Niranjan NS, Armstrong JR. A homodigital reverse pedicle island flap in soft tissue reconstruction of the finger and the thumb. J Hand Surg [Br] 1994;19:135–41. [6] Edwards EA. 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